Contrat de transport de marchandises : la clause de compétence territoriale

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Contrat de transport de marchandises : la clause de compétence territoriale
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Contrat de transport de marchandises : la clause de compétence territoriale

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REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

(n° , 19 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08361 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDSXG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021000143

APPELANTES

S.A. DANFOSS COMMERCIAL COMPRESSORS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOURG-EN-BRESSE sous le numéro 713 780 278,

Ayant son siège social Route départementale

28 ZI de Reyrieux

01600 TRÉVOUX

La société CODAN FORSIKRING A/S, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Ayant son siège social Gammel Kongevej 60

1790 COPENHAGUE

DANEMARK

Représentées par Me Béatrice WITVOET de l’ASSOCIATION LE BERRE ENGELSEN WITVOET, avocate au barreau de PARIS, toque : R218,

Assistées de Me Galatée PACAULT , avocate au barreau de Paris, toque R 218,

INTIMÉES

S.A.S.U. BBL TRANSPORT, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MEAUX sous le numéro 410 881 148,

Ayant son siège social 31-35 avenue Graham Bell

Parc d’activite Leonard de Vinci

P 89

77600 BUSSY-SAINT-GEORGES

S.A. HELVETIA ASSURANCE SA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés DU HAVRE sous le numéro 339 489 379,

25 quai Lamandé

76600 LE HAVRE

Représentées par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocate au barreau de PARIS, toque : B0515,

Assistées de Me Marianne SCHEUBER de la SCP SCHEUBER JEANNIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0464 substituée par Me Julien TOUSSAINT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0464,

S.A.R.L. SC PROTRANS PANTIRU, société de droit roumain, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Ayant son siège social 3/12, str. Pajura

601139 ONESTI

[W]

ROUMANIE

Représentée par Me Monica IACOVICI, avocate au barreau de PARIS, toque E 0117,

Assistée de Me Mihaela CENGHER, avocate au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, toque : 13,

S.A. EUROINS ROMANIA ASIGURARE REASIGURARE, société de droit roumain, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Ayant son siège social Soseaua Buvuresti Nord, nr.10, Global City Business Park, Cladirea O23, etajul 4, Com VOLUNTARI jud. [M]

077190 , CP 63 OP 42

ROUMANIE

Représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP Société Civile Professionnelle d’avocats HUVELIN & associés, avocate au barreau de PARIS, toque : R285

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’articles 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant la cour composée de :

Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente du chambre 5-5,

Madame Nathalie RENARD, présidente de chambre,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Annick PRIGENT, présidente du chambre 5-5,

Madame Nathalie RENARD, présidente de chambre,

Madame Camille LIGNIÈRES, conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Annick PRIGENT, Présidente du Pôle 5 chambre 5 et par Yulia TREFILOVA, greffière, présente lors de la mise à disposition.

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Faits et procédure :

La société Danfoss Commercial Compressors (ci-après société Danfoss), qui a son siège social à Reyrieux (01), est spécialisée dans la fabrication de pompes et compresseurs.

La société BBL Transport (ci-après société BBL), qui a son siège social à Bussy Saint Georges (77), est une société d’affrètement et de transport de marchandises.

La société S.C. Protrans Pantiru S.R.L (ci-après société Protrans), qui a son siège social en Roumanie, est une société de transport de marchandises.

Au mois de septembre 2017, la société Danfoss a vendu aux sociétés Galletti Spa, Rivacold SRL et Zanotti SPA des compresseurs et accessoires pour un montant total de 83.809,77 euros.

Le 15 septembre 2017, la société Danfoss a confié à la société BBL l’organisation du transport de ces marchandises depuis son site de Reyrieux à destination de plusieurs sites en Italie.

La société BBL a confié à la société Protrans le transport de ces marchandises sous couvert de six lettres de voiture CMR.

Le 16 septembre 2017, l’ensemble routier de la société Protrans s’est renversé sur le bas-côté de la route alors qu’il circulait en Italie.

Les marchandises ont été rapatriées sur le site de la société BBL à Saint Quentin Fallavier (38).

Le 16 novembre 2017, une expertise contradictoire a été organisée. Selon les rapports d’expertise établis le 22 janvier 2018 par le cabinet [F] & [V], expert de la société Danfoss, et le 5 décembre 2017 par le cabinet AM Group, expert désigné par la société BBL, les marchandises ont été considérées comme totalement détruites du fait de l’accident du 16 septembre 2017.

Par actes des 14 et 20 septembre 2018 (RG 2018058311), la société Danfoss et son assureur, la société danoise Codan Forsikring A/S, ont assigné les sociétés BBL et son assureur, la société Helvetia, ainsi que la société Protrans devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de les voir condamner, in solidum ou l’une à défaut de l’autre, à leur payer la somme en principal de 83.987,01 euros en réparation de leur préjudice résultant de la perte totale de la marchandise.

Par actes des 18 et du 20 septembre 2018 (RG 2018060993), les sociétés BBL et Helvetia ont appelé en garantie devant le tribunal de commerce de Paris la société Protrans et son assureur, la société roumaine Euroins Romania Asigurare Réasigurare.

Par jugement du 18 mars 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

– ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les références RG 2018058311 et RG 2018060993 sous la référence J2021000143,

– dit recevables et bien fondées les exceptions d’incompétence soulevées par les sociétés S.C. Protrans Pantiru S.R.L et Euroins Romania Asigurare-Reasigurare,

– S’est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

– dit que le greffe procédera à la notification de la présente décision par lettre recommandée avec accusé de réception adressée exclusivement aux parties,

– dit qu’en application de l’article 84 du code de procédure civile, la voie de l’appel est ouverte contre la présente décision dans le délai de quinze jours à compter de ladite notification,

– condamné in solidum les sociétés SA Danfoss Commercial Compressors, et Codan Forsikring A/S, à payer à la société S.C. Protrans Pantiru S.R.L la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum les sociétés SASU Bbl Transport, et SA Helvetia Assurance à payer à la société Euroins Romania Asigurare-Reasigurare S.A la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum les sociétés SA Danfoss Commercial Compressors, Codan Forsikring A/S, SASU BBL Transport, et SA Helvetia Assurance aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 223,24 euros dont 36,99 euros de TVA.

Par requête du 4 mai 2021, les sociétés Danfoss et Codan ont saisi le premier président de la cour d’appel de Paris d’une requête afin d’être autorisées à assigner à jour fixe.

Par ordonnance du 12 mai 2021, il a été fait droit à cette requête.

Par déclaration du 4 mai 2021, les sociétés Danfoss et Codan ont interjeté appel de ce jugement en ce qu’il :

– a dit recevables et bien fondées les exceptions d’incompétence soulevées par les sociétés S.C. Protrans Pantiru S.R.L. et Euroins Romania Asigurare-Reasigurare S.A.,

– s’est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

– a condamné in solidum les sociétés SA Danfoss Commercial Compressors, et Codan Forsikring A/S, à payer à la société S.C. Protrans Pantiru S.R.L. la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– a condamné in solidum les sociétés SA Danfoss Commercial Compressors, et Codan Forsikring A/S, SASU BBL Transport et SA Helvetia Assurance aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 223,24 euros dont 36,99 euros de TVA.

Prétentions et moyens des parties

Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 14 décembre 2021, les sociétés Danfoss et Codan demandent à la cour de :

Vu la Convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR ;

Vu le Règlement européen n° 12015/2012 dit Bruxelles 1bis ;

Vu les articles L.132-1 et suivants du code de commerce ;

Vu l’article 124-3 du code des Assurances ;

Vu le Décret n° 2013-293 du 5 avril 2013 portant approbation du contrat type de commission de transport ;

Vu les articles 75 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 83 et suivants du code de procédure civile,

– Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris 18 mars 2021 (RG J2021000143) en ce qu’il a :

Dit recevables et bien fondées les exceptions d’incompétence soulevées par les sociétés S.C. Protrans Pantiru S.R.L. et Euroins Romania Asigurare Reasigurare S.A.,

S’est déclaré incompétent et renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

Condamné in solidum les sociétés SA Danfoss Commercial Compressors, et Codan Forsikring A/S, à payer à la société S.C. Protrans Pantiru S.R.L. la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné in solidum les sociétés SA Danfoss Commercial Compressors, et Codan Forsikring A/S, SASU BBL Transport et SA Helvetia Assurance aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 223,24 euros dont 36,99 euros de TVA.

Et statuant de nouveau,

– Rejeter les exceptions d’incompétence soulevées par S.C. Protrans Pantiru S.R.L. et Euroins Romania Asigurare Reasigurare S.A.,

– Se déclarer compétent sur les actions des sociétés Danfoss Commercial Compressors S.A à l’encontre des sociétés BBL Transport, Helvetia Assurances SA ainsi que S.C. Protrans Pantiru S.R.L et Euroins Romania Asigurare Reasigurare S.A.;

– Rejeter l’exception de prescription soulevée par Euroins ;

– Dire et juger les sociétés Danfoss Commercial Compressors S.A et Codan Forsikring A/S recevables et bien fondées en leurs actions à l’encontre des sociétés BBL Transport, S.C. Protrans Pantiru S.R.L, Helvetia Assurances SA et Euroins Romania Asigurare Reasigurare S.A.;

– Condamner in solidum les sociétés BBL Transport, Helvetia Assurances SA ainsi que S.C. Protrans Pantiru S.R.L et Euroins Romania Asigurare Reasigurare S.A, ou l’une à défaut des autres, à payer la somme de 83.987,01 euros, aux sociétés Danfoss Commercial Compressors S.A et Codan Forsikring A/S (soit : 82.595,77 euros à la société Codan Forsikring A/S et 1.391,24 euros à la société Danfoss Commercial Compressors S.A), le tout sauf à parfaire et augmenté des intérêts au taux légal à compter de l’assignation en date du 14 septembre 2018 ;

– Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;

– Condamner les sociétés BBL Transport, Helvetia Assurances SA, S.C. Protrans Pantiru S.R.L et Euroins Romania Asigurare Reasigurare S.A. à payer aux sociétés SA Danfoss Commercial Compressors, et Codan Forsikring A/S la somme de 12.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

– Ordonner l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 28 octobre 2021, les sociétés BBL et Helvetia demandent à la cour de :

– Infirmer le jugement rendu le 18 mars 2021 par le tribunal de commerce de Paris,

Et statuant de nouveau,

Vu les dispositions des articles 74, 75, 81, 333, 446-2 et 446-4 du code de procédure civile, 8.2 et 13.1 du Règlement (UE) 1215/2012 et 31.1 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 dite Convention CMR,

– Débouter la compagnie Euroins Romania Asigurare-Reasigurare S.A. et la société Protrans Pantiru SRL des exceptions d’incompétence territoriales du Tribunal de commerce de Paris qu’elles ont soulevées.

En conséquence,

– Déclarer le Tribunal de commerce de Paris ou, en cas d’évocation, se déclarer territorialement compétent(e) pour juger des demandes formées par la société BBL Transport et la compagnie Helvetia Assurances SA à l’encontre de la compagnie Euroins Romania Asigurare-Reasigurare S.A et de la société Protrans Pantiru SRL.

Si la cour fait droit à la demande d’évocation des sociétés Danfoss Commercial Compressors S.A. et Codan Forsikring A/S :

S’il est fait droit aux exceptions d’irrecevabilité de l’appel principal des Danfoss Commercial Compressors et Codan Forsikring A/S invoquées par la compagnie Euroins Romania Asigurare-Reasigurare S.A,

– Débouter les sociétés Danfoss Commercial Compressors S.A. et Codan Forsikring A/S de leur appel comme étant irrecevable à l’égard de toutes les intimées.

Vu les dispositions des articles 56 et 127 du code de procédure civile,

– Débouter la société Protrans Pantiru SRL de l’exception de « nullité » ou « d’irrecevabilité » de l’assignation de la société BBL Transport et de la compagnie Helvetia Assurances SA à son encontre.

Vu les dispositions de l’article 32 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 dite Convention CMR,

– Dire et juger que les demandes formées à l’encontre de la compagnie Euroins Romania Asigurare-Reasigurare S.A et de la société Protrans Pantiru SRL. par la société BBL Transport et la compagnie Helvetia Assurances SA par actes en date du 18 septembre 2018 ne sont pas prescrites.

En conséquence,

– Débouter la compagnie Euroins Romania Asigurare-Reasigurare S.A. de son exception de prescription.

Vu les dispositions des articles L132-1 et suivants du code de commerce, 17.1 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 dite Convention CMR et L124-3 du code des assurances,

– Dire et juger que la responsabilité de la société BBL Transport n’est recherchée qu’en sa qualité de garant du fait de son substitué,

– Dire et juger que les dommages aux marchandises engagent de plein droit la responsabilité de la société Protrans Pantiru SRL,

– Dire et juger que la compagnie Euroins Romania Asigurare-Reasigurare S.A. ne conteste pas sa garantie,

– Adjuger à la société BBL Transport et à la compagnie Helvetia Assurances SA le bénéfice de leur assignation à l’encontre de la société Protrans Pantiru SRL et de la compagnie Euroins Romania Asigurare-Reasigurare S.A.,

En conséquence,

– Condamner in solidum la société Protrans Pantiru SRL et la compagnie Euroins Romania Asigurare-Reasigurare S.A. à relever et garantir indemnes la société BBL Transport et la compagnie Helvetia Assurances SA de toutes condamnations qui viendraient à être mises à leur charge au profit des sociétés Danfoss Commercial Compressors S.A. et Codan Forsikring A/S,

– Condamner in solidum la société Protrans Pantiru SRL et la compagnie Euroins Romania Asigurare-Reasigurare S.A. à payer à la société BBL Transport et la compagnie Helvetia Assurances SA la somme en principal de 22.051,16 euros sauf à compléter ou à parfaire augmentée des intérêts au taux de 5 % conformément aux dispositions de l’article 27 de la Convention CMR à compter du 18 septembre 2018, date de l’assignation, avec capitalisation des intérêts par année entière conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– Condamner in solidum la société Protrans Pantiru SRL et la compagnie Euroins Romania Asigurare-Reasigurare S.A. à payer à la société BBL Transport et la compagnie Helvetia Assurances SA la somme de 12.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner in solidum la société Protrans Pantiru SRL et la Euroins Romania Asigurare-Reasigurare S.A. entiers dépens de première instance et d’appel dont le montant pourra être recouvré, pour ces derniers, par Me Nadia Bouzidi-Fabre, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, en ceux compris les frais de traduction exposés dans le cadre de ces procédures.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 22 juillet 2021, la société Protrans demande à la cour de :

Vu les dispositions de l’article 31 de la Convention de Genève du 19/05/1965,

Vu les articles 31, 75, 122 du code de procédure civile,

Vu l’article 56 du code de procédure civile,

– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris, du 18/03/2021, dans toutes ses dispositions ;

– Dire et juger le tribunal de Paris comme étant territorialement incompétent pour connaître de ce litige.

A titre subsidiaire,

– Dire et juger irrecevables et mal fondées les assignations délivrées le 18/09/2018, à l’encontre de la société Protrans Pantiru par les sociétés Danfoss Commercial Compressors, Codan, BBL Transport et Helvetia Assurances ;

– Constater que les assignations délivrées le 18/09/2018 ne respectent pas les dispositions de l’article 56 du code de procédure civile et dès lors, dire et juger qu’elles sont nulles et de nulle effet ;

– Constater l’absence d’intérêt et de qualité d’agir de la société Codan;

– Débouter les sociétés Danfoss Commercial Compressors, Codan, BBL Transport et Helvetia Assurances de leurs demandes formulées à l’encontre de la société Protrans Pantiru ;

– Mettre hors de cause la société Protrans Pantiru.

Si par l’extraordinaire, le Tribunal de céans venait à accueillir les demandes des sociétés Danfoss Commercial Compressors, Codan, BBL Transport et Helvetia Assurances,

– Dire et juger que le montant des condamnations seront directement réglées par la société Euroins Romania Asigurare Reasigurare, appelée à la cause ;

– Ne pas ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

– Condamner in solidum les sociétés Danfoss Commercial Compressors, Codan, BBL Transport, Helvetia Assurances et Euroins Romania Asigurare Reasigurare au paiement de la somme de 10.000 euros en applications de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 3 septembre 2021, la société Euroins demande à la cour de :

Vu l’article 75, 122 et suivants du code de procédure civile,

Vu les dispositions de la Convention de Genève du 19 mai 1956,

A titre principal,

– Déclarer l’appel irrecevable comme tardif, et faute de motivation ;

A titre subsidiaire,

– Confirmer la décision dont appel dans toutes ses dispositions ;

Si la Cour devait évoquer,

– Constater qu’une mauvaise répartition des charges lors de l’arrimage pourrait être à l’origine du basculement du camion,

– Dire et juger que la responsabilité des transporteurs ne peut ainsi être recherchée ;

– Débouter la société Danfoss Commercial Compressors S.A et la société Codan Forsikring A/S de l’intégralité de leurs demandes ;

– Rejeter toutes les demandes formées contre la société Euroins Romania Asigurare Reasigurare ;

En tout état de cause,

– Condamner la société Danfoss Commercial Compressors S.A et la société Codan Forsikring A/S à régler à la Société Euroins Romania Asigurare Reasigurare la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Les condamner aux entiers dépens.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’appel sur compétence

La société Euroins soulève l’irrecevabilité de l’appel des sociétés Danfoss et Codan en invoquant le non-respect du délai de quinze jours imparti. Elle ajoute que la déclaration d’appel n’est pas motivée.

Les sociétés Danfoss et Codan répliquent que le jugement critiqué a été notifié par le greffe du tribunal de commerce de Paris le 18 mars 2021 et que la société Codan, étant étrangère, bénéficiait d’un délai supplémentaire de deux mois en application de l’article 643 du code de procédure civile. Les sociétés Danfoss et Codan font encore valoir que la déclaration d’appel comportait une motivation annexée dans des conclusions.

Selon l’article 84 du code de procédure civile, le délai d’appel d’un jugement statuant sur la compétence est de quinze jours à compter de la notification du jugement par le greffe.

Par ailleurs, l’article 643 du même code prévoit que :

« Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d’appel, d’opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de (…) deux mois pour (les personnes) qui demeurent à l’étranger. »

En l’espèce, il est établi que le jugement entrepris a été notifié aux parties par le greffe du tribunal de commerce de Paris le 18 mars 2021. Le délai pour faire appel expirait donc le 2 avril 2021. Il est constant que la société Danfoss, qui a son siège social en France, a formé appel le 4 mai 2021. Son appel doit en conséquence être déclaré irrecevable.

En revanche, la société Codan, qui a son siège social à Copenhague au Danemark, bénéficiait de l’augmentation des délais en raison de la distance de sorte qu’elle avait jusqu’au 2 juin 2021 pour interjeter un appel portant sur la compétence. Son appel, formé par déclaration du 4 mai 2021, a donc été effectué dans le délai imparti.

Par ailleurs, l’article 85 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que : « Outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d’appel précise qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration. »

En l’espèce, la déclaration d’appel de la société Codan indiquait qu’elle portait sur « un jugement sur la compétence » et était accompagnée de conclusions.

En conséquence, l’appel de la société Codan sera déclaré recevable.

Sur la compétence

La société Codan soutient que le tribunal de commerce de Paris était compétent pour connaître du litige. Elle relève tout d’abord que les sociétés BBL et Helvetia ne contestaient pas la compétence territoriale et que le tribunal de commerce de Paris ne pouvait pas relever d’office son incompétence à leur égard. Elle ajoute que le tribunal de commerce de Paris a compétence pour connaître des litiges relatifs à un contrat de commission de transport en vertu de l’article 16 du contrat type de commission de transport. Par ailleurs, elle fait valoir que l’article 31.1 de la convention de Genève du 19 mai 1956 ne permet de déterminer que la compétence des juridictions d’un pays par rapport à un autre pays. Or elle observe que les juridictions françaises sont bien compétentes à l’égard de la société Protrans en application de cet article puisque la France est le pays de prise en charge de la marchandise. Elle ajoute que l’article 16 du contrat type de commission de transport prévoit la compétence du tribunal de commerce de Paris pour les co-défendeurs à une procédure initiée à l’encontre d’un commissionnaire de transport français, ce qui est le cas en l’espèce. Elle souligne encore qu’à l’égard de la société Euroins, la compétence du tribunal de commerce de Paris résulte de l’article 13.1 du règlement UE n°12015/2012 et de l’article L.124-3 du code des assurances. Enfin elle critique le jugement entrepris qui ne désigne pas la juridiction compétente.

La société BBL et la société Helvetia prétendent que l’exception d’incompétence soulevée par la société Euroins au profit du tribunal de commerce de Bourg en Bresse doit être rejetée. Elles soutiennent que l’article 13.1 du règlement UE n°12015/2012 permet d’attraire la compagnie d’assurance devant la même juridiction que son assuré. Or elles font valoir que l’article 31.1 de la convention de Genève du 19 mai 1956 désigne les juridictions françaises comme compétentes à l’égard de la société Protrans puisque la France est le pays de prise en charge de la marchandise. Elles soulèvent par ailleurs l’irrecevabilité de l’exception de compétence invoquée par la société Protrans dès lors que cette exception n’a pas été soulevée in limine litis et que la société Protrans n’a pas désigné la juridiction qu’elle estimait compétente. En tout état de cause, elles estiment que le tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaître de l’action dirigée contre la société BBL, commissionnaire, et également de l’appel en garantie formé à l’encontre de la société Protrans, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, pour éviter toute contrariété de décisions.

La société Protrans et Euroins affirment que le tribunal de commerce de Paris est incompétent pour connaître de l’action dirigée à leur encontre en application de l’article 31.3 de la convention de Genève du 19 mai 1956 et des articles 42 et 46 du code de procédure civile. Elles relèvent qu’aucun des défendeurs n’a sa résidence habituelle dans le ressort du tribunal de commerce de Paris, que le lieu de prise en charge de la marchandise était Reyrieux et se trouvait donc dans le ressort du tribunal de commerce de Bourg en Bresse et que la livraison des marchandises devait avoir lieu en Italie. Elles observent que les dispositions de l’article 16 du contrat-type de commission de transport ne sont pas applicables dans la mesure où la responsabilité de la société Protrans est recherchée en qualité de transporteur. La société Euroins fait encore valoir qu’aucune des parties n’a signé le contrat-type ni fait référence à celui-ci dans le cadre des relations contractuelles.

Sur la recevabilité de l’exception de compétence soulevée par la société Protrans

L’article 74, alinéa 1, du code de procédure civile dispose :

« Les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public. »

En outre, l’article 75 du même code indique que : « S’il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée. »

Par ailleurs, l’article 446-2 du code de procédure civile prévoit que : « Lorsque les débats sont renvoyés à une audience ultérieure, le juge peut organiser les échanges entre les parties comparantes. Après avoir recueilli leur avis, le juge peut ainsi fixer les délais et, si en elles sont d’accord, les conditions de communication de leurs prétentions, moyens et pièces. »

Enfin, l’article 446-4 du même code précise que : « « La date des prétentions et des moyens d’une partie régulièrement présentés par écrit est celle de leur communication entre parties. »

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que le juge chargé d’instruire l’affaire du tribunal de commerce de Paris, désigné conformément à l’article 861-3 du code de procédure civile a, conformément aux dispositions de cet article organisé les échanges entre les parties comparantes dans les conditions et sous les sanctions prévues à l’article 446-2.

Or il sera relevé que la société Protrans n’a pas, dans ses premières conclusions communiquées aux autres parties le 12 avril 2019, soulevé l’incompétence du tribunal de commerce de Paris et a conclu au fond. Ce n’est que dans ses secondes écritures du 14 octobre 2019 qu’elle a soulevé l’incompétence territoriale du tribunal de commerce de Paris. En outre, elle n’a pas précisé la juridiction qu’elle estimait compétente.

L’exception d’incompétence soulevée par la société Protrans doit dès lors être déclarée irrecevable et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la compétence du tribunal de commerce de Paris à l’égard des sociétés BBL et Helvetia

Il n’est pas discuté que la société BBL a été chargée par la société Danfoss d’organiser le transport de marchandises depuis la France vers l’Italie et qu’elle a agi en qualité de commissionnaire de transport.

Or la convention relative au contrat de transport international de marchandises par route (dite CMR) conclue à Genève le 19 mai 1956 ne s’applique pas au commissionnaire de transport.

Il convient en conséquence de rechercher la loi de compétence applicable en faisant application du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matières civile et commerciale, dit Bruxelles I bis.

L’article 4 de ce règlement prévoit la compétence des juridictions de l’Etat dans lequel se situe le domicile du défendeur.

Par ailleurs, l’article 11 dudit règlement indique que l’assureur domicilié sur le territoire d’un Etat membre peut être attrait devant les juridictions de l’Etat membre où il a son domicile.

En l’espèce, les sociétés BBL et Helvetia sont toutes deux domiciliées en France de sorte que les juridictions françaises sont compétentes à leur égard.

Il convient ensuite de déterminer, au regard de la loi française, la juridiction compétente.

L’article 46 du code de procédure civile dispose que :

« Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :

– en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service ;

– en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;

– en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l’immeuble ;

– en matière d’aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier. »

Toutefois le contrat-type annexé au décret n° 2013-293 du 5 avril 2013 portant approbation du contrat type de commission de transport prévoit en son article 16 que : « En cas de litige ou de contestation relatif à un contrat de commission de transport incluant un transport international, seul le tribunal de commerce de Paris est compétent, même en cas de pluralité de défendeurs ou d’appels en garantie. »

Par ailleurs, l’article L. 1432-10 du code des transports dispose que : « Sans préjudice des dispositions impératives issues des conventions internationales et à défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat sur les matières mentionnées à l’article L. 1432-2, les clauses des contrats types mentionnées à la section 3 s’appliquent de plein droit aux contrats de commission de transport ayant pour objet une liaison internationale.»

Ces dispositions spéciales au contrat de commission de transport dérogent aux dispositions générales prévues aux articles 42 et 46 du code de procédure civile et ont vocation à régir de plein droit tous les contrats de commission en l’absence de disposition écrite contraire.

Or il n’est pas discuté qu’aucun contrat écrit de commission de transport n’a été conclu entre la société Danfoss et la société BBL de sorte que le contrat-type de commission de transport, et plus précisément l’article 16 prévoyant la compétence du tribunal de commerce de Paris en cas de litige relatif à un contrat de commission de transport incluant un transport international, doit s’appliquer.

La compétence du tribunal de commerce de Paris à l’égard de la société BBL, commissionnaire de transport, et de la société Helvetia, son assureur, doit en conséquence être retenue et le jugement entrepris sera infirmé de ces chefs.

Sur la compétence du tribunal de commerce de Paris à l’égard de la société Euroins

L’article 13 du règlement (UE) n° 1215/2012 du parlement européen et du conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matières civile et commerciale prévoit qu’en matière d’assurance de responsabilité, l’assureur, domicilié sur le territoire d’un Etat membre, peut être appelé devant la juridiction saisie de l’action de la victime contre l’assuré, si la loi de cette juridiction le permet.

En l’espèce, la loi française permet d’attraire l’assureur devant la juridiction saisie de l’action de la victime contre l’assuré de sorte qu’en l’espèce, le tribunal de commerce de Paris, déjà saisi de l’action de la société Codan contre la société Protrans, était compétent pour connaître de l’action contre son assureur, la société Euroins.

Par ailleurs, l’article 8 même règlement précise que : « Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut aussi être attraite:

1) s’il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément;

2) s’il s’agit d’une demande en garantie ou d’une demande en intervention, devant la juridiction saisie de la demande originaire, à moins qu’elle n’ait été formée que pour traduire celui qui a été appelé hors du ressort de la juridiction compétente. »

En l’espèce, il apparaît indispensable que les demandes de la société BBL à l’égard de la société Euroins soient jugées par la même juridiction que celle saisie des demandes de la société Codan à l’encontre de la société BBL et des demandes de la société BBL à l’encontre de la société Protrans. En effet, ces demandes présentent un lien étroit et leur instruction ainsi que leur jugement par la même juridiction est de nature à écarter le risque de contrariété de décisions.

En conséquence, le tribunal de commerce de Paris, déjà saisi de l’action de la société Codan contre la société BBL ainsi que de l’action de la société BBL à l’encontre de la société Protrans, est compétent pour connaître de l’action de la société BBL contre la société Euroins, qui a son siège social sur le territoire d’un Etat membre.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points.

Sur la demande d’évocation

L’article 88 du code de procédure civile dispose que : « Lorsque la cour est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente, elle peut évoquer le fond si elle estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction. »

En l’espèce, l’ensemble des parties ayant conclu au fond, la cour fera usage de son pouvoir d’évocation eu égard à l’ancienneté du litige.

Sur la recevabilité de l’action en responsabilité

Sur l’absence d’indication dans l’assignation des diligences entreprises pour trouver une issue amiable

La société Protrans soulève l’irrecevabilité des demandes formulées à son encontre dans la mesure où les sociétés Codan, BBL et Helvetia ne justifient d’aucune démarche amiable préalable à l’introduction de l’instance ni de la mention prévue à l’article 56 du code de procédure civile.

Les sociétés BBL et Helvetia prétendent qu’aucune irrecevabilité ne sanctionne le défaut de mention, dans l’assignation, des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. Elles ajoutent que ce défaut de mention n’est même pas sanctionné par une nullité.

L’article 56 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que :

« L’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice:

1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée;

2° L’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit;

3° L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier.

Elle comprend en outre l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.

Sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public, l’assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.

Elle vaut conclusions. »

Par ailleurs, l’article 122 du code de procédure civile dispose que : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

En outre, selon l’article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public

Enfin l’article 127 du code de procédure civile dispose que s’il n’est pas justifié, lors de l’introduction de l’instance et conformément aux dispositions des articles 56 et 58 du même code, des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation.

L’obligation de préciser dans l’assignation les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige n’est assortie par l’article 56 du code de procédure civile d’aucune sanction et ne constitue pas une formalité substantielle ou d’ordre public. Dès lors, s’il n’est pas justifié de son respect, le juge ne peut, selon l’article 127 du code de procédure civile, que proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation. Le moyen, qui postule que cette exigence constitue une fin de non-recevoir ou une cause de nullité de l’assignation, n’est donc pas fondé.

En conséquence, la demande de nullité des assignations délivrées à l’encontre de la société Protrans par les sociétés Codant, BBL et Helvetia sera rejetée et l’action de ces sociétés sera déclarée recevable.

Sur l’intérêt à agir de la société Codan

La société Protrans affirme que la société Codan n’étant pas partie à la relation contractuelle formée entre les sociétés Danfoss, BBL et Protrans n’a ni intérêt ni qualité à agir à son encontre.

Toutefois la société Codan justifie avoir assuré les risques liés au transport de la marchandise sous couvert d’une police n°900 266 208 3 souscrite par la société Danfoss et avoir indemnisé son assurée à concurrence d’une somme de 82.595,77 euros au titre des dommages résultant de la perte des marchandises au cours de leur transport.

Par ailleurs, l’article 2.5 du contrat d’assurance prévoit que les litiges concernant la police d’assurance sont soumis au droit danois. Or la société Codan produit une consultation juridique d’un avocat danois, Me [Y] [G] du cabinet IUNO, datée du 8 septembre 2020, qui atteste que l’assureur est subrogé dans les droits de l’assuré à l’encontre du responsable du dommage à concurrence du paiement effectué à l’assuré.

En conséquence, la société Codan a intérêt à agir à l’encontre de la société Protrans sur le fondement de la subrogation légale prévue par le droit danois. Son action sera donc déclarée recevable.

Sur la prescription

La société Euroins soulève, dans le corps de ses écritures, la prescription de l’action de la société Codan à son encontre en invoquant l’article L. 133-6 du code de commerce. Toutefois il sera relevé qu’elle n’a pas repris cette fin de non-recevoir dans le dispositif de ses conclusions sur lequel la cour a l’obligation de statuer en vertu de l’article 954 du code de procédure civile. En conséquence, il n’y a pas lieu de statuer sur cette fin de non-recevoir.

Sur la responsabilité de la société Protrans en qualité de transporteur

La société Protrans conclut au rejet des demandes formulées à son encontre en faisant valoir que ces demandes doivent être dirigées à l’encontre de son assureur, la société Euroins.

La société Euroins prétend que le sinistre est lié à une mauvaise répartition des charges lors de l’arrimage de la marchandise.

L’article 1er de la convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR prévoit que :

« 1. La présente Convention s’applique à tout contrat de transport de marchandises par route à titre onéreux au moyen de véhicules, lorsque le lieu de la prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour la livraison, tels qu’ils sont indiqués au contrat, sont situés dans deux pays différents dont l’un au moins est un pays contractant. Il en est ainsi quels que soient le domicile et la nationalité des parties. »

Par ailleurs, l’article 17 de ladite convention précise que :

« 1. Le transporteur est responsable de la perte totale ou partielle, ou de l’avarie, qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison, ainsi que du retard à la livraison.

2. Le transporteur est déchargé de cette responsabilité si la perte, l’avarie ou le retard a eu pour cause une faute de l’ayant droit, un ordre de celui-ci ne résultant pas d’une faute du transporteur, un vice propre de la marchandise, ou des circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier.

3. Le transporteur ne peut exciper, pour se décharger de sa responsabilité, ni des défectuosités du véhicule dont il se sert pour effectuer le transport, ni de fautes de la personne dont il aurait loué le véhicule ou des préposés de celle-ci.

4. Compte tenu de l’art. 18, par. 2 à 5, le transporteur est déchargé de sa responsabilité lorsque la perte ou l’avarie résulte des risques particuliers inhérents à l’un des faits suivants ou à plusieurs d’entre eux:

(‘)

c) manutention, chargement, arrimage ou déchargement de la marchandise par l’expéditeur ou le destinataire ou des personnes agissant pour le compte de l’expéditeur ou du destinataire; (‘) ».

L’article 18 de la même convention indique que :

« 1. La preuve que la perte, l’avarie ou le retard a eu pour cause un des faits prévus à l’art. 17, par. 2, incombe au transporteur.

2. Lorsque le transporteur établit que, eu égard aux circonstances de fait, la perte ou l’avarie a pu résulter d’un ou de plusieurs des risques particuliers prévus à l’art. 17, par. 4, il y a présomption qu’elle en résulte. L’ayant droit peut toutefois faire la preuve que le dommage n’a pas eu l’un de ces risques pour cause totale ou partielle. (‘) ».

Enfin l’article 23 prévoit que :

« 1. Quand, en vertu des dispositions de la présente Convention, une indemnité pour perte totale ou partielle de la marchandise est mise à la charge du transporteur, cette indemnité est calculée d’après la valeur de la marchandise au lieu et à l’époque de la prise en charge.

2. La valeur de la marchandise est déterminée d’après le cours en bourse ou, à défaut, d’après le prix courant sur le marché ou, à défaut de l’un et de l’autre, d’après la valeur usuelle des marchandises de même nature et qualité.

3.2 Toutefois, l’indemnité ne peut dépasser 8,33 unités de compte par kilogramme du poids brut manquant.

4. Sont en outre remboursés le prix du transport, les droits de douane et les autres frais encourus à l’occasion du transport de la marchandise, en totalité en cas de perte totale, et au prorata en cas de perte partielle; d’autres dommages-intérêts ne sont pas dus.

(‘)

7.3 L’unité de compte mentionnée dans la présente Convention est le Droit de tirage spécial tel que défini par le Fonds monétaire international. Le montant visé au par. 3 du présent article est converti dans la monnaie nationale de l’Etat dont relève le tribunal saisi du litige sur la base de la valeur de cette monnaie à la date du jugement ou à la date adoptée d’un commun accord par les parties. La valeur, en Droit de tirage spécial, de la monnaie nationale d’un Etat qui est membre du Fonds monétaire international, est calculée selon la méthode d’évaluation appliquée par le Fonds monétaire international à la date en question pour ses propres opérations et transactions. La valeur, en Droit de tirage spécial, de la monnaie nationale d’un Etat qui n’est pas membre du Fonds monétaire international, est calculée de la façon déterminée par cet Etat. (‘) »

En l’espèce, il est établi que la marchandise n’a pas pu être livrée en raison de sa perte totale au cours de son transport par la société Protrans. Cette société est donc présumée responsable de cette perte sauf à démontrer notamment qu’eu égard aux circonstances de fait, la perte a pu résulter d’un mauvais arrimage de la marchandise. La société Euroins, qui fait état de telles circonstances à l’origine du sinistre, n’en rapporte pas la moindre preuve. Il sera en outre relevé que les deux rapports d’expertise produits aux débats ne font aucunement état d’un défaut d’arrimage des marchandises.

En conséquence, en l’absence de preuve d’un cas excepté, la responsabilité de la société Protrans, en sa qualité de transporteur, sera retenue.

Il ressort d’un rapport d’expertise établi le 5 décembre 2017 par le cabinet AM Group et d’un rapport d’expertise établi le 22 janvier 2018 par le cabinet [F] & [V] que le préjudice de la société Danfoss s’élève à 83.987 euros décomposé comme suit :

83.809,77 euros HT au titre de la perte de la marchandise,

912,14 euros au titre des frais de transport initial,

300 euros au titre des frais de transport retour,

Sous déduction de la valeur de reprise à la casse des compresseurs : 1.035 euros.

Il sera relevé que le montant de ce préjudice n’excède pas le plafond de 8,33 DTS par kilogramme de marchandises prévu à la convention, en l’espèce 10.786,30 kilogrammes.

La société Codan justifie avoir indemnisé son assurée à concurrence d’une somme de 82.595,77 euros. La société Protrans sera donc condamnée à lui verser ce montant à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte de la marchandise au cours de son transport le 16 septembre 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2018, date de l’assignation.

Il sera également fait droit à la demande de capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil et à compter du 14 septembre 2018.

Sur la responsabilité de la société BBL en qualité de commissionnaire

Le contrat de commissionnaire étant un contrat de prestation de services, l’article 4, 1, b du règlement n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles dit Rome I désigne comme loi applicable la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle.

En l’espèce, la société BBL a son siège social en France de sorte que la loi française est applicable.

L’article L. 1432-10 du code des transports dispose que : « Sans préjudice des dispositions impératives issues des conventions internationales et à défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat sur les matières mentionnées à l’article L. 1432-2, les clauses des contrats types mentionnées à la section 3 s’appliquent de plein droit aux contrats de commission de transport ayant pour objet une liaison internationale. »

Le contrat-type annexé au décret n° 2013-293 du 5 avril 2013 portant approbation du contrat type de commission de transport prévoit en son article 13 que : « Le commissionnaire de transport est présumé responsable des dommages résultant du transport, de son organisation et de l’exécution des prestations accessoires et des instructions spécifiques.

L’indemnisation du préjudice prouvé, direct et prévisible, s’effectue dans les conditions

suivantes :

13.1. Responsabilité du fait des substitués.

La réparation de ce préjudice prouvé due par le commissionnaire de transport est limitée à celle encourue par le substitué dans le cadre de l’envoi qui lui est confié. Quand les limites d’indemnisation des substitués ne sont pas connues ou ne résultent pas de dispositions impératives, légales ou réglementaires, elles sont réputées identiques à celles relatives à la responsabilité personnelle du commissionnaire de transport. (‘) »

En l’espèce, la responsabilité de la société BBL est recherchée en qualité de garant du fait de sa substituée, la société Protrans. Il résulte de ce qui précède que la marchandise a péri totalement lors de son transport par la société Protrans de sorte que la responsabilité de la société BBL du fait de son substitué sera retenue.

En conséquence, la société BBL sera condamnée, in solidum avec la société Protrans, à payer à la société Codan une somme de 82.595,77 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte de la marchandise au cours de son transport le 16 septembre 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2018, date de l’assignation.

Il sera également fait droit à la demande de capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil et à compter du 14 septembre 2018, date de l’assignation.

Sur la garantie des assureurs

Les sociétés Helvetia et Euroins devront garantir leurs assurés respectifs des conséquences pécuniaires de leur responsabilité.

Sur l’action en garantie de la société BBL à l’encontre de la société Protrans et de la société Euroins

Aucune faute personnelle n’étant retenue à l’encontre de la société BBL, la société Protrans et la société Euroins devront garantir la société BBL et la société Helvetia des condamnations mises à leur charge.

La demande de condamnation in solidum de la société Protrans et de la société Euroins à payer à la société BBL Transport et à la société Helvetia la somme de 22.051,16 euros sauf à compléter ou à parfaire augmentée des intérêts au taux de 5 % conformément aux dispositions de l’article 27 de la Convention CMR à compter du 18 septembre 2018, avec capitalisation des intérêts par année entière conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, qui n’est pas explicitée, sera en revanche rejetée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

La société Protrans et la société Euroins, qui succombent, seront condamnées in solidum à supporter les dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile. Elles seront également condamnées in solidum à payer à la société Codan une somme de 7.000 euros et aux sociétés BBL et Helvetia, ensemble, une somme de 7.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes de ce chef seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

DÉCLARE irrecevable l’appel de la société Danfoss Commercial Compressors ;

DÉCLARE recevable l’appel de la société Codan Forsikring A/S ;

INFIRME le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

DIT que le tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaître de l’action de la société Codan Forsikring A/S à l’encontre de la société BBL Transport, de la société Helvetia assurances, de la société S.C. Protrans Pantiru S.R.L et de la société Euroins Romania Asigurare Reasigurare ;

DIT que le tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaître de l’action de la société BBL Transport et de la société Helvetia assurances à l’encontre de la société S.C. Protrans Pantiru S.R.L et de la société Euroins Romania Asigurare Reasigurare ;

Faisant usage de son pouvoir d’évocation,

REJETTE l’exception de nullité des assignations délivrées à l’encontre de la société S.C. Protrans Pantiru S.R.L par les sociétés Codan, BBL Transport et Helvetia assurances ;

DÉCLARE recevables les actions des sociétés Codan, BBL Transport et Helvetia assurances à l’encontre de la société S.C. Protrans Pantiru S.R.L ;

DÉCLARE la société S.C. Protrans Pantiru S.R.L responsable, en qualité de transporteur, de la perte totale des marchandises lors de leur transport le 16 septembre 2017 pour le compte de la société Danfoss ;

DÉCLARE la société BBL Transport responsable, en qualité de commissionnaire garant du fait de sa substituée, de la perte totale des marchandises lors de leur transport le 16 septembre 2017 pour le compte de la société Danfoss ;

CONDAMNE in solidum la société S.C. Protrans Pantiru S.R.L et la société Euroins Romania Asigurare Reasigurare, ainsi que la société BBL Transport et la société Helvetia assurances, à payer à la société Codan la somme de 82.595,77 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte de la marchandise au cours de son transport le 16 septembre 2017 avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2018 ;

PRONONCE la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil et à compter du 14 septembre 2018 ;

CONDAMNE in solidum la société S.C. Protrans Pantiru S.R.L et la société Euroins Romania Asigurare Reasigurare à garantir les sociétés BBL Transport et Helvetia assurances des condamnations prononcées à leur encontre ;

CONDAMNE in solidum la société S.C. Protrans Pantiru S.R.L et la société Euroins Romania Asigurare Reasigurare à payer à la société Codan une somme de 7.000 euros et aux sociétés BBL Transport et Helvetia assurances, ensemble, une somme de 7.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la société S.C. Protrans Pantiru S.R.L et la société Euroins Romania Asigurare Reasigurare à supporter les dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile ;

REJETTE les autres demandes des parties.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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