Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-2
ARRÊT
DU 23 MARS 2023
N° 2023/ 240
Rôle N° RG 22/00885 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIW6C
[S] [T]
[V] [P]
C/
S.A.S.U. LE CORRESPONDANT
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Laurence KALIFA MERCYANO
Me Anne-Sophie COLOMBET
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du TJ de Marseille en date du 05 Janvier 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/02999.
APPELANTS
Madame [S] [T]
née le 16 Février 1973 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 5]
représentée et assistée par Me Laurence KALIFA-MERCYANO, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [V] [P]
né le 17 Novembre 1972 à [Localité 4],
demeurant [Adresse 5]
représenté et assisté par Me Laurence KALIFA-MERCYANO, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.A.S.U. LE CORRESPONDANT,
dont le siège social est [Adresse 2]
représentée et assistée par Me Anne-Sophie COLOMBET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Gilles PACAUD, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Gilles PACAUD, Président
Mme Angélique NETO, Conseillère
Mme Catherine OUVREL, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mars 2023,
Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 8 novembre 2019, madame [S] [T] et monsieur [V] [P] ont donné à bail à la société Groupe le Correspondant un local sis [Adresse 1] à [Localité 3] à usage exclusif de ‘presse, édition, production et formation’.
Ce bail prévoyait en son article 6 le règlement, au titre du loyer, de :
– 100 euros par mois de provisions sur charges sur les 6 premiers mois ;
– 400 euros par mois de loyer outre 100 euros de provision sur charges les 12 mois suivants ;
– 1000 euros par mois de loyer outre 100 euros de provision sur charges à compter du 19ème mois ;
– 1100 euros par mois de loyer outre 100 euros de provision sur charge à compter de la 4ème année.
Aux termes d’un avenant en date du 21 Novembre 2019, il était précisé que :
– le dépôt de garantie de 1 200 euros serait réglé à la fin des travaux, soit 6 mois après la prise d’effet du bail lors du second état des lieux ;
– la locataire s’engageait à réaliser à ses frais et sans remise de loyer les travaux
de ventilation et d’isolation phonique ;
– la locataire s’engageait à réaliser les travaux d’électricité, de chauffage, de plomberie, peinture du local en contrepartie de la gratuité des loyers telle que définie à l’article 6.
La présence d’eau ayant été constatée dans le local lors de la prise de possession des lieux, les bailleurs ont déclaré le sinistre à leur assurance. Une expertise amiable a situé l’origine des infiltrations dans les descentes d’eau pluviales.
Un constat amiable de dégât des eaux a ensuite été signé, le 15 Novembre 2019, entre les bailleurs et le Cabinet Fergan représentant le Syndic de la copropriété.
Ce dernier a mandaté M. [C] [I] qui a procédé aux travaux le 9 décembre 2019. Des travaux ont également été réalisés le 12 octobre 2020, à l’initiative des bailleurs, sur la terrasse du logement situé au-dessus du local loué.
Par acte d’huissier en date du 8 juillet 2021, la SASU Le Correspondant a fait assigner Mme [T] et M. [P] devant le président du tribunal judiciaire de Marseille statuant en référé aux fins de les entendre condamner à exécuter sous astreinte tous les travaux nécessaires afin de faire cesser les infiltrations d’eau, et de lui verser une provision de 4 000 euros à valoir sur l’indemnisation de la perte d’exploitation ainsi que 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance contradictoire en date du 5 janvier 2022, ce magistrat a :
– condamné in solidum Mme [S] [T] et M. [V] [P] à exécuter les travaux utiles, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur des lieux loués, afin de faire cesser les infiltrations d’eau et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d’un délai d’un mois à partir de la signification de son ordonnance ;
– condamné in solidum Mme [S] [T] et M. [V] [P] à payer la SASU Le Correspondant la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum Mme [S] [T] et M. [V] [P] aux dépens.
Selon déclaration reçue au greffe le 20 janvier 2022, Mme [S] [T] et M. [V] [P] ont interjeté appel de cette décision, l’appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.
Par dernières conclusions transmises le 20 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, ils sollicitent de la cour qu’elle réforme l’ordonnance entreprise, déboute la SASU Le Correspondant de l’ensemble de ses demandes et la condamne à leur verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Quoiqu’ayant régulièrement constitué avocat le 18 mars 2022, la SASU Le Correspondant ne s’est pas acquittée du droit de procédure, prévu par l’article 1635 bis P du code général des impôts, et n’a pas conclu.
L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 1er février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’obligation de faire
Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
L’article 835 alinéa 2 du même code dispose que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable … le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence … peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution d’une obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’absence de constestation sérieuse implique l’évidence de la solution qu’appelle le point contesté. Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant, laquelle n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée. C’est enfin au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.
Il résulte des pièces versées aux débats que, dans les suites du constat amiable de dégâts des eaux, dressé le 15 novembre 2019 par les bailleurs et le Syndic, des travaux ont été réalisés par l’Entreprise Générale LR, le 9 décembre 2019, pour reprendre les ‘écoulement cassés en fonte et (le) fuyard au sol’ puis, le 12 octobre 2020 pour s’assurer de l’étanchéité de la terrasse de M. [X] située au dessus du local loué.
L’intimée n’ayant pas conclu et donc pas produit son dossier, la cour ne dispose pas du procès-verbal de constat, en date du 11 mai 2021, sur lequel s’est fondé le juge des référé pour faire droit à ses prétentions en première instance. Elle n’est donc pas en mesure de vérifier si l’huissier de justice a procédé à des constatations in situ ou s’est, comme l’affirment les appelants, contenté de reprendre les photographies produites par la SASU Le Correspondant.
Il n’est néanmoins pas indifférent de noter que cette dernière ne semble pas avoir déclaré le sinistre à son assureur. En outre, dans le courrier qu’il a envoyé aux bailleurs le 15 février 2021, son conseil n’a pas exigé la réalisation de quelques travaux d’étanchéïfication que ce soit mais a seulement sollicité une réduction de loyer d’au moins 500 euros par mois, hors charge, pour une nouvelle durée de 10 mois.
Enfin dans les suites de sa condamnation, par l’ordonnance de référé du 13 juillet 2022, au paiement d’une provision de 2 533,17 euros à valoir sur l’arriéré locatif et de 600 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la SASU Le Correspondant a quitté les lieux, comme établi par procès-verbal de reprise du 16 janvier 2023.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’obligation des bailleurs, à l’endroit de leur preneur, de faire réaliser les travaux visant à faire cesser les infiltrations d’eau, apparaît sérieusement contestable au moment où la cour statue.
L’ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu’elle a condamné Mme [S] [T] et M. [V] [P] à les réaliser sous astreinte.
Elle sera en revanche confirmée, pour les mêmes motifs, en ce qu’elle a rejeté la demande de provision à valoir sur sa perte d’exploitation formulée par la SASU Le Correspondant, la réalité de cette perte n’étant, en outre, pas établie avec l’évidence requise en référé.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il convient d’infirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné in solidum Mme [S] [T] et M. [V] [P] aux dépens et à payer la SASU Le Correspondant la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La SASU Le Correspondant, qui succombe au litige, sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de ce texte. Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais non compris dans les dépens, qu’ils ont exposés, pour leur défense, en première instance et appel. Il leur sera donc alloué une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article précité.
La SASU Le Correspondant supportera en outre les dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle rejeté la demande de provision à valoir sur sa perte d’exploitation formulée par la SASU Le Correspondant ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande condamnation sous astreinte de Mme [S] [T] et M. [V] [P] à exécuter les travaux utiles tant à l’extérieur qu’à l’intérieur des lieux loués, afin de faire cesser les infiltrations d’eau ;
Condamne la SASU Le Correspondant à payer à Mme [S] [T] et M. [V] [P], ensemble, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SASU Le Correspondant de sa demande sur ce même fondement ;
Condamne la SASU Le Correspondant au paiement des dépens de première instance et d’appel.
La greffière Le président