Déloyauté du cadre dirigeant : la sanction du licenciement
Déloyauté du cadre dirigeant : la sanction du licenciement
Ce point juridique est utile ?

Un cadre dirigeant d’entreprise, par suite de la vente de toutes ses parts à son nouvel employeur, commet un acte de déloyauté particulièrement grave en conservant la gérance d’une autre société qui a une activité concurrente, sans en informer son employeur, et en violation des obligations de son contrat de travail.

Cet acte de déloyauté constitue une faute d’une gravité telle qu’elle imposait son départ immédiat, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis, s’agissant d’une déloyauté commise par un cadre dirigeant de l’entreprise, ex associé majoritaire et vendeur de ses parts à son nouvel employeur.


 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6 ARRÊT DU 19 Avril 2023 (n° 2023/ , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 22/01045 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFAG7 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Novembre 2005 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS RG n° 04/06383 APPELANT Monsieur [O] [D] [Adresse 4] [Localité 7] représenté par Me Olivier KHATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0619 INTIMÉES Association UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST [Adresse 3] [Localité 6] représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426 substituée par Me Alice BREVOST-MALLET, avocat au barreau de PARIS SELAFA MJA prise en la personne de Me [Y] [A] ès qualités de mandataire ad’hoc de la S.A.R.L. PUBDIRECT [Adresse 1] [Localité 5] non comparant, non représenté SELAFA MJA prise en la personne de Me [Y] [A] ès qualités de mandataire ad’hoc de la S.A.S. URSA MAIOR [Adresse 1] [Localité 5] non comparant, non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 février 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : – Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre – Madame Nadège BOSSARD, Conseillère – Monsieur Stéphane THERME, Conseiller Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats ARRET : – réputé contradictoire – par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. – signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

M. [O] [D], associé majoritaire de la société Pubdirect (SARL) a cédé toutes ses parts à la société Ursa maior (SA) le 24 juillet 2001. La société Pubdirect a employé M. [O] [D], né en 1954, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24 juillet 2001 en qualité de directeur associé, statut cadre dirigeant. Sa rémunération mensuelle brute moyenne s’élevait en dernier lieu à la somme de 9 739 €. La société Ursa maior (SAS) a absorbé la société Ursa maior (SA) le 15 juillet 2003. Par lettre notifiée le 23 février 2004, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 5 mars 2004. M. [D] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre notifiée le 1er avril 2004 ; la lettre de licenciement indique : « Les explications recueillies auprès de vous n’ont pas modifié notre appréciation de nos griefs à votre encontre, alors surtout qu’à l’issue de l’entretien préalable, vous avez une nouvelle fois, sans artifice de langage menacé de révéler et/ou d’imputer à la société qui vous emploie et au groupe Ursa Maior auquel elle appartient, des faits allégués de nature à porter atteinte à leur réputation ou à leur crédit professionnel notamment auprès de leurs clients, en vous prévalant d’un « dossier » que vous avez prétendu avoir constitué depuis que vous êtes devenu salarié de Pubdirect, pour obtenir de la société et de ses dirigeants des concessions financières à votre profit, qu’ils n’ont d’ailleurs aucune espèce de raison de vous consentir. C’est pourquoi, après examen approfondi des griefs (sic !), nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, pour les motifs suivants, dont la gravité rend impossible votre maintien dans l’entreprise. 1. Violation des articles 1 et 6 de votre contrat de travail Nous avons appris récemment que vous êtes gérant et associé d’une Société à Responsabilité Limitée dénommée « Four C », ayant son siège social [Adresse 2], qui exerce une activité concurrente de la nôtre, puisque son extrait Kbis décrit ainsi son activité : « Toutes opérations se rapportant à l’activité de conseil aux agences de publicité et promotion des ventes. » Cette situation, que vous ne nous avez évidemment jamais exposée, vous place en violation flagrante des dispositions de votre Contrat de Travail en date du 24 juillet 2001, et en particulier de ses Articles 1 et 6. L’Article 1 prévoit : « Monsieur [O] [D] accepte cet engagement et déclare formellement n’être lié à aucune entreprise. » L’Article 6 prévoit : « Monsieur [O] [D] s’engage directement ou indirectement ( i ) à n’exercer aucune autre activité professionnelle, salariée ou non, sans un accord exprès et préalable de la Société ; ( ii ) n’avoir ni activité ni intérêt direct ou indirect dans des sociétés concurrentes de la Société ou de ses filiales ; ( iii ) ne pas souscrire ou détenir des parts sociales, actions ou obligations d’une autre société concurrente de la Société ; et enfin ( iv ) à ne pas souscrire des engagements financiers pour le compte d’une autre société concurrente de la Société. » Vous avez conclu ce Contrat de Travail lorsque UrsaMaior a fait l’acquisition de vos titres dans le capital de Pubdirect, et vous saviez donc que ces clauses d’exclusivité revêtent pour Pubdirect et son actionnaire la plus haute importance. Votre mandat de gérant de la Société Four C et votre qualité d’associé de cette Société constituent une violation grave des obligations que vous avez souscrites dans votre Contrat de Travail, et s’analyse au surplus comme une violation de votre obligation de loyauté.

En agissant comme vous l’avez fait, vous avez trahi la confiance que Pubdirect et ses dirigeants et actionnaires avaient placée en vous. 2. Insuffisance professionnelle 2.1 Fédération Française du Prêt-à-Porter Féminin : défaut de diligence et de réponse au Client Lors d’une prise de vue pour un visuel utilisé pour les besoins d’une campagne, la Société RGB, à laquelle vous aviez confié le stylisme (et nous reviendrons sur les conditions dans lesquelles vous avez confié des travaux à cette société), n’a pas pris toutes les précautions d’usage pour l’utilisation d’un accessoire (chapeau). Le styliste-créateur de cet accessoire, qui estimait que la photographie ainsi utilisée constituait un acte de contrefaçon de la création, a introduit une instance judiciaire à l’encontre de notre Client, la Fédération Française de Prêt-à-Porter Féminin. Notre Client s’est alarmé auprès de vous de cette situation, et devant votre inertie, son Président vous a adressé le 12 novembre 2003 une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception, déplorant notamment votre absence de communication, et exigeant de vous d’obtenir des réponses précises, tout en menaçant Pubdirect d’une procédure en intervention forcée.

L’examen des documents que notre Client vous a adressé ensuite sous pli recommandé avec avis de réception le 5 décembre 2003, qui révélaient notamment qu’une instance pénale pour faux témoignage avait été déposée dans le cadre de l’instance opposant notre Client au créateur, aurait dû vous faire prendre la mesure du sérieux de la situation, alors surtout que la demande d’information que vous aviez reçue était assortie d’une nouvelle menace de notre Client d’engager notre responsabilité dans ce dossier. Outre votre inertie vis-à-vis de ce Client, qui a au demeurant eu de nombreuses retombées néfastes sur le crédit professionnel de Pubdirect et d’UrsaMaior, qui s’en est trouvé alerté, nous vous reprochons de ne pas avoir informé votre Direction comme vous auriez dû le faire de cette situation, au regard notamment de sa gravité. En raison de votre dissimulation de cette situation, la Direction n’en a pris connaissance que très tardivement. 2.2 Fédération Française du Prêt-à-Porter Féminin : négligence et accusation de chantage Deux nouveaux incidents sont survenus au cours des mois de janvier et février 2004 Des réunions de présentation se sont tenues avec des représentants de la Fédération du Prêt-à-Porter Féminin concernant les prises de vue effectuées au mois de janvier 2004.

A cette occasion, vous avez laissé un Directeur Artistique « free lance » (prestataire extérieur), Monsieur [B] [S], non salarié de l’Agence, engager directement la responsabilité de l’Agence lors de ces différentes présentations de prises de vue, sans avoir pris la peine d’être présent en personne, agissant ainsi avec la plus grande désinvolture au détriment de la société et de notre client. Par ailleurs, le Président de la Fédération Française de Prêt-à-Porter Féminin, Monsieur [L], a appelé Monsieur [X], le Président d’UrsaMaior, la société de tête de notre Groupe, le 19 février 2004, et au cours d’une conversation très vexatoire pour Pubdirect, et l’ensemble des agences du Groupe, le Président de cette Fédération a manifesté sa consternation, considérant être victime d’un « chantage » que vous avez orchestré, par lequel vous subordonniez la remise des prises de vue en question au paiement des honoraires d’UrsaMaior. Le Président de la Fédération ayant exigé de rencontrer Monsieur [X] dans les plus brefs délais, il l’a convoqué à une réunion qui s’est tenue le 23 février 2004 à 9 heures, comme vous en avez été informé par message électronique du 20 février 2004. Au cours de cette réunion, Monsieur [L] a réitéré ses griefs contre Pubdirect et UrsaMaior qui trouvent leur origine dans votre comportement, et notamment dans le « chantage » (le mot de Monsieur [L] lui-même) que vous avez exercé auprès de ce Client. En agissant ainsi, vous avez à dessein et dans la poursuite de votre intérêt personnel entrepris d’attaquer le crédit de la société et du Groupe auprès de ce Client. 3. Non-respect des procédures internes 3.1 Passation de commandes Votre contrat de travail comporte l’obligation de vous conformer aux règles régissant le règlement interne de la Société (Article 6). Ces règles concernent notamment les procédures relatives à la passation des commandes auprès des fournisseurs, qui sont destinées à nous donner une visibilité sur l’Agence en termes de marge brute et de trésorerie. Or, pour des raisons que nous comprenons maintenant, vous ne respectez jamais ces procédures, plaçant ainsi l’Agence dans des situations parfois conflictuelles ou en tous cas délicates à chaque fois que vous passez commande, ruinant ainsi l’objet des procédures, obligeant vos collègues à gérer ces différends, et exposant l’Agence à des frais de procédure. A titre d’exemple, vous avez passé une commande de 42.500 € auprès d’un studio de photos. Cette commande a fait l’objet d’un bon de commande formalisé sur notre système pour 12.750 € au lieu de 42.500 €. Nous avons dû régler la différence, soit 29.750 €, sans pouvoir l’anticiper dans nos prévisions de trésorerie, et après avoir dû gérer une assignation en justice de ce studio. Vous avez pourtant suivi une formation, comme l’ensemble des équipes, sur notre système, que vous n’avez jamais respecté dans aucun dossier, en vous abstenant d’émettre les bons de commande avant de confier les prestations à nos fournisseurs. 3.2 Défaut de compte-rendu d’activité En dépit des dispositions de votre Contrat de Travail (Article 3), qui vous obligent notamment à rendre compte de votre activité et des missions qui vous sont confiées, vous n’avez jamais effectué le moindre compte rendu de vos activités et de vos missions. Nous en avons maintenant compris la raison : vous n’avez jamais été animé de la moindre intention de participer au développement de l’activité de la société, trop préoccupé que vous étiez de travailler à votre « dossier » visant à ruiner le crédit de la société et du groupe, et de multiplier les agissements au détriment de la société. 4. Notes de frais L’examen de vos relevés de frais révèle à tout le moins de nombreuses incohérences, qui restent inexpliquées, Ainsi : – Vous vous êtes régulièrement fait rembourser des frais engagés à des dates correspondant à des week-ends (restaurants, parkings), notamment Restaurant : 29/6 ; Parking : 5/04 et 19/7. – Vous vous êtes fait rembourser à la fois des taxis et des indemnités kilométriques aux mêmes périodes et aux mêmes jours, et notamment : ‘ Notes correspondant aux mois d’avril, juin, juillet, août 2003 ; ‘ 4 notes de taxi et frais kilométriques pour 137,20 € ; ‘ Notes de juin, juillet 2003 (taxi 12,50 € et frais kilométriques pour 177,29 €). – Vous vous êtes fait rembourser des frais pendant vos périodes de congés payés (restaurants, parkings, taxis), notamment le 30 juillet 2003 ; – Deux remboursements de repas apparaissent à la même date, notamment 2 repas : 28/8 ; 4/09 ; – Vous n’avez pas justifié des retraits effectués en liquide ; – Vos notes incluent des achats personnels (cigarettes), notamment au cours de l’année 2003 : 24/04 ; 19/05 ; 21/05 ; 09/07 ; 10/07 ; 17/07 ; 11/09. 5. Comportement et attitude auprès de certains salariés Vous adoptez vis-à-vis des équipes travaillant sous votre responsabilité une attitude désinvolte et vexatoire ayant entraîné de la part de deux de vos collaborateurs directs des plaintes formulées auprès de la hiérarchie, ces collaborateurs demandant de ne plus travailler pour vous, considérant que vous les maltraitez. Vos agissements à cet égard sont susceptibles d’engager la responsabilité de la société et de ses dirigeants auprès de ces salariés. 6. Menaces et engagements de la société à des conditions anormales dans la poursuite de votre intérêt personnel au préjudice de la société 6.1 Menaces Vous avez enfin à plusieurs reprises depuis la fin du mois de janvier menacé les dirigeants du groupe en dernier lieu le signataire de cette lettre lors de votre entretien préalable, d’utiliser le « dossier » que vous prétendez avoir constitué contre le Groupe depuis que vous êtes salarié de Pubdirect (et dont j’ignore d’ailleurs ce qu’il peut contenir), pour, selon vos propres termes « tout faire péter » dans un processus que vous avez qualifié « d’irréversible », en révélant des faits allégués tendant à ruiner le crédit des sociétés du groupe auprès de leurs clients, dans le but d’obtenir de la société et de ses dirigeants des concessions financières à votre profit, et les inciter pour reprendre votre expression à « mettre le paquet ». C’est ainsi que vous avez notamment soutenu lors de votre entretien préalable que vous possédiez contre le Groupe et notamment la société « un dossier en titane », que vous êtes impatient d’utiliser à leur encontre et à l’examen duquel votre Conseil se serait « léché les babines ». Vous m’avez, à cette occasion, recommandé de « mettre d’ores et déjà un ciré pour me protéger » car je serais, en ma qualité de gérant de Pubdirect « éclaboussé » par vos révélations. Indépendamment des autres qualifications juridiques que peuvent revêtir ces menaces de révélations de secrets d’affaires et/ou de faits allégués de nature à porter atteinte au crédit des sociétés du Groupe et de votre employeur, et destinées comme vous l’avez déclaré expressément, à obtenir le versement d’une somme d’argent, ce comportement constitue une faute rendant évidemment impossible votre maintien dans l’entreprise même pendant le préavis. 6.2 Engagements de la société à des conditions anormales à votre profit Nous avons constaté que vous avez effectué pour le compte de la société des achats de biens ou de services (notamment auprès de la société RGB) dans des conditions de prix anormales, à raison des liens personnels vous unissant à leurs représentants, dans la poursuite de votre intérêt personnel. Après avoir détérioré les relations de Pubdirect et plus généralement du Groupe UrsaMaior avec la Fédération du Prêt-à-porter Féminin, à la faveur des agissements, décrits plus haut, vous avez ‘uvré à la captation de ce budget important au profit de l’agence Diva dont Pubdirect partageait les locaux lorsque vous en étiez actionnaire, et avec les dirigeants de laquelle vous entretenez, comme c’est notoire, des liens étroits. Il s’avère en réalité que depuis la cession de vos actions dans le capital de Pubdirect, vous n’avez eu de cesse que de constituer ce que vous appelez votre « dossier » contre cette société et le Groupe en vue de préparer les conditions financières de votre départ, en pensant obtenir sous la menace de révélations, des concessions financières, sans être le moins du monde animé de la volonté de participer au développement de la société. ». A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, M. [D] avait une ancienneté de 2 ans et 8 mois. Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. [D] a saisi le 6 mai 2004 le conseil de prud’hommes de Paris pour former les demandes suivantes : « – Salaire de mise à pied 12 011,31 € – Congés payés afférents 1 201,13 € – Indemnité compensatrice de préavis 29 217,00 € – Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis 2 921,70 € – Indemnité de licenciement 6 427,74 € – Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 233 736,00 € – Article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile 1 500,00 € – Exécution provisoire art 515 du NCPC – Intérêts au taux légal » Par jugement du 29 novembre 2005, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante : « Se déclare compétent Met hors de cause la SAS URSA MAlOR. Déboute Monsieur [O] [D] de l’ensemble de ses demandes et le condamne aux dépens. Déboute la SARL PUBDIRECT de sa demande reconventionnelle. » M. [D] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique. En date du 31 juillet 2005, la société Pubdirect a été dissoute par la voie d’une transmission universelle de patrimoine au bénéfice de la société Ursa Maior et la société Pubdirect a été radiée par décision du 19 septembre 2005. Par la suite, la société Ursa Maior a fait l’objet d’un redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de PARIS en date du 5 décembre 2006 et Me [M] [A] de la SELAFA MJA a été désigné mandataire judiciaire. En date du 30 mai 2007, par jugement du tribunal de commerce de Paris, la procédure collective de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire et Me [M] [A] de la SELAFA MJA a été désigné liquidateur judiciaire. Le 16 mai 2011, puis encore le 11 mars 2013, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la clôture de la procédure pour insuffisance d’actif et par ordonnance du 25 janvier 2018, le tribunal de commerce de Paris a désigné Me [M] [A] de la SELAFA MJA en qualité de mandataire ad hoc pour représenter la société Ursa Maior (SAS). La procédure d’appel a fait l’objet de 2 ordonnances de radiations. Les organes de la procédure collective de la société Ursa Maior et l’Unedic délégation AGS, CGEA d’Île-de-France Ouest ont été régulièrement mis en cause. L’affaire a été appelée à l’audience du 27 février 2023. Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 16 mai 2022 et signées par le greffier lors de l’audience, M. [D] demande à la cour de : « REFORMER le jugement dont appel en ce qu’il a mis hors de cause la Société URSA MAIOR, qu’il a débouté Monsieur [D] de l’intégralité de ses demandes, et qu’il l’a condamné aux dépens. Et statuant à nouveau, JUGER que la Société URSA MAIOR avait la qualité de co-employeur, avec la Société PUBDIRECT, de Monsieur [D], JUGER que le licenciement prononcé par les Sociétés PUBDIRECT et URSA MAIOR à l’encontre de Monsieur [D] est injustifié ; FIXER solidairement au passif des Sociétés PUBDIRECT et URSA MAIOR les sommes de : ‘ 12.011,31 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied du 23/02/2004 au 01/04/2004 ; ‘ 1.201,13 € au titre des congés payés afférents au rappel de salaire sur mise à pied ; ‘ 29.217 € au titre de l’indemnité conventionnelle de préavis ; ‘ 2.921,70 € au titre des congés payés afférents au préavis ; ‘ 6.427,74 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ; ‘ 233.736 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; ‘ 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ; ‘ Ainsi que les dépens de l’instance. ORDONNER que ces sommes produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de prud’hommes de Paris ; ORDONNER la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du Code civil. DECLARER OPPOSABLE à l’UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF OUEST l’arrêt à Intervenir. » Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 9 juin 2022 et signées par le greffier lors de l’audience, l’Unedic délégation AGS, CGEA d’Île-de-France Ouest demande à la cour de : « A titre principal : JUGER les demandes de Monsieur [D] à l’égard de la société PUBDIRECT irrecevables du fait de la transmission universelle de patrimoine au profit de la société URSA MAIOR ; JUGER que la société URSA MAIOR vient désormais aux droits de la société PUBDIRECT ; JUGER sans objet toute demande de reconnaissance du coemploi entre PUBDIRECT et URSA MAIOR ; CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris en date du 29 novembre 2005 ; A titre subsidiaire, JUGER le licenciement justifié par une faute simple ; A titre infiniment subsidiaire, si le licenciement requalifié sans cause réelle et sérieuse : REDUIRE à plus justes proportions le montant des dommages-intérêts sollicité par Monsieur [D] au titre de la contestation du licenciement ; Sur la garantie de l’AGS : REJETER toute demande de fixation à l’égard de la société PUBDIRECT ; REJETER toute demande de condamnation solidaire entre les sociétés PUBDIRECT et URSA MAIOR ; JUGER que s’il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale ; JUGER que s’il y a lieu à fixation, conformément aux dispositions de l’article L.3253-20 du code du travail, la garantie de l’AGS n’est due qu’à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances par l’employeur et sous réserve qu’un relevé de créances soit transmis par le mandataire judiciaire ; JUGER qu’en tout état de cause la garantie de l’AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié, le plafond des cotisations maximum au régime d’assurance chômage, en vertu des dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du Code du travail ; JUGER qu’en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l’article L.3253-6 du Code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution ou pour cause de rupture du contrat de travail au sens dudit article L. 3253-8 du Code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en ‘uvre la responsabilité de droit commun de l’employeur ou de l’article 700 du Code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie ; STATUER ce que de droit quant aux frais d’instance sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’UNÉDIC AGS ; Le CONDAMNER aux entiers dépens. » Me [A], mandataire ad hoc de la société Ursa maior, n’a pas comparu ni ne s’est fait représenter à l’audience, Me [I] ayant indiqué qu’elle n’était pas désignée par Me [A] en sa qualité de mandataire ad hoc pour le représenter. Lors de l’audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le conseiller rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s’en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l’affaire a alors été mise en délibéré à la date du 19 avril 2023 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC) MOTIFS Vu le jugement du conseil de prud’hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties auxquelles il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties. Il résulte de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs. Sur le co-emploi La cour constate qu’en date du 31 juillet 2005, la société Pubdirect a été dissoute par la voie d’une transmission universelle de patrimoine au bénéfice de la société Ursa Maior et qu’elle a été a été radiée par décision du 19 septembre 2005. La demande de co-emploi est donc devenue sans objet compte tenu de l’évolution de la société Pubdirect et de la procédure, l’action étant nécessairement dirigée contre les organes de la procédure collective de la société Ursa Maior (SAS) puis contre son mandataire ad hoc, Me [A] de la SELAFA MJA. Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a mis hors de cause la société Ursa maior. Sur le licenciement Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que M. [D] a été licencié pour faute grave pour les motifs suivants : – violation de l’obligation de ne pas être lié à une autre société et à son obligation de non concurrence pendant l’exécution de son contrat de travail ; – insuffisance professionnelle dans la gestion de la relation clientèle avec la fédération française du prêt-à-porter : défaut de diligence et de réponse dans un litige opposant ce client à un créateur ayant pour conséquence des retombées néfastes sur le crédit professionnel de Pubdirect et d’UrsaMaior, avoir laissé un prestataire de service engager directement la responsabilité des sociétés, avoir exercé du chantage auprès de ce client pour obtenir le règlement des factures des prestations de services d’UrsaMaior ; – non-respect des procédures internes pour passer les commandes et ne pas rendre compte de son activité conformément à l’article 3 de son contrat de travail ; – incohérences sur les notes de frais ; – maltraitance des salariés ; – engagements de la société passés à des conditions anormales dans la poursuite de son intérêt personnel. M. [D] conteste les griefs et fait valoir que : – il les a contestés point par point dans sa lettre du 13 avril 2003 (pièce salarié n° 9) – en ce qui concerne la violation des articles 1 et 6 du contrat de travail, il est effectivement demeuré gérant et associé de la société « Four C », mais uniquement en raison d’un contentieux en cours et dans le cadre duquel cette société était appelée en garantie, ce qui n’a pas autorisé sa dissolution (pièce salarié n° 130) ; de surcroît M. [G], directeur financier de la société Ursa maior, déclare dans son attestation versée aux débats : « Monsieur [D] m’avait bien signalé détenir des parts dans une SARL dormante dénommée FOUR C et qu’il ne pouvait pas dissoudre cette société avant la résolution d’un litige commercial. Je ne voyais aucune incompatibilité avec son contrat de travail » (pièce salarié n° 129) ; en outre cette société n’a plus d’activité depuis 2000 ; – en ce qui concerne le second grief, l’insuffisance professionnelle ne peut en aucun cas constituer une faute grave ; – en ce qui concerne le 3e grief relatif au non-respect des procédures internes, il est contredit par l’attestation de M. [T], comptable de la société Ursa maior : « Monsieur [D] a toujours respecté et fait respecter les procédures internes, tant pour les devis, que pour les bons de commandes et facturations. Monsieur [D] s’est toujours comporté de façon professionnelle et efficace » (pièce salarié n° 126) ; en réalité, il était contraint de composer avec les pratiques de la direction d’Ursa maior et au premier chef son président M. [X], consistant à ne jamais régler dans les délais ses fournisseurs et prestataires, générant ainsi colère et exaspération, ce qui ne manquait pas de le placer dans des situations très inconfortables et par là-même de ruiner sa crédibilité dans le milieu (pièces salarié n° 21 à 23, 29, 72, 88 à 91, 96, 97, 111) ; – en ce qui concerne le 4e grief relatif au défaut de compte rendu d’activité, pendant toute l’exécution de sa prestation de travail, il a fait des points réguliers avec les dirigeants du groupe Ursa maior et il est curieux que l’entreprise vienne soudainement lui faire ce reproche après plus de 2 ans d’activité sans aucune anicroche, ni lettre d’observation ; – en ce qui concerne le 5e grief relatif aux incohérences dans les relevés de frais » ; pourtant les services comptables et financiers du groupe Ursa maior ont procédé au remboursement de l’ensemble des relevés de ses frais sans jamais émettre une seule réserve sur les notes de frais produites en toute transparence ; en outre, au regard de sa fonction de directeur associé ‘ statut cadre dirigeant, il s’est largement investi pour l’entreprise sans ménager son temps auprès des clients même en dehors des heures de bureau, y compris le dimanche, étant également précisé que les salons se déroulaient le week-end (pièce salarié n° 42) ; – en ce qui concerne le 6e grief relatif aux comportements maltraitants auprès de certains salariés, il est contredit par les attestations de M. [F], ingénieur d’études au sein d’Ursa maior du 1er juin 2001 au 30 septembre 2003 (pièce salarié n° 81), de M. [W], concepteur rédacteur au sein d’Ursa maior jusqu’au 9 avril 2004 (pièce n°82), et de Mme [J], responsable des études et planning au sein d’Ursa maior jusqu’en 2004 (pièce salarié n° 84) et d’anciens salariés, Mme [K], M. [N] (pièces salarié n° 71, 127) ; – en ce qui concerne le dernier grief relatif aux engagements de la société passés à des conditions anormales dans la poursuite de son intérêt personnel au préjudice de la société, l’employeur n’a pas de preuve. L’Unedic délégation AGS, CGEA d’Île-de-France Ouest soutient que le conseil de prud’hommes de Paris a considéré que seul le grief relatif à la violation des articles 1 et 6 de son contrat de travail justifiait son licenciement pour faute grave dans les motifs suivants « Il n’en reste pas moins que M. [D], lors de sa signature de son contrat de travail, n’a pas fait modifier l’article 1, et qu’il a déclaré formellement n’être lié à aucune autre entreprise, alors qu’il était encore gérant d’une société concurrente à la SAS URSA MAIOR, peu importe la réalité de la mise en sommeil ».

Il ressort de l’article L. 1235-1 du Code du travail qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un doute subsiste il profite au salarié. Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l’employeur de prouver la réalité de la faute grave, c’est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu’elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis. Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l’ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère. Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié. Le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement pour faute grave de M. [D] était justifié après avoir retenu les motifs suivants : « Il est tout d’abord reproché à Monsieur [D] d’avoir violé les articles 1 et 6 de son contrat de travail. Il est prévu à l’article 1 que: “Monsieur [O] [D] accepte cet engagement et déclare formellement n’être lié à aucune entreprise”. L’article 6 lui précise que: “Monsieur [O] [D] s’engage directement ou indirectement à n’exercer aucune autre activité professionnelle, salariée ou non, sans un accord exprès et préalable de la Société, n’avoir ni activité ni intérêt direct ou indirect dans des sociétés concurrentes de la Société ou de ses filiales, ne pas souscrire ou détenir des parts sociales, actions ou obligations d’une autre société concurrente de la Société et enfin à ne pas souscrire des engagements financiers pour le compte d’une autre société concurrente de la Société. ” Monsieur [D] ne conteste pas être Gérant d’une Société FOUR C. La similitude d’activité ressort de l’extrait Kbis de la Société dont l’objet est: “Toutes opérations se rapportant à l’activité de conseil aux agences de publicité et promotion des ventes ainsi qu’aux annonceurs, dans les domaines du contrôle des coûts, de l’étude de positionnement et de la recherche de partenariat en matière notamment de création d’événements et d’opérations promotionnelles. ” Monsieur [D] fait valoir que s’il est demeuré Gérant, la raison en est due à un contentieux en cours dans le cadre duquel ladite Société a été appelée en garantie, ce qui n’a pas autorisé sa dissolution. Par ailleurs, Monsieur [D] indique que la Société n’a plus aucune activité depuis décembre 2000, bien avant son embauche qui est intervenue le 24 juillet 2001. Monsieur [D] soutient que la Société PUBDIRECT était de toute façon au courant. Il produit une attestation de Monsieur [G], ancien Directeur Financier de la SAS URSA MAlOR qui expose : “Monsieur [D] m ‘avait bien signalé détenir des parts dans une SARL dormante dénommée FOUR C dont il était encore le Gérant et qu’il ne pouvait pas dissoudre cette société avant la résolution d’un litige commercial. Je ne voyais aucune incompatible avec son contrat de travail. ” Ce témoignage est pour le moins incertain dans la mesure où Monsieur [G] a été licencié pour faute grave le 10 décembre 2002, par la SAS URSA MAlOR. Monsieur [P] et Monsieur [X] quant à eux attestent ne pas avoir été au courant de l’activité de Monsieur [D]. Il n’en reste pas moins que Monsieur [D], lors de la signature de son contrat de travail, n’a pas fait modifier l’article 1 et qu’il a déclaré formellement n’être lié à aucune entreprise, alors qu’il était encore Gérant d’une société concurrente à la SAS URSA MAlOR, peu importe la réalité de sa mise en sommeil. Il apparaît ainsi que Monsieur [D] a manqué de loyauté vis-à-vis de son employeur et que ce grief est avéré. » La cour constate que M. [D] ne fait que reprendre devant la cour ses prétentions et ses moyens de première instance.

Le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte étant précisé : – d’une part que dans sa qualité de cadre dirigeant de l’entreprise, par suite de la vente de toutes ses parts à son nouvel employeur, M. [D] a commis un acte de déloyauté particulièrement grave en conservant la gérance de la société Four C qui avait une activité concurrente, sans en informer son employeur, et en violation des obligations de son contrat de travail, – et d’autre part que cet acte de déloyauté constitue une faute d’une gravité telle qu’elle imposait son départ immédiat, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis, s’agissant d’une déloyauté commise par un cadre dirigeant de l’entreprise, ex associé majoritaire et vendeur de ses parts à son nouvel employeur. En l’absence de moyens nouveaux et de nouvelles preuves, le jugement sera confirmé. Par voie de conséquence le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a débouté M. [D] de l’ensemble de ses demandes. Sur les autres demandes La cour condamne M. [D] aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La cour, CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ; Ajoutant, CONDAMNE M. [D] aux dépens. LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT  


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