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SOC.
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 janvier 2021
Rejet non spécialement motivé
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10019 F
Pourvoi n° H 19-23.979
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JANVIER 2021
Mme A… V…, domiciliée […] , a formé le pourvoi n° H 19-23.979 contre l’arrêt rendu le 11 septembre 2019 par la cour d’appel de Montpellier (4e chambre A sociale), dans le litige l’opposant à la société du Journal Midi Libre, société anonyme, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme V…, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société du Journal Midi Libre, après débats en l’audience publique du 12 novembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme V… aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme V…
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait jugé que Mme V… ne remplissait pas les conditions requises par la convention collective des journalistes pour bénéficier du statut de journaliste professionnel pigiste et qu’il n’y avait pas lieu de requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein et d’AVOIR écarté l’ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU’en dehors du jeu d’une présomption, il appartient à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve ; qu’à cet égard, Mme V… verse aux débats de nombreux échanges de courriels avec le directeur de la rédaction et avec le rédacteur en chef du journal ; que ces échanges ne démontrent pas que dans ses relations avec le journal elle ait reçu des instructions particulières dans la mesure où elle proposait des sujets à la rédaction qui opérait une sélection ; qu’en définitive, la seule obligation à laquelle elle était soumise se limitait à fournir la production ainsi choisie dans les formes et les délais convenus sans que l’appelante ait la moindre obligation de se tenir constamment à la disposition de la SA Midi Libre ; que, ce faisant, Mme V… ne démontre pas que la SA Midi Libre ait eu le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements, si bien que l’existence d’un contrat de travail n’est pas établie ; que partant, les demandes subséquentes de rappel de salaires, primes et de contreparties financières liées à l’existence d’un contrat de travail de journaliste professionnel seront rejetées ;
ALORS QU’en jugeant que l’exposante n’était liée à la société du Journal Midi Libre par aucun contrat de travail, tout en confirmant le jugement rendu le 1er juin 2015 par le conseil de prud’hommes de Montpellier en ce qu’il avait jugé, dans son dispositif, qu’il n’y avait pas lieu de requalifier le contrat de travail de Mme V… en contrat à temps plein, la cour d’appel, qui s’est contredite, a violé l’article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait jugé que Mme V… ne remplissait pas les conditions requises par la convention collective des journalistes pour bénéficier du statut de journaliste professionnel pigiste et qu’il n’y avait pas lieu de requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein et d’AVOIR écarté l’ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU’en application de l’article L. 7111-3 du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ; qu’en application de l’article L. 7112-1 du code du travail, toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumé être un contrat de travail ; que cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ; que les conditions posées à l’article L. 7111-3 du code du travail sont cumulatives et doivent toutes être remplies ; qu’à défaut, la qualité de journaliste professionnel ne peut être reconnue ; qu’en l’espèce, si aucune pièce n’est produite par les parties sur les premières années de la relation de travail, et si la journaliste revendique la requalification en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à compter de septembre 2002, la relation de travail en qualité de journaliste pigiste de Mme V… n’est pas contestée par la SA Midi Libre à compter du 1er octobre 2002 ; que la qualité de journaliste professionnel n’est cependant acquise que dans la mesure où l’intéressée tire principalement l’essentiel de ses ressources de l’exercice de la profession de journaliste ; que toutefois, la charge de prouver que l’activité journalistique procure l’essentiel des ressources repose sur la demanderesse ; qu’à cet égard, Mme V… qui invoque la requalification de la relation de travail depuis septembre 2002 ne produit comme justificatif de ses ressources que ses avis d’imposition à compter de 2007 ; qu’elle verse par ailleurs aux débats copie de sa carte de presse de journaliste professionnel pigiste entre 2009 et 2018 et une demande de renouvellement de carte de presse accompagnée notamment d’une attestation de revenus établie par la SA Midi Libre le 13 décembre 2011 ; que si la demanderesse produit certains avis d’imposition et 9 bulletins de paie, elle fait valoir leur caractère superflu au motif qu’elle détenait une carte de presse ; que la possession de la carte d’identité de journaliste professionnel ne constitue toutefois qu’une simple présomption, étant en outre observé que les documents produits à cet égard ne couvrent pas l’ensemble de la période en litige ; que la possession d’une carte de presse ne prouve pas au surplus que son détenteur est bien un journaliste professionnel, dès lors qu’il est démontré que ce dernier ne remplit pas les conditions de l’article L. 7111-3 du code du travail ; que le seul avis d’imposition ne permet pas de déterminer à lui seul l’origine des salaires versés ; que les avis d’imposition ne sont en outre pas produits sur l’ensemble de la période au titre de laquelle Mme V… sollicite le bénéfice de la présomption légale ; que la juxtaposition des documents qu’elle verse aux débats ne permet donc pas d’établir que son activité journalistique lui avait procuré l’essentiel de ses ressources au titre de la période pour laquelle elle sollicite le bénéfice de la présomption légale prévue à l’article L. 7112-1 du code du travail ; que la SA Midi Libre justifie ensuite à la fois d’une production littéraire et d’une activité de traduction de soixante ouvrages par l’appelante sur la période considérée ; qu’elle démontre ainsi que l’appelante y consacrait une activité régulière dès lors qu’elle établit par ailleurs que l’activité de Mme V… se limitait à la production de 7 articles par mois de 2 feuillets maximum payés 200 € net, hors congés payés et primes jusqu’à 2012, date à laquelle il lui était demandé par l’entreprise de presse, qui n’avait pas l’obligation de lui fournir un volume de travail constant, de réduire sa production, et que si Mme V… invoque avoir eu une activité nettement supérieure avant 2010, les extraits de travaux versés aux débats ne suffisent pas à contrebalancer ce qu’elle indique elle-même dans son courrier du 8 mars 2012 ; que l’intimée rapporte donc la preuve que Mme V… ne consacrait pas l’essentiel de son temps de travail à ses travaux journalistiques et que ces derniers ne constituaient pas une activité principale au regard de ses autres activités, nonobstant l’existence d’une collaboration régulière ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la présomption légale de salariat est reconnue aux journalistes pigistes et que la jurisprudence reconnaît une présomption de contrat à durée indéterminée ; que la convention collective nationale de travail des journalistes précise en son article 1 que « le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession sans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse
» qu’une note sur le régime social des collaborateurs rémunérés à la pige annexée à ladite convention fait état d’une distinction entre les « journalistes professionnels » et « les auteurs non journalistes professionnels » ; qu’il ressort de ce document que les auteurs non journalistes professionnels sont des collaborateurs qui ne répondent pas à la définition de l’article L. 7111-3 du code du travail, que leur activité au sein d’une ou plusieurs entreprises de presse ne constitue pas leur occupation principale et qu’ils n’en retirent pas le principal de leurs ressources ; qu’en l’espèce, il est patent de constater que Mme V… exerce d’autres activités que celle de pigiste du journal Midi Libre ; qu’elle est notamment l’auteur de l’ouvrage « Les secrets de Spandau » et « Les sept de Spandau » édités chez Oh Editions et aux Editions Denoyelles ; qu’elle effectue très régulièrement de nombreuses traductions d’ouvrages d’auteurs anglophones avant leur publication en langue française par divers éditeurs, tels que Lattes, Payot, […], Pocket, Le Livre de poche ; qu’il convient de reconnaître que le temps consacré à la rédaction de sept piges par mois ne peut dépasser celui consacré aux activités décrites précédemment ; que la plaignante n’a communiqué au conseil aucun élément justifiant que son activité de journaliste pigiste constitue sa principale source de revenu ; que le conseil estime que l’activité de Mme V… entre dans la catégorie des « auteurs non journalistes professionnels » ;
1° ALORS QUE la détention d’une carte de journaliste professionnel fait présumer la qualité de journaliste professionnel de son titulaire ; qu’en se fondant, pour juger que l’exposante ne pouvait se voir reconnaître la qualité de journaliste professionnelle, sur l’insuffisance des pièces que celle-ci produisait pour établir que « son activité journalistique lui procurait l’essentiel de ses revenus » (arrêt, p. 5, dernier al.), quand elle constatait pourtant que Mme V… produisait la copie des cartes de journaliste professionnelle qui lui avaient été délivrées, ce dont il résultait qu’il incombait à la société du Journal Midi Libre de démontrer que son activité de journaliste ne constituait pas son activité principale, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l’article 1353 du code civil ;
2° ALORS QUE la détention d’une carte de journaliste professionnel fait présumer la qualité de journaliste professionnel de son titulaire ; qu’en se bornant à retenir que la société du Journal Midi Libre aurait rapporté la preuve que « Mme V… ne consacrait pas l’essentiel de son temps de travail à ses travaux journalistiques et que ces derniers ne constituaient pas une activité principale au regard de ses autres activités, nonobstant l’existence d’une collaboration régulière » (arrêt, p. 6, al. 1er), sans procéder à aucune comparaison précise, ni du temps que représentait son travail de journaliste avec celui que nécessitait son activité de traductrice, ni des ressources générées par chacune de ses activités, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 7111-3 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait jugé qu’il n’y avait pas lieu de requalifier le contrat de travail de Mme V… en contrat à durée indéterminée à temps plein et d’AVOIR écarté l’ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU’en dehors du jeu d’une présomption, il appartient à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve ; qu’à cet égard, Mme V… verse aux débats de nombreux échanges de courriels avec le directeur de la rédaction et avec le rédacteur en chef du journal ; que ces échanges ne démontrent pas que dans ses relations avec le journal elle ait reçu des instructions particulières dans la mesure où elle proposait des sujets à la rédaction qui opérait une sélection ; qu’en définitive, la seule obligation à laquelle elle était soumise se limitait à fournir la production ainsi choisie dans les formes et les délais convenus sans que l’appelante ait la moindre obligation de se tenir constamment à la disposition de la SA Midi Libre ; que, ce faisant, Mme V… ne démontre pas que la SA Midi Libre ait eu le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner les manquements, si bien que l’existence d’un contrat de travail n’est pas établie ; que partant, les demandes subséquentes de rappel de salaires, primes et de contreparties financières liées à l’existence d’un contrat de travail de journaliste professionnel seront rejetées ;
1° ALORS QUE la faculté d’un journaliste de soumettre lui-même des sujets à la rédaction de son journal, inhérente à l’exercice de la profession, n’est pas de nature à exclure qu’il soit soumis à un pouvoir de direction ; qu’en retenant, pour juger que l’exposante ne rapportait pas la preuve de l’existence d’un lien de subordination, que les pièces qu’elle produisait « ne démontr[aient] pas que dans ses relations avec le journal elle ait reçu des instructions particulières, dans la mesure où elle proposait des sujets à la rédaction qui opérait une sélection » (arrêt, p. 6, al. 4), la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
2° ALORS QUE l’existence d’un lien de subordination est caractérisée par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur ayant le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu’en se fondant sur l’absence d’obligation de Mme V… de se tenir constamment à la disposition de la société du Journal Midi Libre pour juger qu’elle n’établissait pas l’existence d’un contrat de travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
3° ALORS QUE caractérise l’existence d’un lien de subordination l’obligation à laquelle est soumis un journaliste de fournir chaque mois à son donneur d’ordre un nombre déterminé d’articles, moyennant une rémunération garantie ; qu’en se bornant à retenir qu’« en définitive, la seule obligation à laquelle [l’exposante] était soumise se limitait à fournir la production ainsi choisie dans les formes et les délais convenus sans que l’appelante ait la moindre obligation de se tenir constamment à la disposition de la SA Midi Libre » (arrêt, p. 6, al. 4), sans rechercher si l’obligation de Mme V… de fournir chaque mois une quantité déterminée d’articles et celle corrélative de la société du Journal Midi Libre de lui garantir une rémunération fixée en conséquence, dont les deux parties avaient fait état dans leurs écritures, n’établissaient pas l’existence d’un lien de subordination, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail.