Contrat de pigiste : 7 novembre 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 17/03066

·

·

Contrat de pigiste : 7 novembre 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 17/03066
Ce point juridique est utile ?

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2018

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/03066 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B2YSG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2017 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F 13/06032

APPELANTE

SARL CUIR PLUS

[…]

Représentée par Me Jocelyne C… , avocat au barreau de PARIS, toque:T11

INTIMÉE

Madame Nathalie X…

[…]

Représentée par Me Marie-Sophie Y…, avocat au barreau de PARIS, toque : E1858

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Madame Aline DELIÈRE, Conseillère

Greffier : Mme Martine JOANTAUZY, greffier lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, présidente et par Madame Martine JOANTAUZY, greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme Nathalie X… R… a été embauchée par la SARL Cuir Plus par contrat de travail à durée indéterminée en date du 03 novembre 2003 en qualité de rédactrice unique pour un temps de travail de 24 heures hebdomadaires, porté à 39 heures à compter du 02novembre 2006.

Par lettres remises en main propre le 28 mars 2013 la société Cuir Plus convoquait MmeX… à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour motif économique le 08 avril 2013 et simultanément lui proposait un reclassement en qualité de journaliste rédactrice pigiste proposition repoussée le 10 avril 2013.

Par lettre remise en main propre le 08 avril 2013 Mme X… revendiquait auprès de son employeur la qualification de rédacteur en chef et demandait le rappel de salaire correspondant.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 avril 2013 la société Cuir Plus informait Madame X… qu’elle abandonnait la procédure de licenciement pour motif économique.

Le 07 mai 2013, Mme X… a saisi le Conseil de Prud’hommes de Paris, en reclassification, paiement de rappel de salaires, en résiliation judiciaire de son contrat de travail, qualifiée de licenciement nul en raison de son harcèlement moral et subsidiairement en contestation de son licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 14mars2014.

Par décision en date du 25 janvier 2017, le Conseil de Prud’hommes, sous la présidence du juge départiteur statuant seul, a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, dit que cette résiliation produit les effets d’un licenciement nul et a condamné la société Cuir Plus à payer à Mme X… les sommes suivantes :

– 18 000 € de dommages intérêts pour licenciement nul,

– 5363,06 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 536,30 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– 3032,44 € à titre de complément d’indemnité de licenciement,

– 3000 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,

– 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

avec capitalisation des intérêts année par année.

Le 24 février 2017, la SARL Cuir Plus a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 20 septembre 2017, auxquelles il est expressément fait référence, la SARL Cuir Plus conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande en paiement d’un rappel de salaires à son infirmation pour le surplus, au débouté total de Mme X… et à sa condamnation à lui rembourser les sommes versées au titre de l’exécution provisoire de droit.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 26 juin 2018 auxquelles il est expressément fait référence, Mme X… demande la condamnation de la société Cuir Plus à lui payer les sommes suivantes :

– 14391,21 € à titre de rappel de salaire minimum conventionnel ou subsidiairement 2583,54 €,

– 1439,12 € au titre des congés payés afférents ou subsidiairement 258,35 €,

– 50 000 € de dommages intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

– 5603,28 € ou subsidiairement 5363,06 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 560,32 € ou subsidiairement 536,30 € à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– 6921,82 € ou subsidiairement 3032,44 € à titre de complément d’indemnité de licenciement,

– 2801,64 € ou subsidiairement 2681,53 € pour non respect de la procédure de licenciement,

– 20 000 € à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,

– 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

avec capitalisation des intérêts année par année. Elle sollicite également la remise de bulletins de paie rectifiés à compter de mai 2008, d’une attestation destinée à pôle emploi et de documents de fin de contrat conformes à l’arrêt à intervenir.

MOTIVATION

* Sur la demande de reclassification et de rappel de salaires :

Il appartient à Mme X…, qui se prévaut d’une classification conventionnelle de rédactrice en chef, différente de celle dont elle bénéficie au titre de son contrat de travail, et de celle de rédactrice en chef adjoint mentionnée sur ses bulletins de salaire depuis septembre 2009, la précédente classification mentionnée étant celle de secrétaire générale de rédaction, de démontrer qu’elle assurait de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification revendiquée.

Le rédacteur en chef est responsable, sous l’autorité de la direction, de la conception et de la réalisation d’une publication, il a autorité sur l’équipe rédactionnelle et assure un lien avec les autres services.

À la lecture des pièces qu’elle produit, Mme X… ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’exercice effectif de l’emploi de rédacteur en chef.

Ainsi que l’a indiqué le premier juge, si Mme X… figure dans l’ours du journal comme rédactrice en chef, Mme Z… étant désignée comme directrice de la publication, et si elle justifie avoir échangé avec des pigistes sur la teneur de leurs articles, ce que confirme Mme A… dans son attestation, la société Cuir Plus produit de très nombreuses attestations de pigistes, du responsable des abonnements, des traducteurs, de l’imprimeur, des maquettistes, graphistes, du responsable de fabrication et de production de 1998 àseptembre 2012 etc… qui de façon détaillée et concordante confirment que c’est MmeZ… qui, de fait, concevait la publication et avait autorité sur les pigistes définissant la ligne rédactionnelle. Mme X… n’occupait donc que des fonctions de rédactrice en chef adjointe depuis septembre 2009.

Il convient de confirmer le jugement qui l’a déboutée de sa demande en reclassification en qualité de rédactrice en chef et de sa demande en paiement de rappel de salaire subséquente.

Mme X… demande subsidiairement à être reclassifiée en qualité de rédactrice en chef adjointe dès le mois de mai 2008. Ses bulletins de paie mentionnent qu’elle occupait alors l’emploi de secrétaire générale de la rédaction. La charge de la preuve lui incombe.

À cet égard elle verse aux débats des courriels échangés les 02 et 03 mars 2009 entre MmeB…, pigiste, et Mme Z…, corroborés par des messages ultérieurs qui lui ont été adressés par d’autres pigistes entre les 02 juin et le 31 août 2009, qui démontrent que dans le cadre d’une réorganisation interne Mme Z…, à compter du mois demars2009, a impliqué Mme X… dans la direction des pigistes, lui confiant un rôle d’adjointe. Mme X… est donc bien fondée en sa demande de requalification au poste de rédacteur en chef adjoint à compter du 01 mars 2009. Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

À compter de mars 2009 Mme X… aurait dû bénéficier d’un coefficient de 160 et non de 140 et percevoir un salaire minimum d’un montant de 2069 € bruts par mois en application de l’accord du 16 juin 2008 relatif aux salaires dans le cadre de la presse spécialisée. La société Cuir Plus sera donc condamnée à lui payer la somme de 993,36 € bruts (6×165,56€ primes d’ancienneté inclues) outre celle de 99, 34 € bruts au titre des congés payés afférents avec intérêts courant au taux légal à compter du 21 mai 2013 en application des dispositions de l’article 1231-6 du code civil, avec capitalisation année par année.

* Sur le harcèlement moral :

Aux termes des dispositions de l’article L 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L. 1154-1 du code du travail, il incombe à d’établir la matérialité de faits précis et répétés qui permettent, pris dans leur ensemble, de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Dans cette hypothèse, il incombera à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme X… prétend avoir été victime de harcèlement moral de la part. Plus précisément elle invoque :

– des brimades et vexations après son refus d’accepter une rupture conventionnelle du contrat de travail : elle ne s’explique pas précisément sur la nature la date de ces faits et ne produit aucune pièce pour en démontrer la réalité, ce fait ne sera pas retenu.

– l’absence de réponse à ses revendications de reclassification et de salaires avant un refus par lettre du 31 mai 2013, accompagné d’une seconde lettre du même jour lui donnant diverses directives, ces éléments sont avérés.

– l’envoi d’un courriel de l’employeur le 03 juin 2013 lui demandant de justifier de ses choix éditoriaux : ce courriel est totalement anodin, l’employeur se contente de faire une récapitulation de l’avancement du sommaire de juillet au retour de congés de la salariée absente depuis le 24 mai : ce fait ne sera pas retenu.

– un refus le 28 juin 2013 de sa demande de congé individuel de formation en vue de suivre un stage du 23 septembre 2013 au 19 septembre 2014, l’examen de sa demande étant reporté d’un an, ce fait est établi.

– une lettre de reproches professionnels en date du 26 juillet 2013, cette lettre est produite devant la cour.

– un avertissement notifié le 05 août 2013

– des éléments médicaux faisant état à compter du 02 septembre 2013 d’un syndrome anxio-dépressif,

C’est par une juste appréciation des éléments de la cause que le premier juge a considéré que ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral de la salariée.

La lecture de ces pièces et la chronologie des événements démontrent que l’employeur face à la revendication de la salariée, formée le 08 avril 2013 à l’occasion de l’entretien préalable à son éventuel licenciement économique, a voulu la mettre au défi de remplir des fonctions de rédacteur en chef en lui donnant des directives en ce sens le 31 mai 2013, cela ne pouvait conduire qu’à l’échec de la salariée comme le lui a signifié l’employeur le 26 juillet. Concomitamment l’employeur refusait à la salariée de partir en formation, sans s’expliquer sur sa motivation, étant observé qu’il a justifié sa renonciation à la procédure de licenciement économique par le refus de la banque de lui octroyer un prêt pour le financer, l’avertissement notifié à la salariée n’est pas davantage justifié.

Dès lors il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré l’employeur défaillant dans son rapport probatoire a retenu que la salariée a été victime de harcèlement et subséquemment a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul.

Il y a lieu également de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à la salariée la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de harcèlement moral subi.

* Sur l’indemnisation du préjudice né du licenciement nul :

Mme X… peut prétendre à des dommages intérêts d’un montant au moins égal à celui prévu par l’article L 1235-3 du code du travail soit le montant des salaires des six derniers mois. La salariée percevait un salaire d’un montant de 2483,74 € bruts par mois primes d’ancienneté comprises, elle percevait en outre un treizième mois.

En conséquence il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il lui a octroyé, au regard de son ancienneté et de sa difficile reconversion professionnelle la somme de 18000€ à titre de dommages intérêts le jugement entrepris sera confirmé à cet égard.

La cour ayant confirmé le jugement entrepris en ce qui concerne la classification de Madame X… il convient également de le confirmer en ce qui concerne le montant des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis calculées sur la base d’une rémunération incluant salaire de base, primes d’ancienneté et treizième mois soit 2681,53 € par mois.

S’agissant de l’indemnité de licenciement elle doit être calculée sur la base de sa rémunération moyenne des douze derniers mois soit 2646, 33 € bruts. En application de l’article L7112-3 du code du travail la salariée a droit à une indemnité de licenciement qui ne peut-être inférieure à une somme représentant un mois, par année ou fraction d’année de collaboration, des derniers appointements.

En revanche, c’est à juste titre que l’employeur relève qu’en application des dispositions de l’article L3123-13 du code du travail, Madame X… ayant travaillé à temps partiel pendant la période comprise entre 3 novembre 2003 et le 2 novembre 2006 , il convient de retenir une ancienneté de 9 ans et sept mois (2ans + 7ans et 7 mois) soit 10 ans en application de l’article L 7112-3 du code du travail.

Dès lors Mme X…, qui a perçu une indemnité de licenciement de 26’496,83 euros, a été remplie de ses droits à ce titre, et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a fait droit à ce chef de demande.

Enfin, il y a lieu, par adoption de motifs, de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de Mme X… en paiement d’une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, la rupture du contrat de travail résultant de sa résiliation judiciaire.

* Sur les autres demandes :

L’employeur devra remettre à la salariée un bulletin de paie récapitulatif, une attestation destinée à pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision dans le délai d’un mois suivant sa signification.

La société Cuir Plus qui succombe, et dont la demande reconventionnelle en remboursement est sans objet, conservera la charge de ses frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens de la procédure.

L’équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Madame X… qui se verra allouer la somme de 2000 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté Madame X… de sa demande en rappel de salaire et de congés payés afférents, et en ce qu’il a fait droit à sa demande en paiement d’un solde d’indemnité de licenciement,

et statuant de nouveau

CONDAMNE la SARL Cuir Plus à verser à Madame X… les sommes de 993,36 € bruts et de 99, 34 € bruts à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents avec intérêts courant au taux légal à compter du 21 mai 2013 et capitalisation année par année,

DÉBOUTE Madame X… de sa demande en paiement d’un complément d’indemnité de licenciement,

ORDONNE à la société Cuir Plus de remettre à Madame X… un bulletin de paie récapitulatif, une attestation destinée à pôle emploi, et un certificat de travail conformes à la présente décision dans le délai d’un mois suivant sa signification,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SARL Cuir Plus à verser à Madame X… la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL Cuir Plus aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x