Contrat d’édition : 13 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 20/04298

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Contrat d’édition : 13 mars 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 20/04298
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ARRET

N° 251

CPAM DE L’AISNE

C/

[Y]

S.A.S. [7]

COUR D’APPEL D’AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 13 MARS 2023

*************************************************************

N° RG 20/04298 – N° Portalis DBV4-V-B7E-H23R – N° registre 1ère instance : 19/00037

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LAON EN DATE DU 09 juillet 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

CPAM DE L’AISNE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Mme [U] [G] dûment mandatée

ET :

INTIMES

Monsieur [M] [Y]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Mélanie DARGENT substituant Me Julien MARCASSOLI de la SELARL LAQUILLE ASSOCIÉS, avocat au barreau de REIMS

S.A.S. [7] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Gaelle DEFER, avocat au barreau de BEAUVAIS substituant Me Vincent REUTHER, avocat au barreau de STRASBOURG

DEBATS :

A l’audience publique du 05 Décembre 2022 devant Monsieur Renaud DELOFFRE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 13 Mars 2023.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Blanche THARAUD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Monsieur Renaud DELOFFRE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:

Mme Elisabeth WABLE, Président,

Mme Graziella HAUDUIN, Président,

et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 13 Mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.

*

* *

DECISION

Le 04 mai 2006, M. [Y], alors salarié de la société [7] en qualité de cadre commercial, a été victime d’un infarctus, qui a été pris en charge par la CPAM de l’Aisne à titre d’accident du travail au titre de la législation sur les risques professionnels avec état de santé consolidé au 13 novembre 2010 et un taux d’incapacité permanente partielle fixé à 20 %.

L’assuré a ensuite déclaré à la CPAM une rechute de l’accident du travail sur la base d’un certificat médical initial, établi par le docteur [J], psychiatre, le 14 octobre 2013, faisant état d’une « rechute d’état dépressif »

Par courrier du 22 novembre 2013, la CPAM a notifié à l’assuré le refus de prise en charge de la rechute au motif de l’absence de lien entre la pathologie déclarée et l’accident initial.

Suivant contestation de M. [Y], une expertise médicale technique a été mise en oeuvre au terme de laquelle l’expert désigné, le Dr [K] a confirmé l’absence de lien de causalité entre les lésions invoquées et l’accident du travail du 04 mai 2006.

Suivant l’avis de l’expert technique, la CPAM a ainsi notifié à M. [Y] par courrier du 31 mars 2014 sa décision de refus de prise en charge de la pathologie déclarée comme rechute de l’accident du travail.

Saisie par l’assuré en date du 21 mai 2014, la commission de recours amiable (CRA) a maintenu, par courrier daté du 16 juin 2014, la décision de refus de prise en charge au motif de l’absence de lien de causalité entre les lésions décrites et l’accident du travail.

Par jugement du 15 mars 2016, le Tribunal des Affaires de Sécurité sociale de l’Aisne a débouté Monsieur [Y] de toutes ses demandes et confirmé la décision de la commission de recours amiable du 16 juin 2014.

Par arrêt du 19 octobre 2017, la cour d’appel d’Amiens a confirmé le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a improprement confirmé la décision de la commission de recours amiable.

En date du 23 novembre 2017, M. [Y] a adressé à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aisne un certificat médical initial établi par le Docteur [J], psychiatre, en date du 22 novembre 2017, se présentant comme un certificat rectificatif du document daté du 14 octobre 2013, comportant la mention « état dépressif » et au niveau de la date de la constatation de l’accident ou de la première constatation médicale de la maladie professionnelle la date du 4/05 et comportant au niveau de la date de son établissement la mention « valant pour la consultation et le certificat du 14 octobre 2013 ».

Par courrier du 02 décembre 2017, la CPAM a retourné à Monsieur [Y] son certificat médical au motif qu’elle ne pouvait prendre en compte la rechute et en le remerciant de se reporter à la décision de la commission de recours amiable.

Par courrier en réponse du 20 décembre 2017, Monsieur [Y] indiquait qu’il ne s’agissait pas d’une rechute mais bien d’un nouvel accident du travail.

Par courrier du 22 décembre 2017, la caisse confirmait sa position quant à l’irrecevabilité du certificat médical transmis par Monsieur [Y] en indiquant que sur le certificat médical le médecin avait fait mention d’un accident du travail au 4/05 et elle lui demandait de faire confirmer par son médecin la date réelle de son nouvel accident.

En date du 16 février 2018, Monsieur [Y] a adressé à la CPAM un formulaire Cerfa de déclaration d’accident du travail pour des faits d’effondrement psychique alors qu’il était en prospection dans son véhicule le 23 septembre 2013 le matin, la rubrique « nature des lésions » étant renseignée par la mention « état dépressif ».

Par courrier du 27 mars 2018, la CPAM a notifié à l’assuré le classement sans suite de sa demande en raison de l’absence de certificat médical accompagnant la demande.

Par courrier daté du 15 mai 2018, réceptionné le 17 mai suivant, Monsieur [Y] a saisi la commission de recours amiable de la caisse d’une contestation de la décision de cette dernière.

Puis, par courrier posté le 05 novembre 2018, M. [Y] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Laon (TASS) d’une requête aux fins de voir reconnaître le caractère professionnel des faits accidentels survenus le 23 septembre 2013.

Par jugement en date du 9 juillet 2020 le Tribunal a décidé ce qui suit :

REÇOIT la SASU [7] en son intervention,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée issue de l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 19 octobre 2017,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

DIT que la déclaration d’accident du travail relative aux faits survenus le 23 septembre 2013 souscrite par Monsieur [M] [Y] auprès de la CPAM de l’Aisne le 19 février 2018 a fait l’objet d’une reconnaissance implicite du caractère professionnel de ces faits,

ORDONNE à la CPAM de l’Aisne la régularisation des droits de M [M] [Y],

DÉCLARE inopposable la décision implicite de prise en charge des faits accidentels survenus le 23 septembre 2013 à M [M] [Y],

CONDAMNE la CPAM de l’Aisne aux dépens,

DÉBOUTE la SASU [7] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la CPAM de l’Aisne à verser à M [M] [Y] la somme de cinq cents euros (500 €) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Notifié à la caisse le 16 juillet 2020, ce jugement a fait l’objet d’un appel de cette dernière par courrier expédié au greffe de la Cour le 23 juillet 2020.

Par conclusions enregistrées par le greffe à la date du 5 décembre 2022 et soutenues par sa représentante, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aisne demande à la Cour de :

A titre principal, sur l’irrecevabilité de l’action en application de l’autorité de la chose jugée

INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 09/07/2020 par le Pôle social de Tribunal Judiciaire

ET REJUGEANT

> CONSTATER l’irrecevabilité de l’action de Monsieur [M] [Y] en application de l’autorité de la chose jugée issue de l’arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 19/10/2017,

A titre subsidiaire, si par l’extraordinaire, la Cour d’Appel de céans venait à écarter le moven soulevé au titre de l’autorité de la chose jugée, sur la prescription de l’action de Monsieur [M] [Y]

INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 09/07/2020 par le Pôle social de Tribunal Judiciaire ET REJUGEANT

CONSTATER la prescription de l’action de Monsieur [M] [Y].

A titre infiniment subsidiaire, sur le bien-fondé de la décision,

Constater que l’accident survenu à Monsieur [Y] ne remplit pas les conditions prévues à l’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale tenant à la preuve de la matérialité des faits accidentels.

Confirmer le refus de prise en charge de l’accident du 27 septembre 2013 au titre de la législation professionnelle.

En tout état de cause,

Débouter Monsieur [Y] de sa demande formée sur l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir pour l’essentiel que :

1- A titre principal, l’irrecevabilité du recours de Monsieur [Y] au titre de l’autorité de la chose jugée

L’article 480 du code de procédure civile dispose «Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche.

Le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4 ».

En l’espèce, Monsieur [Y] avait formulé, par l’intermédiaire d’un certificat médical du 14/10/2013, une demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle des lésions constatées le 14/10/2018 « état dépressif ».

La CPAM, par décision du 22/11/2013, avait refusé la prise en charge d’une telle lésion au titre de la législation professionnelle.

Monsieur [S] a contesté cette décision auprès du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Laon puis de la Cour d’appel d’Amiens. Or, ces deux juridictions ont confirmé la décision de refus de prise en charge de ces lésions du 14/10/2018 au titre de la législation professionnelle. (CA AMIENS, 17/09/2017, RG 16/02054)

Dans son jugement dont appel, le Tribunal Judiciaire, après avoir constaté qu’il y a bien identité des parties en l’espèce, affirme qu’il n’y aurait pas identité du litige puisque Monsieur [Y] sollicitait la reconnaissance au titre d’une rechute des lésions du 14/10/2013, à l’occasion du premier litige, et que l’objet du présent litige serait la reconnaissance de ces lésions au titre d’un accident du travail.

Or, il conviendra de constater que la finalité des deux litiges est bien la prise en charge au titre de la législation professionnelle des lésions constatées le 14/10/2018 « état dépressif », ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la juridiction de première instance.

En effet, le tribunal Judiciaire de Laon, dans ce même jugement du 09/07/2020, indique dans paragraphe portant sur la prescription de l’action, «En l’espèce, il doit être noté que les faits objets de la présente procédure concernent ceux invoqués à la date du 11/10/2013 et que la présente procédure tend à une reconnaissance de leur caractère professionnel ».

La Cour d’appel de céans ne pourra donc que constater qu’il y a bien identité des parties et d’objet du litige et qu’en conséquence, le recours de Monsieur [Y] du 05/11/2018 en reconnaissance du caractère professionnel des faits du 14/10/2013 au titre de la législation professionnelle est irrecevable puisqu’étant soumis à l’autorité de la chose jugée.

2- A titre subsidiaire, sur la prescription de l’action en reconnaissance au titre de la législation professionnelle d’un accident survenu le 23/09/2013.

Si la Cour d’Appel de céans, venait à considérer qu’il n’y a pas autorité de chose jugée comme invoqué précédemment mais qu’il s’agit bien de deux litiges distincts, à l’instar de la juridiction de première instance, elle ne pourra alors que constater la prescription de l’action de Monsieur [Y].

En effet, l’article L 441-2 du code de la sécurité sociale dispose : « La déclaration à la caisse peut être faite par la victime ou ses représentants jusqu’à l’expiration de la deuxième année qui suit l’accident. ».

L’article R 441-2, alinéa ler du code de la sécurité sociale dispose : « la déclaration à laquelle la victime d’un accident du travail est tenue conformément à l’article L. -141-1 doit être effectuée dans la journée où l’accident s’est produit ou au plus tard dans les vingt-quatre heures. »

Dans son jugement du 09/07/2020, le Tribunal Judiciaire affirme « la Cour de cassation a développé une jurisprudence en matière de prescription en cas de pluralité d’actions successives selon laquelle une action est de nature à interrompre la prescription à l’égard de toute autre action procédant du même fait dommageable ».

Pour illustrer sa décision, le Tribunal Judiciaire cite deux jurisprudences de la Cour de cassation du 19/12/2019 et du 03/02/2011.

Or, il conviendra de remarquer que ces deux jurisprudences portent sur la prescription en cas de pluralité d’action en justice.

Tel n’est pas le cas en l’espèce.

Monsieur [Y], s’il a engagé une action en justice à compter du 31/07/2014 portant sur la décision du 22/11/2013 de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle d’une rechute, aucune action en justice n’a été engagée concernant une demande de prise en charge des faits du 14/10/2013 au titre d’un accident du travail antérieurement au 05/11/2018.

Ainsi, à notre sens, les jurisprudences visées par le Tribunal Judiciaire de Laon dans son jugement du 09/07/2020 n’ont pas vocation à s’appliquer en l’espèce.

En effet, il convient de faire une distinction entre la prescription d’une action en justice et la prescription d’une demande de reconnaissance d’un accident au titre de la législation professionnelle auprès d’un organisme de sécurité sociale en dehors de tout cadre contentieux. L’article L441-2 du Code de Sécurité Sociale prévoit bien que l’assuré dispose d’un délai de deux ans pour solliciter auprès de sa Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’affiliation la reconnaissance d’un accident au titre de la législation professionnelle.

Ainsi, en formulant, pour la première fois, une demande de reconnaissance d’un accident qui serait survenu le 23/09/2013, par l’intermédiaire d’une déclaration d’accident du travail auprès de la CPAM de l’Aisne le 16/02/2018, la demande de Monsieur [Y] était forclose conformément à l’article L441-2 du code de la sécurité sociale.

En outre, le Tribunal Judiciaire de Laon affirme dans son jugement du 09/07/2020, «en l’espèce, il doit être noté que les faits objets de la présente procédure concernent ceux invoqués à la date du 1-1/10/2013 et que la présente procédure tend à une reconnaissance de leur caractère professionnel ».

Or, en l’espèce, Monsieur [Y] entend effectivement faire reconnaître des faits au titre de la législation professionnelle, si par l’extraordinaire, la présente juridiction a écarté la fm de non-recevoir au titre de l’autorité de chose jugée, ces faits doivent donc être regardés comme des faits distincts.

Ainsi, il y a lieu de considéré que par certificat médical du 14/10/2013, Monsieur [Y] a déclaré une rechute de son accident du travail du 04/05/2006 alors que les faits déclarés en 2018, objets de la présente procédure, portent bien sur des faits qui seraient survenus le 23/09/2013.

Interrogé sur la date réelle de l’accident déclaré, le médecin de Monsieur [Y] a bien déclaré que le fait accidentel était survenu le 23/09/2013.

Il convient de rappeler qu’une rechute est définit comme une aggravation de l’état de la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, entraînant pour celle-ci la nécessité d’un traitement médical. La rechute suppose donc outre un élément nouveau, une aggravation même temporaire, des séquelles de l’accident initial.

L’affection ne sera prise en charge en tant que rechute que si les lésions déclarées à ce titre sont la conséquence exclusive de l’accident initial. Les lésions déclarées au titre d’une rechute ne seront pas imputable si elles sont dues, même en partie, à une autre cause Cass. Soc. 19/12/2002, n°00-22482.

Ainsi, en l’espèce si la présente Cour écarte le moyen tiré de l’autorité de chose jugée, il y lieu d’affirmer qu’il existe donc deux faits différents, d’une part, les lésions déclarées le 14/10/2013 au titre de rechute de l’accident du travail du 04/05/2006 et d’autre part, l’accident du travail déclaré survenu le 23/09/2013.

Or, dans son arrêt du 03/02/2011, la Cour de cassation a jugé « si, en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; » (Cass., 2ème Civ, 03/02/2011, n°0917213).

Ainsi, l’interruption de prescription invoquée par le Tribunal Judiciaire n’a pas vocation à s’appliquer en l’espèce puisqu’il y a deux actions distinctes ayant deux buts différents d’une part, la demande de prise en charge d’une rechute, et d’autre part la demande de reconnaissance d’un accident du travail.

Ainsi, en l’espèce, Monsieur [Y] déclare avoir été victime d’un accident le 23/09/2013.

En vertu des articles L 441-2 et R441-2 du code de la sécurité sociale précitée, dans leur version applicable au cas d’espèce, Monsieur [Y] avait jusqu’au 23/09/2015 pour déclarer cet accident.

Or, la Caisse a reçu la déclaration d’accident du travail pour des faits survenus le 27/09/2013 que le 19/02/2018 soit postérieurement au délai prévu par les textes précités (pièce n°1).

Dès lors, Monsieur [Y] n’a pas respecté les dispositions des articles L 441-2 et R 4412 alinéa ler du code de la sécurité sociale.

La Cour d’appel de céans ne pourra donc qu’infirmer la décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de Laon du 09/07/2020 sur ce point et rejugeant, constater que l’action en reconnaissance de l’accident survenu le 23/09/2013 de Monsieur [Y] est prescrite.

A titre subsidiaire, sur le bien-fondé de la décision de la caisse.

Le médecin de Monsieur [Y] est venu modifier plus de 4 années après le certificat médical de rechute du 14 octobre 2013.

Les seules déclarations de la victime ne suffisent pas à établir la survenance d’un évènement à caractère professionnel en date du 23 septembre 2013.

N’étant pas en possession d’un certificat médical valable au sens des articles L.446-1 et R.441-7, elle a classé le dossier.

Par conclusions reçues par le greffe le 28 novembre 2022 et soutenues oralement par avocat, Monsieur [M] [Y] demande à la Cour de :

CONFIRMER le jugement rendu en première instance en toutes ses dispositions

Condamner la CPAM de l’AISNE à payer à Monsieur [Y] la somme de 2000 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais exposés à hauteur d’appel

Condamner la CPAM de l’AISNE aux entiers dépens

Il fait valoir en substance ce qui suit :

A/ Sur l’autorité de la chose jugée :

Dans ses écritures la CPAM DE L’AISNE sollicite tout d’abord l’infirmation du jugement au motif que le recours de Monsieur [Y] serait irrecevable au titre de l’autorité de la chose jugée.

La CPAM DE L’AISNE prétend que les dispositions de l’article 480 du Code de procédure civile, s’opposeraient au présent recours exercé par Monsieur [Y], la Cour d’Appel d’AMIENS ayant rendu un précédent arrêt entre les mêmes parties le 17 septembre 2017 (pièce 108).

Cependant, il doit être rappelé que l’autorité de la chose jugée, n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif.

Or, comme l’a parfaitement relevé le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de LAON, s’il y a bien identité entre les parties, il n’y a pas identité du litige.

En effet, le recours ayant abouti à l’arrêt rendu par la Cour de céans en 2017 :

Portait sur la reconnaissance d’une éventuelle rechute et portait plus spécifiquement sur l’existence d’un éventuel lien de causalité entre l’accident initial survenu le 4 mai 2006 et les faits survenus le 22 septembre 2013.

Tandis que la présente action tend à la reconnaissance d’un accident du travail survenu en date du 22 septembre 2013.

L’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’AMIENS le 17 septembre 2017 (pièce 108), n’a pas tranché dans son dispositif la question de savoir si les faits survenus le 22 septembre 2013 étaient constitutifs d’un accident du travail.

L’exception d’irrecevabilité soulevée par la CPAM DE L’AISNE ne pourra donc qu’être rejetée.

B/ Sur la prescription :

La CPAM de l’AISNE a bien reçu une déclaration concernant le fait accidentel survenu le 23 septembre 2013, puisque le 22 novembre 2013, elle refusait la prise en charge de cet arrêt au titre de la législation sur les risques professionnels au motif qu’il n’y avait aucun lien entre la pathologie déclarée et l’accident du travail initial (pièce n°44).

Monsieur [Y] a contesté cette décision et a saisi successivement, la Commission de Recours Amiable, le TASS de l’AISNE et la Cour d’Appel d’AMIENS, laquelle a rendu un arrêt le 19 octobre 2017 (pièce 108).

En application des dispositions de l’article 2241 du Code civil, la prescription a été interrompue pendant toute la durée de cette procédure.

Suite à l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’AMIENS, le 22 novembre 2017, le Docteur [J] établissait un arrêt rectificatif (pièce 109), motivé non plus par une rechute de l’accident initial, mais par un nouvel accident du travail indépendant de l’accident initial survenu en 2006.

La prescription n’est donc nullement acquise et le jugement devra être confirmé sur ce point.

C/ Sur la reconnaissance implicite du caractère professionnel de l’accident du 23 septembre 2013 :

Monsieur [Y] a adressé la déclaration d’accident du travail par lettre recommandée du 16 février 2018, laquelle a été reçue par la CPAM DE L’AISNE le 19 février 2018 (pièces n°115 et 116).

Le certificat initial rectificatif (pièce n°109), établi par le Docteur [J] le 22 novembre 2017, avait été préalablement adressé à la CPAM DE L’AISNE et reçu par celle-ci le 23 novembre 2017 comme en atteste le document revêtu du tampon de la Caisse (pièce n°109).

A la date du 19 février 2018, la CPAM DE L’AISNE disposait bien :

– Du certificat initial daté du 22 novembre 2017 et reçu par la Caisse le 23 novembre 2017 (pièce n°109).

– De la déclaration d’accident du travail datée du 16 février 2018 (pièce n°116) et reçue par la Caisse le 19 février 2018 (pièces n°115 et 117).

Par ailleurs, il doit être précisé que si le certificat initial rectificatif établi le 22 novembre 2017 (pièce n°109), comportait certes une erreur au niveau de la date de l’accident, le Docteur [J] par courrier du 8 janvier 2018 a apporté à la CPAM DE L’AISNE les éclaircissements nécessaires et a confirmé que l’accident était bien survenu le 23 septembre 2013 (pièce n°113).

Ce courrier a bien été réceptionné par la CPAM DE L’AISNE comme l’atteste le courrier du 18 janvier 2018 ayant pour objet « courrier Professionnel de santé du 08/01/2018 » (pièce n°114).

De même, la CPAM DE L’AISNE ne saurait prétendre ne pas disposer d’un certificat médical descriptif des lésions.

En effet et comme le constatera le Tribunal, l’arrêt rectificatif établi le 22 novembre 2017 est entièrement rempli, y compris au niveau de la rubrique « Les renseignements médicaux » dans laquelle il est bien mentionné « état dépressif » (pièce n°109).

La CPAM DE L’AISNE disposait donc bien de l’ensemble des éléments prévus par l’article R441-10 du Code de la Sécurité Sociale, si elle s’estimait insuffisamment informée il appartenait à la Caisse d’ouvrir une enquête complémentaire dans les délais et formes prescrits par l’article R441-14 du Code de la Sécurité Sociale.

Or, la CPAM DE L’AISNE, n’a pas informé Monsieur [Y] dans le délai de l’article R441-10 de son souhait d’effectuer une enquête ou des examens complémentaires.

La CPAM DE L’AISNE devait donc statuer dans un délai de 30 jours, à compter du 19 février 2018, soit au plus tard le 20 mars 2018.

Or, ce n’est que par courrier daté du 27 mars 2018, que la CPAM DE L’AISNE adressait une réponse à Monsieur [Y], soit bien après l’expiration du délai de 30 jours prévu par l’article R441-10 du code de la Sécurité sociale (pièce n°117).

Il n’échappera pas au Tribunal que la Caisse reconnaît bien dans ce courrier du 27 mars 2018, qu’elle avait réceptionné la déclaration d’accident du travail à la date du 19 février 2018 (pièce n°117).

Le Tribunal de ne pourra que constater que le délai fixé à l’article R441-10 n’a pas été respecté et qu’en conséquence, en l’absence de décision de la caisse dans le délai prévu, le caractère professionnel de l’accident doit nécessairement être reconnu.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement sur ce point en ce qu’il a dit et jugé que l’accident du 23 septembre 2013 et ses conséquences doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle sur les accidents du travail.

D/ Sur le caractère professionnel de l’accident du 23 septembre 2013 (à titre

subsidiaire) :

Le 23 septembre 2013, alors qu’il était au volant de son véhicule afin de se rendre chez un client, Monsieur [Y] était brutalement comme paralysé et victime d’un véritable effondrement psychologique.

Cet événement qui présente un caractère soudain et qui s’est produit au temps et au lieu de travail constitue nécessairement un accident du travail.

Les lésions d’ordre psychologique consécutives à cet accident sont de manière incontestables en lien avec le travail.

En effet, depuis l’accident du travail du 4 mai 2006, lequel était notamment imputable à l’important stress subi par dans le cadre de ses fonctions (pièces n°37,49,50,73), l’état de santé de Monsieur [Y] était particulièrement fragile.

Il doit être rappelé que cet accident est survenu dans un contexte de stress, de surmenage et de pression totalement excessive, comme l’établissent les pièces produites au débats.

Par conclusions en date du 5 décembre 2022 et soutenues oralement par avocat la société [7] demande à la Cour de :

INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau :

DECLARER irrecevable la mise en cause de la société [7] formée par Monsieur [M] [Y] motif pris de la règle de l’indépendance des rapports.

Très subsidiairement :

DIRE ET JUGER que la demande formée par Monsieur [M] [Y] est prescrite ;

DEBOUTER Monsieur [M] [Y] de sa demande visant à faire reconnaître l’existence d’une décision implicite de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident du 23 septembre 2013 ;

DIRE ET JUGER que l’accident ne remplit pas les conditions prévues à l’article L411-1 du Code de la sécurité sociale et DEBOUTER Monsieur [M] [Y] de sa demande de prise en charge de l’accident du 23 septembre 2013 au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le débouter de l’ensemble de ses fins, moyens et prétentions ;

En tout état de cause, si par impossible la Cour devait admettre l’accident du 23 septembre Y13 au bénéfice de la législation sur les risques professionnels :

DECLARER inopposable à l’égard de la société [7] la décision de prise en charge de l’ accident du travail ;

CONDAMNER Monsieur [M] [Y] à payer à la société [7] un montant de 1500 € par application de l’article 700 du CPC;

STATUER ce que de droit quant aux frais;

Elle fait valoir pour l’essentiel :

Sur la recevabilité de la mise en cause de la concluante :

La Caisse a notifié à l’employeur le classement du dossier, impliquant de facto le refus de prise en charge de l’accident allégué au titre de la législation sur les risques professionnels, par courrier du 11 mai 2018.

Cf annexe n°10

Cette décision est donc définitive à l’endroit de la société [7].

Il s’ensuit que la mise en cause de la société [7] par le salarié sera déclarée irrecevable par application de la règle de l’indépendance des rapports.

Cf Cour de Cassation, 2e civile, 22 octobre 2020, n° 19-16999

Très subsidiairement, sur le fond : Autorité de la chose jugée :

Il ressort des explications fournies par Monsieur [M] [Y] qu’après avoir vainement soutenu que l’accident du 23 septembre 2013 serait une rechute de l’accident du travail du 4 mai 2006, celui-ci entend désormais voir juger qu’il s’agirait d’un nouvel accident du travail.

Ses demandes se heurtent à l’autorité de la chose jugée.

La prescription de l’action.

L’accident qui serait survenu le 23 septembre 2013 a été déclaré le 19 février 2018 et l’action est donc prescrite en application de l’article L.441-2 du Code de la sécurité sociale.

Très subsidiairement, sur la prétendue reconnaissance implicite du caractère professionnel de l’accident du 23 septembre 2013.

La caisse ayant rendu une décision de rejet de la déclaration de rechute, l’accident ne peut avoir été pris en charge de manière implicite par la caisse.

Sur le fond.

Il n’est aucunement justifié d’un fait soudain ou d’une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail dont il serait résulté la lésion psychique alléguée.

MOTIFS DE L’ARRET.

SUR LA FIN DE NON-RECEVOIR OPPOSEE PAR LA SOCIETE [7] A SON APPEL EN INTERVENTION FORCEE.

Attendu qu’il résulte des articles 6 et 9 précités du code de procédure civile que l’allégation non contestée est tenue pour vrai et que le juge n’a pas à vérifier l’exactitude d’un fait allégué s’il n’est pas contesté ( sur ce point voir le Dalloz Action « Droit et Pratique de la procédure civile » édition 2021/2022 n°321-93 p 1061 et la doctrine et la jurisprudence citées par l’ouvrage sur ce point en notes 1 et 2).

Attendu que la Cour ne dispose d’aucun élément sur les conditions dans lesquelles la société [7] a été mise en cause dans ce litige qui intéresse les rapports caisse/salarié, aucune des parties n’ayant estimé utile de produire de justificatifs sur ce point et aucune précision ne figurant au jugement déféré quant aux conditions dans lesquelles cet appel en cause est intervenu, le jugement faisant seulement état de ce que Monsieur [Y] a sollicité qu’il soit déclaré commun à la société [7].

Que cependant l’affirmation de la société [7] selon laquelle elle aurait été mise en cause par Monsieur [Y] n’est pas contestée par les autres parties et est corroborée par les constatations du Tribunal qui indique expressément que « Monsieur [Y] a attrait à la cause la SASU [7] ».

Que la Cour entend dans ces conditions considérer que la société [7] a été appelée par Monsieur [Y] en intervention forcée devant la Cour.

Que cette intervention forcée tend à une déclaration de jugement commun, comme expressément indiqué au jugement dans l’exposé des prétentions de Monsieur [Y]. 

Attendu qu’aux termes de l’article 331 du Code de procédure civile un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d’agir contre lui à titre principal et qu’il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.

Attendu que la société [7] soutient qu’elle n’est pas concernée par ce litige et ce en vertu du principe d’indépendance des rapports et que l’on comprend de son argumentation que la décision de refus de prise en charge lui étant acquise Monsieur [Y] n’a aucun intérêt à ce qu’elle figure au présent procès pour faire juger le contraire.

Que sa fin de non-recevoir repose donc sur le fondement du défaut d’intérêt en application des articles 32 et 122 du Code de procédure civile.

Attendu qu’il résulte de l’article 1315, alinéa 1, devenu 1353, alinéa 1, du code civil

qu’il incombe au demandeur, en cas de contestation, de prouver qu’il a un intérêt légitime à agir ( Com., 2 juin 2021, pourvoi n° 20-14.078 ; 3e Civ., 29 mars 2000, pourvoi n° 98-18.882 ; 1re Civ., 7 juillet 1992, pourvoi n° 90-17.480 )

Attendu que Monsieur [Y], qui est réputé s’approprier les motifs des premiers juges en application de l’article 954 du Code de procédure civile puisqu’il sollicite la confirmation du jugement et qu’il n’est ni soutenu et encore moins démontré qu’il aurait fait valoir des moyens nouveaux en cause d’appel, justifie par voie de conséquence l’appel en cause de [7] par le fait que cette dernière aurait intérêt à la cause dans le cadre de sa demande en inopposabilité.

Que cependant ce motif manque en droit puisque la recevabilité de l’appel d’un tiers en déclaration de jugement commun suppose que l’auteur de cette mise en cause et non le tiers y ait intérêt.

Que Monsieur [Y] ne caractérisant aucunement son intérêt à appeler en cause la société [7] en intervention forcée, il convient par voie de conséquence de réformer le jugement déféré en ses dispositions, d’ailleurs peu logiques s’agissant d’une intervention forcée, par lesquelles il « reçoit la SASU [7] en son intervention » et de déclarer irrecevable cet appel en cause.

Que la société [7] étant mise hors de cause, il s’ensuit que les dispositions du jugement déféré accueillant sa demande d’inopposabilité deviennent sans objet ce qui justifie leur réformation.

SUR LA FIN DE NON-RECEVOIR TIREE DE L’AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE.

Attendu qu’en application de l’article 1355 du Code Civil :

 L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Attendu que l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Amiens en date du 19 octobre 2017 concerne une rechute de l’accident du travail déclarée selon certificat médical du 14 octobre 2013.

Que si l’on ignore ce qui était exactement demandé devant les premiers juges, aucune des parties n’ayant estimé utile de produire le jugement, il résulte clairement des énonciations de l’arrêt du 19 octobre 2017 que le litige portait sur la prise en charge d’une rechute d’accident du travail et non sur un nouvel accident du travail.

Que les demandes présentées par Monsieur [Y] dans le cadre de la présente procédure portant sur la déclaration d’un accident du travail souscrite le 19 février 2018 à raison de faits survenus le 23 septembre 2013, il s’ensuit que la chose actuellement demandée n’est pas la même que celle ayant donné lieu à l’arrêt du 19 octobre 2017 et que faute d’identité de demandes c’est à juste titre que les premiers juges ont débouté la caisse de sa fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée.

Que le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

SUR LA FIN DE NON RECEVOIR TIREE DE LA PRESCRIPTION .

Attendu que si, en principe, l’ interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ( en ce sens notamment 1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 20-23.425 2e Civ., 7 juillet 2022, pourvoi n° 20-21.294 2e Civ., 16 décembre 2021, pourvoi n° 20-12.918 2e Civ., 8 juillet 2021, pourvoi n° 20-12.005).

Attendu que Monsieur [Y] ne faisant pas état de la perception d’indemnités journalières, le point de départ de la prescription de l’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident déclaré le 19 février 2018 se situe à la date des faits déclarés comme étant survenus le 23 septembre 2013.

Attendu que Monsieur [M] [Y] a transmis à la caisse un certificat médical de « rechute d’état dépressif » établi en date du 14 octobre 2013 ( sa pièce n° 31 )

Attendu qu’il résulte des pièces 109 à 116 produites par Monsieur [Y] qu’il a effectué une déclaration d’accident du travail datée du 16 février 2018 faisant état d’un accident qui serait survenu le 23 septembre 2013 le matin dans son véhicule alors qu’il effectuait de la prospection commerciale et qui se serait traduit par un effondrement psychique entrainant un état dépressif et que le certificat médical initial correspondant à cette déclaration est le certificat produit par lui en pièce n° 109 intitulé « certificat rectificatif du document daté du 14 octobre 2013 ‘ état dépressif » avec les précisions fournies par l’auteur de ce certificat par courrier du 8 janvier 2018.

Attendu que les déclarations de rechute et d’accident du travail tendent toutes à la prise en compte d’un état dépressif survenu dans un même période de temps et qu’elles tendent aux mêmes fins.

Qu’il s’ensuit que l’interruption de la prescription de la déclaration de rechute s’est étendue à la prescription de la déclaration de l’accident du travail qui serait survenu le 23 septembre 2013.

Que n’étant pas contestée, l’affirmation de la caisse selon laquelle le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Laon a été saisie le 31 juillet 2014 par Monsieur [Y] d’une contestation du refus de prise en charge de sa rechute déclarée le 14 octobre 2013 doit être considérée comme constante et établie.

Qu’il s’ensuit que le délai de prescription de l’action en reconnaissance de l’accident du 23 septembre 2013 s’est trouvé interrompu par cette saisine du 31 juillet 2014 et que cette interruption a pris fin le 19 octobre 2017, date de l’arrêt de la présente Cour dans la procédure de contestation du refus de prise en charge de la rechute, et ce en application de l’article 2242 du Code Civil.

Qu’il s’ensuit, comme l’ont relevé les premiers juges à juste titre, que l’action de Monsieur [Y] en reconnaissance de son accident du travail pouvait être engagée jusqu’au 20 octobre 2019.

Attendu que, selon les énonciations non contestées du jugement déféré, le Tribunal a été saisi par courrier posté le 5 novembre 2018 soit à l’intérieur du délai de prescription.

Que c’est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté la fin de non-recevoir de la caisse tirée de la prescription de l’action de Monsieur [Y] ce qui justifie la confirmation du jugement de ce chef.

SUR LA DEMANDE DE MONSIEUR [Y] EN RECONNAISSANCE D’UNE DECISION IMPLICITE DE PRISE EN CHARGE DE SON ACCIDENT DU TRAVAIL PAR LA CAISSE.

Attendu qu’aux termes de l’article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret no2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige:

«La caisse dispose d’un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d’accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration de la maladie professionnelle et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie.

Il en est de même lorsque, sans préjudice de l’application des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier et de l’article L.432-6, il est fait état pour la première fois d’une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.

Sous réserve des dispositions de l’article R. 441-14, en l’absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie est reconnu.»

Qu’aux termes de l’alinéa 1 de l’article R.441-14 du même code, dans sa rédaction modifiée par le décret no2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige:

«Lorsqu’il y a nécessité d’examen ou d’enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l’employeur avant l’expiration du délai prévu au premier alinéa de l’article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A l’expiration d’un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d’accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l’absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie est reconnu ».

Qu’il résulte des textes précités qu’en matière d’accident du travail, la déclaration faisant courir le délai de trente jours dont dispose la caisse en vertu de l’article R. 441-10 du code de la sécurité sociale n’est soumise à aucune forme réglementaire (2e Civ., 2 mai 2007, pourvoi no 05-21.691, Bull. 2007, II, no 112 ; 2e Civ., 16 juin 2011, pourvoi no 10-20.252) mais que ne constitue pas une déclaration d’accident du travail, au sens de l’article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, le seul certificat médical ne contenant la relation d’aucun fait précis et d’aucune circonstance de survenance d’un accident du travail (2e Civ., 10 décembre 2008, pourvoi no 07-17.696).

Qu’il en résulte également que le certificat médical n’est pas non plus soumis à aucune quelconque forme réglementaire mais qu’en application des articles L.441-6 et R.441-7 du Code de la sécurité sociale il doit cependant préciser le siège des lésions, faute de quoi le délai imparti à la caisse ne commence à courir qu’à compter de la réception d’un certificat médical répondant à cette exigence (2e Civ., 13 octobre 2022, pourvoi n° 20-19.066)

Attendu qu’en l’espèce Monsieur [Y] justifie que la caisse disposait le 19 février 2018 de sa déclaration d’accident du travail, de son certificat médical initial daté du 22 novembre 2017 et reçu par la caisse le 23 novembre 2017 ainsi que du courrier du Docteur [J] du 8 janvier 2018 confirmant la date de survenance de l’accident, dont la caisse a accusé réception dans son courrier du 18 janvier 2018, et il soutient qu’il appartenait à la caisse de statuer dans un délai de 30 jours à compter du 19 février 2018 soit au plus tard le 20 mars 2018 et que le courrier de refus de prise en charge lui ayant été adressé en date du 27 mars 2018, après l’expiration de ce délai, il est fondé à opposer à la caisse sa décision implicite de prise en charge.

Attendu que la caisse n’a pas estimé utile de répondre à cette argumentation de Monsieur [Y] et qu’elle ne s’explique à aucun moment sur la revendication par ce dernier de l’existence d’une décision implicite de prise en charge .

Que si l’on relève dans ses écritures, dans ses développements sur le bien-fondé de sa décision, qu’elle a estimé ne pas être en possession d’un certificat médical initial valable au sens des articles L.441-6 et R.441-7 du Code de la sécurité sociale et qu’elle a donc classé le dossier, elle ne tire aucune conséquence de cette affirmation sur le bien-fondé des prétentions adverses et n’indique au surplus aucunement en quoi le certificat en question ne serait pas conforme aux prescriptions des textes précités, ce qui justifie doublement la disqualification de ce moyen en simple argument n’appelant pas de réponse de la Cour.

Qu’il sera ajouté à titre tout à fait surabondant qu’il résulte du certificat médical initial établi le 22 novembre 2017 par le Docteur [J] l’existence d’un état dépressif de Monsieur [Y] n’entraînant pas de restrictions aux sorties et du courrier du 8 janvier 2018 du même médecin, tous deux en possession de la caisse, que l’accident du travail du 23 septembre 2013 en est le fait générateur, ce dont il résulte que ce certificat satisfait aux prescriptions de l’article L.441-6 précité relatives à l’indication de l’état de la victime et aux conséquences de l’accident ainsi qu’aux prescriptions de l’article R.441-7 précité relatives aux constatations qui pourraient présenter une importance pour la détermination de l’origine traumatique ou morbide des lésions.

Que la caisse étant en possession à la date du 19 février 2018 d’une déclaration d’accident du travail relatant les circonstances de temps et de lieu de l’accident ( dans le véhicule lors d’une prospection commerciale ) , la nature de l’accident ( effondrement psychique), la nature des lésions ( état dépressif ) et cette déclaration étant accompagnée d’un certificat médical initial et d’un courrier complémentaire faisant apparaître l’origine traumatique des lésions et leur nature tandis que la décision de la caisse relative à la déclaration d’accident n’est intervenue que le 27 mars 2018 soit plus de trente jours après la réception de cette dernière et des deux certificats médicaux précités, c’est à juste titre que les premiers juges ont dit que la déclaration d’accident du travail relative aux faits survenus le 23 septembre 2013 souscrite par Monsieur [M] [Y] auprès de la CPAM de l’Aisne le 19 février 2018 a fait l’objet d’une reconnaissance implicite du caractère professionnel de ces faits ce qui justifie la confirmation du jugement de ce chef.

SUR LES DEPENS ET LES FRAIS NON REPETIBLES.

Attendu que la société [7] ne succombe en aucune de ses prétentions tandis que la caisse succombe totalement dans les siennes et que Monsieur [Y] succombe en celles dirigées contre la société [7].

Que compte tenu de la solution du litige, il apparaît justifié de confirmer les dispositions du jugement déféré condamnant la caisse primaire d’assurance maladie de l’AISNE aux dépens outre la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et déboutant la société [7] de ses prétentions sur le fondement de ce dernier texte et, ajoutant au jugement déféré, de condamner la caisse à verser à Monsieur [Y] une somme supplémentaire de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS.

La Cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l’exception de celles, qu’il convient de réformer, recevant la SASU [7] en son intervention et déclarant inopposable à cette dernière la décision implicite de prise en charge des faits accidentels survenus le 23 septembre 2013 à Monsieur [Y].

Déclare l’appel en déclaration de jugement commun de la SASU [7] par Monsieur [Y] irrecevable.

Et ajoutant au jugement déféré,

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aisne à verser à Monsieur [M] [Y] une somme supplémentaire de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et au dépens d’appel.

Le Greffier, Le Président,

 


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