Contrefaçon : 20 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/02044

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Contrefaçon : 20 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/02044
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2023

(n°142, 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02044 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFD57

Décision déférée à la Cour : jugement du 11 janvier 2022 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 3ème section – RG n°18/10274

APPELANT

M. [L] [I]

Né le 21 octobre 1960 à [Localité 7]

De nationalité française

Exerçant la profession de gérant de société

Demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Gautier KAUFMAN de l’association HOLLIER-LAROUSSE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque P 362

INTIMEES

S.A.S. CM CREATION, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Immatriculée au rcs de Rennes sous le numéro 379 485 675

S.E.L.A.R.L. AJIRE, représentée par Me [K] [Y], prise en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de la S.A.S. CM CREATION

[Adresse 5]

[Localité 4]

Immatriculée au rcs de Rennes sous le numéro 522 104 041

S.E.L.A.R.L. ATHENA, représentée par Me [H] [R], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire de la S.A.S. CM CREATION

[Adresse 2]

Et

[Adresse 3]

[Localité 4]

Immatriculée au rcs de Rennes sous le numéro 802 989 699

Représentées par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque P 0240

Assistées de Me Pierre LE MOING plaidant pour CARCREFF CONTENTIEUX D’AFFAIRES, avocat au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 juin 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 11 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Paris qui a :

– rejeté la demande de la société CM Création en nullité de la saisie-contrefaçon,

– constaté la substitution du brevet français enregistré sous le numéro 15 02077 par le brevet européen publié sous le numéro EP 3 154 048 B1, à l’exception de sa revendication 1,

– annulé la revendication 1 dudit brevet français, et constaté que la demande de nullité est sans objet pour le surplus,

– annulé intégralement la partie française dudit brevet européen,

– ordonné la transmission à l’INPI de la présente décision, un fois passée en force de chose jugée, à l’initiative de la partie la plus diligente, aux fins d’inscription au registre des brevets,

– rejeté les demandes de M. [I] en constat d’une créance de dommages et intérêts, publication, rappel de produits, interdiction,

– condamné M. [I] aux dépens ainsi qu’à payer 8 000 euros à la société CM Création au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– écarté l’exécution provisoire de la présente décision, mais uniquement en ce qui concerne sa transcription au registre des marques, et la maintient pour tout le reste,

Vu l’appel interjeté le 24 janvier 2022 par M. [I],

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 octobre 2022 par M. [I], appelant, qui demande à la cour, en ces termes, de :

– débouter les intimés de leur fin de non-recevoir, déclarer l’action de M. [I] recevable,

– dire que les opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 23 juillet 2018 dans les locaux de la société CM Création sont parfaitement valables, en conséquence, débouter intégralement les intimés de leurs demandes tendant notamment à « annuler les opérations de saisie-contrefaçon », « dire que le procès-verbal de saisie-contrefaçon est entaché d’une irrégularité de fond » et « dire que le procès-verbal de saisie est inopposable aux sociétés CM Création, Ajire ès qualités d’administrateur judiciaire et Athena ès qualités de mandataire judiciaire »,

– infirmer le jugement rendu 11 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il :

– annule la revendication 1 dudit brevet français et constate que la demande en nullité est sans objet pour le surplus,

– annule intégralement la partie française dudit brevet européen,

– rejette les demandes de M. [I] en constat d’une créance de dommages et intérêts, publication, rappel de produits, interdiction,

– condamne M. [I] aux dépens ainsi qu’à payer 8 000 euros à la société CM Création au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire que le tribunal en se fondant sur des traductions non débattues des brevets et en proposant d’office sa propre définition de l’homme du métier sans inviter les parties à en débattre a violé le principe du contradictoire, infirmer en conséquence le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du brevet français et n°1502077 et la partie française du brevet européen n°EP 31540,

– dire que la revendication n°1 du brevet français n°1502077 et la partie française du brevet européen EP 3154048 sont valables et infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé leur nullité,

– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré l’assignation en intervention forcée à l’encontre du mandataire judiciaire et de l’administrateur judiciaire de la société CM Création recevable,

– déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable à la société Ajire représentée par Me [Y] ès qualité d’administrateur de la société CM Création et à la société Athena représentée par Me [R] ès qualité de mandataire judiciaire de la société CM Création,

– dire et juger que la société CM Création représentée par la société Ajire représentée par Me [Y] ès qualités d’administrateur de la société CM Création et la société Athena représentée par Me [R] ès qualités de mandataire judiciaire de la société CM Création, s’est, par la détention, l’offre à la vente, la mise dans le commerce de produits couverts par les revendications n°1 du brevet français n°1502077 et par les revendications n°1, 3, 5, 6, 7 et 9 de la partie française du brevet européen EP 3 154048 dont est titulaire M. [I], rendue coupable de contrefaçon des dites revendications des brevets précités,

– dire et juger que les agissements précités portent atteinte aux droits de M. [I] au sens des articles L.613-3 et L.615-1 du code de la propriété intellectuelle,

– en conséquence, fixer au passif de la société CM Création représentée par la société Ajire représentée par Me [Y] ès qualités d’administrateur judiciaire de la société CM Création et la société Athena représentée par Me [R] ès qualités de mandataire judiciaire de la société CM Création à verser (sic) à M. [I] la somme de 600 00,00 (sic) euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon quitte à parfaire,

– condamner solidairement (sic) la société Ajire représentée par Me [Y] ès qualités d’administrateur judiciaire de la société CM Création « des condamnations au titre de la contrefaçon » des revendications n°1, 2, 4, 6, 7, 8 et 10 du brevet français n°1502077 et des revendications n°1, 3, 5, 6, 7 et 9 de la partie française du brevet européen EP 3 154048 dont M. [I] est titulaire à hauteur de 97 500,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la commercialisation des dispositifs argués de contrefaçon quitte à parfaire,

– condamner la société Ajire représentée par Me [Y] ès qualités d’administrateur judiciaire de la société CM Création « des condamnations au titre de la contrefaçon » des revendications n°1, 2, 4, 6, 7, 8 et 10 du brevet français n°1502077 et des revendications n°1, 3, 5, 6, 7 et 9 de la partie française du brevet européen EP 3 154048 dont M. [I] est titulaire à hauteur de 258 750 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’importation et la détention des dispositifs argués de contrefaçon quitte à parfaire (sic),

– autoriser M. [I] à faire publier dans 3 titres de presse (magazine, journaux, revues) de son choix un extrait de l’arrêt à intervenir aux frais avancés de la société CM Création représentée par la société Ajire représentée par Me [Y] ès qualités d’administrateur de la société CM Création et la société Athena représentée par Me [R] ès qualités de mandataire judiciaire de la société CM Création, le coût global des publications ne pouvant excéder la somme de 60 000 euros HT, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de 30 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

– ordonner, en application des dispositions de l’article L.615-7-1 du code de la propriété intellectuelle que les produits contrefaisants soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits et détruits sous contrôle d’huissier, aux frais avancés de la société CM Création représentée par la société Ajire représentée par Me [Y] ès qualités d’administrateur de la société CM Création et la société Athena représentée par Me [R] ès qualités de mandataire judiciaire de la société CM Création qui devra en justifier au requérant, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de 30 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

– interdire à la société CM Création représentée par la société Ajire représentée par Me [Y] ès qualités d’administrateur de la société CM Création et la société Athena représentée par Me [R] ès qualités de mandataire judiciaire de la société CM Création toute utilisation, détention, commercialisation, importation ou exportation des produits couverts par les revendications du brevet français n°1502077 et de la partie française du brevet européen EP 3 154048 directement ou indirectement en totalité ou en partie dont M. [I] est l’inventeur, et ce sous astreinte définitive de 5 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, et sous la même astreinte € (sic) par infraction constatée, la détention de chaque exemplaire du produit litigieux constituant une infraction,

– condamner la société CM Création représentée par la société Ajire représentée par Me [Y] ès qualités d’administrateur de la société CM Création et la société Athena représentée par Me [R] ès qualités de mandataire judiciaire de la société CM Création à payer à M. [I] l’intégralité des frais de la saisie-contrefaçon tant les frais d’huissier, que de conseil en propriété industrielle sur la base des factures à produire par l’appelant,

– condamner solidairement la société CM Création représentée par la société Ajire représentée par Me [Y] ès qualités d’administrateur de la société CM Création, et la société Athena représentée par Me [R] ès qualités de mandataire judiciaire de la société CM Création et la société Ajire représentée par Me [Y] ès qualités d’administrateur de la société CM Création à payer à M. [I] la somme de 30 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à l’intégralité des frais de la saisie-contrefaçon,

– dire que les condamnations prononcées à la charge de la société CM Création représentée par la société Ajire représentée par Me [Y] ès qualités d’administrateur de la société CM Création et la société Athena représentée par Me [R] ès qualités de Mandataire judiciaire de la société CM Création la SELAFA MJA seront inscrites au passif de la société CM Création,

– condamner solidairement la société CM Création représentée par la société Ajire représentée par Me [Y] ès qualité d’administrateur de la société CM Création et la société Athena représentée par Me [R] ès qualités de mandataire judiciaire de la société CM Création et la société Ajire représentée par Me [Y] ès qualités d’administrateur de la société CM Création aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Gautier Kaufman, avocat aux offres de droit,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 22 juillet 2022 par les sociétés les sociétés CM Création, Ajire et Athena, intimées, qui demandent à la cour de :

A titre liminaire (sic) sur la fin de non-recevoir,

– réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 11 janvier 2022 en ce qu’il a jugé recevables les demandes exposées par M. [I] à l’encontre de la société CM Création, la société Ajire et la société Athena,

Statuant à nouveau,

– constater que l’action engagée par M. [I] est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective à l’encontre de la société CM Création,

– juger que l’action engagée par M. [I] tend au paiement d’une somme d’argent,

– déclarer irrecevable l’action engagée par M. [I] à l’encontre de la société CM Création,

– déclarer irrecevable M. [I] en son assignation en intervention forcée à l’encontre de la société Athena ès-qualités de mandataire judiciaire de la société CM Création et de la société Ajire ès-qualités d’administrateur judiciaire,

En conséquence,

– débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes,

Sur la nullité des opérations de saisie-contrefaçon

– réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 11 janvier 2022 en ce qu’il a rejeté les demandes de la société CM Création en nullité de la saisie-contrefaçon

Statuant à nouveau,

– juger que la requête déposée le 5 juillet 2018 par M. [I] ne concerne pas la société Athena ès qualités de mandataire judiciaire et la société Ajire ès qualités d’administrateur judiciaire,

– juger que l’ordonnance du président du tribunal de Grande instance de Paris est entaché(e) de nullité,

– annuler les opérations de saisie-contrefaçon,

– juger que le procès-verbal de saisie-contrefaçon n’a pas été signifié à l’administrateur judiciaire et au mandataire judiciaire,

– En conséquence, juger que le procès-verbal de saisie-contrefaçon est entachée d’une irrégularité de fond,

– juger en tout état de cause que l’huissier ayant effectué les opérations de saisie-contrefaçon n’a effectué aucune constatation personnelle sur l’objet litigieux,

– prononcer la nullité des opérations de saisie-contrefaçon pratiquées dans les locaux de la société CM Création le 23 juillet 2018,

– juger en tout état de cause que le procès-verbal de saisie est inopposable aux sociétés CM Création, Ajire ès qualités d’administrateur judiciaire et Athena es-qualités de mandataire judiciaire,

– écarter des débats les pièces 12 à 12-9 produites par M. [I] résultant de la saisie-contrefaçon pratiquée dans les locaux de la société CM Création le 23 juillet 2018,

– juger que M. [I] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’une contrefaçon,

– débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes à ce titre,

Reconventionnellement, sur la demande de nullité des brevets

– confirmer jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 11 janvier 2022 en ce qu’il a :

– constaté la substitution du brevet français enregistré sous le numéro 15 02077 par le brevet européen publié sous le numéro EP 3154 048 B1, à l’exception de sa revendication 1,

– annulé la revendication n°1 dudit brevet français et constaté que la demande de nullité est sans objet pour le surplus,

– annulé intégralement la partie française dudit brevet européen,

– ordonné la transmission à l’INPI de la présence décision, une fois passée en force de chose jugée, à l’initiative de la partie de la plus diligente, aux fins d’inscription au registre de brevets,

– rejeté les demandes de M. [I] en constat d’une créance de dommage et intérêts, publication, rappel de produit, interdiction.

Subsidiairement sur l’absence de contrefaçon,

– juger que le mode de fixation déposé par M. [I] implique à la fois que la plaque avant soit constituée d’une seule pièce et que les lamelles traversent cette plaque par des saignées qui y sont pratiquées,

– juger que le mode de fixation utilisé dans les cadres saisis dans les locaux de la société CM Création est différent de celui déposé par M. [I], en ce que :

– la plaque avant n’est pas constituée d’un seul tenant mais par juxtaposition de petites plaques,

– les lamelles ne viennent pas « traverser » la plaque avant mais se loger dans les interstices existants entre les bords latéraux des différentes plaques avant,

– juger que la société CM Création n’a en conséquence commis aucun acte de contrefaçon au préjudice de M. [I],

En conséquence,

– débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes de dommage et intérêts, publication, rappel de produit, interdiction, au titre d’une prétendue contrefaçon,

Sur la responsabilité de la société Ajire, ès qualités d’administrateur judiciaire de la société CM Création,

– juger que M. [I] ne peut formuler aucune demande de condamnation à l’encontre de la société Ajire,

En conséquence,

– débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes à l’égard de la société Ajire ès qualités d’administrateur judiciaire de la société CM Création,

A titre infiniment subsidiaire, sur le préjudice

– juger que le bénéfice réalisé par la société CM Création ne peut être supérieur à la somme totale de 8 228,90 euros pour les ventes réalisées avant et après le 6 juin 2018,

– juger que M. [I] ne rapporte pas la preuve d’avoir été privé de vente et donc d’un gain manqué ou d’une perte subie,

En conséquence,

– débouter M. [I] de sa demande de fixation au passif de la société CM Création de la somme de 600 000 euros de dommages-intérêts,

– débouter M. [I] de sa demande de voir condamné solidairement la société Ajire ès qualités d’administrateur judiciaire de la société CM Création à la somme de 97 500 euros au titre de dommages-intérêts,

– débouter M. [I] de sa demande de voir condamné la société Ajire ès qualités d’administrateur judiciaire à la somme de 258 750 euros à titre de dommages intérêts,

– débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes de dommage et intérêts, publication, rappel de produit, interdiction, au titre d’une prétendue contrefaçon,

En toutes hypothèses,

– condamner M. [I] à verser à la société CM Création la somme de

15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le même aux dépens,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 12 janvier 2023 ;

SUR CE,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que M. [I] est titulaire :

– d’un brevet français n°1 502 077 (ci-après « le brevet FR 077) ayant pour titre « Dispositif formant affiche triple », déposé le 6 octobre 2015, publié le 7 avril 2017 et délivré le 20 avril 2018, dont les annuités ont été régulièrement payées,

– d’un brevet européen EP 3 154 048 (ci-après « le brevet EP 48) ayant également pour titre, « Dispositif formant affiche triple », déposé le 9 septembre 2016 sous priorité du brevet FR 077, publié le 12 avril 2017 et délivré le 4 mars 2020, dont les annuités ont été régulièrement payées.

Indiquant avoir découvert lors d’un salon Maison & Objet à [Localité 8] tenu en septembre 2017 et janvier 2018 que la société CM Création commercialisait des cadres reproduisant les caractéristiques revendiquées par les brevets dont il est titulaire, M. [I] a mis en demeure cette dernière de cesser ces agissements par courrier du 26 mars 2018 qui a été suivi de plusieurs échanges. Ceux-ci n’ayant pas abouti, M. [I] a fait pratiquer une saisie-contrefaçon le 23 juillet 2018 avant de faire assigner la société CM Création le 23 août 2018, en contrefaçon des brevets devant le tribunal judiciaire de Paris.

La société CM Création a été placée en redressement judiciaire le 6 juin 2018, et un plan de redressement a été adopté le 29 novembre 2019.

M. [I] a mis en cause le mandataire et l’administrateur judiciaires le 28 septembre 2018, et, ayant déclaré tardivement sa créance le 17 septembre 2018, a été relevé de la forclusion par décision du juge commissaire du 12 mars 2019.

Sur opposition de la société CM Création, le tribunal de commerce de Rennes a « confirmé » cette ordonnance selon jugement du 17 septembre 2019.

Par ordonnance du 25 novembre 2020, le juge commissaire a sursis à statuer dans l’attente du jugement du tribunal judiciaire de Paris concernant la contrefaçon alléguée et de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes concernant le relevé de forclusion du créancier.

Par arrêt du 22 février 2022 la cour d’appel de Rennes a confirmé le jugement rendu par le tribunal de Rennes le 17 septembre 2019.

C’est dans ces circonstances qu’a été rendu le jugement dont appel.

Sur la recevabilité des demandes de M. [I] formées à l’encontre des sociétés CM Création, AJIRE et Athena

Les sociétés intimées  font grief aux premiers juges d’avoir considéré comme recevables les demandes de M. [I] formées à leur à encontre et, en application des articles L.622-21 et L.622-2 du code de commerce, soulèvent l’irrecevabilité de ces demandes – tout en en sollicitant le rejet- dès lors que l’ action a été engagée, hors cadre de la procédure de vérification du passif, après le jugement d’ouverture de la procédure collective de la société CM Création et que le juge commissaire n’a fait que surseoir à statuer dans l’attente de l’issue dans procédures pendantes devant le tribunal judiciaire de Paris et la cour d’appel de Rennes.

M.[I] soutient quant à lui que la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la procédure relève de la compétence de conseiller de la mise en état qui est seul compétent pour statuer sur la recevabilité de l’appel (sic) qu’il s’agit d’une instance en cours au sens de l’article L. 622-22 du code de commerce  dès lors qu’il a déclaré sa créance et que les organes de la procédure ont été appelés à la cause et l’instance reprise, que « l’interprétation des dispositions légales par la société CM Création serait de nature à conférer à la société en redressement judiciaire une immunité procédurale, laquelle n’est pas conforme à l’égalité de tous devant la loi », enfin qu’il sollicite des mesures d’interdiction et de publication qui ne tendent pas au paiement d’une somme d’argent et que « son action est fondée pour voir fixer sa créance et engager la responsabilité de l’administrateur judiciaire de la société CM Création s’agissant des faits postérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective ».

Aucune exception d’incompétence de la cour au profit du conseiller de la mise en état ne figurant au dispositif des dernières écritures de l’appelant, il n’y a pas lieu de statuer sur ce point sauf à constater que le tribunal a statué sur la fin de non-recevoir invoquée par les intimées et qu’en conséquence la cour est saisie de l’entier litige par l’effet dévolutif de l’appel.

Aux termes de l’article L.622-21 I 1° du code de commerce le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent (‘).

Selon l’article L.622-22 du même code : « Sous réserve des dispositions de l’article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan nommé en application de l’article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ».

En l’espèce, la société CM Création a été placée en redressement judiciaire le 6 juin 2018, un plan de redressement a été adopté le 29 novembre 2019 et M. [I] a fait assigner la société CM Création en contrefaçon de brevets devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris le 23 août 2018. Il ne peut donc sérieusement soutenir que la procédure était engagée antérieurement au jugement d’ouverture et qu’il s’agit d’une procédure en cours au sens des dispositions de l’article L. 622-22 du code de commerce dont il convient de rappeler le caractère d’ordre public. En conséquence, la demande ainsi libellée au dispositif des dernières écritures de l’appelant tendant à voir « fixer au passif de la société Création à verser à M. [I] la somme de 600 00,00 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon sauf à parfaire » est irrecevable.

De la même manière, sont soumises à l’arrêt des poursuites, et donc irrecevables, la demande de fixation d’une astreinte assortissant une demande d’interdiction pour des faits antérieurs au jugement d’ouverture et la demande de publication de l’arrêt à intervenir qui n’est destinée qu’à obtenir une indemnisation supplémentaire du préjudice allégué.

Si le principe d’interdiction des poursuites tel qu’édicté par les dispositions susvisées ne s’applique pas aux faits de contrefaçon qui seraient postérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective, en l’espèce M. [I] ne sollicite aucune condamnation contre la société CM Création pour ces faits et poursuit en condamnation la société Ajire représentée par Me [Y] ès qualités d’administrateur judiciaire de ladite société.

Pour autant la cour reste saisie de la demande d’infirmation du jugement en ce qu’il a annulé les brevets dont M. [I] est titulaire.

Sur la portée des brevets FR 077 et EP 048

Sur le brevet français n°FR 077

Le brevet FR 077 est intitulé « Dispositif formant affiche triple ».

L’invention concerne des dispositifs de présentation d’images, dessins, photographies ou analogues, par exemple des panneaux d’affichage, notamment publicitaires ou urbains, des tableaux ou analogues.

La description indique que l’on connait déjà dans l’art antérieur des dispositifs permettant de présenter trois affiches différentes, l’une vue de la gauche, l’une vue de face et l’autre vue de la droite ou une même affiche suivant trois orientations, pour présenter un même dessin, motif, photographie ou analogue dont le champ de vision à partir duquel on peut le voir ou le contempler est agrandi par rapport à une affiche simple classique. Les lamelles y sont réalisées par découpe d’une feuille avant collée à une feuille arrière à leur périphérie respective, les parties ainsi découpées formant des volets destinés à être pivotés et pliés pour former les lamelles issues du panneau central formé par la feuille arrière.

Il est ajouté que ces affiches triples sont fastidieuses à fabriquer, ne pouvant être réalisées que manuellement, notamment en raison de l’opération de pliage du volet le long d’une ligne de pliage et que la visibilité des trois affiches n’est pas bonne.

L’invention vise à surmonter ces inconvénients en proposant un dispositif formant affiche triple qui soit simple à fabriquer et dont les trois affiches, destinées à être vues respectivement de la gauche, de la droite et de face, présentent une grande netteté.

La partie descriptive développe divers modes de réalisation de l’invention.

Selon l’invention, le dispositif de présentation d’image formant une affiche triple, comportant un panneau de base, constitué d’une plaque de fond ou arrière et d’une plaque avant sur laquelle est présentée une affiche centrale destinée à être vue en étant face au panneau de base ; et au moins une lamelle, de préférence une pluralité de lamelles faisant saillies de la plaque avant en étant à distance les unes des autres, chaque lamelle portant sur une face gauche une sous affiche gauche respective et sur une face droite une sous affiche droite respective de sorte que l’ensemble des sous affiches gauches forment une affiche gauche destinée à être vue de la gauche du panneau de base et l’ensemble des sous affiches droites forment une affiche droite destinée à être vue de la droite du panneau de base, est caractérisé en ce que les lamelles pénètrent par leur bord arrière dans le panneau de base au-delà de la plaque avant, notamment en venant en butée contre la plaque arrière.

A cette fin, le brevet se compose de 10 revendications pour lesquelles les parties s’accordent à dire que le tribunal a, à juste titre, considéré que le brevet EP 048, dans ses revendications 2 à 10 s’est substitué à l’exception de la revendication 1 qui subsiste et dont la teneur suit :

1. Dispositif de présentation d’image formant une affiche triple, comportant un panneau de base, constitué d’une plaque arrière ou de fond et d’une plaque avant sur laquelle est présentée une affiche centrale destinée à être vue en étant face au panneau de base ; et au moins une lamelle, de préférence une pluralité de lamelles faisant saillies de la plaque avant en étant à distance les unes des autres, chaque lamelle portant sur une face gauche une sous affiche gauche respective et sur une face droite une sous affiche droite respective de sorte que l’ensemble des sous affiches gauches forment une affiche gauche destinée à être vue de la gauche du panneau de base et l’ensemble des sous affiches droites forment une affiche droite destinée à être vue de la droite du panneau de base, caractérisé en ce que la ou chaque lamelle pénètre par son bord arrière dans le panneau de base en traversant la plaque avant.

Sur le brevet européen EP 048

Le brevet EP 048 concerne la même invention. En application de l’article L.614-13 du code de la propriété intellectuelle, il se substitue au brevet FR 077 à l’exception de sa revendication 1 qui n’est pas reprise, la revendication 1 du brevet EP 048 correspondant à la revendication 2 du brevet FR 077. Il comporte 9 revendications dont seules sont opposées les revendications 1, 3, 5, 6, 7 et 9 de la partie française dont la teneur suit :

1.Dispositif de présentation d’image formant une affiche triple, comportant un panneau de base, constitué d’une plaque arrière ou de fond et d’une plaque avant sur laquelle est présentée une affiche centrale destinée à être vue en étant face au panneau de base ; et une pluralité de lamelles faisant saillies de la plaque avant en étant à distance les unes des autres, chaque lamelle portant sur une face gauche une sous affiche gauche respective et sur une face droite une sous affiche droite respective de sorte que l’ensemble des sous affiches gauches forment une affiche gauche destinée à être vue de la gauche du panneau de base et l’ensemble des sous affiches droites forment une affiche droite destinée à être vue de la droite du panneau de base, caractérisé en ce chaque lamelle pénètre par son bord arrière dans le panneau de base en traversant la plaque avant, chaque lamelle venant buter par son bord arrière contre la plaque arrière.

3. Dispositif suivant la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que la plaque avant est une feuille de PVC.

5. Dispositif suivant l’une des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que l’affiche centrale est réalisée sous la forme d’une pluralité de sous affiches centrales disposées les unes à côté des autres en laissant entre elles un interstice correspondant à l’endroit où les lamelles traversent la plaque avant.

6. Dispositif suivant les revendications 4 et 5, caractérisé en ce que les fentes sont formées dans les interstices, notamment sur toute la largeur des interstices.

7. Dispositif suivant l’une des revendications 1 à 6, caractérisé en ce que chaque lamelle est verticale, et notamment de section rectiligne.

9. Dispositif suivant l’une des revendications 1 à 8, caractérisé en ce que les lamelles ont une épaisseur de 0,5mm a 2,0mm.

Sur la validité des brevets FR 077 et EP 048

M. [I] fait grief au tribunal d’avoir annulé la revendication 1 du brevet français FR 077 ainsi que l’intégralité de la partie française du brevet européen EP 048. Il fait valoir, pour solliciter l’infirmation du jugement, d’une part qu’en se fondant sur des traductions non débattues des brevets et en proposant d’office sa propre définition de l’homme du métier sans inviter les parties à en débattre, le tribunal a violé le principe du contradictoire, et d’autre part, que les antériorités opposées ne sont pas pertinentes pour détruire tant la nouveauté que l’activité inventive des brevets dont il est titulaire dès lors que les différents offices qui ont eu à en connaitre les ont écartés. Il fait valoir qu’aucun des documents opposés ne divulgue la caractéristique consistant à faire traverser la plaque avant par la lamelle ni que chaque lamelle ne vienne buter, après avoir traversé la plaque avant, par son bord arrière contre la plaque arrière pour en conclure que la revendication 1 tant du brevet français que du brevet européen et les revendications dépendantes sont nouvelles par rapport aux documents Miller US 922015 et Brett GB 1054, et porteuses d’activité inventive au regard de la combinaison de ces deux documents.

Les sociétés intimées concluent à la confirmation du jugement ayant annulé la revendication 1 du brevet français FR 077 et l’intégralité de la partie française dudit brevet européen EP 048. Elles font valoir que M. [I] ne fait que reprendre un procédé de cadres optiques triples ou tricénorama connu de longue date dans l’histoire de l’art dont elles donnent des illustrations dans leurs dernières écritures et opposent trois antériorités à savoir un brevet Miller du 18 mai 1909, un brevet Brett du 4 décembre 1913 et un brevet Buesher du 24 juillet 1934. Elles s’approprient les observations de l’INPI pour soutenir que les revendications 1, 2 à 6 (sic) du brevet FR 077 doivent être annulées pour défaut de nouveauté et d’activité inventive au regard de l’antériorité Miller et que le « brevet français » doit être annulé pour défaut d’activité inventive au regard de ce même brevet Miller ; elles s’approprient également l’opinion de l’OEB pour soutenir que le brevet EP 048 doit être annulé pour défaut d’activité inventive sans plus de développements ; in fine elles reprennent les motifs du tribunal ayant annulé les brevets français et européen dont M. [I] est titulaire pour défaut d’activité inventive au regard de la combinaison des antériorités Miller et Brett.

Concernant l’homme du métier, l’appelant fait grief au tribunal d’en avoir « relevé d’office » la définition comme étant un spécialiste des dispositifs de présentation des affiches triples, c’est-à-dire des dispositifs de présentation présentant des images différentes selon le point de vue de l’observateur, tout en indiquant que cette définition n’appelle pas d’observation de sa part. Les intimés font valoir que la définition de l’homme de métier retenue par le tribunal pourra être utilement reprise par la cour. En conséquence l’homme du métier sera considéré en l’espèce comme étant un spécialiste des dispositifs de présentation des affiches triples, c’est-à-dire des dispositifs de présentation présentant des images différentes selon le point de vue de l’observateur.

Par ailleurs, si le jugement est critiqué en ce que les premiers juges ont traduit eux-mêmes les documents produits en langue anglaise, il n’en est tiré par l’appelant aucune conséquence juridique autre qu’une demande d’infirmation du jugement alors que devant la cour, les traductions desdits documents, qui ne sont pas contestées, ont été soumises à la contradiction.

Il n’y a donc pas lieu d’infirmer le jugement pour ces premiers motifs.

Selon l’article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle : « Sont brevetables dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle, si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique ».

L’article L. 611-11 du code de la propriété intellectuelle dispose que :

« Une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique.

L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.

Est également considéré comme compris dans l’état de la technique le contenu de demandes de brevet français et de demandes de brevet européen ou international désignant la France, telles qu’elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au second alinéa du présent article et qui n’ont été publiées qu’à cette date ou qu’à une date postérieure (‘) ».

Pour être comprise dans l’état de la technique et privée de nouveauté, l’invention doit se trouver toute entière et dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent, dans la même forme, avec le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique.

Selon l’article L. 611-14 du même code :

« Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique. Si l’état de la technique comprend des documents mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 611-1, ils ne sont pas pris en considération pour l’appréciation de l’activité inventive ».

Aux termes de l’article L.614-12 du code de la propriété intellectuelle, « la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l’un quelconque des motifs visés à l’article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich. Si les motifs de nullité n’affectent le brevet qu’en partie, la nullité est prononcée sous la forme d’une limitation correspondante des revendications ».

Selon l’article 138 § 1 a) de la Convention sur le Brevet Européen, « Sous réserve de l’article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un état contractant, que si l’objet du brevet européen n’est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ».

Selon l’article 54 de la CBE « une invention est considéré comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique.

L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.

Est également considéré comme compris dans l’état de la technique le contenu de demandes de brevet français et de demandes de brevet européen ou international désignant la France, telles qu’elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au paragraphe 2 et qui n’ont été publiées qu’à cette date ou qu’à une date postérieure (‘) ».

Il est constant que pour être comprise dans l’état de la technique et privée de nouveauté, l’invention doit se trouver toute entière et dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent, dans la même forme, avec le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique.

Selon l’article 56 de la CBE, « une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique (…) ».

Pour apprécier l’activité inventive d’un brevet, il convient de déterminer d’une part, l’état de la technique le plus proche, d’autre part le problème technique objectif à résoudre et enfin d’examiner si l’invention revendiquée aurait été évidente pour l’homme du métier.

Sur le défaut de nouveauté

M. [I] ne revendique pas un monopole sur une affiche triple, connue de l’art antérieur comme l’indique la partie descriptive des brevets en cause, mais bien sur les caractéristiques revendiquées. En conséquence, les cadres optiques triples reproduits dans les écritures des sociétés intimées, sans aucune analyse de leurs contenus et caractéristiques ni certitude quant à leurs dates, ne sont pas de nature à détruire la nouveauté des brevets litigieux.

De même si les intimées opposent un brevet Buesher du 24 juillet 1934 à titre d’antériorité, force est de constater que leurs dernières conclusions devant la cour ne contiennent aucun moyen en ce sens. Ce document n’est donc pas susceptible de détruire la nouveauté des brevets opposés dans le cadre du présent litige.

Le document Miller US 922 015 du 18 mai 1909 est produit en langue anglaise non traduite par les sociétés intimées qui donnent néanmoins une traduction issue de l’opinion écrite de l’INPI qui n’est pas contestée et selon laquelle il divulgue un :

« Dispositif de présentation d’image formant une affiche triple (figure 1), comportant un panneau de base, constitué d’une plaque (D) arrière ou de fond et d’une plaque (A) avant sur laquelle est présentée une affiche centrale destinée à être vue en étant face au panneau de base ; et au moins une lamelle (E-3), de préférence une pluralité de lamelles faisant saillies de la plaque (A) avant en étant à distance les unes des autres, chaque lamelle (B) portant sur une face gauche une sous affiche gauche respective et sur une face droite une sous affiche droite respective de sorte que l’ensemble des sous affiches gauches forment une affiche gauche destinée à être vue de la gauche du panneau de base et l’ensemble des sous affiches droites forment une affiche droite destinée à être vue de la droite du panneau de base [page 1, lignes 9-19] où chaque lamelle (B) pénètre par son bord arrière dans le panneau de base au-delà de la plaque [A] avant [page 1, lignes 58-60], notamment en venant en butée contre la plaque (D) arrière (figure 5) ».

Les sociétés intimées se contentent de reprendre cette revendication ainsi traduite par l’INPI sans l’analyser. Il n’est en conséquence aucunement démontré que ce document constitue une antériorité de toute pièce destructrice de la nouveauté de la revendication 1 du brevet FR 077.

S’agissant du brevet EP 048, malgré l’affirmation selon laquelle celui-ci, comme le brevet français, ne peut faire l’objet de protection en ce qu’il est dénué de tout caractère nouveau, les écritures des intimées ne contiennent aucune démonstration quant à l’absence de nouveauté.

En conséquence il n’est pas démontré que la revendication n°1 du brevet [I] et que les revendications opposées du brevet européen ne sont pas nouvelles par rapport au document Miller.

Sur le défaut d’activité inventive

Qu’il s’agisse du brevet FR 077 ou du brevet EP 048, les sociétés intimées qui se contentent de citer à ce titre les opinions de l’INPI et de l’OEB ne démontrent pas dans leurs dernières écritures, en quoi chacun des documents Miller et Brett pris séparément serait de nature à détruire l’activité inventive des brevets dont M. [I] est titulaire, leur seule démonstration étant relative au défaut d’activité inventive des brevets en cause résultant de la combinaison des documents Miller et Brett.

Il résulte de la traduction figurant dans les écritures des intimées, qui n’est pas contestée, que dans le brevet Miller, le déposant a revendiqué ce qui suit :

«1. Dans un panneau multiple, la combinaison d’une série de bandes avec les bords opposés pliés de façon transversale en des brides parallèles, et placées côte à côte avec les brides à l’arrière, des bandes ou lamelles transversales placées entre les brides transversales, et un moyen de fixer ensemble les brides et les bandes ».

Le document Miller doit être considéré comme l’état de la technique le plus proche. Il présente, comme les brevets [I], un dispositif de présentation d’image formant une affiche triple selon l’angle de vue. Les figures jointes au document montrent que la fixation des lamelles perpendiculaires à l’image de fond se fait par un système d’emboitement grâce à des plaques ou bandes qui constituent également l’image de fond, et dont les rebords ou brides, de chaque côté s’emboitent les uns dans les autres, l’un des rebords étant simple et l’autre replié en U (revendication 2 dont la traduction figure dans les écritures des intimées).

Pour autant, dans ce dispositif, les bandes transversales s’enfoncent dans l’épaisseur formée par les éléments composant l’image de fond et les bords longs sont repliés pour former des brides ou des rebords créant cette épaisseur, ainsi que l’a à juste titre relevé le tribunal.

Le document Brett de 1913 dont la traduction figurant dans les écritures des intimées n’est pas plus contestée, est également relatif à un dispositif d’affiche triple. Il protège un procédé consistant à faire passer les bandes perpendiculaires à travers la feuille de fond. Les figures montrent que les lamelles transversales (ou plaques avant) traversent par des fentes la feuille de fond (ou plaque arrière).

Ainsi, l’homme du métier tel que ci-dessus défini, pouvait aisément, en partant du document Brett, faire traverser le panneau de base par les lamelles transversales en les insérant par leur bord arrière tel qu’enseigné par le brevet Miller.

La revendication 1 du brevet FR 077 est donc dépourvue d’activité inventive et en conséquence nulle.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la validité des revendications 1, 3, 5, 6, 7 et 9 de la partie française du brevet européen EP 048

La revendication 1 du brevet EP 048 ne diffère de la revendication 1 du brevet FR 77 que par 1’ajout de la caractéristique selon laquelle « chaque lamelle venant buter par son bord arrière contre la plaque arrière ».

Selon le paragraphe 6 de la description, faire buter les lamelles contre la plaque arrière améliore la netteté et la stabilité des affiches en empêchant tout mouvement notamment dû aux intempéries.

Or, les figures du brevet Brett montrent que les lamelles transversales viennent en appui contre la feuille du fond et cette solution n’est pas exclue par le brevet Miller dont la revendication 1 prévoit seulement de faire passer les lamelles transversales entre les plaques constituant le panneau de base.

Dès lors, l’avantage de fixer les lamelles contre la plaque arrière apparaît évident pour l’homme du métier.

La revendication 1 du brevet EP est donc dénuée d’activité inventive et partant doit être annulée.

Les revendications dépendantes du brevet EP 048 qui sont opposées se lisent comme suit :

3. Dispositif suivant la revendication 1 ou 2 caractérisé en ce que la plaque avant est une feuille en PVC.

Or le choix d’un matériau tel le PVC est d’usage courant pour l’homme du métier qui en connaît les avantages. Cette simple modification de construction du dispositif ne présente donc aucun caractère inventif.

5. Dispositif suivant l’une des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que l’affiche centrale est réalisée sous la forme d’une pluralité de sous affiches centrales disposées les unes à côté des autres en laissant entre elles un interstice correspondant à l’endroit où les lamelles traversent la plaque avant.

6. Dispositif suivant les revendications 4 et 5, caractérisé en ce que les fentes sont formées dans les interstices, notamment sur toute la largeur des interstices.

Ces caractéristiques 5 et 6 relatives à la réalisation de 1’af’che centrale sous la forme de sous-affiches séparées par un interstice correspondant aux fentes permettant aux lamelles de traverser la plaque découlent de façon évidente du document Miller qui prévoit de faire passer les lamelles dans les espaces entre les sous-plaques constituant l’affiche centrale.

7. Dispositif suivant l’une des revendications 1 à 6, caractérisé en ce que chaque lamelle est verticale, et notamment de section rectiligne.

La verticalité des lamelles existe dans 1’art antérieur.

9. Dispositif suivant l’une des revendications 1 à 8, caractérisé en ce que les lamelles ont une épaisseur de 0,5mm à 2, 0 mm.

Cette caractéristique ne fait que préciser l’épaisseur des lamelles et ne vise pas à la résolution d’un problème distinct. Elle n’implique donc en elle-même aucune activité inventive.

En définitive l’ensemble des revendications opposées du brevet EP 048 doivent être annulées pour défaut d’activité inventive. Le jugement sera donc aussi confirmé de ce chef.

Il en résulte que les demandes de M. [I] relatives aux faits de contrefaçon qui seraient postérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective doivent être rejetées comme étant privées de fondement, ce sans qu’il soit besoin de statuer sur la demande de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 23 juillet 2018 qui ne constitue qu’un moyen de preuve des faits allégués.

Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.

En outre M. [I] qui succombe sera condamné aux dépens d’appel.

Enfin les sociétés intimées ont dû engager en cause d’appel des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement dont appel sauf en ce qu’il a rejeté la demande de la société CM Création en nullité de la saisie-contrefaçon et rejeté les demandes de M. [I] en constat d’une créance de dommages intérêts, publication, rappel de produits, interdiction.

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes de M. [I] tendant à voir fixer sa créance au passif de la société CM Création et à obtenir des mesures accessoires, ainsi que ses demandes tendant à voir condamner la société Ajire, représentée par Me [Y], ès qualités d’administrateur judiciaire de la société CM Création, au paiement de diverses sommes.

Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de la société CM Création en nullité de la saisie-contrefaçon et sur les demandes en contrefaçon de M. [I].

Condamne M. [I] à verser à la société CM Création la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [I] aux dépens d’appel.

La Greffière La Présidente

 


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