Your cart is currently empty!
8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°119
N° RG 20/01549 –
N° Portalis DBVL-V-B7E-QREK
S.A.S. JARDINERIE LES TERRES BLANCHES
C/
Mme [R] [E]
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 20 MARS 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 06 Janvier 2023
devant Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
La S.A.S. JARDINERIE DES TERRES BLANCHES prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 5]
[Localité 1]
Ayant Me Fabienne PALVADEAU-ARQUE de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, Avocat au Barreau de NANTES, pour postulant et Me Michel MONTAGARD, Avocat au Barreau de NICE, pour conseil
INTIMÉE :
Madame [R] [E]
née le 02 Octobre 1968 à [Localité 4] (95)
demeurant [Adresse 3]
[Localité 2]
Ayant Me Maëlle KERMARREC de la SELARL MGA, Avocat au Barreau de SAINT-NAZAIRE, pour Avocat constitué
Mme [R] [E] a été embauchée par la SAS JARDINERIE LES TERRES BLANCHES du 20 juin 2016 au 31 octobre 2016 dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel en qualité de vendeuse décoration, statut employée, coefficient 160 qui s’est poursuivi dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2016.
Au terme d’un avenant du 21 août 2017, Mme [R] [E] a été nommée adjointe de direction, catégorie agent de maîtrise, coefficient 220 de la Convention collective Nationale des jardineries et graineteries et employée à plein temps à compter du 1er septembre 2017.
Conjoint de la salariée et gérant de la SARL SYLVEA G2M, détentrice de la moitié des parts de la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES, M. [E] en exerçait les fonctions de président.
Un protocole transactionnel du 28 février 2018 prévoyant la cession des parts de la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES par la SARL SYLVEA G2M à la société AGATHEA, comportait un engagement de rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme [E] à la date de la cession.
Le 8 mars 2018, Mme [R] [E] a signé une rupture conventionnelle avec effet au 19 avril 2018.
Estimant que l’employeur n’avait pas adressé la rupture conventionnelle dans les délais impartis, la DIRECCTE a, par décision du 9 mai 2018, refusé de l’homologuer.
Mme [E] qui ne percevait plus de salaire depuis le 9 mars 2018, a été placée en arrêt de travail à compter du 16 mai 2018, pour syndrome anxio-dépressif.
Mme [E] a saisi le conseil de prud’hommes en référé aux fins de versement de rappels de salaire et de réparation de préjudice subi pour non prise en charge de son arrêt maladie.
Par ordonnance de référé du 21 août 2018, le Conseil de Prud’hommes de SAINT NAZAIRE a notamment ordonné à la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES de transmettre à Mme [E] :
– son bulletin de salaire du mois de mars ;
– le justificatif de la transcription à la CPAM des documents nécessaires à la prise en charge des arrêts maladies et ce, sous astreinte en se réservant la compétence de liquider l’astreinte.
Par ordonnance du 11 décembre 2018, le Conseil de prud’hommes de NANTES en formation de référé a liquidé l’astreinte à la somme de 4.100 € et condamné la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES au paiement de cette somme au profit de Mme [E]. Elle a par ailleurs condamné l’employeur à payer la somme de 1.200 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le 15 novembre 2018, Mme [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint Nazaire aux fins de voir :
A titre principal,
‘ Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] aux torts exclusifs de la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES,
‘ Dire et juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire,
‘ Dire et juger le licenciement de Mme [E] injustifié,
En tout état de cause,
‘ Fixer la moyenne des salaires de Mme [E] à la somme de 1.979,25 € bruts,
‘ Condamner la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES à payer à Mme [E] les sommes suivantes :
– 4.223,26 € de rappel de salaire du 9 mars 2018 au 15 mai 2018,
– 422,32 € de congés payés afférents,
– 1.101,95 € de rappel de salaire au titre des salaires garantis pendant l’arrêt de travail,
– 110,19 € de congés payés afférents,
– 3.958,50 € d’indemnité compensatrice de préavis,
– 395,85 € de congés payés sur préavis,
– 6.927,37 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 6.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamner la même aux entiers dépens de l’instance,
‘ Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 26 novembre 2018, la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES a convoqué Mme [E] à un entretien préalable à son licenciement prévu le 13 décembre 2018 dont elle a sollicité le report et auquel elle ne s’est pas rendue, en raison du refus de l’employeur d’y donner suite.
Le 7 décembre 2018, l’arrêt de travail de Mme [E] a été prolongé jusqu’au 16 décembre 2018.
A l’issue de la visite de reprise du17 décembre 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [E] inapte à son poste en précisant que ‘tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé’.
Mme [E] s’est vue notifier par courrier du 17 décembre 2018 son licenciement pour cause réelle et sérieuse, caractérisée par sa déloyauté.
Le 2 septembre 2019, Mme [R] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de SAINT NAZAIRE aux fins de contestation de son licenciement et de condamnation de son employeur à lui verser les sommes suivantes :
– 3.958,50 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 395,85 € au titre des congés payés afférents,
– 6.927,37 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 6.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le Conseil de prud’hommes de SAINT NAZAIRE a ordonné un sursis à statuer dans cette procédure à la demande de la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES, dans l’attente de la décision de la cour d’appel dans le cadre de la présente instance.
La cour est saisie de l’appel formé le 4 mars 2020 par la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES contre le jugement du 3 février 2020, par lequel le conseil de prud’hommes de Saint Nazaire a :
‘ Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] aux torts exclusifs de la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES à la date du 19 décembre 2018 (date de notification du licenciement),
‘ Dit et jugé que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] produit les effets d’un licenciement sans cause,
‘ Condamné la SAS JARDINERIE LES TERRES BLANCHES à verser à Mme [E] les sommes suivantes :
– 4.223,26 € bruts de rappel de salaires du 9 mars au 15 mai 2018,
– 422,32 € bruts de congés payés afférents,
– 1.101,95 € bruts de rappel de salaires,
– 101,19 € de congés payés afférents,
– 3.958,50 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis,
– 395,85 € bruts de congés payés sur préavis ,
– 5.950 € nets d’indemnité de licenciement,
– 5.950 € nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2.000 € nets de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
– 1.000 € nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Ordonné la remise par la SAS LES JARDINERIES LES TERRES BLANCHES à Mme [E] l’ensemble des documents sociaux rectifiés suivant conformes à la décision, sous astreinte,
‘ S’est réservé le pouvoir de liquider l’astreinte,
‘ Ordonné, conformément à l’article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la SAS JARDINERIE LES TERRES BLANCHES aux organismes concernés, de l’intégralité des indemnités de chômage payées à Mme [E] du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de 3 mois d’indemnités,
‘ Rappelé que l’exécution provisoire du paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées aux articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail et de la remise de certificat de travail, de bulletin de paie ou de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer, est de droit dans la limite de neuf mois de salaire en application du dernier article,
‘ Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1.979,25 €,
‘ Ordonné l’exécution provisoire du surplus des condamnations en application des articles 514 et 515 du code de procédure civile,
‘ Dit que :
– le montant des condamnations porte intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du Conseil de prud’hommes, soit le 15 Novembre 2018, pour les sommes ayant le caractère de salaires et à compter du prononcé du jugement pour les dommages et intérêts et l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– que les intérêts se capitaliseront par application de l’article 1343-2 du code civil,
‘ Débouté la SAS JARDINERIE LES TERRES BLANCHES de l’ensemble de ses demandes,
‘ Mis les dépens à la charge de la SAS JARDINERIE LES TERRES BLANCHES, ainsi que les éventuels frais d’huissier en cas d’exécution forcée de la présente décision.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 2 décembre 2022, suivant lesquelles la SAS LES JARDINERIES LES TERRES BLANCHES demande à la cour de :
‘ Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes en date du 3 février 2020,
Statuant à nouveau,
A titre principal, sur l’action en résiliation judiciaire,
‘ Constater que la demande de résiliation judiciaire de Mme [E] est infondée,
En conséquence,
‘ Débouter Mme [E] de l’ensemble de ses demandes à ce titre,
‘ Condamner Mme [E] à rembourser à la société les sommes payées en application de l’exécution provisoire ordonnée par le Conseil de prud’hommes :
– 4.223,26 € bruts de rappel de salaire du 9 mars au 15 mai 2018,
– 422,32 € bruts de congés payés afférents,
– 1.101,95 € bruts de rappel de salaire,
– 101,19 € bruts de congés payés afférents,
– 3.958,50 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis,
– 395,85 € bruts de congés payés sur préavis,
– 5.950 € nets d’indemnité de licenciement,
– 5.950 € nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2.000 € nets de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
– 1.000 € nets d’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire, sur l’action en contestation du licenciement,
‘ Dire et juger irrecevables les demandes formulées au titre de la contestation du licenciement en l’état de la suppression du principe de l’unicité de l’instance et en l’absence de lien suffisant entre les demandes formulées à l’appui de l’action en résiliation judiciaire et la contestation du licenciement,
Si par extraordinaire la Cour venait à considérer et justifier d’un lien suffisant entre l’action en résiliation judiciaire et la contestation du licenciement,
‘ Dire et juger que le licenciement de Mme [E] repose bien sur une cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
‘ Débouter Mme [E] de l’ensemble de ses demandes à ce titre,
‘ Condamner Mme [E] à rembourser à la société les sommes payées en application de l’exécution provisoire ordonnée par le Conseil de prud’hommes :
– 4.223,26 € bruts de rappel de salaire du 9 mars au 15 mai 2018,
– 422,32 € bruts de congés payés afférents,
– 1.101,95 € bruts de rappel de salaire,
– 101,19 € bruts de congés payés afférents,
– 3.958,50 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis,
– 395,85€ bruts de congés payés sur préavis,
– 5.950 € nets d’indemnité de licenciement,
– 5.950 € nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2.000 € nets de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
– 1.000 € nets d’article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
‘ Condamner Mme [E] à rembourser à la société la somme de 5.950 € nets au titre de l’indemnité de licenciement, cette demande n’ayant jamais été formulée par Mme [E], le Conseil ayant statué ultra petita,
‘ Condamner Mme [E] à payer à la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles issus de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 17 juin 2020, suivant lesquelles Mme [E] demande à la cour de :
A titre principal,
‘Confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Saint Nazaire en ce qu’il a :
– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] aux torts exclusifs de la SAS JARDINERIE LES TERRES BLANCHES,
– dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire,
‘ Dire et juger le licenciement de Mme [E] injustifié,
En tout état de cause,
‘ Fixer la moyenne des salaires de Mme [E] à la somme de 1.979,25 € bruts,
‘ Condamner la SAS JARDINERIE LES TERRES BLANCHES à payer à Mme [E] les sommes suivantes :
– 4.223,26 € bruts de rappel de salaire du 9 mars 2018 au 15 mai 2018,
– 422,32 € bruts de congés payés afférents,
– 1 101,95 € bruts de rappel de salaire au titre de la garantie de salaire pendant l’arrêt de travail)
– 110,19 € bruts de congés payés afférents,
– 3.958,50 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis,
– 395,85 € bruts de congés payés sur préavis,
– 5.950 € nets d’indemnité de licenciement,
– 6.927,37 € nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 6.000 € nets de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
– 1.000 € nets de frais irrépétibles de première instance,
– 3.000 € nets de frais irrépétibles d’appel,
‘ Condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 15 décembre 2022
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’exécution du contrat de travail :
* Quant à la demande de rappel de salaire du 9 mars 2018 au 15 mai 2018 :
Pour infirmation et débouté de la salariée, la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES soutient qu’une telle dispense n’a pas été prévue dans le cadre du protocole transactionnel et qu’il ne peut lui être objecté que son obligation subsisterait faute de ne pas avoir adressé une mise en demeure à l’intéressée qui ne s’est pas plus manifestée.
Mme [R] [E] objecte que l’employeur ne lui a jamais écrit pour lui demander de justifier de son absence, qu’elle serait allée travailler si la dispense ne lui avait pas été accordée, sachant que la société JARDINERIE DES TERRES BLANCHES ne voulait plus la voir dans le magasin, qu’en toute hypothèse, elle se tenait à la disposition de son employeur.
Selon l’article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En l’espèce, il ne résulte d’aucune pièce produite au débat et a fortiori du protocole transactionnel précité que l’employeur ait dispensé la salariée de poursuivre l’exécution de son contrat de travail pendant les délais de traitement de la demande d’homologation de la rupture conventionnelle.
Ceci étant, il est établi que la rupture conventionnelle a été signée le 8 mars 2018 avec effet au 19 avril 2018 et que l’employeur s’est abstenu de transmettre dans les délais requis, la demande d’homologation de ladite convention comme prévu au terme du protocole transactionnel, privant par sa propre carence ainsi d’effet cette convention au delà du délai de rétractation de la salariée, de sorte qu’il reste tenu des salaires dus à l’intéressée à compter du 23 mars 2018, l’intéressée n’étant pas fondée à réclamer un rappel de salaire pour la période antérieure, la décision entreprise étant réformée de ce chef.
Il y a lieu de condamner la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES à verser à Mme [R] [E] la somme de 3.340,78 € à ce titre, outre 334,07 € au titre des congés payés afférents.
* Quant au rappel de salaire au titre de la garantie de salaire :
En l’espèce, il est établi que l’employeur n’a pas transmis à la CPAM une attestation de salaire concernant Mme [R] [E] qui lui avait communiqué ses arrêts de travail et n’a pas versé à la salariée les compléments dus au titre de la garantie de salaire alors que du fait du refus de la Direccte d’homologuer la demande de rupture conventionnelle, le contrat de travail de la salariée se poursuivait.
Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement entrepris de ce chef, y compris en ce qui concerne les congés payés afférents.
***
Sur la résiliation du contrat de travail :
Pour infirmation et débouté de la salariée, la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES fait valoir qu’à l’appui de ses prétentions, Mme [R] [E] invoque l’absence de paiement de ses salaires, le retard dans la transmission des bulletins de salaire et son refus de démissionner.
En ce qui concerne le non paiement des salaires de mars à juin 2018, la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES expose que la salariée ne s’est plus présentée sur son poste de travail dès le 9 mars 2018 sans en être dispensée, ce qui ne peut se présumer du fait de la signature d’une rupture conventionnelle et de l’absence de demande de justification de cette absence, qu’elle ne s’est pas préoccupée de sa situation avant le 14 juin 2018 et ce, d’autant plus qu’elle avait pris l’engagement de démissionner.
S’agissant de la délivrance tardive des bulletins de salaire, si la société admet un certain retard imputable à des erreurs de gestion comptable, elle indique les avoir tous transmis et estime que les retards imputés n’ont pas un degré de gravité permettant de prononcer une résiliation judiciaire.
Pour ce qui a trait à l’engagement de démissionner, la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES estime que la salariée ne peut sérieusement lui reprocher d’insister pour qu’elle tienne l’engagement qu’elle avait pris de démissionner.
Mme [R] [E] réfute l’argumentation de son employeur, arguant de ce qu’il avait été entendu qu’elle était dispensé de se présenter sur son lieu de travail par l’employeur qui ne souhaitait plus l’y voir, que la démission ne se présume pas, qu’elle n’est pas à l’initiative concernant l’ajout de son engagement de démissionner, imposé par l’employeur alors qu’elle était en état de faiblesse psychologique, que l’employeur ne peut s’en prévaloir dès lors qu’il a tardé à adresser la demande de rupture conventionnelle à la Direccte.
A l’appui de sa demande de résiliation, la salariée indique que la gravité des manquements de l’employeur est caractérisée dès lors qu’elle a été contrainte de faire adresser par son conseil plusieurs courriers officiels puis d’engager une procédure de référé pour que l’employeur respecte ses obligations à son égard, en particulier en ce qui concerne les déclarations à la CPAM et la garantie de salaire pendant son arrêt maladie, que non content de la pousser à la démission, l’employeur l’a privée de tout revenu pendant 7 mois .
L’article 1184 du Code Civil dispose que ‘La condition résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit ; la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résiliation avec dommages et intérêts’.
Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.
Lorsque le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements de l’employeur invoqués étaient d’une gravité telle qu’ils faisaient obstacle à la poursuite du contrat de travail.
En l’espèce, dès lors que le protocole transactionnel invoqué par les parties, prévoyait expressément que la convention de rupture conventionnelle serait adressée à la Direccte par l’employeur qui n’a accompli cette démarche que le 7 mai 2018, conduisant la Direccte à refuser son homologation et à inviter l’employeur à la réitérer de manière régulière, en respectant les délais légaux, imposant que la date de la rupture soit postérieure d’au moins un jour à la date d’homologation de la demande, il est établi que le contrat de travail de Mme [R] [E] s’est poursuivi au delà de la date de rupture initialement prévue au terme dudit protocole, sans que l’employeur puisse se prévaloir du refus d’homologation qui est imputable à sa propre carence.
Dans ces conditions, l’employeur destinataire des arrêts de travail de la salariée demeurait tenu de transmettre à la CPAM une attestation de salaire, obligation dont la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES s’est dispensée jusqu’au 10 octobre 2018 et ce, nonobstant la procédure de référé ayant donné lieu à l’ordonnance du 21 août 2018 lui enjoignant d’y procéder sous astreinte, notifiée le 25 août 2018.
Ce faisant, en privant sur la période considérée, postérieure au 18 mai 2018, la salariée de toute prise en charge par la CPAM et en ne remplissant pas ses propres obligations au titre de la garantie de salaire et partant, en privant l’intéressée de toute ressource, la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES a gravement manqué à ses obligations à son égard.
Il sera de surcroît observé qu’il résulte en outre des développements relatifs au rappel de salaire sur la période comprise entre le 23 mars 2018 et le 18 mai 2018, que l’employeur ne pouvait ignorer qu’au delà du 9 avril 2018, date d’effet de la rupture, il privait d’effet la convention de rupture, imposant de fait à la salariée de démissionner par l’effet de la substitution d’un engagement de l’intéressée à ce titre au lieu de la mention qui conférait la faculté à l’employeur de remettre en cause la transaction intervenue.
L’accord transactionnel imposant une telle obligation à une salariée qui n’est signataire à aucun titre, ne peut lui être opposable, l’insistance de l’employeur de s’en prévaloir est également gravement fautive.
Sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres manquements imputés par la salariée à son employeur, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la résiliation de son contrat aux torts de l’employeur.
Sur les conséquences de la rupture :
Compte tenu de l’effectif du personnel de l’entreprise, de la perte d’une ancienneté de deux ans et sept mois pour une salariée âgée de 50 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, en particulier les difficultés à retrouver un emploi, l’ayant conduite à développer une activité indépendante insuffisamment rémunératrice pour lui permettre de demeurer allocataire de Pôle Emploi ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l’article L. 1235-3 du Code du travail dans sa rédaction postérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 5.950 € net à titre de dommages-intérêts ;
En conséquence, la décision entreprise sera confirmée de ce chef ainsi que des autres demandes indemnitaires liées à la rupture, pour les sommes non autrement contestées dans leur montant de :
– 3.958,50 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis,
– 395,85 € bruts de congés payés sur préavis.
En ce qui concerne l’indemnité de licenciement accordée par les premiers juges, la société appelante souligne à juste titre que ces derniers ont fait droit à une demande dont rien n’établit qu’elle ait été formulée à la faveur du dépôt de la requête introductive d’instance mais il sera observé que si en cause d’appel la société demande à la cour de déclarer irrecevable la demande subsidiaire concernant le licenciement pour inaptitude, il n’est formé aucune demande de cette nature concernant spécifiquement la demande d’indemnité de licenciement formulée en conséquence des effets de la résiliation judiciaire, se rattachant au demeurant à la demande principale par un lien suffisant.
Il y a lieu par conséquent de déclarer recevable la demande d’indemnité légale de licenciement formulée par Mme [R] [E].
Cependant, en application de l’article L.1234-9 du Code du travail, l’indemnité de licenciement correspond à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté et il ressort de l’attestation Pôle emploi produite au débat que la salariée aurait du percevoir la somme de 970 € à ce titre.
Il y a lieu par conséquent de réformer la décision entreprise de ce chef, de faire droit à la demande de la salariée dans cette limite et autant que de besoin de condamner la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES à lui verser la somme de 970 € net à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral :
Pour infirmation et débouté de la salariée, la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES entend faire observer que l’intéressée ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui dont elle demande réparation au titre de la rupture, que la réalité du préjudice invoqué n’est pas établie, que la salariée et son mari ont librement consenti à la cession, que le psychiatre ne peut attester d’un harcèlement dont il n’a pu être témoin.
Mme [R] [E] réfute les arguments de l’employeur, faisant état de l’acharnement dont elle aurait été victime de la part de son employeur qui non seulement a cherché à la pousser à la démission mais a détourné la procédure d’inaptitude pour la licencier pour un motif fallacieux.
En application des dispositions de l’article L. 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l’invoque.
En l’espèce, sans véritablement préciser le fondement juridique de sa demande, la salariée sollicite en réalité la réparation du préjudice qui résulterait pour elle de l’exécution de mauvaise foi de son contrat de travail par l’employeur, la référence à du harcèlement ne figurant que sur le certificat de suivi psychologique établi par M. [F] psychothérapeute.
Ceci étant, la salariée produit au débat une édition de son dossier médical duquel il ressort que le médecin du travail a constaté plus de 30 jours après l’avis d’inaptitude que le licenciement de l’intéressée n’était pas intervenu, qu’elle présentait un état de détresse psychologique caractérisé par des ruminations anxieuses et une dévalorisation se manifestant par des pleurs importants lors de l’entretien.
Est également produit le certificat du Docteur [M] du 8 juillet 2019 au terme duquel le spécialiste précise que la patiente lui a été adressée par son médecin traitant pour prise en charge d’un état dépressif, caractérisé d’intensité sévère, réactionnel et des éléments de stress post-traumatique.
L’employeur qui dénie toute responsabilité dans la dégradation de l’état de santé de la salariée fait également valoir que cela ne peut résulter de la perte de la société dont les consorts [E] sont toujours propriétaires. Cependant, il est avéré que par son attitude à l’égard de la salariée, ayant consisté à lui faire supporter le risque d’une non homologation de la rupture conventionnelle qu’il a provoquée et en s’abstenant de remplir ses obligations contractuelles, compte tenu de sa propre inertie et du refus de la Direccte, tant en ce qui concerne le règlement des salaires que de la garantie de salaire mais également en laissant persister une situation délétère bien au delà de l’avis d’inaptitude du médecin du travail, l’employeur a exécuté de mauvaise foi le contrat de travail de Mme [R] [E], le préjudice subi par l’intéressée à ce titre étant distinct de celui précédemment indemnisé au titre de la rupture du contrat de travail.
Il y a lieu en conséquence de confirmer la décision entreprise en son principe et de le réformer en son quantum, la société étant condamnée à verser à Mme [R] [E] la somme de 5.000 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la salariée à ce titre.
Sur le remboursement ASSEDIC
En application de l’article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées
Les conditions d’application de l’article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l’espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l’employeur fautif, est de droit ; il y a lieu de confirmer ce remboursement tel qu’il est dit au dispositif et de le réformer en son quantum ;
Sur l’article 700 du Code de procédure civile
Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser la salariée intimée des frais irrépétibles qu’elle a pu exposer pour assurer sa défense en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME partiellement le jugement entrepris,
et statuant à nouveau,
CONDAMNE la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES à payer à Mme [R] [E] :
– 3.340,78 € brut à titre de rappel de salaire la période du 23 mars au 15 mai 2018 ;
– 334,07 € brut au titre des congés afférents ;
– 970 € net à titre d’indemnité légale de licenciement ;
– 5.000 € net de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
ORDONNE le remboursement par la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES à l’organisme social concerné des indemnités de chômage payées à Mme [R] [E] dans les limites de cinq mois en application de l’article L 1235-4 du code du travail.
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
et y ajoutant,
CONDAMNE la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES à payer à Mme [R] [E] 2.800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS JARDINERIE DES TERRES BLANCHES aux entiers dépens de première instance et d’appel,
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.