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MHD/PR
ARRET N° 20
N° RG 22/01421
N° Portalis DBV5-V-B7G-GR2I
Etablissement Public UNIVERSITÉ DE [Localité 6] 2
C/
[W]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 12 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 mai 2022 rendu par le Conseil de Prud’hommes de POITIERS
APPELANTE :
Etablissement Public UNIVERSITÉ DE [Localité 6] 2
[Adresse 4]
[Localité 6]
Ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS
Et ayant pour avocat plaidant Me Laurent PEQUIGNOT, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Madame [K] [W]
née le 31 Mars 1972 à [Localité 3] (17)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Ayant pour avocat Me Pauline BRUGIER de la SARL BRUGIER AVOCAT, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 19 octobre 2022, en audience publique, devant :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport
Madame Valérie COLLET, Conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 13 janvier 2011, prenant effet au 1er février 2011, faisant suite à plusieurs contrats à durée déterminée, Madame [K] [W] a été engagée par l’Université de [Localité 6] 2 – en qualité d’agent contractuel d’établissement à temps complet – pour occuper aux Presses universitaires de France / Service d’activités industrielles et commerciales (SAIC) Edition le poste de technicienne PAO, classe normale.
Par convention d’accueil et de mise à disposition passée entre l’Université de [Localité 5] et le SAIC interétablissement, dénommé ‘les Presses Universitaires de [Localité 6] (PUR)’, elle a été mise à disposition – dans le même temps – de l’Université de [Localité 5] pour y accomplir un temps de travail ne pouvant être inférieur à 60 % de son temps de travail.
En 2016, l’Université de [Localité 5] et les Presses Universitaires de [Localité 6] ont convenu qu’elle travaillerait à temps plein pour les publications de l’Université de [Localité 5] tout en restant personnel des Presses Universitaires de [Localité 6].
En 2018, un désaccord est survenu entre les deux organismes s’agissant de la prise en charge de son salaire.
Par requête en date du 24 décembre 2021, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Poitiers, lequel a, par jugement du 20 mai 2022 :
– dit et jugé que le conseil de prud’hommes de Poitiers est compétent pour recevoir les demandes de Madame [K] [W] dans son litige avec l’Université de [Localité 6] 2 ;
– ordonné le renvoi à l’audience de bureau de jugement le 30 septembre 2022 ;
– sursis à statuer sur les autres demandes.
Par déclaration d’appel en date du 2 juin 2022, l’Université de [Localité 6] 2 a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement.
***
Par acte d’huissier en date du 6 juin 2022, l’Université de [Localité 6] 2 a fait assigner à jour fixe, après y avoir été autorisée par ordonnance rendue sur requête le 3 juin précédent, par le président de la chambre sociale de la cour d’appel de Poitiers, Madame [W] aux fins de comparaître devant ladite chambre à l’audience du 19 octobre 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions du 12 octobre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, l’Université [Localité 6] 2, représentée par son président en exercice demande à la cour de :
– juger recevable et bien fondé son appel,
– y faisant droit, réformer et statuer à nouveau,
– juger incompétent le conseil de prud’hommes de Poitiers pour connaître du litige au profit du tribunal administratif de Rennes avec toutes suites et conséquences que de droit,
– renvoyer en application de l’article 81 alinéa 1 du code de procédure civile les parties à mieux se pourvoir,
– condamner Madame [W] aux dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions du 6 septembre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample des faits, prétentions et moyens, Madame [W] demande à la cour de :
– débouter l’Université de [Localité 6] 2 de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Poitiers ;
– condamner l’Université de [Localité 6] 2 à lui verser une somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– mettre les dépens d’appel à la charge de l’Université de [Localité 6] 2 ;
– à titre infiniment subsidiaire, dire et juger que le litige relève de la compétence du tribunal administratif de Poitiers.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – SUR L’ABSENCE DE PERSONNALITÉ MORALE DU SAIC :
Il résulte des articles :
* L. 711-7 du code de l’éducation que :
‘Les établissements déterminent, par délibérations statutaires du conseil d’administration, prises à la majorité absolue des membres en exercice, leurs statuts et leurs structures internes, conformément aux dispositions du présent code et des décrets pris pour son application.»
* L. 714-1 dudit code que :
‘Des services communs internes aux universités peuvent être créés, dans des conditions fixées par décret, notamment pour assurer :
1° L’organisation des bibliothèques et des centres de documentation ;
4° L’exploitation d’activités industrielles et commerciales ;
6° Le développement de l’action culturelle, sportive et artistique, et la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle’
* D. 714-85 dudit code que :
‘Le service d’activités industrielles et commerciales est créé par délibération du conseil d’administration de l’université, conformément à l’article L. 711-7. Les statuts de ce service sont adoptés par délibération du conseil d’administration prise à la majorité des membres composant le conseil. Ils définissent notamment la durée du mandat du directeur ainsi que la composition, les compétences et les modalités de fonctionnement du conseil du service lorsque celui-ci est créé’
Il en résulte donc que les SAIC constituent des structures internes des établissements universitaires qui sont des établissements publics administratifs.
De ce fait, ils sont dépourvus de personnalité morale et ne peuvent pas agir eux-mêmes en justice.
Ils doivent être représentés.
***
En l’espèce, en s’appuyant sur les textes précités, l’Université [Localité 6] 2 dénie le caractère d’établissement autonome ou de service public au SAIC et soutient qu’il s’agit d’un de ses services internes.
Elle fait valoir que de ce fait, le SAIC qui est dépourvu de personnalité morale ne peut pas ester en justice et par voie de conséquence, ne peut ni faire l’objet d’une décision de justice à son encontre ni être employeur.
En réponse, Madame [W] soutient :
– que l’Université de [Localité 6] considère que le conseil aurait rendu une décision à l’encontre d’un EPIC qui n’aurait pas la personnalité morale,
– que cependant, le conseil des prud’hommes a écrit ‘Epic les Presses Universitaires/SAIC Edition Université de [Localité 6] 2″,
– que de ce fait, le jugement a bien été rendu à l’encontre de la représentante légale de l’EPIC, c’est-à-dire, l’Université de [Localité 6] 2.
***
Cela étant, il convient de rappeler que les articles 2, 3, 5 et 9 des statuts du SAIC Edition (pièce 6 du dossier de l’appelante) mentionnent :
– que la création du SAIC Edition a été décidée par délibération statutaire des conseils d’administration de l’établissement de rattachement – à savoir l’Université [Localité 6] 2 – et des autres établissements participants,
– que le SAIC est dirigé par un directeur et comprend un conseil de gestion présidé par le président de [Localité 6] 2, établissement de rattachement,
– que ses missions sont proposées par les établissements participants,
– que le conseil d’administration de [Localité 6] 2 détermine la part des charges qu’il supporte au titre de ses activités industrielles et commerciales et ses modalités de financement,
– que le conseil d’administration adopte une nomenclature propre au SAIC Édition et vote le budget annexe du SAIC Édition, complété par le budget de gestion.
Il en résulte donc, sur le fondement des principes sus-rappelés et des dispositions statutaires propres au SAIC Edition, que celui-ci n’est pas doté de la personnalité morale dans la mesure où tous les éléments factuels et les textes précités le présentent comme une structure interne de l’Université.
Aussi, lorsque Madame [W] a saisi par requête le conseil de prud’hommes de Poitiers, elle a désigné l’EPIC Les Presses Universitaires de France/SAIC Edition Université de [Localité 6] 2, comme défendeur, à savoir l’EPIC Les Presses Universitaires de France/SAIC Edition, représentée par l’Université de [Localité 6] 2.
Le jugement attaqué a donc été prononcé entre elle et l’EPIC Les Presses Universitaires de France/SAIC Edition Université de [Localité 6] 2.
En conséquence, le défaut de qualité du défendeur à répondre à l’action engagée par la demanderesse doit être écarté en ce que le SAIC est représenté dans l’instance par l’Université de [Localité 6] 2.
En conséquence, il convient de débouter l’appelante de ses demandes formées de ce chef.
II – SUR LA NATURE DU CONTRAT LIANT LES PARTIES :
En application des articles :
* L. 1211-1 du code du travail : ‘Les dispositions du présent livre sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu’à leurs salariés.
Elles sont également applicables au personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel.’
* L. 1411-2 du code du travail : ‘le conseil de prud’hommes règle les différends et litiges des personnels des services publics, lorsqu’ils sont employés dans des conditions de droit privé’.
* L. 123-5 alinéas 6 et 7 du code de l’éducation : ‘… Les conditions dans lesquelles les établissements, pôles de recherche et d’enseignement supérieur et réseaux thématiques de recherche avancée qui participent à ce service public assurent, par voie de convention, des prestations de services, exploitent des brevets et licences et commercialisent les produits de leurs activités sont fixées par leurs statuts. En vue de la valorisation des résultats de la recherche dans leurs domaines d’activité, ils peuvent, par convention et pour une durée limitée avec information de l’instance scientifique compétente, fournir à des entreprises ou à des personnes physiques des moyens de fonctionnement, notamment en mettant à leur disposition des locaux, des équipements et des matériels, dans des conditions fixées par décret ; ce décret définit en particulier les prestations de services qui peuvent faire l’objet de ces conventions, les modalités de leur évaluation et celles de la rémunération des établissements, pôles de recherche et d’enseignement supérieur et réseaux thématiques de recherche avancée.
Les activités mentionnées au précédent alinéa peuvent être gérées par des services d’activités industrielles et commerciales dans les conditions fixées par l’article L. 714-1. Pour le fonctionnement de ces services et la réalisation de ces activités, les établissements, pôles de recherche et d’enseignement supérieur et réseaux thématiques de recherche avancée peuvent recruter, dans des conditions définies, en tant que de besoin, par décret en Conseil d’Etat, des agents non titulaires par des contrats de droit public à durée déterminée ou indéterminée.’
Il en résulte que comme la règle spéciale déroge à la règle générale, le statut du personnel affecté à un SAIC relève du droit public.
***
En l’espèce, après avoir rappelé les dispositions législatives applicables, l’Université de [Localité 6] 2 soutient :
– que l’employeur de Madame [W] ne peut pas être le SAIC qui ne dispose pas de la personnalité mais elle-même, en tant qu’Université,
– qu’en application de la règle ‘specialia generalibus derogant’ (le spécial déroge au général), la disposition générale du code du travail posée par l’article L. 1411-2 du code du travail ne trouve pas à s’appliquer au cas présent puisque le code de l’éducation qualifie spécifiquement le statut du personnel affecté à un SAIC comme relevant expressément du droit public.
En réponse, Madame [W] fait valoir :
– que le service d’activités industrielles et commerciales PUR est géré dans des conditions de droit privé,
– qu’il ne suffit pas de se référer aux dispositions générales de l’article L. 711-1 du code de l’éducation pour déterminer la nature publique ou privée de l’activité,
– que si l’Université conclut à l’absence de conditions d’emploi de droit privé, les juges prennent néanmoins en considération non plus la nature du contrat mais la façon dont le service industriel et commercial fonctionne,
– que le fait qu’elle ait signé un contrat avec l’Université ne signifie pas qu’elle est employée dans des conditions de droit public,
– que le législateur a permis à des établissements publics de bénéficier de prestations habituellement rencontrées uniquement dans le secteur privé,
– que pour en bénéficier, ces établissements publics ne peuvent employer ou recruter des fonctionnaires mais uniquement des agents contractuels,
– qu’en l’espèce, elle n’avait pas le statut de fonctionnaire.
***
Cela étant, en l’espèce, il convient de relever :
– que le contrat à durée indéterminée de Madame [W] et son avenant n°3 visent pour le premier, le décret n°86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État et pour le second le décret n°2002-1347 du 7 novembre 2002 portant dispositions générales applicables aux agents non titulaires recrutés dans les services d’activités industrielles et commerciales des établissements d’enseignement supérieur,
– que ses fiches de paie établissent qu’elle perçoit le supplément familial de traitement (SFT) dont le versement est réservé aux agents publics et cotise pour sa retraite complémentaire à l’IRCANTEC, organisme dédié à la protection sociale des agents contractuels de droit public,
– que la convention de sa mise à disposition auprès de l’Université de [Localité 5] ‘ qui ne peut viser que des agents sous statut de droit public en application de l’article 33-1 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État ‘ précise qu’elle a pour mission la mise en page et la correction d’une revue et que ses conditions de travail sont soumises aux règles d’organisation interne et aux conditions de travail applicables à l’Université de [Localité 5] qui lui-même est un établissement de droit public.
Il en résulte que contrairement à ce que soutient Madame [W], son contrat de travail et son avenant sont des contrats de travail de droit public.
III – SUR LA JURIDICTION COMPETENTE :
1 – Il est constant que le personnel recruté par un contrat de droit public – c’est-à-dire les agents contractuels – sont des agents publics soumis à un statut de droit public.
***
En l’espèce, compte tenu des pièces produites analysées précédemment et des textes applicables le contrat de travail à durée indétermnée par lequel Madame [W] a été recrutée par l’université de [Localité 6] 2 est un contrat de droit public.
Comme ce contrat s’est poursuivi dans le cadre d’avenants pour travailler dans le SAIC Edition, il a toujours conservé sa nature de droit public compte tenu de ce qui a été jugé précédemment.
Il en résulte donc que seule la juridiction administrative peut connaître du différend opposant Madame [W] à l’Université de [Localité 6] 2.
Le jugement attaqué doit donc être infirmé dans toutes ses dispositions en ce qu’il a retenu sa compétence et a renvoyé l’affaire devant l’affaire devant le bureau de jugement.
2 – Même si en application des articles R. 312-1 et R. 312-2 du code de justice administrative, les litiges d’ordre individuel relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu d’affectation administrative de l’agent et même si en l’espèce, il ne peut pas être sérieusement contesté que Madame [W], agent public contractuel, était affectée administrativement à Rennes (35), il n’en demeure pas moins qu’en application de l’article 81 alinéa 1 du code de procédure civile, la cour doit se borner à renvoyer les parties à se mieux pourvoir et ne peut pas désigner la juridiction administrative en raison de la séparation des pouvoirs.
Les parties doivent donc être déboutées de leur demande respective formée aux fins de désignation du tribunal administratif territorialement compétent et de renvoi de l’affaire devant celui – ci.
IV – SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :
Les dépens sont à la charge de Madame [W] qui succombe dans ses prétentions.
***
Il n’est pas inéquitable de débouter Madame [W] qui succombe dans ses prétentions de sa demande présentée en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
Infirme dans toutes ses dispositions le jugement prononcé le 20 mai 2022,
Statuant à nouveau,
Fait droit à l’exception d’incompétence soulevée par l’Université de [Localité 6] 2 tirée de l’incompétence du conseil de prud’hommes de Poitiers,
Renvoie les parties à se mieux pourvoir,
Déboute l’Université de [Localité 6] 2 et Madame [W] de leurs demandes respectives de désignation du tribunal administratif compétent et de renvoi de l’affaire devant celui – ci,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame [W] aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,