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La fonction de régisseur de scène entre bien dans les emplois visés par le recours aux CDD d’usage. La participation du salarié à des tournées de spectacles en région parisienne et en province induit le caractère temporaire et aléatoire de l’emploi, justifiant le fait de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée.
Par ailleurs, la fonction de régisseur de scène peut inclure des missions de chauffeur poids lourd. En l’espèce, par diverses mentions dans les contrats à durée déterminée d’usage pour les périodes de tournées, il était prévu expressément que la fonction consistait notamment à décharger, recharger et conduire le camion d’une ville à une autre.
Pour rappel, même lorsqu’il est conclu dans le cadre de l’un des secteurs d’activité visés par les articles L.1242-2 3° et D.1242-1 du Code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir d’autre objet que de pourvoir un emploi présentant par nature un caractère temporaire.
La juridiction saisie d’une demande de requalification en CDI recherche si, pour l’emploi considéré, il est effectivement d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée et de vérifier si le recours à un ou plusieurs contrats à durée déterminée est justifié par des raisons objectives, qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
L’article L.1242-2 3° du Code du travail envisage notamment les emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Selon l’article D.1242-1 6° du Code du travail, en application du 3° de l’article L. 1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont notamment les spectacles.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 4
ARRET DU 13 OCTOBRE 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/05963 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5TRE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Avril 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F17/04934
APPELANT
Monsieur Y X
[…]
[…]
Représenté par Me Myriam DUMONTANT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
[…]
[…]
[…]
Représentée par Me Pierre LACOURT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2179
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Bruno BLANC, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Bruno BLANC, président
Madame Anne-Ga’l BLANC, conseillère
Madame Florence MARQUES, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
ARRET :
— contradictoire
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Bruno BLANC, Président et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOS” DU LITIGE :
Monsieur Y X (le salarié) a été engagé, en qualité de régisseur de scène à compter du 04 Octobre 2000, dans le cadre de plusieurs contrat de travail à durée déterminée, par l'[…] (la société).
Les contrats prévoyaient une durée quotidienne de travail de 8 heures pour une rémunération journalière de 250 euros bruts.
En son dernier état, le salarié percevait un salaire brut mensuel de 3.000 euros bruts.
La relation contractuelle a pris fin au terme du dernier contrat à durée déterminée, le 30 Avril 2016.
C’est dans ces conditions que Monsieur Y X a saisi le Conseil de Prud’hommes de Paris, le 28 Juin 2017, aux fins de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et de rappels de salaire au titre des fonctions de chauffeur poids lourd.
Le Conseil de Prud’hommes de Paris, par jugement du 5 Avril 2018, a débouté Monsieur Y X de l’ensemble de ses demandes et condamné aux dépens.
La Cour statue sur l’appel régulièrement interjeté le 30 Avril 2018, par Monsieur Y X, du jugement, après notification du jugement en sa personne le 17 Avril 2018.
Par conclusions déposées sur le RPVA le 30 août 2021, Monsieur Y X demande à la Cour de :
— REFORMER le jugement dans son intégralité
Statuant à nouveau,
— PRONONCER la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée sur la période du 28 septembre 2010 au 30 avril 2016 ;
— DIRE ET JUGER que Monsieur Y X exerçait les fonctions de chauffeur conducteur d’un véhicule poids lourd en plus de ses fonctions de régisseur ;
En conséquence,
— CONDAMNER la société PASCAL LEGROS PRODUCTIONS au paiement des sommes suivantes :
• 3.000 ‘ à titre d’indemnité de requalification,
• 8.675 ‘ à titre d’indemnité de précarité (articles L. 1243-8 et L. 1243-10 du Code du travail),
• 6.000 ‘ à titre d’indemnité compensatrice de préavis (Deux mois, CCN),
• 600 ‘ au titre des congés payés y afférents,
• 8.375 ‘ à titre d’indemnité de licenciement (0,5 mois par année d’ancienneté, CCN, 16 ans et 8 mois),
• 72.000 ‘ à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse (Article L. 1235-5 du Code du travail ; 24 mois),
• 5.983,86 ‘ à titre de rappel de salaire pour les fonctions de chauffeur (Année 2013),
• 598,39 ‘ au titre des congés payés y afférents,
• 8.721,96 ‘ à titre de rappel de salaire au titre des fonctions de chauffeur (Année 2014),
• 872,19 ‘ au titre des congés payés y afférents,
• 10.972, 40 ‘ à titre de rappel de salaire au titre des fonctions de chauffeur (Année 2015),
• 1.097,24 ‘ au titre des congés payés y afférents,
• 5.872,55 ‘ à titre de rappel de salaire au titre des fonctions de chauffeur (Année 2016),
• 587,25 ‘ au titre des congés payés y afférents,
• 3.439,74 ‘ à titre d’indemnité compensatrice de préavis au titre des fonctions de chauffeur (Deux mois, CCN),
• 343,97 ‘ au titre des congés payés y afférents,
• 4.798,43 ‘ à titre d’indemnité de licenciement au titre des fonctions de chauffeur (0,5 mois par année d’ancienneté, CCN, 16 ans et 8 mois),
• 41.276,88 ‘ à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre des fonctions de chauffeur (Article L. 1235-3 du Code du travail, 24 mois),
• 10.319,22 ‘ à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé au titre des fonctions de chauffeur (Article L. 8223-1 du Code du travail, 6 mois),
• 3.000 ‘ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
— ORDONNER le versement des intérêts au taux légal sur les salaires et sommes afférentes sollicités sur le fondement des dispositions de l’article 1231-6 du Code civil à compter de la saisine de la juridiction de céans et pour les dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l’article 1231-7 du Code civil à compter du jugement à intervenir ;
— ORDONNER la remise des documents conformes à la décision intervenir comprenant : certificat de travail, solde de tout compte et Attestation Pôle Emploi pour les fonctions de Régisseur, bulletins de salaire du mois d’octobre 2000 au mois de juin 2016, solde de tout compte, certificat de travail et Attestation d’employeur destinée au Pôle Emploi pour les fonctions de Chauffeur, le tout sous astreinte de 50 ‘ par jour de retard et par document ;
— ORDONNER la capitalisation des intérêts ;
— CONDAMNER la société PASCAL LEGROS PRODUCTIONS aux éventuels dépens au visa de l’article 699 du Code de procédure civile.
Par conclusions déposées sur le RPVA le 23 juin 2021, la société PASCAL LEGROS PRODUCTION demande à la Cour la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation de Monsieur Y X à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la prescription des demandes
A titre liminaire, il convient de dire que le débat juridique porte sur l’ensemble des contrats faits et qu’ainsi, la question de la prescription de certains actes n’a pas lieu d’être.
Sur la requalification contractuelle
Le salarié soutient d’une part que certaines mentions obligatoires de ses contrats à durée déterminée font défaut, telles que la définition précise du motif du contrat à durée déterminée et la qualification précise du salarié. D’autre part, qu’aucun motif des contrats à durée déterminée n’est valable compte-tenu de la nature permanente de l’emploi de Monsieur X, ce qui impliquerait une requalification de sa relation contractuelle en contrat à durée indéterminée. En conséquence, de nombreuses indemnités seraient dues au salarié : indemnité de précarité, indemnité de requalification, indemnité compensatrice de préavis, indemnité conventionnelle de licenciement et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur considère selon lui, d’une part, que les contrats à durée déterminée signés reposent bien sur le statut de contrat à durée déterminée d’usage et sont motivés par le secteur d’intermittence du spectacle. D’autre part, il ressort des plannings des tournées que les périodes de travail ont été ponctuées par d’importantes périodes d’interruption. Toutes les indemnités demandées sont donc contestées.
Sur ce,
Même lorsqu’il est conclu dans le cadre de l’un des secteurs d’activité visés par les articles L.1242-2 3° et D.1242-1 du Code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir d’autre objet que de pourvoir un emploi présentant par nature un caractère temporaire.
Il convient de rechercher si, pour l’emploi considéré, il est effectivement d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée et de vérifier si le recours à un ou plusieurs contrats à durée déterminée est justifié par des raisons objectives, qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
L’article L.1242-2 3° du Code du travail envisage notamment les emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Selon l’article D.1242-1 6° du Code du travail, en application du 3° de l’article L. 1242-2, les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont notamment les spectacles.
En l’espèce, la fonction de régisseur de scène de Monsieur Y X entre bien dans les emplois visés par les articles susmentionnés. Sa participation à des tournées de spectacles en région parisienne et en province induit le caractère temporaire et aléatoire de l’emploi, justifiant le fait de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée.
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur Y X de sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée et des indemnités y afférent.
Sur l’emploi de chauffeur
Le salarié soutient que ses contrats de travail ont été unilatéralement modifiés par l’ajout des fonctions de chauffeur poids lourd, ceci relevant d’une classification distincte de régisseur de scène. Ce dernier ayant même bénéficié d’une formation. Le salarié estime ainsi qu’il aurait dû être rémunéré pour ces fonctions et demande à ce titre des rappels de salaire, afférents à ces fonctions. Il estime en sus que ce travail a été accompli de manière dissimulée, et demande à ce titre une
indemnité forfaitaire. Enfin, considérant que ce travail aurait dû résulter d’un contrat de travail, dont il a été mis fin, le salarié estime que lui sont dues une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité compensatrice de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur précise que le poste de régisseur inclus les fonctions de chauffe et de chargement / déchargement, notamment quand les tournées s’effectuent en province. Cette sujétion est prévue aux contrats à durée déterminée de Monsieur Y X, et aucune intention de fraude de l’employeur n’est rapportée par lui. En conséquence, aucune rémunération supplémentaire, aucune indemnité pour travail dissimulé ni aucune indemnité de licenciement ne sauraient être versées.
Sur ce,
L’article L.8221-5 du Code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
En l’espèce, par diverses mentions dans les contrats à durée déterminée d’usage pour les périodes de tournées, il est prévu expressément que la fonction consiste notamment à décharger, recharger et conduire le camion d’une ville à une autre. Aussi, le nombre d’heures effectuées et payées par l’employeur ne sont pas inférieures au travail accomplit. Enfin, l’intention de fraude de l’employeur n’est pas non plus rapportée par le salarié.
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur Y X de sa demande de reconnaître qu’il exerçait les fonctions de chauffeur conducteur d’un véhicule poids lourd en plus de ses fonctions de régisseur, ainsi que ses demandes de condamnation de la société à lui verser les sommes sus-mentionnées.
Sur les autres demandes et la demande reconventionnelle
Le salarié considérant que les fonctions de chauffeur procèdent d’un contrat de travail distinct, il estime que son employeur avait l’obligation de lui remettre, dès la rupture dudit contrat, les documents de fin de contrat. En conséquence, il demande leur remise sous astreinte, et demande en sus la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
L’employeur considère que les demandes formulées n’ont pas lieu d’être et demande à titre reconventionnel la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
En l’espèce, il n’apparait pas inéquitable que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles.
En conséquence, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes des parties.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant par mise à disposition et contradictoirement,
— CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur Y X de l’ensemble de ses demandes ;
— DIT n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
— CONDAMNE Monsieur Y X aux dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT