Contrat de régie publicitaire : validité de la clause de réajustement

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Contrat de régie publicitaire : validité de la clause de réajustement

La clause du Contrat de Régie Publicitaire portant modalités de réajustement éventuel des sommes versées à l’Editeur est légal. Celle-ci peut prévoir un minimum garanti (350.000€ Ht nets pour la période du 12 mars 2017 au 11 mars 2018), sous réserve de l’atteinte d’objectifs d’audience (1.000.000 de VU et 40.000.000 d’impressions sur les formats bannière 728 x 90 et carré 300 x 250).

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 17 DECEMBRE 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/23021 –��N° Portalis 35L7-V-B7D-CBFVB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2018061528

APPELANTE

SAS ADVERLINE

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n° 428 723 266

assistée de Me Carine KALFON de la SELEURL KL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0918

INTIMEE

SASU CONCEPT MULTIMEDIA

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

13100 AIX-EN-PROVENCE

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d’AIX EN PROVENCE sous le n° B 399 146356

assistée de Me Jérôme DUPRE de la SELARL CABINET DUPRE SEROR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0079

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Juin 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre

M. Denis ARDISSON, Président de la chambre

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

La société SAS CONCEPT MULTIMEDIA est un éditeur de publications périodiques, elle crée, exploite et gère ses activités sur tous supports et exploite notamment le site internet LOGIC-IMMO.COM.

La société SA ADVERLINE exploite de manière constante, entre autres activités, une régie publicitaire.

Le 12 mars 2012 un Contrat de Régie Publicitaire a été signé entre la société ADVERLINE, en qualité de Prestataire et la société CONCEPT MULTIMEDIA, en qualité d’Editeur, aux termes duquel :

Article 2 Objet du contrat :

« 2.1 – Par les présentes, l’Éditeur donne pouvoir, à titre exclusif, au Prestataire qui l’accepte, de vendre, aux meilleures conditions, pour son compte les Espaces Publicitaires du Site. Le Prestataire agira au titre de la commercialisation des Espaces Publicitaires auprès des Annonceurs en son propre nom mais pour le compte de l’Editeur.

2.2 – L’Editeur pourra cependant commercialiser directement les Espaces Publicitaires du Site conformément à l’article 8.2 du Contrat. »

Article 3 Obligations du Prestataire :

« 3.9 – Opérations spéciales

Le Prestataire aura la possibilité de proposer des Opérations spéciales avec l’accord préalable et écrit de l’Éditeur. Les Parties agréeront ensemble à l’occasion de chaque Opération Spéciale des modalités particulières relatives à ladite Opération Spéciale.

Les Parties sont d’ores et déjà convenues que pour les Opérations spéciales, la liste des Annonceurs, auprès desquels le Prestataire ne pourra pas commercialiser les Espaces Publicitaires sans l’accord préalable et écrit de l’Editeur (cf. annexe 1, points I et Il) sera complétée par le secteur de l’Assurance » (cf. annexe 1, point III). »

L’extrait de l’annexe 1 « Liste des annonceurs ne pouvant pas être prospectés et facturés par le Prestataire sans accord préalable écrit de l’Editeur » précise au point II « les Espaces publicitaires ne pourront pas être commercialisés par le Prestataire sans accord préalable écrit de l’Editeur, aux Annonceurs suivants ( pour le Display et les Opérations spéciales ) :

Crédit Agricole ( CASA et caisses régionales),

BNP Paribas Régions

20 Minutes »

L’article 8 Exclusivité stipule :

« 8-1 L’Editeur s’interdit de conclure avec un tiers un contrat de régie ayant pour objet la commercialisation des Espaces publicitaires du Site pendant toute la durée du présent contrat (‘) L’Editeur s’interdit d’accepter les ordres de publicité provenant d’un tiers à l’exception des Annonceurs listés dans l’Annexe 1. Pour tous les Annonceurs listés dans l’annexe 1 Le Prestataire ne sera éligible à aucune rémunération (‘)

« 8.2 Dans le cadre de la commercialisation des Espaces Publicitaires du Site aux Annonceurs listés en annexe 1, l’Editeur facturera directement ces campagnes aux Annonceurs. Ces campagnes seront mises en ligne et gérées par l’Editeur lui-même, sans faire l’objet d’une perception d’une quelconque commission par le Prestataire. Les Parties sont convenues que les campagnes gérées par l’Editeur seront prioritaires sur celles gérées par le Prestataire aux fins de diffusion sur les Espaces Publicitaires. »

La durée de ce contrat a été renouvelée aux termes de différents avenants et la rémunération due à la société CONCEPT MULTIMEDIA par les avenants n°1 prenant effet le 12 mars 2014, avenant n°2 du 10 mars 2015 et avenant n°3 du 5 février 2016.

Dans son dernier état, le Contrat de Régie Publicitaire a été modifié aux termes d’un avenant n°4 signé le 19 décembre 2016 sur les principaux points suivants :

— le renouvellement du contrat à partir du 12 mars 2017 jusqu’au 11 mars 2018 :

— la revalorisation du minimum garanti versé à l’éditeur par le prestataire pour cette nouvelle durée contractuelle à hauteur de 350.000,00 € nets HT sous réserve que deux conditions soient satisfaites relatives au trafic constaté sur le site.

Par courriel en date du 27 octobre 2017, la société ADVERLINE a informé la société CONCEPT MULTIMEDIA de sa négociation d’un contrat avec le CREDIT AGRICOLE confirmant par un courriel du 30 octobre, répondant à la demande de la société CONCEPT MULTIMEDIA qu’ « elle est en train d’élaborer le contrat, qu’une signature début de semaine prochaine est jouable sachant qu’elle a déjà l’accord par mail. »

Le 6 novembre 2017, la société CONCEPT MULTIMEDIA lui répondait par mail : « En prévision de l’année prochaine et pour ne pas être pris de court, nous souhaitons encadrer le partenariat bancaire avec un contrat entre nous ( CONCEPT MULTIMEDIA et ADVERLINE) L’idée étant de fixer :

— La durée d’engagement

— Le montant du lead (comme vu ensemble)

— La période de préavis pour ne pas être pris de court comme l’année dernière.

Nous pouvons prendre pour base tes premières versions de contrat avec Crédit Agricole »

Par retour du même jour la société ADVERLINE indiquait : « Bonne idée. On finalise avec le CREDIT AGRICOLE et on revient vers vous »

Le 7 novembre la société ADVERLINE reprenait attache avec la société CONCEPT MULTIMEDIA pour résoudre une difficulté d’adaptation de la partie mobile au support LOGIC IMMMO à la demande du CREDIT AGRICOLE.

Le 9 novembre la société CONCEPT MULTIMEDIA sollicitait en ces termes la société ADVERLINE : « J’espère que vous allez bien réussir à valider dans les temps. En effet c’est ce qui avait bloqué l’année dernière. De notre côté nous avons une proposition canon en interne à qui nous avons donné la même échéance. »

Le 10 novembre la société ADVERLINE confirmait avoir reçu l’accord du CREDIT AGRICOLE sur les bases données par la société CONCEPT MULTIMEDIA dans son email du 20 octobre concernant le nombre et le prix du lead ce à quoi le responsable de la société CONCEPT MULTIMEDIA répondait : « 14 euros le lead c’est déjà très bas. Tu penses avoir une marge de manoeuvre avant la signature ‘ »

Le 13 novembre la société CONCEPT MULTIMEDIA faisait savoir à la société ADVERLINE qu’ayant reçu l’accord d’un partenaire pour 400 K Euros de fixe il était important qu’elle ait un retour sur : « la capacité à avoir un prix au lead supérieur. As-tu eu un retour de leur part ‘ »

La société ADVERLINE répondait par immédiatement : « Les conditions qui ont été validées avec le CREDIT AGRICOLE ont été validées par toi. On ne peut pas revenir en arrière ce ne serait pas « fair ». Par ailleurs les opérations spéciales font bien partie du périmètre de la régie lorsque celles-ci ont été validées avec l’éditeur ( cf contrat ci-joint) ce qui est le cas. » ce à quoi la société CONCEPT MULTIMEDIA faisait retour en ces termes : « Les conditions doivent être validées et le choix effectué en fonction le 15 novembre ».

Le 14 novembre la société CONCEPT MULTIMEDIA résumait : « Je pense qu’aujourd’hui la situation est très simple : nous avons 2 propositions, aucune n’est signée. Il est assez logique que nous comparions les dispositifs et les revenus associés. Nous nous sommes donnés jusqu’à la fin de la semaine pour choisir le partenaire. Le CREDIT AGRICOLE est toujours dans la course. Ce que nous voulons acter c’est le contrat entre nous. Quelles clauses des sorties pour l’un et l’autre notamment et quel coût par lead pour LOGIC IMMO ‘ »

Le même jour la société ADVERLINE répondait : « Nous somme ta régie exclusive et à ce titre nous pouvons proposer des opérations spéciales. Nous avons construit ensemble cette opération spéciale dès le début d’octobre 2017. Je t’ai prévenu fin octobre de l’accord par mail du CREDIT AGRICOLE sur les bases de 14 000 leads garantis à 20 euros le lead suivis de 6 000 leads à 18 euros le lead avec un plafond à 2 000 bases sur lesquelles nous nous sommes mis d’accord. Tu avais l’air très satisfait de ce deal. Les conditions de l’article 3-9 du contrat sont donc remplies. En conséquence il y aurait violation de l’obligation de loyauté en négociant en parallèle la même opération avec un autre acteur bancaire directement en interne ou par le biais d’une autre régie. Compte tenu du fait qu’il n’y a de la place sur le site que pour une seule opération spéciale sur le secteur bancaire. Si ce deal sur lequel nous nous sommes engagés avec le CREDIT AGRICOLE devait être rompu, cela nous causerait un important préjudice et pourrait entraîner la demande de dommages et intérêts. »

La société CONCEPT MULTIMEDIA indiquait le 20 novembre : « Ce mail pour te prévenir que la décision finale sera prise mercredi 22 novembre. » Elle poursuivait le 24 novembre les échanges en ces termes : « Comme confirmé dans mes messages et conversations téléphoniques, la proposition du CREDIT AGRICOLE n’est aucunement actée. Nous sommes en fin de pourparlers avec notre potentiel partenaire direct. Nous pourrons comparer les propositions et faire notre choix début de semaine prochaine. »

De manière constante la société CONCEPT MULTIMEDIA a signé un partenariat pour l’année 2018 avec un autre acteur du secteur bancaire que le CREDIT AGRICOLE et la société ADVERLINE a en conséquence rompu les engagements pris auprès du CREDIT AGRICOLE au titre de l’Opération spéciale projetée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 décembre 2017, le conseil de la société ADVERLINE notifiait à la société CONCEPT MULTIMEDIA qu’ayant dû rompre le contrat par le fait de la déloyauté de celle-ci qui, bien qu’informée des négociations engagées avec le CREDIT AGRICOLE par ADVERLINE s’est engagée avec un autre acteur du secteur bancaire sans informer son partenaire commercial, cette dernière appellerait en garantie CONCEPT MULTIMEDIA pour le cas où le CREDIT AGRICOLE rechercherait sa responsabilité à raison du manquement à ses engagements contractuels, et ne serait en tout état de cause pas en mesure de verser le minimum garanti prévu au contrat de régie publicitaire dans la mesure où l’absence de réalisation de cette opération spéciale avec le CREDIT AGRICOLE, causée par CONCEPT MULTIMEDIA, ne lui permettait pas d’atteindre leurs objectifs.

Par courrier du 9 janvier 2018, la société CONCEPT MULTIMEDIA accusait bonne réception du courrier, rappelait qu’ayant accepté que la société ADVERLINE engage des négociations avec le CREDIT AGRICOLE en vue de mettre en place une opération spéciale sur le site Logic-immo.com ayant pour but de générer des leads pour cette banque, aucun accord satisfaisant n’ayant pu être trouvé entre les trois parties, notamment sur le montant du lead et la période de préavis, et aucune exclusivité n’ayant été consentie à ADVERLINE sur la commercialisation des opérations spéciales, elle avait informé ADVERLINE de la réception d’une proposition commerciale plus intéressante émanant d’un autre partenaire bancaire et cherché en toute bonne foi à collaborer activement à l’opération spéciale proposée.

Par acte délivré le 17 novembre 2018, la SAS CONCEPT MULTIMEDIA a fait assigner la SAS ADVERLINE devant le tribunal de commerce de PARIS en paiement des sommes de 65 965 euros HT au titre du minimum garanti par le contrat de régie publicitaire et son avenant n°4 outre 53 757,27 euros TTC au titre du solde des factures impayées et 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le jugement entrepris, prononcé le 30 septembre 2019 a :

Dit la SAS CONCEPT MULTIMEDIA recevable et bien fondée en ses demandes ;

Condamné la SAS ADVERLINE à payer à la SAS CONCEPT MULTIMEDIA les sommes suivantes :

—  65 965 euros HT au titre du minimum garanti par le contrat

—  53 757,27 euros TTC au titre du solde des factures impayées

—  4 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Débouté la société ADVERLINE de sa demande de la somme de 116 400 euros à titre de dommages et intérêts ;

Débouté les parties de leurs plus amples demandes ;

Ordonné l’exécution provisoire ;

Condamné la société ADVERLINE aux dépens.

La société ADVERLINE a interjeté appel selon déclaration reçue au greffe de la cour le 12 décembre 2019 complétée par des conclusions signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 11 mars 2020 par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 56, 122 et 124 du Code de Procédure Civile,

Vu l’article 15 de la convention signée entre les parties,

Vu les articles 1104, 1353 et 1217 du Code Civil,

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS le 30 septembre 2019 en toutes ses dispositions.

A TITRE PRINCIPAL

CONSTATER la méconnaissance par la Société CONCEPT MULTIMEDIA de la clause portant sur la solution amiable, obligation préalable à toute instance judiciaire prévue au contrat conclu entre les parties le 12 mars 2012.

CONSTATER la méconnaissance des dispositions fixées par le Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends, imposant aux parties une obligation de

tentative de règlement amiable des litiges préalablement à la saisine du juge.

PAR CONSEQUENT

DECLARER irrecevable l’ensemble des demandes formulées par la Société CONCEPT MULTIMEDIA dans le cadre de la présente instance.

A TITRE SUBSIDIAIRE

DEBOUTER la Société CONCEPT MULTIMEDIA de l’ensemble de ses demandes et prétentions formulées à l’encontre de la Société ADVERLINE.

CONDAMNER la Société CONCEPT MULTIMEDIA à verser à la Société ADVERLINE la somme de 116.400 euros au titre des commissions qu’elle aurait dû percevoir sur le contrat CREDIT AGRICOLE.

PROCEDER par voie de compensation entre le solde des factures restant dues par la Société ADVERLINE pour un montant TTC de 53.757,27 euros et le montant des commissions dues sur le contrat CREDIT AGRICOLE.

CONDAMNER la Société CONCEPT MULTIMEDIA à verser à la Société ADVERLINE la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile avec intérêts au taux légal.

CONDAMNER la Société CONCEPT MULTIMEDIA aux entiers dépens

La société CONCEPT MULTIMEDIA a signifié via le réseau privé virtuel des avocats le 10 juin 2020 des conclusions par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 1101 et 1103 du Code Civil ;

Vu les pièces produites aux débats,

CONFIRMER en toute ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 30 septembre 2019 ;

DEBOUTER purement et simplement la société ADVERLINE de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions tant principales que reconventionnelles ;

CONDAMNER la société ADVERLINE à payer à la société CONCEPT MULTIMEDIA la somme de 21,41 € TTC au titre de la facture du 31 octobre 2018 ;

CONDAMNER la société ADVERLINE au paiement de la somme de 5.000,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER la société ADVERLINE aux entiers dépens ;

L’ordonnance de clôture était prononcée le 1er avril 2021.

SUR QUOI,

LA COUR,

1-Sur la recevabilité de l’action en paiement

1-1 La clause prévoyant une solution amiable

La société ADVERLINE fait grief à la société CONCEPT MULTIMEDIA de n’avoir pas respecté l’obligation stipulée à l’article 15 du Contrat de Régie Publicitaire qui lui imposait, avant de diligenter une assignation en justice, de rechercher une solution amiable.

Elle en déduit que la demande formulée en justice est irrecevable.

Cependant, la clause stipulée à l’article 15 du contrat Droit Applicable et Juridiction Compétente énonce en son alinéa 3 : « A défaut d’une solution amiable, tout litige susceptible de s’élever entre les Parties, à propos de la formation, de l’existence, de la validité, de l’exécution, de la résiliation ou de l’interprétation du contrat sera de la compétence exclusive des tribunaux de Paris et ce y compris, en cas de référé et de pluralité de défendeurs, en cas d’appel en garantie et pour les procédures d’urgence, procédures conservatoires en référé ou par requête. »

Ces dispositions qui rappellent le principe de subsidiarité du recours à la justice n’imposent pas la recherche d’une solution amiable comme un préalable à la saisine du tribunal et ne donc peuvent servir le moyen d’une irrecevabilité qu’elles ne prévoient pas.

La société ADVERLINE ne saurait prospérer en ce moyen.

2-2 L’obligation de mentionner les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige

La société ADVERLINE soutient que l’intimée avait l’obligation en conséquence des dispositions de l’article 56 du code de procédure civile issu décret n°2015-282 du 11 mars 2015, de mentionner dans l’assignation les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige à défaut de quoi elle est irrecevable en sa demande.

Les articles 18 et 19 du décret n°2015-282 du 11 mars 2015, repris par l’article 56 du code de procédure civile, précisent que doivent désormais être mentionnées dans l’assignation « les diligences entreprises par les parties en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. »

Si l’ajout de cette mention a pour objet d’inciter les parties à recourir à un mode alternatif de règlement des litiges, les diligences qui doivent être mentionnées ne sont pas précisées et le défaut de cette mention n’étant pas sanctionné à peine de nullité ou d’irrecevabilité, ouvre seulement au juge la possibilité, prévue à l’article 21 du décret, de proposer une mesure de conciliation ou de médiation, manifestement inopportune en l’espèce eu égard à la nécessité d’interpréter les clauses du contrat sur laquelle les parties s’opposent.

Par conséquent le moyen tiré de l’irrecevabilité de la demande ne saurait prospérer et le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré les demandes recevables.

2-La demande en paiement de l’Editeur

[…]

La clause énoncé à l’article 7-4 du Contrat de Régie Publicitaire, intitulée Modalités de réajustement éventuel des sommes versées à l’Editeur au vu de l’avenant n°4 du 19 décembre 2016, prévoit un minimum garanti d’un montant de 350.000€ Ht nets pour la période du 12 mars 2017 au 11 mars 2018, sous réserve de l’atteinte d’objectifs d’audience de 1.000.000 de VU et 40.000.000 d’impressions sur les formats bannière 728 x 90 et carré 300 x 250.

De manière constante, sur la période du 12 mars 2017 au 11 mars 2018, le montant total perçu par la société Concept Multimedia au titre du contrat de régie s’élève à la somme de 284 035 € HT nets.

Ce montant n’a pas été contesté par la société ADVERLINE qui n’a pas émis de réserve sur le fait que le minimum d’impression défini contractuellement ne serait pas atteint.

L’interprétation de cette clause ne fait pas litige, de même que le dépassement des objectifs d’audience sur les 12 derniers mois, comme l’attestent les éléments figurant en annexe du courrier adressé le 19 avril 2018 par la société CONCEPT MULTIMEDIA à la société ADVERLINE qui est donc redevable de la différence entre les deux montants représentant la somme de 65 965 €HT soit 79 158 euros TTC.

2-2 Le paiement des factures émises par la société CONCEPT MULTIMEDIA

La société ADVERLINE étant une régie publicitaire, son activité consiste en l’espèce à

vendre des espaces publicitaires disponibles sur le site Internet de la société CONCEPT MULTIMEDIA, Editeur, à des annonceurs.

A ce titre, le contrat prévoit que la société ADVERLINE facture et encaisse le prix des

espaces vendus auprès des annonceurs, à charge pour elle de reverser ce montant à la société CONCEPT MULTIMEDIA déduction faite de sa commission qui représente 30 % du CA ainsi commercialisé.

L’article 7.3 du contrat intitulé « Facturation et encaissement par l’Éditeur » stipule :

« Depuis son Backoffice, l’Éditeur éditera et adressera, en début de chaque mois, sa

facture au Prestataire.

Le montant facturé est le chiffre d’affaires net facturé par le Prestataire aux

Annonceurs et aux Agences Média au titre des Espaces Publicitaires vendus au cours

du mois précédent, déduction faite des commissions du Prestataire.

Après facturation, les sommes revenant à l’Éditeur lui seront payées à 30 jours. »

L a s o c i é t é C O N C E P T M U L T I M E D I A a é m i s d i v e r s e s f a c t u r e s e n c o n t r e p a r t i e d e c a m p a g n e s d e p u b l i c i t é v e n d u e s p a r l a s o c i é t é ADVERLINE et exécutées par l’éditeur, lesquelles sont demeurées impayées selon décompte ci après :

N° Facture Montant Date de la facture Date d’exigibilité

1803512458 19.811,10 31 mars 2018 10 mai 2018

1805507361 26.056,75 31 mai 2018 10 juillet 2018

1806507434 4.926,35 30 juin 2018 9 août 218

1807512927 129,96 31 juillet 2018 9 septembre 2018

1808506456 2.833,11 31 août 2018 10 octobre 2018

1810500938 21,41 31 octobre 2018 10 décembre 2018

représentant un total de 53.778,68 euros

La société ADVERLINE ne conteste pas le quantum des sommes réclamées, sollicitant dans ses conclusions d’appelant, la compensation de ses factures avec la créance qui serait due, selon elle, au titre des commissions qu’elle était été en droit de percevoir sur le contrat conclu avec le CREDIT AGRICOLE.

La société ADVERLINE est donc redevable de la somme totale de 79 158 euros au titre du Minimum Garanti et, sur infirmation du jugement à raison de la prise en compte de la facture dont le montant supplémentaire de 21,41 euros est justifié sera condamnée au règlement de la somme de 53 778,68 au titre des factures impayées.

Le jugement sera donc infirmé sur le quantum de la condamnation à paiement et la société ADVERLINE condamnée à régler à la société CONCEPT MULTIMEDIA les sommes de 79 158 euros au titre du Minimum Garanti et 53 778,68 au titre des factures impayées.

3- Sur la demande de dommages et intérêts formée par le Prestataire

La société ADVERLINE, Prestataire, fait grief à la société CONCEPT MULTIMEDIA, Editeur, de sa déloyauté pour avoir, au mépris de l’exclusivité bénéficiant au Prestataire de la Régie Publicitaire pour les Opérations spéciales visées à l’article 3-9 du contrat, et alors qu’un engagement avait été signé par le Prestataire avec le CREDIT AGRICOLE sur les bases tarifaires définies préalablement avec l’Editeur, recherché un autre partenaire bancaire et contracté avec celui-ci à l’insu du Prestataire, contraignant ce dernier à se désengager du contrat signé.

3-1Cependant l’exclusivité édictée par l’Article 8 du contrat, par laquelle l’Editeur s’interdit de conclure avec un tiers un Contrat de Régie ayant pour objet la commercialisation des Espaces publicitaires du Site pendant toute la durée du contrat, comporte une exception posée par l’alinéa 2 selon lequel : « L’Editeur s’interdit d’accepter des ordres de publicité provenant d’un tiers à l’exception des annonceurs listés dans l’annexe 1 » précisant que « Pour tous les Annonceurs listés dans l’Annexe I, le Prestataire ne sera éligible à aucune rémunération. »

L’Annexe 1 intitulée « Blacklist ( Liste des Annonceurs ne pouvant être prospectés et facturés par le Prestataire sans accord préalable écrit de l’Editeur) prévoit au II que « Les Espaces Publicitaires ne pourront pas être commercialisés par le Prestataire sans accord préalable écrit de l’Editeur, aux Annonceurs suivants ( pour le Display et les Opérations spéciales) » : CREDIT AGRICOLE ( CASA et caisses régionales) »

Le CREDIT AGRICOLE étant l’un des Annonceurs cité par l’Annexe 1, II, il s’en déduit d’une part que la société ADVERLINE ne pouvait pas prospecter cet établissement sans l’accord préalable écrit de la société CONCEPT MULTIMEDIA et, d’autre part, que l’Editeur avait le droit d’accepter des ordres de publicités provenant de l’un des Annonceurs visés à cette Annexe 1 laquelle couvre en I, II

et III, pour le Display et les Opérations spéciales, ou seulement pour les Opérations spéciales, différents secteurs de l’entreprise, des banques et des assurances.

Partant, la société ADVERLINE n’est pas fondée à imputer à la société CONCEPT MULTIMEDIA une infraction à la clause d’exclusivité lui bénéficiant sauf à démontrer qu’elle avait obtenu l’accord préalable écrit de l’Editeur pour la commercialisation de l’Espace publicitaire avec l’Annonceur CREDIT AGRICOLE.

3-2 la clause 3-9 Opérations spéciales, renvoie à l’annexe I et II et soumet expressément les Opérations spéciales que le Prestataire a la possibilité de proposer à : « L’accord préalable et écrit de l’Editeur » en énonçant que : « Les Parties agréeront ensemble à l’occasion de chaque Opération spéciale, des modalités particulières relatives à ladite Opération spéciale.

Les Parties sont d’ores et déjà convenues que pour les Opérations spéciales, la liste des Annonceurs, auprès desquels le Prestataire ne pourra pas commercialiser les Espaces Publicitaires sans l’accord préalable et écrit de l’Editeur (cf. annexe 1, points I et Il) sera complétée par le secteur de l’Assurance » (cf. annexe 1, point III). »

La nécessité de cet accord préalable écrit de l’Editeur a été clairement rappelée par la société

CONCEPT MULTIMEDIA dans son email du 6 novembre 2017 adressé au Prestataire en réponse à l’annonce de celui-ci quant à l’imminence de la signature d’un engagement avec le CREDIT AGRICOLE, précisant que l’Editeur souhaitait « pour l’avenir prendre pour base les premières versions du contrat entre le Prestataire et l’Annonceur CREDIT AGRICOLE pour encadrer le partenariat bancaire avec un contrat entre nous ( CONCEPT MULTIMEDIA et ADVERLINE) L’idée étant de fixer :

— La durée d’engagement

— Le montant du lead (comme vu ensemble)

— La période de préavis pour ne pas être pris de court comme l’année dernière. »

Il s’infère de ce message une volonté non équivoque de trouver un accord sur les modalités de commercialisation de l’Opération spéciale préalablement à la signature du Partenariat et qu’ainsi, l’accord invoqué par la société ADVERLINE comme ayant été donné de manière ferme et définitive par l’Editeur, résultant de l’email envoyé par le 20 octobre 2017 par ce dernier, par lequel il indiquait « Je te confirme notre contre-proposition pour un potentiel partenariat avec Logic.Immo pour notamment 14 000 leads au prix de 20 euros HT le lead, avec un objectif de chiffre d’affaires de 280 000 leads » ne peut être considéré comme tel dès lors que la confirmation était soumise à l’accord du comité décisionnaire ainsi qu’en fait foi la phrase de conclusion : « Bien entendu, bien que cela soit notre reco, nous devons attendre un OK officiel de notre comité stratégique, X Y de revenir vers toi avant ton rendez-vous avec LCL. »

Il est en outre établi par les messages échangés le 13 novembre, que dès réception du contrat envoyé par la société ADVERLINE, la société CONCEPT MULTIMEDIA réagissait : « les conditions doivent être validées et le choix effectué le 15 novembre, » puis dans un second message du même jour : «  Comme je te le disais la semaine passée et ce matin, nous devons avoir des conditions de contrat entre nous : intégrant un coût par lead supérieur et une période de préavis de 3 mois. Nous avons une proposition fixe à 400 000 euros HT, 320 000 euros TTC. »

Il se déduit de ces échanges que la commune intention des parties était bien, conformément aux stipulations contractuelles rappelées plus haut, de s’accorder préalablement sur les conditions de la négociation avec le CREDIT AGRICOLE pour l’Opération spéciale visant à générer des leads sur le site LOGIC.IMMO.Com mais que cet accord n’a pas été trouvé, faute d’entente sur le prix des leads, sur la durée de l’engagement et sur le préavis et ne peut par ailleurs s’évincer de l’échange de mails du 20 octobre exprimant une confirmation sous condition que l’aval du comité décisionnaire soit donné quand enfin, l’exigence contractuelle d’un accord écrit préalable posé par l’article 3-9 Opérations spéciales, impose que l’Editeur ait été mis en mesure d’examiner les conditions du partenariat préalablement à l’accord donné.

3-4 Outre que le grief de la prospection effectuée à l’insu du Prestataire n’est pas caractérisé puisque l’annonce de proposition concurrente a été communiquée par l’Editeur au Prestataire dès le début de la négociation entamée par ce dernier avec l’Annonceur CREDIT AGRICOLE et alors que les termes de la négociation n’étaient pas arrêtés, comme en fait foi l’email du 9 novembre 2017, il a été vu que cette prospection était licite au regard de la faculté impartie à l’Editeur par la clause Article 8-2 du contrat, de commercialiser directement les Espaces Publicitaires du Site aux annonceurs listés à l’Annexe I et alors que cet article énonce en son dernier alinéa que : « Les Parties sont convenues que les campagnes gérées par l’Editeur seront prioritaires sur celles gérées par le Prestataire aux fins de diffusion sur les Espaces publicitaires. »

Par conséquent la société ADVERLINE ne peut être suivie en son moyen tiré de la déloyauté imputable à la société CONCEPT MULTIMEDIA et le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société ADVERLINE de l’intégralité de ses demandes laquelle sera par conséquent déboutée de son appel et condamnée aux dépens.

4- Sur les frais irrépétibles

Chacune des parties conservera à sa charge le frais irrépétibles exposés en première instance, sur infirmation et en appel. Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a condamné la société ADVERLINE à régler une somme de 4 000 euros de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement sur le quantum de la condamnation à paiement des factures et sur la condamnation de la SAS ADVERLINE aux frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau de ces seuls chefs :

CONDAMNE la SAS ADVERLINE à payer à la SAS CONCEPT MULTIMEDIA les sommes suivantes la somme de 53.778,68 euros TTC au titre du solde des factures impayées ;

DEBOUTE la SASU CONCEPT MULTIMEDIA de ses demandes au titre des frais irrépétibles ;

CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions ;

CONDAMNE la SAS ADVERLINE aux dépens.

La Greffière, La Présidente,


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