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Contrat d’édition : 13 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/09232

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Contrat d’édition : 13 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/09232

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2023

N° 2023/011

Rôle N° RG 19/09232 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEMWC

COMMUNE DE [Localité 5]

C/

[D] [B]

Copie exécutoire délivrée le :

13 JANVIER 2023

à :

Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Me Michel PEZET, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 09 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F18/00989.

APPELANTE

COMMUNE DE [Localité 5] prise en son Etablissement l’OPERA MUNICIPAL DE [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Benjamin LAFON, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [D] [B], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Michel PEZET, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Justine LAUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Depuis 2011, Madame [D] [B] a été engagée par 1’OPERA MUNICIPAL DE [Localité 5] en qualité de Chargée de production puis de Directrice de Production suivant 21 contrats à durée détenninée comme suit :

– CDD du 16 septembre au 31 décembre 2011 : chargée de production ouvrage ‘La Bohème’, rémunération mensuelle brute : 2.800 euros (CDD signé 1e 11.07.2011) ;

– CDD du 1er janvier au 30 avril 2012 : chargée de production, ouvrage ‘Le Trouvére’, rémunération mensuelle brute : 2.800 euros (CDD signé le 11.07.2011) ;

– CDD du 2 mai au 31 mai 2012 : chargée de production, ouvrage ‘Die Zauberflote’, rémunération mensuelle brute : 2.800 euros. (CDD signé le 11.07.2011) ;

– CDD du 4 septembre au 31 décembre 2012 : chargée de production, ouvrage ‘L’italienne E1 Alger’, rémunération mensuelle brute : 2.800 euros (CDD signé le 23 juillet 2012) ;

– CDD du 2 janvier au 6 avril 2013 : chargée de production, ouvrage ‘Otello’, rémunération mensuelle brute: 2.800 euros ( CDD signé 1e 27 mars 2012) ;

– CDD du 16 avril au 31 mai 2013: chargée de production, ouvrage ‘cléopâtre’, rémunération mensuelle brute: 2.800 euros ( CDD signé 1e 27 mars 2012) ;

Année 2014 :

– CDD du 1er novembre 2014 au 30 novembre 2014 1ère representation 1e 4 décembre 2014 : chargée de production, ouvrage ‘Le philtre’ rémunération mensuelle brute : 3.100 euros (CDD signé le 22 septembre 2014) ;

– CDD du 1er au 31 décembre 2014 (representation les 2 et 4 janvier) : chargée de production, ouvrage ‘Elisir d’Amore’, rémunération mensuelle brute : 3.100 euros (CDD signé 1e 22 septembre 2014) ;

Avenant du 5 décembre 2014 ‘déplacement à [Localité 6] pour des raisons de production’ ;

– CDD du 1er janvier au 31 janvier 2015 : chargée de production, ouvrage ‘Caprices de Marianne’, rémunération mensuelle brute : 3.100 euros (CDD signé 1e 22 septembre 2014) ;

– CDD du 1er février au 28 février 2015 ( 18 représentations 1e 11 mars 2015) : chargée de production, ouvrage ‘Tosca’, rémunération mensuelle brute : 3.100 euros (CDD signé le 22 septembre 2014) ;

– CDD du 1er mars au 31 mars 2015 (la représentation le 21 avril 2015) : chargée de production, ouvrage ‘Le vaisseau fantôme’, rémunération mensuelle brute : 3.100 euros (CDD signé le 22 septembre 2014) ;

– CDD du 1er avril au 30 juin 2015 : chargée dc production, ouvrage ‘Falstaff’, rémunération mensuelle brute: 4.200 euros (CDD signé le 22 septembre 2014) ;

Avenant du 30 mars 2015 ‘déplacement a [Localité 4] pour des raisons de production’ ;

– CDD du 1er au 31 juillet 2015 (1 concert 1e 4 aout 2015) : chargée de production, ouvrage ‘Concert Saint-Martin-de-Crau’, rémunération mensuelle brute : 4.200 euros (CDD signé 1e 18 mai 2015) ;

– CDD du 1er septembre au 31 décembre 2015 : chargée de production, ouvrage ‘La vie parisienne’, rémunération mensuelle brute : 4.200 euros (CDD signé le 1er juillet 2015) ;

Un avenant en date du 2 septembre 2015 : déplacement à [Localité 4] pour des raisons de production ;

Un avenant en date du 5 novembre 2015 : déplacement à [Localité 8] pour des raisons de ‘co-productions futures’ ;

– CDD du 1er janvier au 30 avril 2016 : chargée de production, ouvrage ‘Cosi fan tulle’, rémunération mensuelle brute : 4.200 euros (CDD signé 1e 2 juillet 2015) ;

– CDD du 1er mai au 31 juillet 2016 : chargée de production, ouvrage ‘Préparation d’un concert avec orchestre à l’étranger’, rémunération mensuelle brute : 4.200 euros (CDD signé 2 juillet 2015) ;

Un avenant en date du 22 mai 2016 : déplacement à [Localité 6] pour des raisons de co-productions futures ;

Un avenant en date du 22 juin 2016 : déplacement à [Localité 6] pour pour des raisons de co-productions futures ;

– CDD du 1er septembre au 31 octobre 2016 : Directrice de production, ouvrage ‘Maria Stuarda’, rémunération mensuelle brute : 4.200 euros. (CDD signé 1e 22 juin 2016) ;

Avenant du 2 septembre 2016 ‘déplacement à [Localité 9] et [Localité 7] pour des raisons de co-productions futures’ ;

– CDD du 1er novembre au 13 décembre 2016 puis du 19 decembre au 14 avril 2017 : Directrice de production, ouvrage ‘I Capuleti e i Montecchi’, rémunération mensuelle brute : 4.200 euros (CDD signé le 22 juin 2016) ;

Avenant du 3 janvier 2017 déplacement à [Localité 6] pour des raisons de co-productions futures (remise de maquettes de l’ouvrage du ‘Barbier de Séville’) ;

Avenant du 2 fevrier 2017 Réunion CFPL pour l’organisation des Voix Nouvelles pour des raisons de co-productions futures ;

Avenant du 6 février 2017 déplacement à [Localité 8] pour des raisons de co-productions (CDD 19/12/2016 an 14/04/2017 ci-dessus) ;

– CDD du 16 avril au 28 juillet 2017 (representation le 28 septembre 2017) : Directrice de production, ouvrage ‘Le dernier jour d’un condamné’, rémunération mensuelle brute : 4.200 euros (CDD signé 1e 22 juin 2016);

– CDD du 1er septembre 2017 au 26 février 2018 : Directrice de production, ouvrage ‘ Le Barbier de Séville’, rémunération mensuelle brute : 3.800 euros (CDD signé le 27 juin 2017) ;

(Cf CDD du 01/09/2017 au 26/02/2018 ci-dessus)

– CDD du 7 mars au 31 juillet 2018 : Directrice de production, ouvrage ‘Ernani’, rémunération mensuelle brute : 4.200 euros (CDD signé le 27 juin 2017).

Madame [B] a été informée qu’un recrutement allait être organisé pour un poste de directeur de production à temps plein.

Ayant candidaté, elle a été auditionnée par un jury de sélection le 15 mars 2018.

Par courrier du 9 avril 2018, la Direction Générale des services de la Ville de [Localité 5] l’ont informée du rejet de sa candidature.

Mme [B] a saisi le Conseil des Prud’hommes de Marseille le 17 mai 2018 d’une demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2014, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de diverses sommes en indemnisation de son préjudice.

Suivant jugement du 9 mai 2019, le Conseil des Prud’hommes de Marseille a requalifié les contrats de travail à durée déterminée de Mme [B] en contrat de travail à durée indéterminée à compter du ler novembre 2014 et condamné la commune de [Localité 5] prise en son Etablissement l’Opéra de [Localité 5] au versement des sommes suivantes :

– 15.000 euros au titre de rappel de salaire

– 1.500 euros à titre de congés payés

– 8.400 euros au titre de l’indemnité de requalification

– 16.800 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 3.000 euros pour manquement à l’obligation de loyauté de l’employeur

-12.600 euros à titre d’indemnité de préavis

– 1.260 euros au titre de congés payés s’y rapportant

– 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– les entiers dépens.

La commune de [Localité 5] a interjeté appel du jugement en date du 7 juin 2019 et saisi également le Premier Président de la Cour d’appel d’Aix en Provence aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire, lequel par ordonnance du 7 octobre 2019, a débouté la Commune de [Localité 5] de ses demandes et l’a condamnée à verser la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 février 2020, la commune de [Localité 5] demande à la Cour de :

ATITRE PRINCIPAL

Constater que Mme [B] sollicite la requalification des CDD en CDI à compter du 1er septembre 2014

Constater que la requête aux fins de requalification des CDD en CDI est en date du 17 mai 2018,

INFIRMER le jugement de première instance en ce qu’il a requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Mme [B] en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2014,

INFIRMER le jugement de première instance en ce qu’il a condamné la VILLE DE [Localité 5] au paiement des sommes suivantes :

– 15.000 euros au titre de rappel de salaire

– 1.500 euros à titre de congés payés

– 8.400 euros au titre de l’indemnité de requalification

– 16.800 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 3.000 euros pour manquement à l’obligation de loyauté de l’employeur

-12.600 euros à titre d’indemnité de préavis

– 1.260 euros au titre de congés payés s’y rapportant

– 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

– les entiers dépens

STATUANT A NOUVEAU

JUGER prescrit l’ensemble des demandes de Mme [B]

DEBOUTER Mme [B] de l’ensemble de ses demandes

CONDAMNER Mme [B] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens distrait au profit de la SCP BADIE.

A TITRE SUBSIDIAIRE

INFIRMER le jugement de première instance en ce qu’il a requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Mme [B] en contrat de travail à durée indéterminée à compter du ler novembre 2014,

INFIRMER le jugement de première instance en ce qu’il a condamné la VILLE DE [Localité 5] au paiement des sommes suivantes :

-15.000 euros au titre de rappel de salaire

– 1.500 euros à titre de congés payés

– 8.400 euros au titre de l’indemnité de requalification

– 16.800 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 3.000 euros pour manquement à l’obligation de loyauté de l’employeur

-12.600 euros à titre d’indemnité de préavis

– 1.260 euros au titre de congés payés s’y rapportant

– 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– les entiers dépens

STATUANT A NOUVEAU

DIRE que les contrats de travail à durée déterminée souscrits par Mme [B] ont un caractère par nature temporaire et concernent chacun un opéra ou un concert spécifique

DIRE que les contrats de travail à durée déterminée souscrits par Mme [B] révèlent des raisons objectives d’utilisation de contrat d’usage d’artiste pour une prestation spécifique dans un lieu déterminé

DIRE que l’offre d’emploi au poste de directeur de production à plein temps proposée par la ville de [Localité 5] fin mars 2018 correspond à un emploi différent de celui exercé par Mme [B] en contrat à durée déterminée d’usage

DIRE qu’il n’est pas rapporté la preuve que Mme [B] était à disposition de son employeur pour les mois d’août de l’année 2015, 2016 et 2017.

DIRE que les CDD souscrits par Mme [B] sont des CDD d’usage non soumis au respect des délais interstitiels entre les CDD

DEBOUTER Mme [B] de sa demande de requalification de CDD en CDI

DEBOUTER Mme [B] de l’ensemble de ses autres demandes résultant de celle de la requalification de CDD en CDI

DEBOUTER Mme [B] de ses demandes incidentes en cause d’appel

CONDAMNER Mme [B] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens distraits au profit de Me BADIE.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 août 2020, Madame [D] [B] demande à la Cour de :

DEBOUTER la Ville de [Localité 5] de toutes ses demandes, fins et conclusions

En conséquence,

CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Marseille le 9 mai 2019 en ce qu’il a :

REQUALIFIE les contrats de travail à duree déterminée de Madame [B] en contrat de travail à durée indéterminéee à temps complet et ce à compter du 1er septembre 2014

CONDAMNE la ville de [Localité 5] prise en son établissement de l’Opera de [Localité 5] à lui verser les sommes suivantes :

-15.000 euros au titre de rappel de salaire

– 1.500 euros à titre de congés payés

– 8.400 euros au titre de l’indemnité de requalification

– 16.800 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 3.000 euros pour manquement à l’obligation de loyauté de l’employeur

-12.600 euros à titre d’indemnité de préavis

– 1.260 euros au titre de congés payés s’y rapportant

– 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

aux entiers depens

INFIRME le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Marseille 1e 9 mai 2019 en ce qu’il a :

OMIS de statuer sur la demande d’indemnité conventionnelle de licenciement,

CONDAMNE la ville de [Localité 5] à verser à Madame [B] la somme de 3000 euros au titre du manquement à l’obligation de loyauté,

STATUANT A NOUVEAU :

CONDAMNER la ville de [Localité 5] prise en son etablissement de l’Opéra de [Localité 5] à lui verser :

-la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice distinct subi du manquement à l’obligation de loyauté de l’employeur,

-la somme de 7.875 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

DIRE que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal avec capitalisation à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes,

CONDAMNER la ville de [Localité 5] prise en son établissement de l’Opera de [Localité 5] à lui verser la somme de 3.600 euros au titre de l’article 700 du Code de procedure civile ainsi qu’aux entiers dépens, en cause d’appel.

La procédure a été close suivant ordonnance du 15 septembre 2022.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la demande de requalification des CDD en CDI

Sur la prescription

La Commune de [Localité 5] soulève la prescription biennale de la demande de requalification des contrats de travail formée par Madame [B] en application des dispositions de l’article L1471-1 du code du travail. A ce titre, elle fait valoir que le point de départ de la prescription est la date de la signature du contrat tel qu’il résulte d’une jurisprudence de la Cour de cassation du 3 mai 2018 ; que Madame [B] a connu l’existence de la situation de CDD d’usage signés sans période transitoire, dès le 2ème CDD signé pour la période du 1er au 31 décembre 2014 et qu’ayant saisi le conseil de prud’hommes le 16 mai 2018, soit plus de deux ans après le 1er décembre 2014, sa demande de requalification est prescrite.

Madame [D] [B] soutient que la jurisprudence citée par l’employeur ne concerne que la demande de requalification fondée sur un défaut d’indication dans le contrat d’une mention obligatoire ; qu’en l’espèce, le motif invoqué pour solliciter la requalification des CDD en CDI est relatif à la succession de contrats à durée déterminée pour pourvoir à une activité normale ; que dans ces conditions, le délai de prescription prévu à l’article L 1471-1 du code du travail court à compter du terme du dernier contrat à durée déterminée (Ccass 29 janvier 2020). Elle en déduit que le terme du dernier CDD étant le 31 juillet 2018, sa demande de requalification formée suivant saisine du conseil de prud’hommes le 16 mai 2018 n’était pas prescrite.

***

Aux termes des dispositions de l’article L 1471-1 du code du travail, issu de la loi du 29 mars 2018 en vigueur au 1er avril 2018, ‘toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de d’exercer son droit’.

En l’espèce, Madame [D] [B] a saisi le conseil de prud’hommes de [Localité 5] le 16 mai 2018 d’une demande de requalification en contrat à durée indéterminée des contrats à durée déterminée s’étant succédé à compter du 1er novembre 2014 jusqu’au 31 juillet 2018, au motif qu’elle a ainsi été engagée de manière continue à l’Opéra de [Localité 5] pour pourvoir de manière permanente le même poste de directrice de production.

Selon l’article L1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterrminée tout contrat de travail conclu notamment en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L1242-4, lorsqu’il est conclu pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Il en résulte qu’en cas de succession de contrats à durée déterminée, le délai de prescription prévu par l’article L.1471-1 alinéa 1er du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013 ne peut courir qu’à compter du terme du dernier contrat irrégulier. En effet, la violation du dispositif légal perdure tant que les contrats successifs n’ont pas achevé leur exécution, de sorte que le délai de prescription ne peut commencer à courir qu’une fois que la situation illicite a pris fin, soit en l’espèce le 31 juillet 2018, terme du dernier contrat à durée déterminée.

En conséquence, la cour constate que la demande de requalification des 15 contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2014 formée par Madame [B] n’est pas prescrite.

Il convient de confirmer en ce sens la décision rendue par le conseil de prud’hommes.

Sur la requalification

La Commune de [Localité 5] fait valoir que les contrats à durée déterminée conclus avec Madame [D] [B] étaient des CDD d’usage fréquemment utilisés pour des artistes, lorsque l’emploi occupé est lié à un spectacle déterminé, conformes aux articles L 1242-2 3° et D 1242-1 du code du travail ; que la Convention Collective Nationale des entreprises artistiques et culturelles à laquelle se réfère Madame [B] autorise également le recours au CDD d’usage dans le cadre spécifique du spectacle vivant et pour les postes d’administrateur de production et directeur de production. Elle explique que l’emploi de Mme [B] présentait un caractère par nature temporaire. Elle expose à ce titre que les CDD d’usage souscrits par Mme [B] portaient sur des missions spécifiques comme un opéra particulier, un orchestre, une prestation limitée dans le temps, ce qui était très différent du poste de Directeur de production proposé par la Ville de [Localité 5] en CDI, lequel avait également pour objet la mise en oeuvre, à temps plein, de la programmation lyrique, symphonique, théatrale, sur les plans artistique, technique, administratif, juridique et financier. Elle ajoute que ce poste concernait également la direction de production du Théatre Municipal de l’Odéon pour lequel, Mme [B] n’est jamais intervenue, outre l’organisation et la gestion d’auditions des artistes tout au long de l’année, ainsi que l’organisation du concours international de chant de [Localité 5]. La Commune de [Localité 5] indique également que Mme [B] a été engagée comme artiste et non avec un statut de fonctionnaire public territorial, exigé pour le poste de directeur de production.

Enfin, elle rappelle que l’intimée ne peut solliciter la requalification des CDD en CDI alors même qu’elle occupait parallèlement d’autres fonctions, ne lui permettant pas de travailler pour l’Opéra de [Localité 5] à plein temps (cf chargée de production pour les chorégies d’orange, gérante de la société RD CONSEIL-OPERA, secrétaire générale Ad interim au Centre Français de Promotion Lyrique).

Mme [B] soutient que depuis le 1er novembre 2014, elle a été engagée de manière continue par l’Opéra de [Localité 5] suivant 15 contrats à durée déterminée et qu’elle s’est tenue à disposition de son employeur durant toute cette période; que ces contrats ne peuvent être analysés comme des contrats d’usage en vigueur dans la profession puisque l’emploi occupé ne présentait pas un caractère temporaire. A ce titre, elle expose que le caractère permanent de l’emploi résulte de la fiche de poste de directeur de production ouvert à candidature (seconder le directeur général de l’Opéra, suivi des productions programmées, encadrement des équipes et des chefs de services), de la simultanéité des signatures des différents CDD pour chacune des saisons, de la mention présente sur différents avenants ‘pour des raisons de productions futures’, ce qui démontre l’absence de caractère temporaire de l’emploi. Elle expose que le caractère permanent de l’emploi résulte également de l’étendue des fonctions occupées tant à l’Odéon qu’à l’Opéra et l’absence d’engagement contractuel pour les mois d’août de chaque année, ce qui correspond à une période de congés. Contrairement à ce qui est soutenu par la Commune de [Localité 5], Mme [B] affirme avoir bien occupé les fonctions similaires à celles proposées par la ville en qualité de directeur de production en CDI. Ainsi, elle indique justifier avoir occupé des fonctions de directrice de production au Théatre de l’Odéon, ainsi qu’avoir organisé le concours international de chant et auditionné des artistes tout au long de l’année.

Enfin, Mme [B] soutient que l’ensemble des CDD conclus depuis le 1er novembre 2014 étaient bien conclus à temps plein et que la commune ne peut prétexter une prétendue ‘indisponibilité’ de sa part, qu’elle a travaillé pour les chorégies d’Orange jusqu’à avril 2015 seulement (pas à temps partiel), puis a été co-gérante en 2013 d’une société de conseil gérée par son père dont elle n’a perçu aucune ressource, n’a occupé que 4 mois le poste de secrétaire du CFPLen remplacement d’une salariée en congé maternité et n’a créé son activité d’agent d’artiste que postérieurement à la rupture de son contrat de travail.

***

L’article L.l242-l du Code du travail dispose qu’ ‘un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise’.

L’article L.l242-2 dispose que ‘un contrat de travail à durée indéterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas suivants :

-1° Remplacement d’un salarie en cas :

a) D’absence

[…]

2° Accroissement temporaire de l’activite de l’entreprise

3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certain secteur d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à duree indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois…’.

Si, aux termes de l’article D 1242-1 du code du travail, le recours aux CDD d’usage est autorisé pour les activités de spectacle, la convention collective des entreprises artistiques et culturelle l’autorisant expressément pour les postes de directeur de production, l’accord cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° l999/70/CE du 28 juin 1999 impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée est justifé par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

En l’espèce, pour s’opposer à la demande de requalification en contrat à durée indéterminée, la Commune de [Localité 5] soutient que chacun des contrats à durée déterminée signés par Mme [B] correspondait à une prestation artistique ou à un spectacle bien déterminé et limité dans le temps (par exemple : CDD du 1er septembre au 31 décembre 2015 = Opéra ‘La vie Parisienne’ à l’Opéra de [Localité 5] : 4 représentations les 29, 31 décembre 2015, 3 et 7 janvier 2016). Elle expose que dans les faits, Mme [B] a ainsi été embauchée au titre de 15 contrats à durée déterminée pour la période du 1er novembre 2014 au 31 juillet 2018 pour 7 représentations temporaires par an.

Or, la Cour constate que les différents contrats à durée déterminée ont été signés cocomitamment : pour la saison 2014-2015, signature de 6 CDD le 22 septembre 2014, pour la saison 2015-2016, signature des 3 CDD les 1er et 2 juillet 2015 pour la saison 2016-2017, signature des 2 CDD le 22 juin 2016 ; que la ville de [Localité 5] a également signé plusieurs avenants à ces contrats, non pas pour des prestations artistiques déterminées et limitées dans le temps mais ‘pour des raisons de productions futures’, ce qui témoigne de la permanence du poste occupé.

En outre, il résulte de l’examen des pièces contractuelles que les contrats à durée déterminée se succèdent et couvrent des périodes ininterrompues, sauf pour le mois d’août de chaque année ce qui correspond à la période de congés annuels.

De même, les bulletins de salaire de Mme [B] mentionnent au titre du statut : Cadre artistique, et au titre de l’emploi : Directrice de production Opéra de [Localité 5].

L’ensemble des mails de la salariée versés aux débats comportent la signature suivante : ‘[D] [B] Adjointe Artistique Direction Générale Opéra/Odéon’.

Or, un poste permanent de Directeur de production a été ouvert au début de l’année 2018, au sujet duquel il a été demandé par le Directeur de l’Opéra de [Localité 5] lui- même à Mme [B] de compléter le contenu (cf mail du 19 juin 2017) alors même que, selon le contrat à durée déterminée en cours, sa mission n’était que la production du spectacle ‘le dernier jour du condamné’.

Ce poste est ainsi libellé : ‘Placé sous l’autorité du Directeur Général de l’Opéra de [Localité 5] et du Théatre Municipal de l’Odéon, vous avez pour mission de le seconder dans l ‘exercice de ses fonctions notamment pour ce qui concerne la mise en ceuvre de la programmation lyrique, symphonique, théatrale sur les plans artistique, technique, administratif, juridique et financier.

Vous suivez les productions programmées pour les saisons (operas, opérettes, concerts, théâtre…), leur budget (frais plateau, figurations, intermittents…), le planning général ainsi que les contrats de coproductions en relation avec l’administration.

Vous accueillez et encadrez les équipes de productions, établissez des fiches de productions (…), vous assurez l’organisation et la gestion des auditions des artistes tout au long de l’année ainsi que le suivi et l’organisation du concours international de chant de [Localité 5].

Vous encadrez les chefs de service de l’Opéra et de l’Odéon’.

La commune de [Localité 5] soutient que Mme [B] n’exerçait pas l’ensemble des missions ainsi décrites, les contrats à durée déterminée d’usage ne lui conférant que des missions spécifiques, un opéra particulier ou un orchestre, qu’elle n’encadrait pas les chefs de services, n’était pas amenée à s’occuper des questions juridiques administratives ou financières ou mettre en place une programmation. Elle relève également que Madame [B] n’a jamais mis en place une représentation précise pour le théatre de l’ODEON, n’était pas chargée d’auditionner les artistes et d’organiser le concours international de chant.

Au soutien de ces affirmations, elle verse aux débats une seule et unique pièce, à savoir le témoignage du Directeur Général de l’Opéra et du Théatre de l’Odéon, Monsieur [J], qui indique qu’il est également ‘directeur artistique et à ce titre supervise la fonction de production. Par conséquent, Madame [B] ne pouvait être en charge des auditions des artistes et de l’organisation du concours internatinal de chant, sa participation était collégiale et encore moins de la mise en oeuvre de la programmation lyrique, symphonique, théatrale sur les plans artistiques, techniques et financiers de l’Opéra et du Théatre de l’Odéon’.

Or, ces affirmations sont contredites par l’ensemble des pièces, échanges de mails et attestations versés aux débats par l’intimée.

A ce titre, les différents organigrammes annuels de l’Odéon, notamment pour la saison 2015/2016 mentionnent Madame [B] en qualité ‘d’adjointe artistique’ et ceux de la saison 2018/2019 mentionnent également son nom en qualité ‘d’Adjointe au Directeur Général’.

Elle produit de très nombreux mails échangés quant à la mise en place de différentes représentations pour le théatre de l’Odéon tant sur le plan artistique que technique et juridique.

Par exemple, elle verse aux débats l’envoi au régisseur du théatre d’un mail en date du 18 avril 2018 intitulé ‘travail sur la saison prochaine’ lui adressant en pièce jointe diverses ‘fiches de production’.

Encore, elle produit le courriel au terme duquel la secrétaire de la conseillère municipale déléguée à l’Opéra, Mme [Y], l’interrogeait le 6 février 2018 : ‘Bonjour [D], Madame [A] [F] souhaiterait savoir quelle sera la programmation en théatre ” et la réponse le même jour de Mme [B] joignant la programmation 2018/2019 du théatre Odéon.

De même, la cour constate que Mme [B] adressait un mail à M. [X] le 17 novembre 2017 pour lui demander ‘s’il serait libre avec 3 autres danseurs et 1 guitariste sur la période du 25 octobre 2018 au dimanche 28 octobre 2018 concernant la programmation de ‘la belle de cadix’ pour la saison prochaine’, alors même que le contrat à durée déterminée pour lequel elle était embauchée à cette période concernait la représentation du ‘barbier de Séville’.

Mme [B] écrivait à Mme [A] [F] le 28 mars 2018 : ‘je tenais à vous informer que le monte-charge de l’Odéon venait d’être réparé. Nous pourrons donc assurer la pièce dès demain’ et elle répondait par mail du 24 avril 2018 à un agent artistique Monsieur [U], qui lui confirmait la disponibilité d’un chanteur pour ‘Orphée aux enfers’ à l’Odéon et lui demandait de lui faire parvenir une proposition financière, : ‘les conditions sont celles habituelles de l’Odéon’.

Ces éléments montrent que ses tâches n’étaient pas cantonnées à la seule production d’une prestation artistique déterminée, mais qu’elles recouvraient également des missions plus larges liées à la programmation de l’Opéra et du Théatre Odéon (technique, artistique, logistique).

Elle verse encore aux débats :

-les plannings des saisons 2015 à 2021 lesquels témoignent de l’étendue de ses tâches et démontrent le caractère permanent de l’emploi ;

-les échanges de mails des 20 et 29 novembre 2017 avec la régie générale de l’Opéra suivant lesquels Mme [B] indique ‘en pièce jointe le planning sur lequel je travaille perso pour la saison prochaine. Cela récapitule tout ce qui se passe à l’Opéra mais également à l’Odéon’ ;

-une attestation de Monsieur [G] (employé municipal) : ‘Je certifie que Mademoiselle [B] a bien occupé le poste de Directrice Adjointe depuis septembre 2011 à l’Opéra de [Localité 5] et depuis septembre 2014 au théatre municipal de l’odéon et qu’elle était bien présente sur les deux lieux tous les jours de la semaine, les soirs, les samedis et les dimanches ainsi que les jours fériés quand il y avait spectacle’ ;

-une attestation de Monsieur [S] (directeur de Ballet) : ‘Nous nous sommes produits avec le ballet de l’opéra Grand [Localité 3] par trois fois à l’Odéon (…) A chaque fois notre interlocutrice pour mettre en place notre venue et les conventions à établir était Madame [D] [B]. Elle nous accompagnait le temps de la production’ ;

-une attestation de Madame [R] (artiste lyrique) : ‘La première production que j’ai faite au théatre de l’ODEON était en mars 2015 (…), et c’est grace à Mademoiselle [D] [B] que j’ai pu commencer à travailler dans ce théatre. (…) Pendant trois années, [D] a été là du début à la fin, en répétitions de toutes les productions, en représentations, en ayant toujours le sourire et en étant toujours bienveillante et sérieuse dans la tâche qui lui était donnée. Elle a été toujours attentive aux artistes et au bon fonctionnement du théâtre. (…) c’est également grâce à elle que la page du théatre et la communication sur les réseaux sociaux a été renouvelée, dynamisée, modernisée, ce qui a grandement profité à l’Odéon et à l’Opéra’ ;

-une attestation de Madame [E] : ‘J’atteste que Madame [D] [B] travaillait autant à l’Opéra qu’à l’Odéon et qu’elle faisait plusieurs tâches sur toutes les productions et s’occupait également des concerts. Elle ne comptait pas les heures qu’elle faisait aussi bien à l ‘Opéra qu’à l ‘Odéon. Elle assistait à toutes les répétitions des spectacles de l’Opéra et de l’Odéon. Elle assistait le Directeur artistique de l’Opéra. J’atteste tous ces faits parce que je travaille à l’Opera’ ;

-une attestation de Madame [I] : ‘J’atteste que Madame [D] [B] travaillait autant à l’Opéra quà l’Odéon et qu’elle faisait plusieurs tâches sur toutes les productions, concerts des deux maisons. Elle assistait aux répétitions et représentations des spectacles et concerts qui se déroulaient soit à l’Opéra soit à l’Odéon. J’atteste tous ces faits parce que j’ai collaboré avec elle au sein de la direction de l’Opéra de [Localité 5]’.

Le Directeur Général de l’Opéra critique le bien fondé de ces deux derniers témoignages, estimant que Mesdames [E] et [I] ne travaillaient que pour l’Opéra et non pour le Théatre de l’Odéon. Cependant, les organigrammes et les échanges de courriels versés aux débats montrent que les deux structures étaient très imbriquées et faisaient l’objet d’une gestion commune.

Il remet également en cause, le témoignage des autres attestants, sans apporter d’éléments objectifs de contradiction.

La Commune de [Localité 5] allègue encore que Madame [B] ne se serait jamais occupée des auditions d’artistes. A l’inverse, Madame [B] verse aux débats differents courriels échangés concernant l’organisation et la réalisation d’auditions d’artistes (Piece 22).

De même, l’employeur soutient que Madame [B] ne se serait jamais occupée du concours intemational de chant de [Localité 5]. Au contraire, l’intimée produit :

– les échanges de courriels relatifs à l’organisation de ce concours (Pièce 23) ;

– le programme du déroulement du concours édition 2017, sur lequel Madame [B] apparait en qualité de ‘Contact sur place’ (Piece 24) ;

– l’attestation de Madame [R] (artiste lyrique) qui précise : ‘j’ai également présenté le concours de l’Opera de [Localité 5] l’année dernière et j’ai pu constater là aussi qu’en plus de gérer l’organisation et le bon déroulement du concours, elle présentait chaque candidat, des éliminations jusqu’à la finale à l’Opéra de [Localité 5]’ ;

-l’attestation de Monsieur [N] (chef d’orchestre) qui indique : ‘récemment, elle a organisé le concours de chant de l’Opéra – très complexe avec divers chanteurs au répertoire varié et venant de nombreux pays’.

Il résulte de ces éléments que, contrairement aux affirmations de l’employeur, les fonctions occupées par Mme [D] [B] auprès de l’Opéra de [Localité 5] et du Théatre de l’Odéon étaient bien celles d’une directrice de production, similaires au poste permanent dont la candidature a été ouverte au début de l’année 2018.

L’employeur expose que Madame [B] n’avait pas la qualification nécessaire, ce poste relevant du statut d’attaché territorial. Pour autant, la cour observe que l’Opéra Municipal de [Localité 5] a auditionné Mme [B] dans le cadre de cet appel à candidature et ne démontre pas que ce poste n’aurait pu être pourvu par un cadre contractuel, tel que l’intimée.

La commune de [Localité 5] soutient qu’en tout état de cause, Madame [B] n’était pas entièrement disponible pour exercer un emploi permanent car elle exerçait d’autres fonctions ne lui permettant pas de travailler à temps plein pour l’Opéra de [Localité 5].

Elle soutient en premier lieu, que Mme [B] travaillait de 2014 à avril 2015 à temps plein aux chorégies d’Orange en qualité d’administratrice artistique, chargée de production et de Mécénat. Si elle verse aux débats le profil LINKEDIN de Mme [B] (2018) qui mentionne ‘administratrice artistique Chorégies d’Orange depuis mars 2010″, il n’est pas démontré qu’il s’agissait de fonction ‘à temps plein’ et ce d’autant plus, qu’il aurait dans ce cas été impossible pour la Commune de [Localité 5] de conclure avec l’intimée une succession de contrats à durée déterminée sur la période 2011 à 2018 également à temps plein, comme c’est le cas en l’espèce.

Elle fait valoir en second lieu que Mme [B] était gérante d’une société RD Conseil Opéra depuis le 20 mars 2013. Cependant, l’intimée justifie que cette société a été créée en 2002 par son père, qui en était le co-gérant, et ne lui a jamais procuré de revenus (cf attestation expert comptable).

Enfin, l’employeur allègue qu’elle occupait un poste de secrétaire générale d’ad Interim au Centre Français de Promotion Lyrique (cf fiche d’inscription du CFPLen avril 2018 comportant le nom de Mme [B] au titre des contacts), ce que reconnaît Mme [B] qui explique toutefois avoir simplement remplacé durant 4 mois la secrétaire générale de l’association en congé maternité, travaillant en sus pour l’Opéra pendant ses jours de repos, et ce avec l’accord du directeur.

Enfin, il est constant qu’elle n’a créé son activité d’agent d’artiste que postérieurement à la rupture de son contrat de travail fin 2018.

Il s’ensuit que l’employeur ne démontre pas que Mme [B] était indisponible durant la période de novembre 2014 à juillet 2018 pour occuper de manière durable un poste de directrice de production à temps plein.

Il résulte au contraire de l’ensemble des éléments précédemment développés que la Commune de [Localité 5] ne démontre pas l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi, ce qui exclut l’existence de contrats d’usage ; que les missions que Mme [B] étaient amenées à effectuer au titre des contrats à durée déterminée successifs conclus avec la ville de [Localité 5] depuis le 1er novembre 2014, n’étaient pas attachées à un spectacle déterminé sur une période limitée, mais correspondaient en réalité à l’emploi permanent de Directrice de Production au sein de l’Opéra de [Localité 5] et du Théatre de l’Odéon.

Il convient en conséquence de confirmer la décision du conseil de prud’hommes de [Localité 5] qui a requalifié les contrats à durée déterminés de Mme [B] en contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2014.

Sur les rappels de salaire des mois d’août 2015 à 2017

Madame [B] sollicite paiement de ses salaires à hauteur de 12.600 euros (soit 4.200 euros/mois x 3 mois) durant les mois d’août 2015, août 2016 et août 2017 (prescription triennale), s’agissant de congés octroyés mais non payés par la Commune de [Localité 5].

L’employeur estime que ce rappel de salaire n’est pas dû, Mme [B] n’étant pas restée à sa disposition durant les périodes interstitielles entre les différents contrats à durée déterminés et ayant en outre travaillé pour d’autres employeurs.

***

Dès lors que les contrats à durée déterminée ont été requalifiés en contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2014, la Commune de [Localité 5], prise en son établissement municipal Opéra Municipal de [Localité 5], devait payer les congés annuels de Mme [B], de sorte, qu’à défaut, elle sera condamnée à lui verser la somme de 12.600 euros de rappel de salaire pour les mois d’août 2015, août 2016 et août 2017, outre les congés payés afférents.

Sur les rappels de salaire du fait de la baisse de rémunération entre le 1er septembre 2017 et le 26 février 2018

Madame [B] sollicite un rappel de salaire d’un montant de 2.400 euros correspondant à la différence de rémunération sur la période du 1er septembre 2017 au 26 février 2018, n’ayant été rémunérée qu’à hauteur de 3.800 euros par mois au lieu de 4.200 euros pour la période antérieure.

La Commune de [Localité 5] fait valoir que c’est d’un commun accord que le contrat à durée déterminée pour l’Opéra Barbier de Séville a été fixé pour une rémunération mensuelle de 3.800 euros et que chaque contrat était différent s’agissant d’une oeuvre bien spécifique.

***

Les contrats à durée déterminée ayant été requalifiés en contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2014, la Commune de [Localité 5], prise en son établissement Opéra Municipal de [Localité 5], devait verser à Mme [B] une rémunération constante évoluant en fonction de l’ancienneté ou de critères objectifs contractualisés. En l’espèce, elle ne justifie pas des motifs de la baisse de rémunération sur la période concernée, de sorte qu’elle sera condamnée à verser à la salariée la somme de 2.400 euros calculée comme suit : (4.200-3.800) x 6 mois, à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents.

Ainsi, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué à Mme [B] la somme de 15.000 euros à titre de rappel de salaire (12.600 euros ci-dessus + 2400 euros), outre les congés payés afférents.

Sur l’indemnité de requalification

Madame [B] sollicite une indemnité de requalification à hauteur de 2 mois de salaire, ce à quoi la Commune de [Localité 5] réplique que cette demande n’est pas justifiée dans son principe, comme dans son montant.

***

Aux termes des dispositions de l’article 1245-2 alinéa 2 du code du travail, ‘lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat à durée déterminée’.

En l’espèce, Madame [B] ayant été employée de manière continue au moyen de 15 contrats à durée déterminée successifs, sur une période de trois ans et huit mois, elle est en droit de réclamer une somme de deux mois de salaire au titre de l’indemnité de requalification.

Il convient de condamner la Commune de [Localité 5] à lui verser une somme de 8.400 euros à titre d’indemnité de requalification, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la rupture du contrat de travail de Mme [B]

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Mme [B] sollicite le versement d’une indemnité égale à 4 mois de salaire, soit la somme de 16.800 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L 1235-3 du code du travail.

L’employeur estime que Madame [B] ne rapporte pas la preuve du préjudice subi à hauteur de 4 mois de salaire.

***

Lorsque plusieurs contrats à durée déterminée sont requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture de la relation de travail s’analyse en un licenciement. En effet, la procédure de licenciement n’ayant pas eté respectée et aucun motif n’étant allégué à l’appui du licenciement intervenu le 31 juillet 2018, il y a lieu de dire le licenciement de Mme [B] sans cause réelle et sérieuse.

L’article L 1235-3 du code du travail modifié par l’ordonnance du 22 septembre 2017, applicable au présent litige, prévoit que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et en l’absence de réintégration de celui-ci dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par un barème.

Il résulte de ce barème que, lorsque le licenciement est opéré par une entreprise employant habituellement plus de 10 salariés et que le salarié a 3 ans et 8 mois d’ancienneté dans la société comme en l’espèce, l’indemnité doit être comprise entre 3 et 4 mois de salaire brut.

Compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (30 ans), de son ancienneté dans l’entreprise (3 ans et 8 mois), de sa qualification, de sa rémunération mensuelle moyenne (4.200 euros bruts), des circonstances de la rupture (fin de contrats à durée déterminée et absence de recrutement sur l’emploi à durée indéterminée qu’elle occupait en réalité de manière permanente), il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui lui a octroyé la somme de 16.800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité de préavis et de congés payés sur préavis

Il convient de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a condamné la commune de [Localité 5] prise en son établissement l’Opéra Municipal de [Localité 5] à payer à Mme [B] une indemnité compensatrice de préavis égale à 3 mois de salaire conformément à l’article V.8 de la convention collective applicable (CCNEAC), soit la somme de 12.600 euros outre 1260 euros de congés payés y afférents.

Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

Il convient d’ajouter à la décision du conseil de prud’hommes, qui a omis de statuer sur ce point, la condamnation de la commune de [Localité 5] prise en son établissement l’Opéra Municipal de [Localité 5], à payer à Mme [B] une indemnité conventionelle de licenciement d’un montant de 7.875 euros, conformément à l’article V.11 de la convention collective applicable (CCNEAC), dont le calcul du montant n’est pas contesté par l’employeur.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté

Madame [B] sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’elle a subi en raison du manquement par la Commune de [Localité 5] à son obligation de loyauté.

L’employeur estime avoir fait preuve de bonne foi en permettant à Mme [B] de candidater sur le poste de Directeur de production à plein temps et fait valoir qu’elle ne justifierait pas d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.

***

Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Or, il résulte des pièces versées aux débats que Mme [D] [B] s’est vu priver de son emploi, lequel a été successivement ouvert à la candidature et refusé à cette dernière par simple courrier, alors même qu’elle a toujours fait preuve de compétences dans l’exercice de ses fonctions depuis de nombreuses années et de loyauté envers son employeur, tel qu’il résulte des échanges de courriels avec ses partenaires professionnels et des différentes attestations produites devant la Cour.

Cette attitude constitue de la part de l’employeur un manquement à l’obligation de loyauté inhérente à l’exécution de tout contrat de travail, lequel a causé à Mme [B] un préjudice distinct de la perte de son emploi, qu’il convient de réparer par le versement d’une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les intérêts

Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes et seront capitalisés, à condition de porter sur une année entière.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de condamner la Commune de [Localité 5], prise en son établissement l’Opéra Municipal de [Localité 5], à payer à Madame [D] [B] une indemnité de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

L’employeur qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement déféré sauf sur le montant des dommages et intérêts pour manquement par l’employeur à l’obligation de loyauté lui incombant,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Condamne la Commune de [Localité 5], prise en son établissement l’Opéra Municipal de [Localité 5], à payer à Madame [D] [B] une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté,

Condamne la Commune de [Localité 5], prise en son établissement l’Opéra Municipal de [Localité 5], à payer à Madame [D] [B], une somme de 7.875 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes et dit qu’ils seront capitalisés, à condition de porter sur une année entière,

Condamne la Commune de [Localité 5], prise en son établissement l’Opéra Municipal de [Localité 5], à payer à Madame [D] [B] une indemnité de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et la condamne aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


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