Contrat de pigiste : 6 janvier 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-19.475

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Contrat de pigiste : 6 janvier 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-19.475
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SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 janvier 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 41 F-D

Pourvoi n° M 19-19.475

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JANVIER 2021

La société Wolters Kluwer France, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° M 19-19.475 contre l’arrêt rendu le 23 mai 2019 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige l’opposant à M. M… G…, domicilié […] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Wolters Kluwer France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. G…, après débats en l’audience publique du 12 novembre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Mariette, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 23 mai 2019 ), M. G…, titulaire d’une carte de presse, a travaillé pour le compte de la société Wolters Kluwer France (la société) éditrice et fournisseuse d’informations, de logiciels et de services, à compter de juin 2010 en qualité de rédacteur/reporter rémunéré à la pige.

2. A la suite d’une baisse de son activité, M. G…, revendiquant la qualité de journaliste professionnel, a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification des relations liant les parties en contrat de travail ainsi que de demandes de rappels de salaires.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l’arrêt de dire que la relation contractuelle s’analysait en un contrat de travail à durée indéterminée avec effet à compter du 1er juin 2010, de la condamner au paiement de sommes à titre de rappel de salaire pour la période courant du 1er décembre 2015 au 28 février 2019 et de congés payés afférents, de dire qu’elle devait remettre à M. G… un bulletin de salaire récapitulatif, et de dire que l’intéressé était en droit de prétendre à un salaire mensuel brut de 1 420 euros pour cinquante-six heures de travail par mois, sous réserve du minimum conventionnel applicable, alors :

« 1° / qu’en vertu de l’article L. 7112-1 du code du travail, « toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties » ; qu’en vertu de l’article L. 7111-3 du code du travail, « est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources » ; qu’en retenant que M. G… pouvait bénéficier de la présomption prévue par le premier texte sans établir que celui-ci tirait l’essentiel de ses ressources de son activité de journaliste, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7111-3 et L. 7112-1 du code du travail ;

2°/ que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que pour dire que la relation contractuelle s’analysait en un contrat de travail à durée indéterminée avec effet à compter du 1er juin 2010, la cour d’appel a retenu que le travail exécuté par M. G… ne résultait pas de piges qu’il proposait lui-même mais qu’il s’agissait de tâches fournies par l’employeur qui en contrôlait l’exécution, qu’il était, à raison de deux jours par semaine, à la disposition permanente de l’employeur dont il était subordonné aux instructions et qu’il ne bénéficiait d’aucune véritable indépendance dans l’exécution des tâches qui lui étaient ainsi confiées ; que pour se prononcer de la sorte, la cour d’appel a simplement rappelé la rémunération mensuelle par année perçue par M. G… et constaté que ce dernier se connectait au réseau de la société pour prendre la main sur son ordinateur à Paris, trouvait alors les pages à corriger, puis déposait les pages corrigées sur le serveur interne, qu’il disposait d’un bureau dans les locaux parisiens de la société et que son nom figurait dans « l’ours » d’une publication en novembre 2017 ; qu’en se déterminant comme elle l’a fait, en retenant l’existence d’un lien de subordination juridique entre la société Wolters Kluwer France et M. G… cependant que les constatations précédentes étaient inaptes à établir, dans les faits, l’existence d’un pouvoir de contrôle, d’un pouvoir de direction, et d’un pouvoir disciplinaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l’article L. 7111-3, alinéa 1er, du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

5. Selon l’article L. 7112-1 du code du travail, toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.

6. La société qui n’a pas contesté devant les juges du fond que l’intéressé était journaliste professionnel et tirait de cette activité l’essentiel de ses ressources et s’est bornée à combattre la présomption de salariat en soutenant qu’il exerçait son activité en toute indépendance en qualité de pigiste, ne peut reprocher à la cour d’appel d’avoir omis de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée.

7. La cour d’appel qui, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve produits, a relevé que le journaliste travaillait régulièrement depuis plusieurs années pour le compte de l’entreprise de presse à hauteur de deux jours par semaine, que le travail exécuté ne résultait pas de piges qu’il proposait lui-même mais qu’il s’agissait de tâches fournies par l’entreprise de presse qui en contrôlait l’exécution, qu’il était, à raison de deux jours par semaine, à la disposition permanente de l’employeur et ne bénéficiait d’aucune véritable indépendance dans l’exécution des tâches qui lui étaient ainsi confiées, a pu en déduire, par ces seuls motifs, que l’entreprise de presse échouait à renverser la présomption de salariat.

8. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. La société fait grief à l’arrêt de la condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire pour la période courant du 1er décembre 2015 au 28 février 2019, au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante, de dire qu’elle devait remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif, et de dire qu’il était en droit de prétendre à un salaire mensuel brut de 1 420 euros pour cinquante-six heures de travail par mois, sous réserve du minimum conventionnel applicable, alors « que les juges du fond ne doivent pas dénaturer les conclusions des parties ; qu’en l’espèce, pour statuer comme elle l’a fait, la cour d’appel a dit qu’il avait été convenu entre les parties d’une relation de travail stable sur la base de deux journées de travail par semaine, ce qui représentait, selon les explications de M. G…, non contestées sur ce point, cinquante six heures de travail par mois, quand elle faisait valoir, dans ses conclusions d’appel, que « contrairement à ses allégations mensongères, M. G… n’avait jamais été titulaire d’un quelconque contrat de travail à hauteur de cinquante six heures mensuelles, inexistant en l’espèce » et que le pigiste n’étant pas payé au temps mais à la tâche, selon le nombre et la qualité des prestations fournies, la variabilité de son activité était inhérente à son activité, avec des différences de rémunération nécessaires d’une année sur l’autre ; qu’en dénaturant de la sorte les conclusions d’appel de la société, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et a violé l’article 4 du code de procédure civile. »

 


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