Contrat d’engagement d’intermittent du spectacle requalifié

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Contrat d’engagement d’intermittent du spectacle requalifié
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Le contrat litigieux, intitulé « contrat d’engagement de technicien intermittent du spectacle » ne fait pas clairement et expressément mention d’un motif précis de recours au contrat de travail à durée déterminée, et ce s’agissant notamment de la possibilité de recourir à un contrat de travail à durée déterminée d’usage dans le domaine des spectacles, le seul descriptif des fonctions à accomplir étant manifestement insuffisant et inopérant de ce chef. Par conséquent, il convient, par infirmation du jugement, de requalifier le contrat de travail à durée déterminée litigieux en contrat de travail à durée indéterminée.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/01481 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B45YI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Octobre 2017 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F15/08470

APPELANTE

Madame Y X

[…]

[…]

Représentée par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222

INTIMÉE

SAS THEATRE EDOUARD VII

[…]

[…]

Représentée par Me Céline FABIE VERDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1897

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Octobre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, chargé du rapport, et M. Fabrice MORILLO, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

— contradictoire

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat d’engagement de technicien intermittent du spectacle à compter du 23 juin 2014, Mme X a été engagée en qualité d’administrateur de production en tournée par la société Théâtre Edouard VII, le contrat stipulant que « Le salarié est engagé en tournée à compter du 23 juin 2014. Un planning prévisionnel est annexé au présent contrat. Des représentations peuvent être supprimées ou ajoutées dans la limite d’un tiers du nombre de représentations.

Le salarié est engagé pour préparer « administrativement » la tournée : les 23 et 24 juin 2014 et les 22, 23 et 24 septembre 2014, soit 5 jours de préparation ».

Selon avenant du 24 septembre 2014, il est convenu par les parties, s’agissant de la durée du contrat, que « Le salarié est engagé pour la période de la tournée, à savoir à compter du 1er février 2015 jusqu’au 30 mai 2015 (sous réserve de modification du calendrier de la tournée). Un planning prévisionnel est annexé au présent contrat. Des représentations peuvent être supprimées ou ajoutées dans la limite d’un tiers du nombre de représentations. »

Selon avenant du 9 février 2015, il est prévu que « d’un commun accord les parties décident de cesser leurs relations contractuelles à compter du 3 avril 2015. »

Sollicitant notamment la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée ainsi que des rappels de salaire sur la base d’un temps complet pour la période courant du 11 juin 2014 au 3 avril 2015 et s’estimant insuffisamment remplie de ses droits, Mme X a saisi la juridiction prud’homale le 9 juillet 2015.

Par jugement du 6 octobre 2017, le conseil de prud’hommes de Paris a débouté Mme X et la société Théâtre Edouard VII de leurs demandes et a condamné Mme X aux dépens.

Par déclaration du 10 janvier 2018, Mme X a interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 avril 2020, Mme X demande à la cour, in limine litis, de rejeter les pièces produites par la société Théâtre Edouard VII en application de l’article 906 du code de procédure civile, sur le fond, d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 23 juin 2014, de dire que le contrat de travail doit être requalifié en contrat à temps plein, de fixer son salaire de référence à la somme mensuelle de 6 160 euros bruts, de dire qu’elle a fait l’objet le 3 avril 2015 d’un licenciement sans procédure nécessairement abusif et de condamner la société Théâtre Edouard VII au paiement des sommes suivantes :

—  6 160 euros à titre d’indemnité de requalification,

—  50 577,33 euros à titre de rappel de salaire du 11 juin 2014 au 3 avril 2015 outre 5 057,73 euros au titre des congés payés y afférents,

—  36 960 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

—  12 320 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions relatives aux temps de repos minimum,

—  6 160 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 616 euros à titre de congés payés sur préavis,

—  36 960 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

—  6 160 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier,

lesdites condamnations devant être assorties des intérêts au taux légal et de l’anatocisme conformément à l’article 1154 du code civil.

Elle sollicite, en tout état de cause, la remise de bulletins de paie et de documents sociaux conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document, la cour devant s’en réserver la liquidation, le rejet des demandes de la société Théâtre Edouard VII et la condamnation de celle-ci au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 juillet 2018, la société Théâtre Edouard VII demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes mais de l’infirmer en ce qu’il a débouté la société de ses demandes et, statuant à nouveau, de condamner Mme X au paiement des sommes de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de fixer le salaire de référence à la somme de 2 660 euros, de limiter le montant de l’indemnité de requalification à la somme de 317,13 euros, de dire que Mme X n’a subi aucun préjudice du fait de la rupture de son contrat de travail et de la débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre de la rupture abusive de son contrat de travail ainsi que de sa demande de dommages-intérêts au titre du licenciement irrégulier.

L’instruction a été clôturée le 28 septembre 2021 et l’affaire a été fixée à l’audience du 27 octobre 2021.

MOTIFS

Sur la demande de rejet des pièces

L’appelante soutient que les pièces visées par l’intimée dans ses écritures n’ont pas été communiquées avec ses conclusions.

Selon l’article 906 du code de procédure civile, les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l’avocat de chacune des parties à celui de l’autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l’être à tous les avocats constitués.

Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification.

Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.

En application de ces dispositions, l’obligation de communiquer simultanément au dépôt et à la notification des conclusions les pièces produites à leur soutien n’impose pas à la cour d’écarter des débats des pièces dont la communication y contrevient, s’il est démontré que le destinataire de la communication a été mis, en temps utile, en mesure de les examiner, de les discuter et d’y répondre, ce qui est le cas en l’espèce eu égard au fait que les pièces contestées avaient déjà été communiquées en première instance par l’employeur et que l’appelante apparaît ainsi avoir été en mesure de les examiner, de les discuter et d’y répondre ainsi que cela résulte de ses propres conclusions.

Dès lors, la cour dit n’y avoir lieu à écarter des débats les pièces produites par la société intimée.

Sur la requalification en contrat de travail à durée indéterminée

L’appelante fait valoir que la requalification du contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée doit être prononcée compte tenu de l’absence de contrat écrit et de déclaration de la période d’emploi du 11 au 23 juin 2014, l’intéressée précisant que si le contrat de travail a été conclu à compter du 23 juin 2014, elle a en réalité commencé à travailler bien en amont sur la tournée de la pièce. Elle affirme que la requalification est également encourue en raison de l’absence de motif de recours dans le contrat conclu, celui-ci, intitulé « contrat d’engagement de techniciens intermittents du spectacle », ne comportant juridiquement aucun motif de recours.

L’intimée réplique que la lecture et l’analyse des termes du contrat signé met en évidence son parfait respect des conditions de recours au contrat de travail à durée déterminée tant sur le fond que sur la forme. Elle souligne que la date réelle d’embauche de la salariée était fixée au 23 juin 2014 conformément à la propre demande de cette dernière, les seules pièces produites ne permettant pas de rapporter la preuve d’un lien de subordination à son égard pour la période du 11 au 22 juin 2014.

Selon les dispositions de l’article L. 1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12 alinéa premier, L.1243-11 alinéa premier, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4. L’article L. 1245-2 prévoit que lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, cette disposition s’appliquant sans préjudice des dispositions relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

En application de l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

En l’espèce, l’appelante verse aux débats des échanges de mails sur la période courant du 11 au 22 juin 2014 permettant de déterminer qu’elle avait déjà commencé à contacter et à échanger avec différents hôtels situés dans les villes incluses dans la tournée prévue au mois de février 2015 aux fins d’obtenir des renseignements sur les tarifs et modalités de réservation des chambres. Il est donc établi que l’intéressée a effectivement exécuté des prestations de travail régulières pour le compte et sous la subordination de la société dès le 11 juin 2014 et non de « menues prestations » comme indiqué par l’intimée, et ce sans que les parties n’aient formalisé un contrat de travail à durée déterminée écrit pour la période litigieuse comprise entre le 11 et le 22 juin 2014.

Par ailleurs, il sera relevé que le contrat litigieux, intitulé « contrat d’engagement de technicien intermittent du spectacle » ne fait pas clairement et expressément mention d’un motif précis de recours au contrat de travail à durée déterminée, et ce s’agissant notamment de la possibilité de recourir à un contrat de travail à durée déterminée d’usage dans le domaine des spectacles, le seul descriptif des fonctions à accomplir étant manifestement insuffisant et inopérant de ce chef.

Par conséquent, il convient, par infirmation du jugement, de requalifier le contrat de travail à durée déterminée litigieux en contrat de travail à durée indéterminée.

Sur le temps de travail

L’appelante soutient qu’aucun temps de travail n’est mentionné dans le contrat, que les mentions contractuelles relatives à la durée du contrat sont particulièrement ambiguës et que le temps de travail payé ne correspondait pas au temps de travail réel effectué. Elle fait valoir que son contrat de travail doit être requalifié en contrat à temps plein en ce qu’elle se tenait à la disposition permanente de l’employeur, lequel est en outre dans l’impossibilité d’établir la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail.

L’intimée réplique que la salariée avait une parfaite connaissance des jours travaillés et de la durée du temps de travail rémunéré, qu’elle ne démontre pas avoir accompli les 1680 heures de travail dont elle réclame le paiement et qu’elle n’établit pas avoir été à la disposition permanente de son employeur.

Il est établi que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail, la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne portant réciproquement que sur la durée du travail et laissant inchangées les stipulations contractuelles relatives au terme du contrat.

Par ailleurs, il convient de rappeler qu’en cas de requalification de contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, y compris en raison de l’absence d’écrit, il appartient au salarié qui sollicite un rappel de salaires sur la base d’un temps plein de rapporter la preuve qu’il se tenait effectivement et constamment à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles pour effectuer un travail.

En outre, en application des dispositions de l’article L 3123-14 du Code du travail dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, si la non-conformité du contrat de travail à temps partiel peut entraîner sa requalification en temps complet, ladite requalification constituant seulement une présomption simple de temps complet, l’employeur peut donc apporter la preuve de la réalité du travail à temps partiel en justifiant de la durée exacte de travail, mensuelle ou hebdomadaire, convenue ainsi que sa répartition et/ou que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

En l’espèce,

au vu des pièces versées aux débats et notamment du contrat de travail à durée déterminée et des avenants conclus au cours de la période litigieuse, des plannings de tournée y étant annexés ainsi que des bulletins de paie y afférents, il apparaît que l’intimée rapporte la preuve, s’agissant des périodes couvertes par les contrats précités, de la durée exacte de travail convenue ainsi que du fait que la salariée n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

S’agissant cependant des périodes interstitielles non couvertes par les contrats et avenants signés par les parties, la cour relève que l’appelante justifie, au vu des mails échangés dans le cadre de ses fonctions, qu’elle s’est effectivement tenue à la disposition de son employeur pendant certaines périodes interstitielles pour y effectuer des prestations de travail, soit sur la base des éléments justificatifs produits, les 7 et 20 août 2014, les 4, 8, 10, 17, 26 et 27 septembre 2014, les 8, 17, 21, 22 et 28 octobre 2014, les 6, 17, 18 et 25 novembre 2014, les 16, 18, 22, 29 et 30 décembre 2014 ainsi que les 2, 6, 8, 9, 12, 13, 15, 19, 20, 21, 22, 23 et 28 janvier 2015, l’intéressée ayant également travaillé les 11, 16 et 17 juin 2014 ainsi que cela résulte des développements précédents.

Dès lors, sur la base d’un salaire de référence de 3 780 euros, il convient, par infirmation du jugement, d’accorder à l’appelante un rappel de salaire d’un montant total de 6 529,09 euros au titre de la période courant du 11 juin 2014 au 3 avril 2015 outre 652,90 euros au titre des congés payés y afférents, l’intéressée devant être déboutée du surplus de ses demandes de rappel de rémunération sur la base d’une requalification du contrat de travail à temps complet.

Sur l’indemnité de requalification

Compte tenu de la requalification du contrat de travail à durée déterminée liant les parties en contrat de travail à durée indéterminée, l’appelante est en droit d’obtenir le paiement de l’indemnité de requalification prévue par l’article L.1245-2 du code du travail, laquelle ne peut être inférieure à un mois de salaire. Dès lors, sur la base de la dernière moyenne de salaire mensuel, soit la somme précitée de 3 780 euros, il convient d’accorder à l’appelante, par infirmation du jugement, une indemnité de requalification d’un montant de 3 780 euros.

Sur le travail dissimulé

L’appelante souligne que c’est en parfaite connaissance de cause que l’employeur a décidé de ne pas la payer de l’intégralité du temps de travail accompli.

L’intimée réplique qu’il n’est pas démontré qu’elle se serait volontairement soustraite à l’accomplissement des formalité légales relatives au contrat de travail de la salariée ou qu’elle aurait intentionnellement déclaré un temps de travail ne correspondant pas à la réalité.

En application des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, l’appelante ne justifiant pas du caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi alléguée, la cour confirme le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect du temps de repos minimum

L’appelante indique qu’il résulte des plannings produits qu’elle a travaillé 12 jours d’affilée sans repos du 1er au 13 février 2015, l’intéressée soulignant s’être effectivement rendue sur les lieux de représentation pendant les journées de répétition.

L’intimée réplique que l’appelante n’a pas travaillé au titre de l’intégralité des 12 jours litigieux et qu’elle ne justifie d’aucun préjudice pour prétendre à une indemnité au titre de la violation du temps de repos minimum.

Selon l’article L. 3132-1 du code du travail, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine.

En l’espèce, au vu des éléments versés aux débats, étant relevé que la salariée a, à tout le moins, travaillé 11 jours du 2 février au 12 février 2015 ainsi que cela résulte des propres affirmations de l’intimée, et ce en méconnaissance des dispositions précitées, la cour accorde à la salariée, par infirmation du jugement, la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du temps de repos minimum.

Sur la rupture de la relation de travail et ses conséquences financières

L’appelante fait valoir que la rupture de la relation de travail intervenue le 3 avril 2015 en l’absence de toute procédure et de toute lettre de licenciement, est nécessairement abusive.

L’intimée réplique que le recours au contrat à durée déterminée étant régulier et justifié, la fin de la relation contractuelle ne peut s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle souligne à titre subsidiaire que la salariée ne justifie pas des préjudices subis.

Il sera rappelé que l’employeur, qui, à l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s’analyse en un licenciement et qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture.

En l’espèce, l’intimée ne justifiant, au vu des seules pièces produites, ni de l’existence d’une démission claire et non équivoque de l’appelante ayant mis fin à la relation contractuelle ni de l’envoi d’une lettre de rupture régulièrement motivée, l’avenant de rupture anticipée d’un commun accord du contrat de travail à durée déterminée, dont la signature a de surcroît été dénoncée par la salariée dès le 10 février 2015, étant inopérant de ce chef, il convient d’appliquer à la rupture intervenue le 3 avril 2015 les règles régissant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

S’agissant des indemnités de rupture, en application des dispositions légales et conventionnelles régissant la relation de travail et sur la base de la rémunération de référence précitée de 3 780 euros, la cour accorde à l’appelante, la durée du préavis étant d’un mois compte tenu de son ancienneté, une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 3 780 euros outre 378 euros au titre des congés payés y afférents, par infirmation du jugement.

Conformément aux dispositions de l’article L. 1235-5 du code du travail dans leur version applicable au litige, eu égard à l’ancienneté dans l’entreprise (9 mois) et à l’âge de la salariée (34 ans) lors de la rupture du contrat de travail et compte tenu des éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à ladite rupture, la cour lui accorde, par infirmation du jugement, la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, étant rappelé qu’en application des dispositions des articles L. 1235-2 et L. 1235-5 du code du travail, dans leur version en vigueur à la date des faits litigieux, l’existence d’un préjudice résultant du non-respect de la procédure de licenciement et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, et la cour ne pouvant que relever en l’espèce, au vu des seuls éléments produits par la salariée, que cette dernière ne justifie d’aucun préjudice distinct résultant du non-respect de la procédure de licenciement, il convient de rejeter sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef, par confirmation du jugement.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive

L’intimée soutient que l’action judiciaire de la salariée est parfaitement abusive.

En application des dispositions des articles 1382 devenu 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, l’intimée ne démontrant pas la mauvaise foi ou l’intention de nuire de l’appelante dont les prétentions ont été partiellement accueillies par la cour, ni d’ailleurs l’étendue de son préjudice, il convient, par confirmation du jugement, de la débouter de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les autres demandes

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler qu’en l’espèce les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de jugement pour les créances salariales et à compter du présent arrêt, ou du jugement en cas de confirmation pure et simple, pour les créances indemnitaires.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

Il convient d’ordonner à l’employeur de remettre à la salariée un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision, sans qu’il apparaisse nécessaire d’assortir cette décision d’une mesure d’astreinte.

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’employeur sera condamné à payer à la salariée la somme de 2 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

L’employeur, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Dit n’y avoir lieu à écarter des débats les pièces produites par la société Théâtre Edouard VII ;

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté Mme X de ses demandes d’indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier et en ce qu’il a débouté la société Théâtre Edouard VII de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Requalifie le contrat de travail à durée déterminée conclu par Mme X et la société Théâtre Edouard VII en contrat de travail à durée indéterminée ;

Condamne la société Théâtre Edouard VII à payer à Mme X les sommes suivantes :

—  6 529,09 euros à titre de rappel de salaire pour la période courant du 11 juin 2014 au 3 avril 2015 outre 652,90 euros au titre des congés payés y afférents,

—  3 780 euros à titre d’indemnité de requalification,

—  500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du temps de repos minimum,

—  3 780 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 378 euros au titre des congés payés y afférents,

—  6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Rappelle que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Théâtre Edouard VII de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires ;

Ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités de l’article 1343-2 du code civil ;

Ordonne à la société Théâtre Edouard VII de remettre à Mme X un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ;

Rejette la demande d’astreinte ;

Condamne la société Théâtre Edouard VII à payer à Mme X la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme X du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Théâtre Edouard VII aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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