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COUR D’APPEL
de
VERSAILLES
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 JANVIER 2023
N° RG 21/00664
N° Portalis DBV3-V-B7F-UK4I
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Janvier 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : C
N° RG : F 17/00053
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Jean-claude CHEVILLER
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le 12 janvier 2023,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. CABINET VAILLANT
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de Paris, vestiaire : D0945 substitué par Me Halima ABBAS TOUAZI, avocat au barreau de PARIS.
APPELANTE
***
Monsieur [U] [J]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Présent assisté de Me Marie-José GONZALEZ, avocat au barreau de PARIS et représenté par Me Michel RONZEAU de la SCP RONZEAU ET ASSOCIES, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 9.
INTIME
****
Composition de la cour
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 novembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Madame Alicia LACROIX, greffier lors des débats.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [U] [J] a été engagé à compter du 22 mars 2011 d’abord en qualité de négociateur immobilier, puis à compter du 1er octobre 2011 en qualité de comptable « mandant » selon contrat de travail à durée indéterminée, par la société Cabinet Vaillant, filiale de la société Cabinet [G] [R], qui a pour activité l’administration de biens immobiliers et relève de la convention collective de l’immobilier.
Le 22 juillet 2016, la société Cabinet Vaillant a notifié à M. [J] une mise à pied à titre conservatoire, puis l’a convoqué le 25 juillet 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 16 août suivant, et M. [J] a été licencié par lettre datée du 19 août 2016 énonçant une faute grave.
Contestant son licenciement, le salarié a saisi, le 9 janvier 2017, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d’entendre juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La société s’est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le conseil de prud’hommes s’est déclaré en partage des voix le 19 juin 2019.
Par jugement de départage rendu le 22 janvier 2021, le conseil a statué comme suit :
Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse
Fixe la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 3 430,14 euros
Condamne le Cabinet Vaillant à payer à M. [J] les sommes suivantes :
– 757,84 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied,
– 6 860,28 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 686,03 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– 4 639,26 euros à titre d’indemnité de licenciement
Ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 11 janvier 2017
– 20 000 euros pour dommages et intérêts pour rupture abusive cette somme portant intérêt au taux légal à compter du jugement
Ordonne la remise d’un certificat de travail, bulletin de salaire et attestation Pôle Emploi dans le mois de la notification du présent jugement.
Dit n’y avoir lieu d’ordonner une astreinte
Ordonne l’exécution provisoire du jugement
Condamne la société à payer à M. [J] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société aux dépens de l’instance.
Le 23 février 2021, la société Cabinet Vaillant a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 25 octobre 2021, la société par actions simplifiée Cabinet Vaillant demande à la cour de :
Réformer le jugement en ce qu’il a dit et jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave de M. [J] et est entré en voie de condamnation à ce titre,
Statuant à nouveau :
Dire et juger que le licenciement pour faute grave est parfaitement fondé
Débouter M. [J] de sa demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire ; de sa demande d’indemnité de licenciement ; de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis ; de sa demande de congés payés afférents au préavis ; de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [J] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
Le débouter de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Ordonner le remboursement des sommes engagées par la société Cabinet Vaillant au titre de l’exécution provisoire.
Condamner M. [J] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Très subsidiairement
Dire et juger que le licenciement de M. [J] repose sur une cause réelle et sérieuse
Le débouter de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Le condamner aux entiers dépens.
Selon ses dernières conclusions notifiées le 27 juillet 2021, M. [J] demande à la cour de :
Rejeter toutes les demandes de la société,
Confirmer le jugement en ce qu’il a :
– dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– fixé la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 3 430,14 euros,
– condamné la société à lui payer les sommes suivantes :
– 757,84 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied,
– 6 860,28 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 686,03 euros à titre de congés payés sur le préavis,
– 4 639,26 euros à titre d’indemnité de licenciement, somme portant intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2017, date de la saisine du conseil de prud’hommes.
– 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’avocat engagés devant le conseil de prud’hommes.
Infirmer le jugement dont appel, en ce qu’il a limité le montant des dommages et intérêts alloué à la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et en ce qu’il a rejeté sa demande en réparation de son préjudice moral.
En conséquence,
Statuant à nouveau,
Condamner la société à lui payer la somme de 34 301,40 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 10 mois de salaire.
Condamner la société à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, sommes portant intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, soit le 10 janvier 2017.
Condamner la société à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’avocat engagés en cause d’appel et la condamner aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
Par ordonnance rendue le 12 octobre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 22 novembre 2022.
MOTIFS
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :
‘Le vendredi 8 juillet 2016, vous avez eu une altercation verbale violente avec Madame [K] [N], comptable salariée au Cabinet [G] [R], société-mère de notre entreprise. Le motif était le suivant : des piles de documents occupaient le bureau de l’ancien Directeur administratif et financier [V] [L], en attendant que Madame [K] [N] les mette sous pli à destination de nos clients. Or, de retour de déjeuner, vous vous êtes installé dans ce bureau. Vous lui avez demandé de débarrasser ces documents ; elle vous a demandé de pouvoir finir la mise sous pli.
Madame [K] [N] nous a rapporté que vous vous étiez violemment emporté à son encontre.
Tous les témoins de l’altercation nous ont rapporté une version uniforme et conforme, à savoir que vous étiez à l’origine de l’incident et que vous aviez montré une très vive colère et agressivité à l’encontre de Madame [K] [N]. Certaines personnes nous ont indiqué avoir craint que l’altercation devienne physique. D’après ces témoignages, c’est l’une des gestionnaires, Madame [T] [B], qui a dû s’interposer pour mettre fin à l’échange et vous renvoyer dans votre bureau.
Nous vous avons demandé pourquoi votre relation avec Madame [K] [N] s’était détériorée à ce point, alors que vous sembliez bien vous entendre jusque-là. Vous nous avez répondu que vous ne compreniez pas et qu’il n’y avait aucune raison.
En revanche, Madame [K] [N], interrogée sur cet incident, nous a rapporté que vous lui aviez fait un certain nombre d’avances au cours des derniers mois et que depuis qu’elle les avait repoussées, votre relation s’était considérablement tendue, jusqu’à aboutir à cette altercation violente.
Depuis cet incident, Madame [K] [N] nous a fait part de son trouble et nous a indiqué ne pouvoir sereinement envisager de retravailler en votre présence. Vous avez d’ailleurs de votre côté également indiqué ne pas vous sentir à l’aise avec l’idée de retourner au Cabinet [G] [R] après cet incident. Outre la confirmation de l’intensité de l’incident, ceci pose un problème organisationnel évident, à défaut de pouvoir vous mettre en contact avec l’équipe comptable du Cabinet [G] [R] avec qui vous êtes censé travailler.
De sa propre initiative et afin d’étayer son propos, Madame [K] [N] nous a communiqué des échanges intervenus entre vous deux dans le cadre d’une « Discussion WhatsApp » entre le 03/11/15 et le 01/07/2016. Ces échanges confortent ses dires.
Ces échanges « WhatsApp » communiqués ont également révélé d’autres éléments concernant votre action au sein de l’entreprise. Outre divers commentaires désobligeants et inacceptables sur la gestion de l’entreprise, c’est une véritable opération de déstabilisation que nous avons pu constater à l’encontre de la responsable d’agence, Madame [Z] [A], et de mon fils [E] [R], en charge de la supervision opérationnelle de l’activité.
Je constate à la lecture de ces échanges que de manière réfléchie et planifiée :
– vous « préparez un coup de sueur froide » pour [E] [R],
– vous « mettez en panique » [Z] [A] et « lancez les inquiétudes » pour la déstabiliser,
– vous discutez avec elle en vous montrant « passablement agacé », de nouveau pour la fragiliser et faire en sorte que [E] [R] ait un bon « mal de tête »
– pour votre retour de vacances, vous prévoyez d’être « l’éclair » au Cabinet [G] [R] et de « mettre la pression » à [E] [R]
– Vous traitez une gestionnaire du Cabinet [G] [R] de « Connasse »
– Vous vous réjouissez d’avoir des éléments pour « faire un scandale auprès de MR [[E] [R]] »
De manière générale, vous incitez Madame [K] [N] à l’insatisfaction (Vous : « j imagine que ça t a plus contrarié qu autre chose ». [K] [N] : « Non mais laisse tomber !!! »)
Bref, autant d’éléments qui caractérisent des man’uvres au détriment de notre entreprise, de notre responsable d’agence Madame [Z] [A] et de notre dirigeant opérationnel Monsieur [E] [R].
Enfin, jeudi 21 juillet 2016, nous avons été informés de ce que vous teniez un discours tout à fait négatif et critique à l’encontre de l’entreprise et de ses dirigeants, et que de surcroit, vous vous prévaliez de connaître tout des comptes des diverses sociétés détenues et dirigées par la famille [R]. Vous avez à cette occasion donné le salaire exact des dirigeants, évoqué le prix et le détail du financement de l’acquisition d’un véhicule par le Cabinet [G] [R], l’acquisition d’un véhicule par notre société, vous avez plastronné de connaître le salaire de Madame [Z] [A] (que vous lui avez donné à l’euro près), comparé le salaire d’une gestionnaire à d’autres, soulignant qu’il était moins élevé, etc.
Vous avez même évoqué le montant du salaire de Madame [S] [R], mon épouse et de Madame [F] [I], ma fille, salariées d’une société tierce (AMIRAL HOTEL) qui n’a aucun lien avec notre société ou sa société-mère, si ce n’est que sa comptabilité est hébergée dans le bureau de notre ancien Directeur Financier, dans lequel vous vous installez lorsque vous allez au Cabinet [G] [R] ‘ ce même bureau qui est à l’origine de l’altercation avec Madame [K] [N].
Ceci démontre que vous avez accédé, de manière tout à fait illégitime, à la comptabilité de notre société, de sa société-mère et de sociétés-tierces, ainsi qu’à des éléments qui concernent la vie privée de personnes tout à fait étrangères à notre structure.
Ceci toujours dans le but de semer la discorde au sein de notre entreprise.
Il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que la poursuite de votre contrat de travail au sein de notre entreprise est impossible, y compris pendant un préavis, ce qui nous contraint à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave’.
Selon l’article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du code du travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’employeur doit rapporter la preuve de l’existence d’une telle faute, et le doute profite au salarié.
Sur la cause du licenciement :
Sur l’altercation
Soulignant que M. [J] était responsable de la comptabilité mandants du Cabinet Vaillant, de la société Dolmen gestion et du Cabinet [G] [R] dans lequel Mme [N] officiait sous ses ordres, et où il se rendait plusieurs fois par semaine pour travailler dans le bureau de l’ancien directeur administratif et financier, la société Cabinet Vaillant fait valoir la concordance des témoins le présentant comme étant à l’origine de l’altercation survenue le 8 juillet 2016.
M. [J], qui se prévaut de l’agressivité et des insultes de sa collègue pour un motif futile de papiers éparpillés, conteste les faits dont ne témoignent pas les attestations, d’ailleurs discordantes, rédigées pour la cause.
Il est acquis aux débats que le 8 juillet 2016, un esclandre est survenu entre M. [J] et Mme [N], comptable salariée du Cabinet [G] [R], dans ses locaux situés dans le sud de [Localité 6].
Certes, M. [J] a été engagé par la société Cabinet Vaillant, qui est établie à [Localité 5].
Néanmoins, il est acquis aux débats que l’intéressé, quoique sans avenant, est mis à disposition des sociétés Dolmen gestion et Cabinet [G] [R]. Etant observé, contrairement aux dires de M. [J], que le lien de subordination liant les témoins à l’employeur n’est pas suffisant pour renverser la force probante de leurs attestations, il doit être relevé que Mme [B], employée par la société Cabinet [G] [R], précise que les gestionnaires avaient « souvent des choses à traiter avec lui », Mme [Y], gestionnaire, qu’en sa qualité de « responsable comptable [il] était amené à venir travailler au cabinet [R] pour former les comptables et interagir avec les gestionnaires sur les problèmes comptables », que d’autres salariés parlent de la régularité de ses visites et tous de son comportement habituel, distant, qui manifeste des relations à tout le moins suivies, même si leur périodicité reste imprécise. Par ailleurs, dans l’organigramme prévisionnel qu’il établit, n’aurait-il pas été validé ainsi qu’il l’explique, M. [J] se situe dans le périmètre de ce second cabinet pour l’« édition des chèques fournisseurs et syndic », l’ « analyse des soldes antérieurs », la « préparation des acomptes » et des « CRG », les « régularisation et écritures « spéciales ».
Au demeurant, le salarié reconnaît qu’à compter de juillet 2015, il lui a été demandé d’occuper les fonctions de responsable de la comptabilité « mandants », alors qu’il était seul employé de la société Cabinet Vaillant pour cette mission. Force est donc de constater que la récurrence et la nécessité de son intervention au sein du Cabinet [G] [R] sont établies.
Cela étant, les témoins sont concordants pour dire que M. [J] s’est énervé dans le couloir contre Mme [N] qu’il a suivie jusqu’à son bureau partagé à plusieurs en lui reprochant, devant les collègues, de vive voix de n’être pas capable de mettre sous pli les comptes de gestion et l’enjoignant à démissionner. Ces témoins font part de leur ressenti d’une violence diversement énoncée : « tellement agressif que j’ai eu peur qu’il devienne violent », « vociférer » (Mme [N]), « vive altercation » « [ils] étaient nez-à-nez lors de l’altercation » (Mme [W]) « violente dispute », il « clama haut et fort » (M.[C]), M. [J] « s’est approché menaçant de ma collègue en hurlant » « j’ai eu peur d’un dérapage » (Mme [B]).
Par ailleurs, les propos dont attesta Mme [N] le 3 octobre 2016, auraient-ils nécessairement été établis pour les besoins de la cause comme l’ensemble des attestations, conformes aux dispositions du code de procédure civile, qui sont destinées à être produites à la barre, ne contredisent pas, contrairement à ce qu’énonce l’intimé, son mail du 8 juillet, adressé le jour même de l’altercation à l’employeur, disant « [U] s’est emporté, une violente altercation a éclaté, ce dernier me demandant de démissionner si je n’étais pas à la hauteur, ces agissements étant intolérables devant l’ensemble de l’équipe. »
Au demeurant, il ne suffit que dans leurs détails elles ne soient identiques, ou que l’employeur ait hésité lors de l’entretien préalable, pour les invalider comme le suggère l’intimé, et la genèse de la dispute reste indifférente, étant observé d’une part qu’aucun élément ne corrobore la version de M. [J] selon laquelle Mme [N] l’aurait d’abord insulté d’autre part que devant les tiers, elle la subit.
Sur le dénigrement
La société Cabinet Vaillant impute à M. [J] un dénigrement des méthodes, de la direction et des personnels de l’entreprise confinant à la déstabilisation, qui marque l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail. Elle nie l’illicéité d’une preuve obtenue régulièrement, porterait-elle atteinte au secret des correspondances, en soulignant que les messages dont elle se prévaut furent divulgués par Mme [N].
M. [J] conteste être l’auteur des messages qui lui sont imputés, et oppose, en tout état de cause, le secret de correspondances privées qui ne pourraient pas fonder la sanction, faute d’induire un trouble caractérisé, et alors qu’il n’a pas abusé de sa liberté d’expression.
En l’occurrence, la société Cabinet Vaillant produit le mail que lui adressa le 13 juillet 2016 Mme [N], retraçant, selon elle, ses échanges électroniques avec M. [J].
Pour autant, la liste de réparties sur papier libre dont certaines sont attribuées à Mme [N] d’autre à M. [J], n’a aucune valeur probante, et cette pièce ne saurait nullement fonder aucune sanction.
Ce grief n’est pas justifié.
Sur l’indiscrétion
La société Cabinet Vaillant reproche à M. [J] d’avoir divulgué le montant des rémunérations des salariés, des dirigeants et le coût d’acquisition de leurs véhicules, auxquels il n’avait pas accès mais dont les informations étaient rangées dans le bureau qu’il occupait dans le Cabinet [G] [R].
M. [J] conteste la matérialité des faits qu’un seul témoignage, au reste imprécis, ne suffit à établir, d’autant qu’il n’est pas justifié qu’il eut accès à ces données, et a fortiori, plus qu’un autre, puisque la comptabilité générale est rangée dans un bureau non clos.
Cela étant, Mme [A], responsable de l’agence du cabinet Vaillant, témoigne que M. [J] a divulgué devant elle et une autre « les salaires de tous les collaborateurs du cabinet [R] ainsi que les salaires de M. [G] [R], M. [E] [R], Mme [S] [R] et Mme [F] [R] », ajoutant « il a également communiqué le coût d’achat des deux nouveaux véhicules de M. [G] [R] et de M. [E] [R]. »
Ce témoignage, qui n’est pas imprécis même s’il n’énonce aucun chiffre, est une preuve suffisante de la matérialité des faits dénoncés.
Ce grief est établi.
Sur la gravité
M. [J] relève, sans être contredit, n’avoir donné lieu à aucun reproche jusqu’alors, et il justifie s’être vu attribuer des primes « exceptionnelles » à plusieurs reprises en 2015 et 2016.
En relevant la tardiveté de la mise à pied intervenue 15 jours après, le caractère occasionnel de ses déplacements dans les locaux de la société mère, comme l’absence de toute supervision de sa collègue que ne prévoit pas son contrat de travail, il dément la gravité de la faute. Il note que cet incident ne pouvait perturber le fonctionnement de la société Cabinet Vaillant, qui est son seul employeur.
Si la société Cabinet Vaillant lui objecte la protection qu’elle doit à ses salariés de leur santé et de leur sécurité, le fait serait-il unique, toujours est-il qu’elle ne démontre pas que M. [J], dont le poste était localisé dans une autre commune, n’aurait pas pu être maintenu dans son emploi le temps du préavis, d’autant qu’il fut mis à pied seulement le 22 juillet 2016, 16 jours après les faits reprochés, peu important qu’elle fut alors avisée de ses indiscrétions.
Dès lors, c’est à tort que l’employeur qualifia de faute grave les faits dont s’agit, qui étaient isolés durant les 5 ans de son emploi, alors que M. [J] y donnait satisfaction ainsi que le président de la société Cabinet Vaillant l’admit en entretien et qu’en témoignent les primes allouées.
Il convient de juger le licenciement fondé sur un motif réel et sérieux, et d’infirmer le jugement en son expression contraire.
Sur les conséquences du licenciement :
Le rejet de la demande de M. [J] de dommages-intérêts pour licenciement abusif se déduit de ce qui précède et le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société Cabinet Vaillant à lui régler 20.000 euros de ce chef.
Enfin, M. [J] sollicite dédommagement des termes offensants de la lettre de licenciement mettant en doute sa probité en ce qu’elle lui prête des « intentions » à l’égard de Mme [N].
Toutefois, l’employeur ne commit aucune faute à retranscrire dans cette missive, sous la forme de propos rapportés, les assertions de Mme [N], qui les confirme d’ailleurs dans son attestation versée aux débats. Dès lors, il ne saurait avoir engagé sa responsabilité dans les termes de l’article 1147 du code civil, dans sa version applicable au litige, dans le dommage dont se plaint l’intéressé, ni davantage dans ceux de l’article 1240 du même code.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement en ce qu’il a dit le licenciement de M. [J] par la société par action simplifiée Cabinet
Vaillant dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société par action simplifiée Cabinet Vaillant à lui payer 20 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement abusif ,
Statuant de nouveau des chefs infirmés,
Juge le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute M. [J] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Le confirme pour le surplus,
Y ajoutant,
Rejette la demande de M. [J] formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,