Contrats d’édition musicale : Affaire Charles Trenet

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Contrats d’édition musicale : Affaire Charles Trenet

La reddition des comptes porte non seulement sur le nombre d’exemplaires de l’oeuvre vendus et pas seulement les exemplaires « fabriqués » ou « en stock ». Une mauvaise exécution de l’obligation de rendre compte peut emporter résiliation des contrats d’édition.

Résiliation des contrats d’édition musicale

En l’espèce, il a été fait droit à la résiliation des contrats d’édition musicale initiée par le légataire universel de Charles Trenet.

S’agissant de la demande de résiliation pour manquement à l’obligation de reddition de compte, cette obligation est une obligation légale à laquelle l’éditeur est tenu, et constitue également une obligation contractuelle.

Périmètre de la reddition des comptes

Les clauses XVII des contrats litigieux ne dispensent aucunement l’éditeur, contrairement au moyen des défendeurs, de communiquer le nombre d’exemplaires vendus mais réserve seulement le cas des exemplaires « fabriqués » ou « en stock ». La clause stipule au contraire qu’une obligation annuelle de reddition de compte est à la charge de l’éditeur.

Ces redditions de comptes doivent comporter au cas présent les recettes faites par la vente mais également le nombre d’exemplaires vendus qui déterminent, par l’application d’un pourcentage, la rémunération de l’auteur.

Des relevés imprécis

Les relevés communiqués à la procédure ne l’ont été qu’à la suite d’une ordonnance de référé complétée par un arrêt de la cour d’appel précisant que ces relevés devaient mentionner le nombre d’exemplaires vendus.

Les relevés communiqués in fine sont partiels et imprécis en tant qu’ils mentionnent des fourchettes de pourcentages appliqués, des quantités vendues négatives à plusieurs reprises, et des mentions d’avances consenties à la société Warner Music France, rendant indéterminables les sommes auxquelles l’auteur a droit.

Il résulte de ces circonstances que la société Extralala a commis un manquement contractuel grave justifiant la résiliation judiciaire de ces contrats ainsi qu’il sera précisé au dispositif.

Le Sort des matrices

Les matrices des enregistrements ainsi que les bandes mères des titres et disques ont toutefois été régulièrement acquises à la société Gestion Juste Pour Rire INC en exécution du contrat qui en réserve la propriété au producteur.

Le manquement à l’obligation de reddition de comptes

Aux termes de l’article du Code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats, « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

Le manquement à l’obligation de reddition de comptes est un manquement contractuel à une obligation, également légale, de résultat, justifiant l’octroi de dommages et intérêts s’il est justifié d’un préjudice causé par ce manquement.

En l’occurrence, l’héritier a également été exposé à un aléa sur le montant exact effectivement versé de ses droits d’auteur et à l’absence, à ce jour, de redditions de comptes sincères.

Il apparaît justifié, par voie de conséquence, de faire droit à sa demande indemnitaire à hauteur de 20 000 euros à titre de préjudice moral. Cette somme a été fixée pour moitié au passif de la liquidation et a fait l’objet d’une condamnation de la société Gestion Juste Pour Rire INC pour l’autre moitié.

La condition résolutoire dans les contrats d’édition

Aux termes de l’article du Code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats, « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. / La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ».

Selon l’article L. 132-13 du code de la propriété intellectuelle « l’éditeur est tenu de rendre compte.

L’auteur pourra, à défaut de modalités spéciales prévues au contrat, exiger au moins une fois l’an la production par l’éditeur d’un état mentionnant le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice et précisant la date et l’importance des tirages et le nombre des exemplaires en stock.

Sauf usage ou conventions contraires, cet état mentionnera également le nombre des exemplaires vendus par l’éditeur, celui des exemplaires inutilisables ou détruits par cas fortuit ou force majeure, ainsi que le montant des redevances dues ou versées à l’auteur ».

Selon l’article L. 132-14 du même code « l’éditeur est tenu de fournir à l’auteur toutes justifications propres à établir l’exactitude de ses comptes.

Faute par l’éditeur de fournir les justifications nécessaires, il y sera contraint par le juge ».

Selon l’article L. 132-15 du même code dans sa rédaction applicable à la date des contrats « le redressement judiciaire de l’éditeur n’entraîne pas la résiliation du contrat.

Lorsque l’activité est poursuivie en application des articles 31 et suivants de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, toutes les obligations de l’éditeur à l’égard de l’auteur doivent être respectées.

En cas de cession de l’entreprise d’édition en application des articles 81 et suivants de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 précitée, l’acquéreur est tenu des obligations du cédant.

Lorsque l’activité de l’entreprise a cessé depuis plus de trois mois ou lorsque la liquidation judiciaire est prononcée, l’auteur peut demander la résiliation du contrat.

Le liquidateur ne peut procéder à la vente en solde des exemplaires fabriqués ni à leur réalisation dans les conditions prévues aux articles 155 et 156 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 précitée que quinze jours après avoir averti l’auteur de son intention, par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception.

L’auteur possède, sur tout ou partie des exemplaires, un droit de préemption. A défaut d’accord, le prix de rachat sera fixé à dire d’expert ».

L’article 132-16 du même code dispose en son premier alinéa que « l’éditeur ne peut transmettre, à titre gratuit ou onéreux, ou par voie d’apport en société, le bénéfice du contrat d’édition à des tiers, indépendamment de son fonds de commerce, sans avoir préalablement obtenu l’autorisation de l’auteur ».


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