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La qualité de pigiste n’est pas de nature à priver l’intéressée du bénéfice du statut de journaliste professionnel. Pour bénéficier de la présomption de salariat, le journaliste pigiste doit satisfaire à la définition de l’article L. 7111-3 du code de travail considérant comme journaliste professionnel toute personne qui a, pour activité principale régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
Dans l’affaire soumise, la qualité de « pigiste indépendant » ou de « journaliste professionnelle » était en cause.
Depuis plus de sept ans, une pigiste a exercé son activité pour la société IC Publications de façon régulière, a été rétribuée par celle-ci ayant perçu le principal de ses ressources de la société les dernières années de son activité, tel que cela résulte des pièces produites aux débats.
L’employeur présumé peut renverser cette présomption en établissant que le journaliste exerce son activité en dehors de tout lien de subordination.
Il résulte de courriels communiqués aux débats, rédigés en français et émanant du rédacteur en chef de l’édition française, que des directives étaient données à la pigiste par la société IC Publications, ne lui laissant pas toute autonomie dans l’organisation de son activité, la société indiquant à celle-ci quel sujet traiter, qui interviewer, dans quel délai et quel plan adopter, caractérisant un pouvoir de direction.
Tous les articles de la pigiste devaient avoir l’accord préalable du rédacteur en chef dont elle dépendait directement.
Pour rappel, aux termes de l’article L. 7112-1 du code du travail, « Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ».
« Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Le correspondant, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa » (L. 7111-3 du code du travail).
« Le journaliste professionnel dispose d’une carte d’identité professionnelle dont les conditions de délivrance, la durée de validité, les conditions et les formes dans lesquelles elle peut être annulée sont déterminées par décret en Conseil d’Etat. (L. 7111-6 du code du travail)».
Par ailleurs, la charte des pigistes du 14 décembre 1999, applicable aux entreprises de presse, stipule que « les pigistes titulaires de la carte de presse sont des journalistes, à part entière » et que « la loi assimile les relations entre pigiste et l’éditeur de presse qui l’emploie à un contrat en bonne et due forme ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 6 – Chambre 2 ARRÊT SUR LA COMPÉTENCE DU 06 JANVIER 2022 Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/04474 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDW22 Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 19/07726 APPELANTE S.A.S. IC PUBLICATIONS FRANCE […] […] Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998 INTIMÉE Madame Y X […] […] Représentée par Me Sylvain ROUMIER de la SELEURL CABINET ROUMIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2081 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Décembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame PINOY Natacha, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur FOURMY Olivier, Premier président de chambre Monsieur A B, Magistrat C Madame PINOY Natacha, conseillère Greffière lors des débats : Mme CAILLIAU Alicia ARRÊT : – contradictoire – mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile – signé par Olivier FOURMY, Premier président de chambre et par CAILLIAU Alicia, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSÉ DU LITIGE Le litige concerne Mme Y X et la société IC Publications spécialisée en presse. La qualité de « pigiste indépendant » ou de « journaliste professionnelle » est le litige entre les parties. La société britannique IC Publications LTD est basée à Londres où elle emploie plus de 40 salariés. Elle édite huit magazines en langue anglaise et française sur l’Afrique. Cinq des huit magazines ont cessé de paraître en 2018 et 2019 : New D Woman, D E, D F et New D, le Magazine de l’Afrique en français ; et New D Woman en anglais. La SAS française IC Publications avait à l’origine une activité d’éditeur de Newsletters et d’ouvrages économiques sur l’Afrique francophone. Cette activité a été abandonnée en grande partie en 2005 et complètement en 2008. A partir de cette date, la SAS France est devenue exclusivement prestataire de services rédactionnels pour le compte de la société s’ur IC Publications Ltd de Londres. Un accord de partenariat entre les deux sociétés s’urs a permis à la SAS IC Publications Paris de facturer à la SA IC Publications LTD, Londres la totalité des prestations qui étaient, jusqu’à la fin 2019, réalisées par ses quatre salariés (2 journalistes et 2 vendeurs de publicité), pour le compte de la société britannique. Une procédure de licenciement économique a été mise en place en décembre 2019 et la SAS IC Publications Paris n’a plus aucun salarié depuis cette date. Le 27 août 2019, se disant liée à la société IC Publications par un contrat de travail et bénéficiant du statut de journaliste professionnelle, Mme Y X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris en demande de paiement de salaires et requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par jugement du 16 avril 2021, le conseil de prud’homme de Paris s’est déclaré compétent et a renvoyé l’affaire à une audience ultérieure après épuisement des voies de recours. La société IC Publications a interjeté appel de la décision le 11 mai 2021. PRÉTENTIONS DES PARTIES Par dernières conclusions transmises par RPVA le 27 octobre 2021, la société IC Publications France demande à la cour de : A titre principal, – infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris qui s’est déclaré compétent pour connaître du litige qui l’oppose à Mme Y X ; – constater que Mme Y X n’a jamais travaillé pour la SAS IC Publications (France) ; – constater que Mme Y X collaborait uniquement avec la Société IC Publications Ltd dont le siège social est situé à […], qui a été la seule à procéder aux règlements de toutes ses piges ; – constater que Mme Y X travaillait pour d’autres publications, organismes et institutions. En conséquence, – constater l’incompétence territoriale et matérielle du conseil de prud’hommes de Paris, – déclarer le conseil de prud’hommes de Paris incompétent au profit des juridictions britanniques ; – renvoyer Mme Y X à mieux se pourvoir ; A titre subsidiaire au fond, A titre subsidiaire, débouter Mme Y X de sa demande d’évocation du litige au fond. A titre infiniment subsidiaire, – constater que les critères du salariat ne sont pas réunis. – dire et juger que la présomption de salariat ne peut s’appliquer en l’espèce ; – constater que durant toute la période de collaboration de Mme Y X ave la Société IC Publications LTD, elle ne justifiait pas de l’attribution d’une carte de presse ; – constater que Mme Y X n’a jamais été salariée de la Société IC Publications France. – constater que Mme Y X travaillait pour d’autres publications, organismes et institutions ; – débouter Mme Y X de l’intégralité de ses autres demandes fins et conclusions ; – condamner Mme Y X à régler à la Société IC Publications France la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. Par dernières conclusions transmises par RPVA le 30 juillet 2021, Mme Y X demande à la cour de : – confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 16 avril 2021, en ce qu’il s’est déclaré compétent pour connaître du litige l’opposant à la Société IC Publications, en raison de l’existence d’un lien de subordination entre elle et la Société IC Publications France ; – juger qu’il relève d’une bonne administration de la justice d’évoquer le fond du litige afin d’y donner une solution définitive, conformément aux dispositions de l’article 88 du code de procédure civile ; – débouter la Société IC Publications France de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions ; En conséquence, Qu’il plaise à la cour statuant sur l’entier litige, juger qu’elle bénéficie du statut de « journaliste professionnelle » En conséquence, – juger qu’elle bénéficie de la présomption de salariat du journaliste professionnel prévue à l’article L. 7112-1 du code du travail ; – juger que le contrat de travail l’unissant à la Société IC Publications France est un contrat à durée indéterminée, sur le fondement de l’article L. 1242-12 du code du travail ; – juger qu’elle travaillait pour la Société IC Publications France en qualité de « Grand Reporter » depuis 2011, et à temps plein depuis juillet 2016 ; – fixer son salaire de référence à hauteur de 1 698,92 euros brut mensuel, sur la base des 24 derniers mois travaillés ; – juger que la société IC Publications France ne lui a plus fourni de travail à partir du mois de juillet 2018 et ne l’a plus rémunérée à compter d’octobre 2018 ; En conséquence, – juger que la rupture de son contrat de travail s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse et fixer la date de la rupture au 30 octobre 2018 ; En conséquence encore, – condamner la Société IC Publications France à lui verser les sommes suivantes : 11 892,44 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;• 3 397,84 euros au titre du préavis et 339,78 euros de congés payés afférents ;• – juger inopposable le plafond prévu par les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, du fait de son inconventionnalité ; – condamner la Société IC Publications France à lui verser la somme de 20 387 euros correspondant à douze mois de salaire en réparation de l’entier préjudice qu’elle a subi du fait de la rupture de son contrat de travail ; – juger que la société IC Publications l’a licenciée dans des circonstances particulièrement vexatoires ; En conséquence, – condamner la société IC Publications France à lui payer la somme de 11 650 euros, soit six mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour circonstances particulièrement vexatoires du licenciement, sur le fondement de l’article 1240 du code civil ; En tout état de cause, – condamner la Société IC Publications France à lui verser la somme de 900 euros à titre de rappel de salaire pour le travail non réglé en 2018, ainsi que 90 euros au titre des congés payés afférents ; – condamner la Société IC Publications France à lui verser les sommes suivantes à titre de rappels de 13ème mois pour les 3 années précédant la rupture : 2015 : 283,15 euros et 28,32 euros de congés payés afférents,• 2016 : 1 698,92 euros et 169,89 euros de congés payés afférents,• 2017 : 1 698,92 euros et 169,89 euros de congés payés afférents,• 2018 : 1 415,77 euros et 141,58 euros de congés payés afférents,• – condamner la Société IC Publications France à lui verser les sommes suivantes à titre de rappels de prime d’ancienneté pour les trois années précédant la rupture : 2015 : 416,11 euros et 41,61 euros de congés payés afférents,• 2016 : 2 496,64 euros et 249,66 euros de congés payés afférents,• 2017 : 2 496,64 euros et 249,66 euros de congés payés afférents,• 2018 : 2 080,53 euros et 208,05 euros de congés payés afférents,• – juger que la Société IC Publications France a fait preuve d’une particulière déloyauté vis-à-vis d’elle : en la privant du statut de journaliste professionnel ;• en la privant de 13ème mois ;• en la privant de prime d’ancienneté ;• en la faisant travailler sans contrat écrit pendant sept ans ;• en la payant quasi systématiquement avec retard ;• • en ne la déclarant pas aux organismes sociaux, lui causant un préjudice extrêmement conséquent en matière de protection sociale. En conséquence, – condamner la société IC Publications France à lui payer la somme de 20 400 euros, soit 12 mois de salaire, en réparation du préjudice subi du fait de la particulière déloyauté dont a fait preuve l’employeur à son égard, et du manquement de l’employeur à ses obligations conventionnelles, sur le fondement des articles 1104, 1217 et 1231-3 du code civil et de l’article L. 1222-1 du code du travail ; – condamner la Société IC Publications France à lui verser la somme de 10 193.52 euros (6 mois) à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, sur le fondement de l’article L. 8221-3 du code du travail ; – condamner la société IC Publications France à lui verser la somme de 129 324 euros en réparation de son préjudice distinct de retraite, sur le fondement de l’article 1240 du code civil ; – condamner la Société IC Publications France à lui délivrer des bulletins de salaire, une attestation Pole Emploi, un reçu pour solde de tout compte et un certificat de travail conformes et ce sous astreinte de 250 euros par document et par jour de retard ; – condamner la Société IC Publications France régulariser sa situation auprès des organismes sociaux (URSSAF, caisse d’assurance vieillesse, caisse de retraite complémentaire) sous astreinte et à lui fournir le justificatif de cette régularisation dans le mois qui suit la notification du jugement à intervenir le tout sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document ; – juger que la Cour se réserve la liquidation des astreintes ; – condamner la Société IC Publications France à lui payer les intérêts sur les intérêts dus au taux légal (anatocisme) conformément à l’article L. 1343-2 du code civil ; – condamner la Société IC Publications France à lui payer une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, y ajoutant la même somme à hauteur d’appel ; – condamner la Société IC Publications France aux entiers dépens ainsi qu’aux éventuels frais d’exécution. Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu’elles ont déposées et à la décision déférée. Une assignation à jour fixe a été autorisée le 3 juin 2021 par ordonnance de Mme la Présidente de chambre, pour une audience le vendredi 3 décembre 2021 à 13h30. MOTIFS DE LA DÉCISION Au soutien de son appel, la société IC Publications France (dite la société) explique que Mme Y X, est une pigiste indépendante qui n’a pas le statut de journaliste ; qu’elle a proposé de collaborer avec la société IC Publications Londres en lui suggérant des piges sur des thèmes qu’elle avait elle-même choisis, selon les modalités financières convenues avec la société IC Publications Londres ; qu’elle n’a pas bénéficié de la qualité de journaliste reconnue par la Commission Nationale de la Carte Professionnelle depuis 1992 comme elle le prétend mais seulement depuis son engagement par le magazine Sputnik dans la mesure où ses demandes précédentes de cartes professionnelles avaient été rejetées par la CCIJP ; qu’elle est toujours intervenue en qualité de pigiste indépendante et n’a jamais travaillé dans les locaux parisiens ; qu’elle a toujours négocié ses missions et ses voyages en Afrique, le contenu de ses reportages et de ses piges, ainsi que leurs coûts et sa rémunération avec M. I G J depuis Londres ; qu’elle n’a jamais été payée par la société IC Publications France, mais par la Société IC Publications Londres ; que ses droits contractuels relèvent du droit britannique et non du droit du travail français, comme précisé dans la Charte dont elle a eu connaissance, qui avait été adressée à tous les pigistes et collaborateurs de la société IC Publications Londres ; que jusqu’en juin 2016, elle proposait ses piges depuis son domicile sénégalais ; que plusieurs échanges démontrent qu’elle n’était en relation qu’avec la société IC Publications Londres qui réglait ses piges et déclarait ces règlements à l’administration fiscale anglaise. Elle explique que Mme Y X n’a jamais été salariée de la société IC Publications France ni de IC Publications Londres, n’ayant pas de contrat de travail, n’étant pas payée par IC Publications France et ne justifiant pas d’un lien de subordination ; qu’il convient de constater l’incompétence territoriale et matérielle du conseil de prud’hommes de Paris au profit des juridictions britanniques. En réplique, Mme Y X soutient qu’elle bénéficie de la qualité de journaliste reconnue par la Commission Nationale de la carte professionnelle depuis 1992 et que son numéro de carte de presse est le 49776 ; qu’elle a travaillé en qualité de journaliste pour la société IC Publications depuis 2011, tout d’abord à deux reprises, puis plus fréquemment à partir de 2012 et que, de janvier 2013 à juin 2016, la société IC Publications est devenue son principal employeur puis son employeur exclusif de juillet 2016 à juillet 2018, travaillant alors à temps plein pour la société ; qu’alors basée à Paris, elle a été envoyée spéciale pour différents magazines (D F, New D, Point Afrique, Paris Match Afrique) et a réalisé des reportages dans des pays africains. Elle explique qu’à compter de juillet 2018, la société IC Publications a totalement cessé de lui fournir du travail. Elle sollicite la confirmation du jugement du conseil de prud’hommes du 16 avril 2021, relevant être une journaliste professionnelle et bénéficier de la présomption de salariat. Elle estime être liée avec la société par un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein. Sur ce, Sur la compétence d’attribution Aux termes de l’article L. 7112-1 du code du travail, « Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ». Aux termes de l’article L. 7111-3 du code du travail, « Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Le correspondant, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa ». Aux termes de l’article L. 7111-6 du code du travail, « Le journaliste professionnel dispose d’une carte d’identité professionnelle dont les conditions de délivrance, la durée de validité, les conditions et les formes dans lesquelles elle peut être annulée sont déterminées par décret en Conseil d’Etat. (‘) ». Par ailleurs, la charte des pigistes du 14 décembre 1999, applicable aux entreprises de presse, stipule que « les pigistes titulaires de la carte de presse sont des journalistes, à part entière » et que « la loi assimile les relations entre pigiste et l’éditeur de presse qui l’emploie à un contrat en bonne et due forme ». Ainsi, la qualité de pigiste n’est pas de nature à priver l’intéressée du bénéfice du statut de journaliste professionnel. Dès lors, pour bénéficier de la présomption de salariat, le journaliste pigiste doit satisfaire à la définition de l’article L. 7111-3 du code de travail considérant comme journaliste professionnel toute personne qui a, pour activité principale régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Mme Y X a exercé son activité de journaliste pigiste depuis janvier 2011 et jusqu’en 2018 pour la société IC Publications, société spécialisée en matière de presse qui édite plusieurs magazines d’information sur l’actualité économique du continent africain, Mme Y X ayant une activité de rédaction d’articles pour cette société. L’existence d’une collaboration professionnelle entre les parties est ainsi établie sur plusieurs années. Depuis plus de sept ans, Mme Y X a exercé son activité pour la société IC Publications de façon régulière, a été rétribuée par celle-ci ayant perçu le principal de ses ressources de la société les dernières années de son activité, tel que cela résulte des pièces produites aux débats. Ainsi, Mme Y X bénéficie de la présomption de salariat. L’employeur présumé peut renverser cette présomption en établissant que le journaliste exerce son activité en dehors de tout lien de subordination. Mais, il résulte de courriels communiqués aux débats, rédigés en français et émanant de M. K G L, rédacteur en chef de l’édition française, que des directives étaient données à Mme Y X par la société IC Publications, ne lui laissant pas toute autonomie dans l’organisation de son activité, la société indiquant à Mme Y X quel sujet traiter, qui interviewer, dans quel délai et quel plan adopter, caractérisant un pouvoir de direction du rédacteur en chef sur Mme Y X démontré également par l’attestation de Mme G H en date du 28 septembre 2020 qui précise notamment « Mme X qui intervenait comme journaliste était basée à Paris lorsqu’elle a commencé à voyager pour le compte d’IC Publications afin de répondre aux commandes d’articles du rédacteur en chef pour les magazines en français d’IC Publications, M. K G L. Ce dernier, également basé à Paris, avait seul le pouvoir de valider la thématique ainsi que l’ordre de parution des articles. (‘). Tous les articles de Mme X devaient avoir l’accord préalable du rédacteur en chef M. K G L, dont elle dépendait directement ». Par ailleurs, il est justifié par les relevés de compte de Mme X, produits aux débats, que, depuis l’année 2014, elle était installée à Paris, des mentions telles que « loyer Paris novembre 2014 », ou « RATP Paris » sur plusieurs années, outre de nombreux retraits dans des distributeurs automatiques parisiens et une agence bancaire basée à Paris Montparnasse avec un compte établi au nom de Mme X sur lequel étaient versés, jusqu’en novembre 2018, des paiements en euros, émanant de la société IC Publications. Il convient d’en déduire l’existence d’un lien de subordination de Mme Y X avec la société IC Publications France. Par ailleurs, les moyens de la société IC Publications ne font pas échec à la présomption de salariat consécutive à la qualité de journaliste. Il en résulte que l’existence d’un contrat de travail entre Mme Y X et la société IC Publications France est caractérisée, cette société étant toujours en activité, comme mentionnée dans les dernières écritures de son conseil, d’octobre 2021, qui la domicilie au 77, […]. Selon l’article L. 1411-1 du code du travail : « Le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti ». En conséquence, le conseil de prud’hommes est compétent pour connaître du litige entre Mme Y X et la société IC Publications France, et le jugement sera confirmé de ce chef. Sur la compétence territoriale Aux termes de l’article R. 1412-1 du code du travail, « L’employeur et le salarié portent les différends et litiges devant le conseil de prud’hommes territorialement compétent. Ce conseil est : 1° Soit celui dans le ressort duquel est situé l’établissement où est accompli le travail ; 2° Soit, lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié. Le salarié peut également saisir les conseils de prud’hommes du lieu où l’engagement a été contracté ou celui du lieu où l’employeur est établi ». En l’espèce, la société IC Publications France, toujours existante et appelante à la présente procédure, est établie au 77, […]. Il convient notamment de déduire des relevés bancaires de Mme X produits aux débats que c’est à Paris qu’est accompli le travail de Mme X, peu important que la « charte des pigistes » invoquée par la société attribue une compétence territoriale aux tribunaux de Grande-Bretagne, la société ne justifiant pas que Mme X ait signée cette charte. En conséquence, le conseil de prud’hommes de Paris est compétent pour statuer sur le litige entre Mme Y X et la société IC Publications France, et le jugement sera confirmé de ce chef. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile La société IC Publications France succombe à l’instance, supportera les dépens et sera condamnée à payer à Mme Y X la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement du conseil des prud’hommes de Paris du 16 avril 2021 en toutes ses dispositions ; Renvoie la procédure devant le conseil de prud’hommes de Paris pour l’examen de l’affaire au fond ; Rejette toute demande autre, plus ample ou contraire ; Condamne la société IC Publications France aux dépens d’appel ; Condamne la société IC Publications France à payer à Mme Y X la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La Greffière, Le Président, |