RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
PS/SB
Numéro 23/653
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 16/02/2023
Dossier : N° RG 20/03194 – N° Portalis DBVV-V-B7E-HXDL
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[O] [M]
C/
S.A.S. ADECCO FRANCE
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 16 Février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 26 Octobre 2022, devant :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Président
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
assistées de Madame BARRERE, faisant fonction de Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [O] [M]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Maître MARCO de la SELARL SAGARDOYTHO-MARCO, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
S.A.S. ADECCO FRANCE prise en la personne de son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Maître LABORDE, avocat au barreau de PAU et Maître NISOL, avocat au barreau de VIENNE,
sur appel de la décision
en date du 21 DECEMBRE 2020
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : 19/00169
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [O] [M] a été embauché le 29 août 2016 par la société Adecco France, suivant contrat à durée indéterminée intérimaire régi par la convention collective nationale du travail temporaire, suivant lequel il devait lui être confié des missions répondant aux critères suivants’:
– emplois d’employés administratifs des services techniques de la banque ou de manutentionnaires non qualifiés ou d’employés administratifs non qualifiés,
– périmètre de mobilité de 50 km et 1 h 30 à partir du lieu de résidence,
– rémunération d’un taux horaire d’au moins 70 % de la mission précédente.
Le 2 mars 2018, il a fait l’objet d’un avertissement qu’il a contesté.
Le 5 septembre 2018, il a été convoqué à un entretien préalable fixé le 18 septembre suivant et mis à pied à titre conservatoire.
Du 5 au 14 septembre 2018, il a fait l’objet d’un arrêt de travail.
La société Adecco France a mis un terme à la procédure disciplinaire.
Le 14 décembre 2018, il a fait l’objet d’un avertissement qu’il a contesté.
Le 8 mars 2019, il a été convoqué à un entretien préalable fixé le 20 mars suivant et mis à pied à titre conservatoire.
Le 26 mars 2019, il a été licencié pour faute grave.
Le 17 juin 2019, il a saisi la juridiction prud’homale.
Par jugement du 21 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Pau a :
– dit que l’avertissement disciplinaire du 2 mars 2018 n’est pas prescrit et qu’il est justifié ;
– dit que l’avertissement disciplinaire du 14 décembre [2018] est justifié ;
– dit que le licenciement de M. [O] [M] en date du 26 mars 2019 doit être qualifié de faute grave ;
– en conséquence, débouté M. [O] [M] de l’ensemble de ses prétentions’;
– dit que chaque partie supportera ses propres dépens.
Le 30 décembre 2020, M. [O] [M] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 30 juin 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [O] [M] demande à la cour de :
En la forme,
– déclarer recevable son appel,
Au fond,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
. a dit que l’avertissement disciplinaire du 2 mars 2018 n’est pas prescrit et qu’il est justifié,
. a dit que l’avertissement disciplinaire du 14 décembre est justifié,
. a dit que son licenciement en date du 26 mars 2019 doit être qualifié de faute grave,
. l’a débouté de l’ensemble de ses prétentions,
. a dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens,
Statuant à nouveau,
– juger que l’avertissement disciplinaire prononcé par l’employeur du 02/03/2018 est injustifié,
– prononcer l’annulation de l’avertissement du 02/03/2018,
– condamner la société Adecco France à lui payer la somme de 2.000 € au titre de cette sanction injustifiée,
– juger que l’avertissement disciplinaire prononcé par l’employeur du 14/12/2018 est injustifié,
– prononcer l’annulation de l’avertissement du 14/12/2018,
– condamner la société Adecco France à lui payer la somme de 2.000 € au titre de cette sanction injustifiée,
– juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement,
– en conséquence,
– condamner la société Adecco France à lui payer les indemnités suivantes :
. indemnité compensatrice de préavis : 2.800,10 €,
. congés payés sur préavis : 280,01 €,
. indemnité légale de licenciement 700,02 €,
. indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 4.900,17 €,
– juger que la société Adecco France a commis des actes constitutifs de harcèlement moral à son égard,
– condamner la société Adecco France à lui payer la somme de 15.000 € au titre du harcèlement moral subi,
– condamner la société Adecco France à lui payer la somme de 3.600 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Adecco France aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 28 juillet 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société Adecco France demande à la cour de’:
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
. dit que l’avertissement disciplinaire notifié à M. [O] [M] en date du 2 mars 2018 n’était pas prescrit et [était] parfaitement justifié,
. dit que l’avertissement disciplinaire notifié à M. [O] [M] en date du 14 décembre 2018 était parfaitement justifié,
. dit que le licenciement notifié à M. [O] [M] pour faute grave en date du 26 mars 2019 était parfaitement justifié,
. débouté M. [O] [M] de l’intégralité de ses demandes indemnitaires,
– en conséquence,
– débouter M. [O] [M] de l’intégralité de ses demandes,
– le condamner aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 26 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’avertissement du 2 mars 2018
En application de l’article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
L’article L.1332-4 du code du travail prévoit qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
L’article L.1332-5 du code du travail poursuit qu’aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction.
Aux termes des articles L.1333-1 et L.1333-2 du code du travail, en cas de litige, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et examine le bien-fondé de la sanction disciplinaire au vu des éléments produits par l’employeur et le salarié. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Le juge peut annuler une sanction injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
En l’espèce, M. [M] a fait l’objet d’un avertissement le 2 mars 2018 aux motifs’:
– que suivant un mail du 23 mars 2017 de Mme [V] [B], responsable d’exploitation de La Poste, secteur [Localité 4], dont la société Adecco n’aurait eu communication que le 12 février 2018 après avoir proposé M. [M] pour une mission au bureau de poste de [Localité 5], il avait posé problème aux agents du bureau «’en raison de ses discours misogynes « c’est difficile de travailler avec les femmes », de propos déplacés tels que « si l’occident est attaqué, c’est sa faute »‘; à l’adresse de gens du voyage « c’est moi le terroriste »‘;
– que suivant un mail du 14 février 2018 de M. [T] [L], responsable d’exploitation de La Poste, secteur [Localité 7] Université, lors d’une mission du 5 au 10 février 2018, il n’avait pas respecté la consigne donnée de ne faire que des apports d’affaires auprès des permanents de La Poste et de ne pas faire de ventes directement, avait mensongèrement invoqué l’accord de la responsable d’exploitation de l’agence et avait accepté en connaissance de cause des colissimos non conformes, de sorte qu’il avait été refusé pour une nouvelle mission pour le bureau de [Localité 7] Université.
Ce second mail (pièce 18 de l’employeur) est ainsi rédigé’: «’La semaine du 5 au 10 février, M. [M] [O] a assuré une mission d’intérim dans notre établissement.
La qualité de sa prestation a été fort médiocre.
Le lundi 5, lors de la réunion starter, la RCPart, Mme [N] (suppléante DS), a présenté la semaine connectée LPM [La Poste Mobile] avec consigne pour M. [M] de ne faire que des apports. En effet, nous disposons actuellement d’une Coach LPM qui a pour mission de faire monter en compétence les agents titulaires sur La Poste Mobile.
Mercredi 7, Mme [W] Coach LPM, nous met en alerte sur le fait que M. [M] réalisait des ventes en direct malgré sa présence et les consignes données.
Lorsqu’elle lui en a fait la remarque, il lui a répondu avoir l’accord de la REC Mme [F]. Après confirmation de la REC que cela était faux, Mme [N] a reçu M. [M] pour un entretien de recadrage’: il ne devait pas réaliser les ventes et encore moins proférer des mensonges en l’absence de Mme [F] REC.
Dans la même journée, le RE, Monsieur [L], a dû le reprendre sur la réglementation concernant la prise en charge des colissimos, car il acceptait des paquets non conformes et laissait croire que ce n’était pas lui mais les autres chargés de clientèle.
Jeudi 8, la REC, Mme [F] et la RCPart Mme [N], l’ont reçu en entretien. Il lui a été rappelé que l’on attendait des apports de sa part et qu’il n’était pas concerné par le challenge en cours car présent uniquement sur une mission courte sur le secteur. Il s’en est offusqué, car selon lui « c’est la coach LPM qui est jalouse de ses résultats ainsi que les Chargés de Clientèle, car 80 % des ventes se faisaient grâce à lui » ce qui est totalement faux.
Le soir à 18 h00, alors que son planning prévoyait une fin de vacation à 18h15, il quittait le bureau alors qu’il restait encore des clients en salle’! Il fut rattrapé dans le vestiaire par la REC avec un nouveau recadrage sur le respect de son planning.
Il est à signaler que pendant toute la semaine, les encadrants ont dû aller le chercher en salle de repos continuellement, une fois pour le verre d’eau, une fois pour le café, ensuite pour les toilettes et finalement en pause’!
De plus, il se permet en espace commercial, devant la clientèle, de critiquer nos produits LPM (notre partenariat SFR…) ce qui est totalement inadmissible.
Du fait de son comportement, de sa mauvaise foi et de son manque d’esprit d’équipe, nous souhaitons ne plus travailler avec cet agent intérimaire.’»
M. [M] a réagi à cet avertissement par courrier en date du 13 mars 2018 réceptionné le 16 mars 2018. Concernant le second grief, il indique «’Je me suis toujours impliqué à 100 % dans mon travail, notamment dans les différents challenges. La Poste Mobile et l’ancienne REC du secteur Université, qui aujourd’hui travaille sur le secteur d'[Localité 6] et souhaite ma venue dans son secteur, m’y incitait et me récompensait à l’aide de chèques «’cadoc’», ainsi que les autres directeurs du secteur.
J’étais dans cette dynamique de travail et je n’ai pas apprécié comme il fallait la nouvelle stratégie mise en place qui réduisait considérablement mes ventes. Je tiens à préciser que je ne suis pas rémunéré sous forme de prime comme le sont les employés du groupe La Poste, néanmoins dans un souci de conscience professionnelle et de souhait d’évoluer dans ce groupe cela ne m’a jamais découragé de vendre afin d’atteindre les objectifs de vente.
J’ai pu en m’exprimant en toute franchise blesser la sensibilité du personnel et je le regrette vivement.
J’en tire toutes les leçons et je vous assure que je m’applique aujourd’hui à respecter les consignes des bureaux auxquels je suis affecté afin que les missions se déroulent de la meilleure façon’».
M. [M] soutient qu’il a respecté la consigne reçue de procéder seulement à des apports d’affaires et non à des ventes alors que dans le courrier ci-dessus, il reconnaît le non-respect de cette consigne et invoque son caractère nouveau par rapport à des missions antérieures.
Le second grief, de non-respect des consignes données par l’entreprise utilisatrice entre le 5 et le 10 février 2018, est ainsi avéré. La sanction prononcée, qui consiste en un avertissement, est proportionnée. Dès lors, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la prescription des faits constituant le premier grief, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit cet avertissement justifié.
Sur l’avertissement du 14 décembre 2018
La société Adecco France a reproché à M. [M] de lui avoir fait parvenir son planning de la semaine 49 auprès de la société Conforama par mail du mardi 4 décembre 2018 à 14 h 48 et de l’avoir alors informée qu’il était de repos le lundi 3 décembre, soit la veille, l’empêchant de fait de compléter ses horaires de la semaine qui s’élevaient à 21 h pour une base contractuelle avec un minimum garanti de 35 h. Elle soutient qu’il ne fait aucun doute que la société Conforama avait communiqué son planning à M. [M] le 30 novembre 2018 ou le 1er décembre 2018, et qu’en s’abstenant de l’en informer dès après, M. [M] a négligé une mise en demeure faite par courriel du 29 novembre 2018 et a manqué aux obligations que lui impose l’article 10 du contrat de travail.
En application des articles L.1251-8-4, L.1251-8-5, L1251-3 4° et L.1251-16 1° du code du travail, les missions effectuées par le salarié en contrat à durée indéterminée intérimaire donnent lieu à l’établissement d’une lettre de mission qui mentionne notamment l’horaire de travail du salarié.
Par ailleurs, le contrat à durée indéterminée intérimaire versé aux débats prévoit’:
– à l’article 10 , intitulé «’obligations professionnelles’» :
«Compte tenu de la spécificité de la mise à disposition dans le cadre de la législation du travail temporaire [O] [M] est juridiquement rattaché à l’agence sise au [Adresse 3] et est tenu de se conformer aux directives de l’entreprise utilisatrice et de ses représentants pour ce qui concerne les conditions d’exécution du présent contrat.
[O] [M] est tenu d’accepter les formations qui lui sont proposées par son employeur, qu’elles se situent pendant les missions ou en période d’indemnisation.
En période de mission’:
Pendant l’exécution des missions, [O] [M] devra se conformer aux directives de l’entreprise utilisatrice et de ses représentants. Les conditions d’exécution du travail durant les missions ainsi que les conditions d’organisation du travail sont déterminées par les règles applicables dans l’entreprise utilisatrice.
[O] [M] est tenu d’accepter les missions qui lui sont proposées correspondant aux emplois et au périmètre de mobilité définis au présent contrat, et dès lors que la rémunération de la mission n’est pas inférieure à 70 % du taux horaire de la dernière mission.
[O] [M] bénéficie d’une période probatoire durant laquelle il peut interrompre sa mission lorsqu’il accepte une mission qui modifie l’un des éléments définis ci-dessus relatifs à l’emploi, au périmètre de mobilité et à la rémunération.
Cette période probatoire est fixée à’:
. 2 jours si la durée de la mission est inférieure à 1 mois,
. 3 jours si la durée de la mission est supérieure à 1 mois et inférieure ou égale à 2 mois,
. 5 jours si la durée de la mission est supérieure à 2 mois.
En période d’intermission’:
Durant les périodes d’intermission [O] [M] doit être joignable aux horaires d’ouverture de l’agence afin que celle-ci puisse lui proposer de nouvelles missions et que [O] [M] puisse, dans un délai minimum d’une demi-journée, se rendre dans l’entreprise utilisatrice pour exécuter la mission.
D’une façon générale, toute fin de mission anticipée ou toute nouvelle disponibilité du salarié à prendre une mission devra être signalée immédiatement par le salarié à son agence, par téléphone, par email ou en se rendant directement à l’agence, en sorte que cette dernière puisse lui proposer de nouvelles missions, dans le respect des stipulations du présent contrat.’»
– à l’article 9 intitulé «’Rémunération’» :
«Rémunération pendant les missions’:
En contrepartie de l’exécution de chaque mission, [O] [M] percevra une rémunération fixée dans la lettre de mission correspondant à la rémunération que percevrait dans l’entreprise utilisatrice, après période d’essai, un salarié de qualification équivalente, occupant le même poste de travail.
Cette rémunération pourra être différente d’une mission à une autre en fonction du temps de travail de la mission, et en fonction de la qualification demandée par l’entreprise utilisatrice. Elle sera précisée dans la lettre de mission remise avant chaque nouvelle mise à disposition.
Garantie minimale mensuelle de rémunération’:
[O] [M] percevra une garantie minimale mensuelle de rémunération brute fixée à 1.466,65 € pour 151,67 heures de travail.
Cette rémunération est garantie quel que soit le nombre d’heures réellement travaillées au titre d’un mois et couvre à la fois les périodes de mission et les périodes d’intermission.
Pour déterminer le montant de la garantie mensuelle de rémunération il n’est pas tenu compte de la rémunération des heures supplémentaires réalisées pendant les missions, des primes exceptionnelles ni de celles liées au poste de travail ou celles versées à titre de remboursement de frais.’»
– à l’article 8 intitulé «’durée et modalités d’organisation du travail’» :
«’Le temps de travail de [I] [M] est établi en fonction des besoins des entreprises utilisatrices auprès desquelles [O] [M] sera mis à disposition. Ce temps de travail ne peut donc pas être prédéterminé dans le présent contrat de travail, il sera en revanche précisé dans la lettre de mission. Cette dernière précisera notamment les modalités d’aménagement du temps de travail éventuellement applicable dans l’entreprise utilisatrice (accord de modulation, JRTT…) ainsi que les éventuelles incidences de ces accords sur la rémunération du salarié dans le respect des dispositions de l’article 9 du présent contrat.
Les parties conviennent cependant que la durée du travail sur la base de laquelle sera fixée la rémunération minimale mensuelle est de 151,67 heures par mois.
Les périodes pendant lesquelles [O] [M] n’est pas en mission («’périodes d’intermission’» sont assimilées à du temps de travail effectif pour le calcul de la durée du travail.
L’organisation du travail retenue dans le présent contrat est la suivante’:
horaires’: journée.’»
Il ressort de ces dispositions contractuelles que M. [M] n’avait d’obligation d’informer son employeur de sa disponibilité et de se tenir à sa disposition aux horaires d’ouverture de l’agence qu’en période qualifiée d’intermission correspondant à celle comprise entre deux missions.
Au vu des pièces produites par les parties :
– le jeudi 29 novembre 2018 à 10 h 38, M. [U] [D], directeur de l’agence Adecco de [Localité 4] a indiqué par mail à M. [M]’: «’Vous avez signé un CDI intérimaire et avez une lettre de mission chez notre client Conforama. Si votre contrat est un contrat à temps plein votre mission est à temps partiel sur la base de 21 heures hebdomadaires. Votre planning peut varier chaque semaine selon le planning qui vous est communiqué par notre client.
Au regard de l’article 10 de votre contrat de travail ‘ obligations professionnelles – «’D’une façon générale toute fin de mission anticipée ou toute nouvelle disponibilité du salarié à prendre une mission devra être signalée immédiatement à l’agence, par téléphone, email ou en se rendant directement à l’agence, en sorte que cette dernière puisse lui proposer de nouvelles missions, dans le respect des stipulations du présent contrat.’» Nous vous rappelons donc que vous devez nous contacter pour nous faire par de vos disponibilités dès que vous en avez connaissance, afin que nous puissions vous proposer d’autres missions pour compléter vos semaines.
C’est pourquoi nous vous mettons en demeure de nous communiquer chaque semaine, votre planning de travail, dès lors qu’il ne serait pas au moins égal à 35 heures.
Dans l’hypothèse où vous ne respecteriez pas vos obligations décrites dans l’article précédemment cité, nous serions contraints d’envisager d’éventuelles sanctions disciplinaires à votre endroit’».
– M. [M] a manifesté son incompréhension par mail du 30 novembre 2018 à 8 h 58, indiquant que c’était jusqu’alors la société Adecco qui lui communiquait son planning avec la lettre de mission, et qu’il n’avait pas été informé d’une éventuelle prolongation de la mission auprès de la société Conforama’; il justifie que précédemment, le planning d’une mission lui a été communiqué par la société Adecco le 8 février 2018 s’agissant d’une mission à La Poste et le 24 septembre 2018 s’agissant du renouvellement d’une mission à Conforama’;
– par mail du vendredi 30 novembre 2018 à 14 h 53, Mme [R] [X], de l’agence Adecco de [Localité 4] a informé M. [M] de la prolongation de sa mission en tant que vendeur du [lundi] 3 décembre au [samedi] 8 décembre 2018 inclus’;
– par mail adressé à Mme [X] le vendredi 30 novembre, M. [M] a accusé réception de cette prolongation et a indiqué ne pas être en possession du planning de la semaine à venir’;
– par mail en réponse du vendredi 30 novembre 2018, Mme [X] a indiqué à M. [M] «’Je vous laisse vous rapprocher de M. [J], responsable du magasin Conforama, qui vous communiquera votre planning’»’;
– les horaires de la semaine du 3 au 8 décembre 2018 ont été communiqués à M. [M] par M. [J], responsable du magasin Conforama, par SMS du lundi 3 décembre 2018 à 18 h 20′;
– M. [M] a communiqué ses horaires de la semaine du 3 décembre 2018, à savoir le mardi de 15 h à 18 h 30, le mercredi, le jeudi et le vendredi de 15 h à 19 h et samedi de 14 h à 19 h 30, à Mme [X], de l’agence Adecco de [Localité 4], par mail mardi 4 décembre 2018 à 13 h 48′;
– M. [M] a contesté la sanction par courrier recommandé en date du 18 décembre 2018 réceptionné par l’employeur le 20 décembre 2018.
Il résulte de ces éléments que la mission de M. [M] auprès de la société Conforma a été prolongée, de sorte que les dispositions de l’article 10 du contrat n’étaient pas applicables. Au demeurant, M. [M] justifie qu’il n’a été informé du planning concernant cette prolongation que le 3 décembre 2018 à 18 h 20 de sorte que, même à le supposer tenu d’une obligation d’information, il ne peut lui être reproché de n’y avoir pas satisfait utilement. Dès lors, l’avertissement du 14 décembre 2018 doit être annulé. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Il est raisonnable d’évaluer le préjudice moral qui en est résulté pour M. [M] à la somme de 1.500 €.
Sur le licenciement
En application de l’article 1235-1 du code du travail, tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle, donc établie, objective, exacte et sérieuse, le juge formant sa conviction au vu des éléments soumis par les parties ; s’il subsiste un doute, il profite au salarié. Par ailleurs, M. [M] ayant été licencié pour faute grave, il appartient à l’employeur d’établir que la faute commise par le salarié dans l’exécution de son contrat de travail est d’une gravité telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le préavis.
M. [M] a été licencié au motif ci-après’:
«’Nous constatons d’importants manquements à vos obligations contractuelles et professionnelles.
Le 19 février 2019, vous avez été mis à disposition au sein de la société Enterprise pour laquelle vous deviez effectuer un convoyage de voiture de location à faire.
A ce titre, il vous a été remis une carte bancaire vous permettant d’effectuer votre plein d’essence et de payer le péage.
Lors de votre passage au péage, la carte n’est pas passée. Dans cette situation, la consigne est de donner à l’opérateur les chiffres inscrits sur la carte afin que la société de péage puisse régulariser le paiement auprès de la société.
Selon vous, l’opératrice du télépéage a refusé de prendre les dits chiffres.
Selon les éléments fournis par Mme [C] [E], chef des agences de [Localité 8] et de [Localité 7], cela n’est jamais arrivé depuis que ce système de paiement a été mis en place par la société Enterprise et malgré les passages quotidiens aux différents péages des différents salariés et salariés intérimaires travaillant ou mis à disposition au sein de la société Enterprise.
Cette dernière s’est vue donc opposer une constatation de non-paiement de péage, une contravention pour infraction au péage et une obligation de régler par chèque ou par virement de la société d’Autoroutes.
Compte tenu de ces conséquences et de votre comportement, la société Enterprise nous a demandé de ne plus vous mettre à sa disposition.
Or, il ne s’agit pas d’un fait isolé. En effet, trois de nos principales entreprises utilisatrices, La Poste, Euralis et Conforama ne souhaitent plus collaborer avec vous compte tenu de votre absence totale de professionnalisme.
Deux avertissements pour des faits similaires, vous ont été notifiés, en date du 2 mars 2018 et 14 décembre 2018. Force est de constater que vous faites fi de ces avertissements. Vous ne semblez pas prendre conscience de l’importance de respecter vos obligations contractuelles et professionnelles.
Ces manquements mettent en péril les relations commerciales que nous entretenons avec nos clients.
Votre comportement est inacceptable. Votre attitude pour le moins inappropriée ne peut qu’altérer notre relation contractuelle et nuire à son bon fonctionnement.
La rupture de votre contrat prend donc effet à compter de la date d’envoi de la présente lettre recommandée’».
M. [M] a fait valoir par mail du 19 février 2019 auprès de M. [U] [D], directeur de l’agence Adecco de [Localité 4], que la carte bancaire n’avait pas fonctionné à la borne de paiement automatique du péage, qu’à l’aller, l’opérateur auquel il avait eu à faire avait accepté qu’il laisse le numéro de la carte bancaire et qu’au retour, un autre opérateur avait refusé et établi une constatation de non paiement.
La société Adecco France invoque un mail de Mme [C] [H], chef des agences [Localité 7] et [Localité 8] aéroports de la société Enterprise, suivant lequel il n’est jamais arrivé qu’un opérateur de péage refuse un paiement au moyen du numéro de la carte en cas de refus de la carte à la borne de paiement automatique du péage. Cependant, le mail produit en pièce 21 par l’employeur n’est pas un mail de Mme [H], mais un mail de Mme [X], salariée de l’agence Adecco, censé contenir une copie fidèle d’un mail de Mme [H], et aucune pièce ne permet de s’assurer que tel est bien le cas. En outre, l’affirmation qu’il n’arrive jamais qu’un opérateur de péage appelé à la rescousse par un usager en cas de refus d’une carte bancaire à la borne de paiement automatique refuse un paiement au moyen du numéro de la carte n’est pas suffisant à établir que tel n’est pas ce qui est arrivé à M. [M].
Il résulte de ces éléments que l’unique grief qui a fondé le licenciement n’est pas suffisamment caractérisé, de sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Par suite, M. [M] a droit’:
– en application de l’article L.1234-1 du code du travail et de l’article 7.1 de l’accord national du 23 janvier 1986 relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire, à une indemnité compensatrice d’un préavis de deux mois’; il retient un salaire moyen les 12 mois précédents le licenciement dont il justifie par la production des bulletins de paie de 1.400,05 €, inférieur à la garantie minimale mensuelle de rémunération brute’; il lui sera donc alloué à ce titre une somme de 2.800,10 €, outre celle de 280,01 au titre des congés payés afférents’;
– en application des articles L.1234-9 et R.1234-1 et suivants du code du travail, à une indemnité légale de licenciement déterminée compte tenu de son ancienneté de 2 ans et 8 mois’; il limite sa demande à la somme de 700,02 € déterminée sur la base d’une ancienneté de deux ans (1.400,05 / 4 X 2)’; dans la limite de sa demande, c’est cette somme qui lui sera allouée’;
– en application de l’article L.1235-3 du code du travail, à une indemnité minimale de 3 mois et maximale de 3,5 mois de salaire brut’; il justifie que postérieurement au licenciement, il a été en situation de chômage indemnisé et qu’il avait dès avant des difficultés financières’; au vu de ces éléments, il lui sera alloué des dommages et intérêts d’un montant de 4.900,17 €, soit 3,5 mois de salaire brut.
Suivant l’article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
En application de ces dispositions, il convient d’ordonner le remboursement par la société Adecco France des indemnités de chômage versées à M. [M] à hauteur de six mois.
Sur le harcèlement moral
Le premier juge a omis de statuer sur cette demande.
En application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Suivant l’article L.1154-1 du même code, en cas de litige relatif à l’application de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En l’espèce, M. [M] invoque’:
– les avertissements injustifiés des 2 mars et 14 décembre 2018′: seul celui du 14 décembre 2018 a été considéré comme injustifié’;
– une procédure disciplinaire abandonnée et injustifiée’:
Il résulte des éléments produits par M. [M]’:
. qu’il a été convoqué par courrier en date du 5 septembre 2018 à un entretien préalable le 18 septembre 2018 à une éventuelle sanction disciplinaire et mis à pied à titre conservatoire’;
. que par courrier et mail du 6 septembre 2018, la société Adecco France l’a informé de l’annulation de la mise à pied conservatoire au motif qu’il lui avait communiqué un arrêt maladie du 5 au 7 septembre 2018, du maintien de la procédure disciplinaire, et de la poursuite de sa mission au sein de la société Euralis où il était attendu à son poste le lundi 9 septembre 2018′;
. que par courrier en date du 13 septembre 2018, la société Adecco France l’a informé qu’elle mettait un terme à la procédure disciplinaire’;
La société Adecco France lie pour sa part l’abandon de cette procédure disciplinaire avec un arrêt de travail pour maladie du 5 au 7 septembre 2018 ensuite prolongé jusqu’au 14 septembre 2018.
En l’absence d’autres éléments, il n’est pas permis de déterminer, comme invoqué par M. [M], que cette procédure disciplinaire avait un caractère abusif.
– une dégradation de ses conditions de travail ayant entraîné une altération de son état de santé physique et psychologique’;
Il produit’:
. l’analyse du 26 mars 2019 par le docteur [Z] [P], radiologue, d’un IRM de l’épaule gauche, suivant laquelle il présente une tendinapathie calcifiante’; aucun élément ne permet de relier cette pathologie au travail’;
. un certificat du docteur [A] [Y], médecin généraliste, du 28 février 2019, suivant lequel «’son état de santé a nécessité un suivi par un psychologue et un traitement médical à la suite de difficultés au travail depuis avril 2018’»’; ce seul certificat, émanant d’un médecin qui n’a pu avoir accès qu’aux dires du salarié relativement à ses conditions de travail, est insuffisant à permettre d’apprécier celles-ci.
Ainsi, parmi les faits invoqués par M. [M], un seul est caractérisé, tenant à l’avertissement injustifié du 14 décembre 2018. Or, le harcèlement moral suppose des agissements répétés de l’employeur. Dès lors, la demande de M. [M] doit être rejetée.
Sur les autres demandes
La société Adecco France sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à M. [M] la somme de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Pau du 21 décembre 2020 hormis en ce qu’il a dit l’avertissement du 2 mars 2018 justifié,
Statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Annule comme étant injustifié l’avertissement du 14 décembre 2018 et condamne la société Adecco France à payer à M. [O] [M] la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts,
Dit le licenciement de M. [O] [M] sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Adecco France à payer à M. [O] [M] les sommes de’:
– 2.800,10 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 280,01 au titre des congés payés afférents,
– 700,02 € à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 4.900,17 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute M. [O] [M] de sa demande au titre du harcèlement moral,
Condamne la société Adecco France à rembourser aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [O] [M], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, à hauteur de six mois d’indemnités,
Condamne la société Adecco France aux dépens de première instance et d’appel,
Condamne la société Adecco France à payer à M. [O] [M] la somme de 3.000’€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,