Contrats de partenariats : contractualiser le volet concurrence

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Contrats de partenariats : contractualiser le volet concurrence
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Nos Conseils:

– Il est recommandé de formaliser les rôles et responsabilités des différentes parties prenantes dans un accord écrit afin d’éviter tout litige ultérieur concernant la répartition des tâches et des clients.

– Il est conseillé d’établir des clauses de non-concurrence pour protéger les intérêts de l’entreprise en cas de départ d’un salarié clé vers un concurrent.

– Il est important de protéger juridiquement les produits et les informations commerciales de l’entreprise pour éviter tout détournement de clientèle ou de concurrence déloyale.

Résumé de l’affaire

L’affaire concerne un litige entre la société Polytec Industrie, [R] [X] et les sociétés IDI, EDSolution et [T] [K] concernant des actes de concurrence déloyale. La société Polytec Industrie accuse les sociétés IDI, EDSolution et [T] [K] d’avoir commis des actes de concurrence déloyale en débauchant un salarié clé, en détournant sa clientèle et en reproduisant ses appareils. Le tribunal de commerce de Grenoble a initialement rejeté les demandes de la société Polytec Industrie et de [R] [X], mais ces derniers ont interjeté appel. Les sociétés IDI, EDSolution et [T] [K] contestent les accusations de concurrence déloyale et demandent des dommages-intérêts pour procédure abusive. L’affaire est en cours d’instruction devant la cour d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 mai 2024
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
23/00595
N° RG 23/00595 – N° Portalis DBVM-V-B7H-LWCG

C4

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL MONNIER-BORDES

la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 23 MAI 2024

Appel d’un jugement (N° RG )

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 16 décembre 2022

suivant déclaration d’appel du 06 février 2023

APPELANTS :

M. [R] [X]

né le 30 Mars 1973 à [Localité 11] (38)

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 6]

S.A.R.L. POLYTEC INDUSTRIE au capital social de 10 000 €, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Grenoble sous le numéro 534 125 711, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentés par Me Laurence BORDES-MONNIER de la SELARL MONNIER-BORDES, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉS :

M. [T] [K]

né le 06 Septembre 1974 à [Localité 10] (05)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

S.A.S. ED SOLUTIONS au capital de 5000 euros, inscrite au RCS de

Grenoble sous le numéro 824 605 315, dument représenté par son représentant légal domicilié es qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

S.A.R.L. IDI anciennement dénommée POLYTEC INGENIERIE au capital

de 10.000 €, inscrite au RCS d’Aix en Provence sous le numéro 821 558 020, dument représenté par son représentant légal domicilié es qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentés par Me David ROGUET de la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me MOLLARD, avocat au barreau de GRENOBLE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,

Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 février 2024, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré

Faits et procédure:

1. La société Polytec Industrie a été créée le 29 juin 2011 par [R] [X] avec comme activité principale l’étude, la réalisation et la maintenance de tout équipement et matériel à base d’électronique, de mécanique, de ‘uides, d’informatique et d’automatismes industriels, standards ou spéci’ques, de prototypes à la moyenne série pour l’industrie et les laboratoires de recherche.

2. Courant 2015, [T] [K] a intégré la société Polytec Industrie en qualité de salarié mais aussi d’associé minoritaire.

3. En 2016, la société Polytec Industrie a connu des dif’cultés financières et [T] [K] et la société Polytec Industrie ont convenu le 20 mai 2016 d’une rupture conventionnelle et ce, sans clause de non-concurrence. En parallèle, [R] [X] a proposé à [T] [K] de constituer une nouvelle structure a’n d’externaliser certaines activités, exclusivement de prestations, la fabrication restant l’apanage de la société Polytec Industrie.

4. La société Polytec Ingénierie a ainsi été créée le 13 juillet 2016, par messieurs [X] et [K], ce dernier étant l’associé majoritaire. Aucun contrat ni pacte d’associés n’ont été conclus entre la société Polytec Industrie et la société Polytec Ingénierie.

5. Le 28 décembre 2016, la société EDSolution a été créée par messieurs [K] et [P]. [R] [X] n’a pas souhaité être associé à cette nouvelle structure.

6. Au cours de l’année 2017, les relations entre les trois sociétés se sont dégradées, si bien que [R] [X] a cédé sa participation le 25 juillet 2017 dans la société Polytec Ingénierie désormais renommée société IDI. En septembre 2017, l’un des salariés de la société Polytec Industrie a quitté cette dernière et a rejoint la société IDI. En décembre 2017, [R] [X] a cessé toute relation avec les deux sociétés.

7. Le 6 août 2018, la société Polytec Industrie a déposé une requête auprès du greffe du tribunal de commerce de Grenoble sur le fondement des articles 145, 493, 494 et 812 du code de procédure civile. Par ordonnance du 20 août 2018, le président du tribunal a désigné maître [F], huissier de justice, pour procéder à des saisies au siège de la société EDSolution et à son établissement secondaire et au siège de la société IDI ainsi qu’au domicile de [T] [K], afin de permettre d’établir la preuve des faits de concurrence déloyale ou de parasitisme dont la société Polytec Industrie et [R] [X] seraient victimes de la part des sociétés IDI et EDSolution et de [T] [K].

8. A la demande des sociétés IDI et EDSolution et de [T] [K], une ordonnance de référé du 6 août 2019 a rejeté les pièces 2 (procès-verbal de constat) et 3 (rapport d’expertise) et a ordonné la rétractation de l’ordonnance du 26 août 2018. Il a été enjoint à l’huissier de détruire tous les duplicatas, de restituer l’intégralité des originaux, de rétablir la situation antérieure et de retirer toute référence à [T] [K] dans le site internet de la société Polytec Industrie. Cette ordonnance a été confirmée par arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 20 février 2020.

9. Par assignation délivrée le 24 juillet 2020, [R] [X] et la société Polytec Industrie ont saisi le tribunal de commerce de Grenoble afin notamment de juger que la société IDI, [T] [K] et la société EDSolution ont commis et continuent à commettre des actes de concurrence déloyale, et de condamner ces défendeurs à payer à la société Polytec Industrie la somme de 80.000 euros et à [R] [X] celle de 22.200 euros.

10. Par jugement du 16 décembre 2022, le tribunal de commerce de Grenoble a :

– jugé que la société IDI, [T] [K] et la société EDSolution n’ont pas commis des actes de concurrence déloyale à l’égard de la société Polytec Industrie ;

– débouté [R] [X] et la société Polytec Industrie de leur demande de reconnaissance d’un préjudice pour défaut de lien de causalité ;

– rejeté les demandes d’indemnisation des sociétés EDSolution et IDI et de [T] [K] au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive de la part de [R] [X] et de la société Polytec Industrie ;

– condamné [R] [X] et la société Polytec Industrie à payer in solidum aux sociétés EDSolution, IDI et à [T] [K], la somme de 1.500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, liquidés à la somme indiquée au bas de la 2ième page de la décision.

11. La société Polytec Industrie a interjeté appel de cette décision le 6 février 2023, en ce qu’elle a :

– jugé que la société IDI, [T] [K] et la société EDSolution n’ont pas commis des actes de concurrence déloyale à l’égard de la société Polytec Industrie ;

– débouté [R] [X] et la société Polytec Industrie de leur demande de reconnaissance d’un préjudice pour défaut de lien de causalité ;

– condamné [R] [X] et la société Polytec Industrie à payer in solidum aux sociétés EDSolution, IDI et à [T] [K] la somme de 1.500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

– liquidé les dépens.

12. [R] [X] a interjeté appel des mêmes dispositions de cette décision le 16 février 2023. Cet appel a été joint à la présente instance par ordonnance du 23 novembre 2023.

L’instruction de cette procédure a été clôturée le 18 janvier 2024.

Prétentions et moyens de la société Polytec Industrie :

13. Selon ses conclusions remises le 5 mai 2023, elle demande à la cour de réformer le jugement déféré en ce qu’il a :

– jugé que la société IDI, [T] [K] et la société EDSolution n’ont pas commis des actes de concurrence déloyale à l’égard de la concluante ;

– débouté [R] [X] et la concluante de leur demande de reconnaissance d’un préjudice pour défaut de lien de causalité ;

– rejeté les demandes d’indemnisation des sociétés EDSolution et IDI et de [T] [K] au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive de la part de [R] [X] et de la concluante ;

– condamné [R] [X] et la concluante à payer in solidum aux sociétés EDSolution, IDI et à [T] [K] la somme de 1.500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

14. Elle demande à la cour, statuant à nouveau :

– de dire et juger que la société IDI, [T] [K] et la société EDSolution ont commis et continuent de commettre des actes de concurrence déloyale à l’égard de la concluante ;

– de dire et juger que la concluante subit un préjudice par ces agissements ;

– en conséquence, de condamner in solidum la société IDI, [T] [K] et la société ED Solution à verser à la concluante la somme de 80.000 euros en réparation de son préjudice ;

– de condamner in solidum la société IDI, [T] [K] et la société ED Solution à verser à la concluante la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– de condamner in solidum la société IDI, [T] [K] et la société ED Solution aux entiers dépens de l’instance.

L’appelante expose :

15. – que suite à la création de la société EDSolution par [T] [K], une relation tripartite est intervenue, par laquelle les commandes des clients de la concluante étaient passées auprès de la société EDSolution, celle-ci les sous-traitants à la concluante pour la partie plasturgie, et à la société Polytec Ingénierie pour la partie « études, automatisme et électrique » ; que cette organisation a notamment été présentée à la société Thalès par la concluante, afin qu’elle oriente ses commandes vers la société EDSolution ;

16. – que la situation s’est cependant dégradée en 2017, en raison de l’incapacité de la société Polytec Ingénierie et de monsieur [K] à traiter les études confiées par la concluante ; ainsi, que [R] [X] a décidé de céder sa participation dans la société Polytec Ingénierie, et en qualité de gérant de la concluante, de cesser toute relation avec les sociétés EDSolution et Polytec Ingénierie ;

17. – cependant, que ces dernières ont continué à profiter du réseau fournisseurs et clients de la concluante, de manière parasitaire et déloyale ;

18. – ainsi, que la société EDSolution a débauché monsieur [L], le plus ancien salarié de la concluante, technicien plasturgiste et qui occupait un poste stratégique, avec accès aux fichiers clients, aux devis et aux procédures et qui intervenait directement auprès des clients ; qu’il a été proposé à cette personne une rémunération largement supérieure qu’elle n’a pu refuser ; que cela a permis aux sociétés EDSolution et Polytec Ingénierie de bénéficier de compétence qu’elles n’avaient pas et de connaître les tarifs pratiqués par la concluante; que ce débauchage a entraîné une désorganisation de l’entreprise, puisque la concluante ne disposait pas d’autres salariés bénéficiant des mêmes compétences ; que [R] [X] a dû ainsi suppléer au départ de ce salarié, ce qui ne lui a pas permis de chercher de nouveaux clients et de développer le chiffre d’affaires ;

19. – que la société EDSolution a détourné la clientèle de la concluante, en restant en lien avec ses clients ; que si elle n’avait pu profiter de cette clientèle, elle ne se serait pas développée aussi vite, surtout sur le marché de la microélectronique, notamment en répondant à des appels d’offres de grands groupes; que cela a été réalisé grâce au débauchage de monsieur [L] ;

20. – que les sociétés EDSolution et Polytec Ingénérie ont souhaité écarter la concluante du schéma triangulaire initial afin de pouvoir alors traiter directement avec les clients de la concluante, en débauchant monsieur [L] ; qu’elles se positionnent désormais sur le même secteur que la concluante ;

21. – que monsieur [K] est toujours associé au sein de la concluante et détient 13,5 % de son capital, de sorte qu’il a accès à toutes les informations financières ;

22. – que la dénomination sociale de la société Polytec Ingénierie pendant plusieurs mois a été maintenue afin d’entretenir la confusion dans l’esprit de la clientèle ; que ce n’est que suite à une injonction faite le 21 décembre 2018 par le juge des référés qu’elle a pris une nouvelle dénomination, alors qu’elle avait été mise en demeure le 1er juin 2018 ;

23. – que les appareils fabriqués par la concluante ont été reproduits servilement, ce que confirment des devis ainsi qu’un constat d’huissier ;

24. – que ces intimées se sont ainsi placées dans le sillage de la concluante en profitant de sa notoriété, de ses réalisations et de son savoir-faire afin de détourner sa clientèle ;

25. – qu’il en est résulté un préjudice pour la concluante et monsieur [X], puisque les clients Sofradir et Thalès ont été perdus définitivement ;

26. – que cette concurrence déloyale perdure puisque monsieur [K] est toujours associé ; qu’ayant participé personnellement aux actes de concurrence déloyale, il doit être condamné in solidum avec les sociétés intimées.

Prétentions et moyens de [R] [X] :

27. Selon ses conclusions remises le 11 mai 2023, il demande à la cour de réformer le jugement déféré en ce qu’il a :

– jugé que la société IDI, [T] [K] et la société EDSolution n’ont pas commis des actes de concurrence déloyale à l’égard du concluant ;

– débouté le concluant et la société Polytec Industrie de leur demande de reconnaissance d’un préjudice pour défaut de lien de causalité;

– rejeté les demandes d’indemnisation des sociétés EDSolution et IDI et de [T] [K] au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive de la part du concluant et de la société Polytec Industrie ;

– condamné le concluant et la société Polytec Industrie à payer in solidum aux sociétés EDSolution, IDI et à [T] [K] la somme de 1.500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

28. Il demande à la cour, statuant à nouveau :

– de dire et juger que la société IDI, monsieur [K] et la société EDSolution ont commis et continuent de commettre des actes de concurrence déloyale à l’égard de la société Polytec Industrie et du concluant ;

– de dire et juger que la société Polytec Industrie et le concluant subissent un préjudice par ces agissements ;

– en conséquence, de condamner in solidum la société IDI, monsieur [K] et la société EDSolution à verser à la société Polytec Industrie la somme de 80.000 euros en réparation de son préjudice ;

– de condamner in solidum la société IDI, monsieur [K] et la société EDSolution à verser au concluant la somme de 22.500 euros en réparation de son préjudice ;

– de condamner in solidum la société IDI, monsieur [K] et la société EDSolution à verser à la société Polytec Industrie la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner in solidum la société IDI, monsieur [K] et la société EDSolution aux entiers dépens de l’instance.

29. Cet appelant précise, selon ses conclusions développant au surplus les mêmes éléments que la société Polytec Industrie, qu’il est le gérant de cette société ; qu’au regard des difficultés rencontrées par la société Polytec Industrie, il a dû emprunter à titre personnel 12.200 euros, ces difficultés ne lui permettant pas d’obtenir de rémunération ; qu’il a subi également un préjudice moral évalué à 5.000 euros.

Prétentions et moyens de la société EDSolution, de la société IDI anciennement Polytec Ingénierie et de [T] [K] :

30. Selon leurs conclusions remises le 3 août 2023, ils demandent à la cour, au visa des des articles 1240 et suivants du code civil :

– de juger recevable mais mal fondé l’appel relevé par [R] [X] et la société Polytec Industrie ;

– de débouter monsieur [X] et la société Polytec Industrie de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

– de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l’exception du chef de jugement suivant : «Rejette les demandes d’indemnisation des sociétés EDSolution et IDI et de [T] [K] au titre des dommages intérêts pour procédure abusive de la part de monsieur [X] et de la société Polytec Industrie» ;

– faisant droit à cet appel incident, d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes d’indemnisation des concluants au titre des dommages intérêts pour procédure abusive de la part de monsieur [X] et de la société Polytec Industrie ;

– statuant à nouveau sur ce point, de condamner la société Polytec Industrie et [R] [X] in solidum à payer aux concluants la somme de 4.000 euros chacun, à titre de dommages intérêt pour procédure abusive, et la somme de 150.000 euros correspondant au préjudice commercial causé par les démarches de monsieur [X] auprès des sociétés Sofradir et Thalès ;

– en tout état de cause, de condamner la société Polytec Industrie et [R] [X] in solidum au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à chacun des concluants, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Les intimés soutiennent :

31. – qu’avant d’être recruté par la société Polytec Industrie, [T] [K] avait été technicien bureau d’études, recherche et développement et directeur technique auprès de plusieurs sociétés ; qu’il a créé la société Polytec Ingénierie afin de continuer à développer ses compétences après la rupture conventionnelle de son contrat de travail avec la société Polytec Industrie sans qu’aucun contrat ou pacte d’associé n’ait été conclu, et sans clause de non-concurrence ;

32. – que dès l’origine, la société Polytec Industrie n’a pas remis en cause l’activité de la société Polytec Ingénierie, puisqu’elle a fait appel à elle pour la réalisation d’études et de machines qu’elle devait ensuite produire ; que la société Polytec Ingénierie s’est mise au service d’autres sociétés, dont la société EDSolution ;

33. – que les appelants procèdent par affirmation ; que concernant monsieur [L], rien ne permet de caractériser une concurrence déloyale, alors que le tribunal de commerce a justement indiqué que le principe est celui de la liberté de la concurrence, sous réserve que le débauchage d’un salarié n’ait pas eu lieu dans des circonstances pouvant caractériser la déloyauté ; que monsieur [L] n’était pas un salarié clef de la société Polytec Industrie puisqu’il est chaudronnier et technicien plasturgiste et n’avait pas de compétence particulière, étant technicien non cadre; qu’il n’avait pas accès à ses tarifs, ni à aucun élément car son employeur avait repris son ordinateur six mois avant que la société EDSolution ne propose de l’engager ;

34. – que ce salarié a démissionné avec l’accord de monsieur [X], qui a vu l’opportunité d’alléger les charges de la société Polytec Industrie déjà en difficultés ; que la négociation d’une rémunération plus favorable ne constitue pas un acte de concurrence déloyale ; que la preuve d’une désorganisation de l’entreprise n’est pas rapportée ; qu’aucune clause de non-concurrence n’a été stipulée ;

35. – que les concluants n’ont pas détourné la clientèle de la société Polytec Industrie, puisque la société Polytec Ingénierie a été créée afin de répondre à des besoins complémentaires, la première n’ayant que des compétences de construction de plasturgie ; que si la société Polytec Ingénierie a décidé de sous-traiter des prestations auprès d’autres sociétés, c’est en raison de surfacturations pratiquées par la société Polytec Industrie et de factures impayées par celle-ci;

36. – qu’aucun contrat écrit n’a lié les trois sociétés, alors qu’il n’existait aucune clause d’exclusivité ; que le marché sur lequel elles évoluent, chacune dans leur domaine, constitue une niche, de sorte qu’il est normal que les clients soient les mêmes, sans qu’il en résulte une captation de clientèle ; que monsieur [K] et monsieur [P], co-fondateur, travaillaient déjà avec ces clients avant la création de la société Polytec Industrie ; que dans le cadre de marchés publics, il est normal que les sociétés ne travaillent pas avec des entités récemment créées ;

37. – que la société EDSolution n’a pas laissé entendre à ses clients qu’elle continuait à travailler avec la société Polytec Industrie, puisque c’est au contraire cette dernière qui a laissé croire que monsieur [K] continuait à faire partie de ses effectifs, ce qui a conduit le président du tribunal de commerce, par ordonnance du 6 août 2019, à ordonner la suppression de toute référence à monsieur [K] sur le site internet de la société Polytec Industrie ;

38. – que la société Polytec Industrie n’a aucune compétence dans l’automatisme et l’électronique, parties qu’elle sous-traite ;

39. – concernant la raison sociale de la société Polytec Ingénierie, qu’elle résulte du fait qu’elle a été initialement créée à la demande de monsieur [X], qui y était associé ; qu’elle n’a pas ainsi choisi un nom de nature à induire en erreur la clientèle ; qu’elle a obtempéré rapidement lorsque le changement de dénomination a été demandé ;

40. – s’agissant d’une reproduction servile des appareils fabriqués par la société Polytec Industrie, que les devis produits sont des reproductions de réalisations de monsieur [K] pour le compte de la société Indsytec, pour laquelle il avait anciennement travaillé et dont il a racheté une partie du capital; que la société Polytec Industrie n’a eu que la charge du montage et de l’usinage de ce matériel en qualité de sous-traitant alors qu’elle n’avait pas la capacité de le concevoir ce qui explique la présence de ces réalisations dans l’ordinateur de monsieur [X] ; qu’aucun des plans n’est protégé ;

41. – que si la société EDSolution a effectivement reproduit sur son site internet des réalisations de la société Polytec Industrie, c’est en raison d’une erreur commise lors de la mise en page, rectifiée spontanément en décembre 2017 sans demande de cette dernière ; qu’en outre, il n’existait aucune interdiction de diffuser ces informations ;

42. – que les appelants ne démontrent pas l’existence d’un préjudice, en lien avec les fautes alléguées ; que la qualité médiocre des travaux de la société Polytec Industrie et ses tarifs trop élevés expliquent vraisemblablement sa perte de clientèle, comme cela a été le cas dans le passé, puisque pour certains travaux, la société Polytec Ingénierie a dû recourir à d’autres sous-traitants;

43. – concernant leur appel incident, que les appelants ont diligenté de nombreuses procédures, en sollicitant également la clientèle pour l’impliquer dans le conflit; qu’il en est résulté la perte de marchés notamment avec la société Sofradir ; que la perte de chiffre d’affaires liée à l’intervention de monsieur [X] peut être estimée à 150.000 euros.

*****

44. Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

45. La cour constate, en premier lieu, qu’il est constant que les rôles entre la société Polytec Industrie, la société Polytec Ingénierie et la société EDSolution ont été répartis entre elles, afin que la première apporte sa clientèle à la société EDSolution, laquelle a sous-traité la fabrication des produits à la société Polytec Ingénierie pour la partie électronique et les automatismes, et à la société Polytec Industrie pour la partie plasturgie et l’assemblage.

46. Antérieurement à la création de la société Polytec Industrie, monsieur [K] avait été employé par la société Indsytec, et il justifie qu’à cette époque, son activité consistait notamment à commercialiser un matériel similaire à celui ensuite commercialisé par l’appelante. Un constat d’huissier réalisé à la requête de la société Polytec Industrie et produit par elle permet de constater la présence, dans l’ordinateur de monsieur [X], d’une proposition commerciale adressée en 2013 par la société Indystec à la société Sofradir concernant le même type de matériel que celui qui sera vendu par la suite par la société Polytec Industrie.

47. Quant à monsieur [P], il justifie que jusqu’en 2000, il était responsable commercial au sein d’une société Omicron, et qu’il était alors en contact avec les société Thalès et Sofradir.

48. La cour retire de ces éléments que messieurs [P] et [K] travaillaient, avant la création des sociétés dans la cause, dans un domaine d’activité identique à celui ensuite exploité par la société Polytec Industrie, et avec des sociétés qui sont par la suite devenues des clientes de cette dernière. Ils disposaient ainsi de compétences propres.

49. Il s’agit en outre d’une « niche », puisqu’il s’agit de concevoir, fabriquer, installer et maintenir des matériels industriels spécifiques, dont des paillasses pour l’industrie électronique. En raison de cette particularité, le nombre de clients et d’intervenants est ainsi limité.

50. Concernant le débauchage d’un salarié, le tribunal de commerce a retenu que monsieur [L] n’avait aucun rôle déterminant dans l’activité de représentation commerciale et notamment dans la rédaction des offres de la société Polytec Industrie. Pour les premiers juges, ce départ, souhaité ou non par la société Polytec Industrie, n’a pas désorganisé celle-ci même si le remplacement de ce salarié a pris un peu de temps sans que l’on puisse apprécier les diligences apportées par cette société pour y parvenir.

51. Sur ce point, la cour constate que la lettre de démission de monsieur [L] du 27 septembre 2017 n’est pas motivée. Il est alors technicien plasturgiste et salarié depuis plus de quatre ans, avec un salaire de base de 2.571,20 euros brut. Il n’est pas cadre. Selon la lettre de monsieur [L] du 9 novembre 2018 produite à titre d’attestation, il confirme que monsieur [X] n’a pas cherché à le retenir lorsqu’il lui a indiqué avoir une proposition de la société EDSolution. Il indique que son ordinateur lui avait été repris six mois avant cette proposition, et qu’il a pris l’initiative de partir car la société Polytec Industrie ne souhaitait plus faire d’intégration de paillasses. Il a établi une attestation relatant les mêmes faits. Ces faits sont confirmés par une attestation concernant les compétences de monsieur [L], par lequel le témoin indique que ce salarié n’était pas compétent en CAO et qu’il n’était pas le seul plasturgiste.

52. La cour en retire, comme retenu par le tribunal de commerce, qu’aucun élément ne permet de confirmer que ce salarié a été débauché frauduleusement par la société EDSolution. En outre, aucun élément ne permet de retenir que ce départ ait désorganisé la société Polytec Industrie, notamment en raison du rôle limité de monsieur [L], n’occupant pas un poste stratégique au sein de cette société.

53. Concernant le détournement de la clientèle, les premiers juges ont indiqué que les sociétés Polytec Ingénierie et EDSolution ont été créées antérieurement et en plein accord avec monsieur [X] et la société Polytec Industrie ; qu’il n’y avait ni pacte d’actionnaires (monsieur [X] ayant refusé d’entrer au capital de la société EDSolution) ni accord écrit déterminant les rôles respectifs de chacun et donc que rien ne s’opposait à ce que leurs dirigeants dont monsieur [K] aient le droit de solliciter leurs clients, par ailleurs communs dans le schéma initial établi par monsieur [X], pour leur proposer une prestation plus complète notamment dans le domaine de la plasturgie, sous-traitée à d’autres prestataires que la société Polytec Industrie, apparemment plus compétitifs.

54. Le tribunal a ajouté que le fait de connaître les prix pratiqués par la société Polytec Industrie n’empêche pas de facto de solliciter des concurrents et de constater des prix inférieurs, et qu’il s’agit du jeu normal de la concurrence qu’aucun accord formalisé ne vient interdire. Il a noté que ce marché de niche ne compte que quelques clients et qu’il était inévitable que certains soient les mêmes, alors que les dirigeants des sociétés EDSolution et IDI étaient déjà connus d’eux et qu’il n’y a pas eu de man’uvres visant à détourner la clientèle déjà commune aux trois sociétés. Il a conclu que le détournement de la clientèle n’est donc pas démontré et que c’est le jeu de la concurrence qui a entraîné un basculement relatif des prestations assurées initialement par la société Polytec Industrie vers les sociétés EDSolution et IDI.

55. La cour ne peut que confirmer ces motifs, au regard de ce qu’elle a énoncé plus haut concernant les compétences de messieurs [P] et [K], de leurs anciennes fonctions dans d’autres sociétés antérieurement à la création des sociétés en présence, et de la spécificité des produits commercialisés. La cour ne peut également que constater l’absence de toute preuve concernant un détournement de la clientèle de la société Polytec Industrie, alors que selon le montage invoqué par les parties, c’est elle qui adressait ses clients à la société EDSolution, afin ensuite de bénéficier de travaux en sous-traitance. Il n’existe aucun pacte d’associés ni de contrat-cadre, et aucune clause de non-concurrence. Les produits en cause ne sont pas protégés juridiquement. Comme retenu par le tribunal, aucune man’uvre n’est prouvée confirmant que la clientèle a été détournée déloyalement, d’autant qu’antérieurement, messieurs [P] et [K] étaient connus de certains clients de la société Polytec Industrie.

56. Si les appelants produisent un dossier concernant la fourniture de matériel à la société Sofradir par la société Polytec Industrie, duquel il résulte que lors d’une visite, la société Polytec Industrie a constaté une modification d’un appareil qui est sous garantie, et qu’elle a demandé des informations concernant cette modification, la société Sofradir lui a demandé seulement de confirmer en retour les partenaires qui travaillent avec elle. Aucun élément de l’échange de mails intervenu entre ces sociétés ne permet de déterminer ce qui s’est réellement passé, et ce dossier ne permet pas de retenir un détournement de clientèle.

57. Si cette appelante invoque également le fait que le nom de monsieur [K] ait continué à figurer sur son site internet, ce que confirme un constat du 13 novembre 2018 produit par les intimés, il appartenait à monsieur [X], disposant des pouvoirs au sein de la société Polytec Industrie, de supprimer toute référence à monsieur [K] sur ce site. Ainsi que soutenu par les intimés, il en résulte que c’est en réalité l’appelante qui a ainsi souhaité bénéficier de la référence à cette personne sur ce site.

58. La réalité de dissensions commerciales existant entre la société Polytec Industrie et les sociétés EDSolution et IDI est confirmée par une ordonnance de référé du 21 décembre 2018 condamnant la société Polytec Industrie à payer à la société Polytec Ingénierie devenue IDI la somme de 31.244,88 euros au titre de factures impayées.

59. Si les appelants invoquent le maintien de monsieur [K] en qualité d’associé minoritaire de la société Polytec Industrie, et ainsi son accès aux informations concernant la société concernant notamment sa clientèle et ses tarifs, la cour ne peut que constater que la qualité d’associé minoritaire ne confère pas à ce dernier nécessairement un tel droit d’accès, alors que l’utilisation d’informations commerciales ou industrielles par monsieur [K] en sa qualité d’associé minoritaire n’est pas démontrée par les appelants. La cour rappelle en outre les termes du partenariat ayant existé entre les différentes sociétés, et les anciennes fonctions de monsieur [K].

60. Enfin, si les appelants invoquent le fait que la société Polytec Ingénierie aurait mis plus d’un mois afin de changer sa raison sociale, ce délai, raisonnable au regard des formalités nécessaires, ne peut être retenu pour fonder la preuve d’un parasitisme.

61. Il en résulte que le tribunal de commerce a exactement jugé que les intimés n’ont commis aucun acte de concurrence déloyale au préjudice de la société Polytec Industrie. Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté les appelants de l’ensemble de leurs demandes.

62. S’agissant de la demande reconventionnelle des intimés, le tribunal de commerce a indiqué que les sociétés EDSolution et IDI et monsieur [K] ne démontrent pas que l’attitude de monsieur [X] et de la société Polytec Industrie est directement responsable de perte de clientèle ou de chance, les parties s’accusant mutuellement de dénigrement auprès de leurs clients communs sans pour autant les motiver autrement que par des allégations ; que ces derniers ont manifestement trouvé des solutions auprès de tiers qui ne sont ni les demandeurs ni les défendeurs comme semble en témoigner l’attitude de l’un d’entre-eux, la société Lynred, qui a préféré prendre ses distances avec toutes les parties.

63. Sur ce point, la cour ne peut que confirmer que le préjudice invoqué par les intimés n’est pas établi. En outre, la preuve d’un abus commis dans l’exercice du droit d’agir n’est pas plus rapportée. Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles des intimés.

64. Les appelants succombant en leur recours seront condamnés in solidum à payer à chacun des intimés la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles 1240 et suivants du code civil ;

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;

y ajoutant ;

Condamne in solidum la société Polytec Industrie et [R] [X] à payer à la société EDSolution la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société Polytec Industrie et [R] [X] à payer à la société IDI la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société Polytec Industrie et [R] [X] à payer à [T] [K] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société Polytec Industrie et [R] [X] aux dépens exposés en cause d’appel ;

Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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