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SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 mars 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 268 F-B
Pourvoi n° G 21-14.604
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 MARS 2023
M. [U] [D], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° G 21-14.604 contre l’arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d’appel de Rennes (7e chambre prud’homale), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société [H]-Goic et associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [K] [H], en qualité de mandataire judiciaire de la société Groupe delta sécurité privée,
2°/ à l’Unedic de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à l’Unedic de [Localité 6], dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [D], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société [H]-Goic et associés, ès qualités, après débats en l’audience publique du 31 janvier 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Grandemange, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 4 février 2021), M. [D] a été engagé par la société Groupe delta sécurité privée (la société GDSP) en qualité d’agent conducteur de chien à compter du 19 juin 2006 et occupait en dernier lieu les fonctions de directeur d’exploitation.
2. Par jugement du 20 septembre 2014, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société et a désigné la société [H]-Goic et associés, en la personne de M. [H] en qualité de liquidateur.
3. Le contrat de travail a été rompu le 13 octobre 2014 à la suite de l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle proposé par le liquidateur.
4. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 10 octobre 2016 pour obtenir la fixation de sa créance salariale au titre d’un rappel de salaire lié à une reclassification conventionnelle et d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l’arrêt de dire irrecevables comme étant forcloses ses demandes en fixation de créances, alors :
« 1°/ qu’en application de l’article R. 625-3 du code du commerce, le représentant des créanciers doit informer le salarié de la nature et du montant des créances admises ou rejetées ; qu’en l’absence de cette mention, ou lorsque celle-ci est erronée, le délai de forclusion de l’article L. 625-1 du code du commerce ne court pas valablement à l’encontre du salarié ; qu’en déclarant dès lors irrecevables comme étant forcloses les demandes de M. [D] en fixation de créances au titre d’un rappel de salaire lié à la reclassification conventionnelle et d’un rappel d’heures supplémentaires, cependant que l’information personnelle que le mandataire lui avait fait parvenir par lettre du 14 octobre 2014 ne précisait nullement la nature et le montant des créances admises ou rejetées, ce dont il résultait que la contestation du salarié n’était pas atteinte par la forclusion, la cour d’appel a violé les textes susvisés, le premier en sa rédaction issue du décret n° 2009-160 du 12 février 2009, le second en sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 ;
2°/ qu’en application de l’article R. 625-3 du code du commerce, le représentant des créanciers qui informe le salarié de la nature et du montant des créances admises ou rejetées, doit lui rappeler la juridiction compétente et les modalités de sa saisine ; qu’en l’absence de ces mentions, ou lorsque celles-ci sont erronées, le délai de forclusion de l’article L. 625-1 du code du commerce ne court pas ; qu’en déclarant dès lors irrecevables comme étant forcloses les demandes de M. [D] en fixation de créances au titre d’un rappel de salaire lié à la reclassification conventionnelle et d’un rappel d’heures supplémentaires, cependant que l’information personnelle que le mandataire lui avait fait parvenir par lettre du 14 octobre 2014 indiquait que ”vous devez saisir, à peine de forclusion, le conseil des prud’hommes du ressort du siège de votre employeur dans un délai de deux mois à compter de la publicité qui paraîtra dans le journal ( )”, ce dont il résultait qu’elle ne précisait pas régulièrement la juridiction compétente ni les modalités de sa saisine et, par voie de conséquence, que la contestation du salarié n’était pas atteinte par la forclusion, la cour d’appel a derechef violé les textes susvisés, le premier en sa rédaction issue du décret n° 2009-160 du 12 février 2009, le second en sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 625-1 et R. 625-3 du code de commerce :
6. Selon le premier de ces textes, le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou partie sur un relevé des créances résultant du contrat de travail établi par le mandataire judiciaire peut saisir, à peine de forclusion, le conseil de prud’hommes dans un délai de deux mois à compter de la mesure de publicité de ce relevé.
7. Aux termes du second de ces textes, le mandataire judiciaire informe par tout moyen chaque salarié de la nature et du montant des créances admises ou rejetées, lui indique la date du dépôt du relevé des créances au greffe et lui rappelle que le délai de forclusion prévu à l’article L. 625-1 du code du commerce, court à compter de la publication du relevé.
8. En application de ces textes, l’information délivrée par le mandataire judiciaire comprend, au titre des modalités de saisine de la juridiction compétente, l’indication de la saisine par requête de la formation de jugement du conseil de prud’hommes compétent et la possibilité de se faire assister et représenter par le représentant des salariés.
9. Il s’ensuit qu’en l’absence de ces mentions, ou lorsqu’elles sont erronées, le délai de forclusion ne court pas.
10. Pour déclarer le salarié irrecevable en ses demandes, l’arrêt retient que le liquidateur judiciaire justifie que le dépôt du relevé des créances salariales de la société GDSP a fait l’objet d’une mesure de publicité dans le quotidien Ouest France édition des Côtes d’Armor du 21 octobre 2014, qu’il avait préalablement informé le salarié le 14 octobre 2014 par courrier recommandé du dépôt du relevé des créances salariales effectué le 23 septembre 2014 auprès du greffe du tribunal de commerce de Saint-Brieuc et que contrairement à ce qu’a retenu le conseil de prud’hommes, le courrier d’information du 14 octobre 2014 comportait les précisions exigées par la loi s’agissant du délai de forclusion, de la date de la publication, du nom du journal, du nom de la juridiction compétente et des modalités d’assistance et de représentation devant le conseil de prud’hommes. Il relève qu’il a également averti le salarié qu’en cas de contestation de sa part sur le montant et/ou la nature de ses créances inscrites sur le relevé, il lui appartenait de saisir à peine de forclusion le conseil de prud’hommes compétent dans un délai de deux mois à compter de la publicité du 21 octobre 2014.
11. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le liquidateur n’avait pas indiqué au salarié la nature et le montant de ses créances admises ou rejetées ni le lieu et les modalités de saisine de la juridiction compétente, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
La cassation prononcée sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence celle des chefs de dispositif de l’arrêt déboutant le salarié de sa demande en fixation au passif de la liquidation judiciaire d’une indemnité pour travail dissimulé et de sa demande de délivrance, sous astreinte, de bulletins de salaire rectificatifs, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit irrecevables comme étant forcloses les demandes en fixation de créances de M. [D] au titre d’un rappel de salaire lié à la reclassification conventionnelle et d’un rappel d’heures supplémentaires et déboute M. [D] de sa demande en fixation au passif d’une créance d’indemnité pour travail dissimulé et de sa demande de délivrance d’un bulletin de salaire rectifié, l’arrêt rendu le 4 février 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Rennes autrement composée ;
Condamne la société [H]-Goic et associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe delta sécurité privée, aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société [H]-Goic et associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Groupe delta sécurité privée, et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille vingt-trois.