Votre panier est actuellement vide !
AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 09/05397
ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE
C/
[W]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes de LYON
du 13 juin 2008
RG : F 07/00166
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 04 FÉVRIER 2010
APPELANTE :
ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Maître José Michel GARCIA, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
[B] [W]
né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Maître Cécile RITOUET, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 décembre 2009
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Louis GAYAT DE WECKER, Président
Dominique DEFRASNE, Conseiller
Françoise CLÉMENT, Conseiller
Assistés pendant les débats de Anita RATION, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 04 février 2010, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Louis GAYAT DE WECKER, Président, et par Anita RATION, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
L’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE regroupe les maires des communes de France en vue de faciliter l’exercice de leurs fonctions par l’information et la formation ; elle publie deux revues mensuelles, M. [W] [B] ayant été amené à collaborer à compter de novembre 2000, à la revue ‘Maires et Présidents de Communautés de France’ en rédigeant des articles dans la rubrique ‘textes officiels commentés’.
Fin août 2005, l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE a informé M. [W] de ce que suite à l’adoption d’une nouvelle formule concernant la revue à compter du mois de novembre 2005, la rubrique pour laquelle écrivait l’intéressé allait être supprimée, sa participation à la seconde revue ‘lettre des maires’ lui étant ensuite proposée.
Par courrier en date du 2 janvier 2006, déplorant la modification unilatérale et significative de son contrat de travail aboutissant à la minoration de sa rémunération considérée désormais comme aléatoire, M. [W] [B] prit acte de la rupture des relations contractuelles qu’il analysa alors en un licenciement.
Par jugement en date du 13 juin 2008, le Conseil de Prud’hommes de Lyon a, reconnaissant à M. [W] [B] le statut de salarié et requalifiant la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE à payer à ce dernier les sommes de :
– 3.190,99 € à titre de rappel de salaire (prime d’assiduité) outre 319,10 € au titre des congés payés afférents,
– 2.970,99 € à titre de rappel de prime d’ancienneté outre 297,10 € au titre des congés payés afférents,
– 3.500,00 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– 1.769,92 € à titre d’indemnité de préavis outre 176,99 € au titre des congés payés afférents,
– 4.566,39 € à titre d’indemnité de licenciement,
– 6.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ordonné la délivrance à M. [W] [B] d’un certificat de travail et d’une attestation ASSEDIC conformes et débouté l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l’audience par l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE, appelante selon déclaration du 4 juin 2009, laquelle conclut à la réformation de la décision des premiers juge et :
– à titre principal : à ce que le statut de salarié ne soit pas retenu au bénéfice de M. [W] [B] qui devra être débouté de l’intégralité de ses demandes,
– à titre subsidiaire : au rejet de l’intégralité de ses demandes excessives et non fondées,
– en tout état de cause : à la condamnation de ce dernier à lui verser une indemnité de 4.000,00€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l’audience par M. [W] [B], lequel conclut à la confirmation de la décision critiquée sauf à porter aux sommes respectives de
5.300,00 € et 10.600,00 € le montant des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’intéressé réclamant enfin l’octroi d’une indemnité de procédure à hauteur de 2.000,00 €.
MOTIFS ET DÉCISION
L’appel interjeté dans le délai imparti par les articles 538 du code de procédure civile et R 1461-1 du code du travail doit être déclaré recevable rendant de ce fait régulier l’appel incident qui s’y est greffé.
I Sur le statut de salarié :
M. [W] [B] ne prétend pas à l’application à l’espèce de la présomption de salariat édictée par l’article L 7112-1 du code du travail, dans la mesure où les parties concordent pour considérer que l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE n’est pas une entreprise de presse.
Il appartient donc à M. [W] de démontrer, en l’absence de tout contrat de travail écrit convenu entre les parties, que la relation qu’il a entretenue avec l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE était caractérisée par la fourniture d’un travail, le paiement d’une rémunération et l’existence d’un lien de subordination juridique, résultant du travail sous l’autorité d’un employeur ayant le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner ses éventuels manquements.
Il ressort de l’ensemble des documents produits au dossier (nombreux mails, courriers bulletins de paie, copies d’articles, attestation d’emploi…) que :
– à partir d’une veille juridique donnant lieu à l’établissement chaque mois par M. [W] [B], d’une liste de textes législatifs ou réglementaires intéressant les maires de France et parus au Journal Officiel, l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE opérait un choix et commandait à l’intéressé les commentaires des sujets lui apparaissant les plus pertinents dans le cadre de sa mission d’information, le travail ainsi commandé devant être réalisé dans les délais indispensables à la publication de la revue,
– si les articles ainsi réalisés ne faisaient l’objet que de peu de corrections de fond, seuls 5 d’entre eux ayant donné lieu à rectification et 6 à co-signature sur un total d’environ 200 articles rédigés tout au long de la collaboration des parties, il apparaît qu’ils étaient néanmoins soumis à relecture et contrôle de l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE,
– M. [W] [B] a reçu tout au long de sa collaboration des bulletins de paie laissant apparaître la mention d’un emploi de pigiste, l’indication de l’application de la convention collective de travail des journalistes y étant portée à partir du mois de juillet 2004,
– la fonction de M. [W] [B] au sein de l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE était alternativement intitulée pigiste, journaliste pigiste, juriste ou rédacteur selon les documents respectifs suivants : bulletins de paie, attestation d’emploi, mails du 2 septembre 2005 et 5 janvier 2006,
– M. [W] [B] a travaillé de façon régulière et permanente de novembre 2000 à janvier 2006, percevant en contrepartie une rémunération mensuelle, qui si elle variait en fonction du nombre et de la qualité des articles rédigés, n’avait cessé d’augmenter pour représenter une moyenne de 1077,00 € pour la période du mois d’octobre 2004 à octobre 2005, avant que n’intervienne la modification du contenu de sa mission,
– contrairement à ce que soutient l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE, M. [W] [B] n’a bénéficié de la qualité d’enseignant à l’université ou d’intervenant auprès d’autres revues spécialisées que postérieurement ou concomitamment à la rupture des relations contractuelles avec l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE, l’intéressé doctorant jusqu’en 2005, tirant de son activité de pigiste pour le compte de l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE l’essentiel de ses revenus, circonstance autorisant d’ailleurs la possibilité d’affiliation de M. [W] [B] au régime général de Sécurité Sociale.
L’ensemble des éléments susvisés permet de constater que M. [W] [B] ne bénéficiait pas d’une véritable indépendance dans son travail pour le compte de l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE, le seul fait de répondre à une commande de cette dernière suffisant à caractériser un lien de subordination entre les parties, peu important que le choix opéré par l’association ait été rendu possible par un travail de veille juridique réalisé en amont par l’intéressé qui se contentait de lister une actualité législative importante sans suggérer aucun choix plus pertinent qu’un autre ; la fourniture d’un travail sous la subordination juridique de l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE moyennant une rémunération permanente et régulière depuis le début de la collaboration des parties caractérise l’existence d’un contrat de travail entre ces dernières.
Il convient en conséquence de confirmer la décision des premiers juges de ce chef.
II Sur les rappels de salaire :
– sur la prime d’ancienneté :
Il n’est pas discuté ne serait-ce même qu’à titre subsidiaire par l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE, que le statut de salarié appliqué à M. [W] [B] lui ouvre droit au paiement de la prime d’ancienneté prévue par les dispositions de l’article 10 du statut du personnel, instaurant le versement d’une prime d’ancienneté calculée à raison de 2 % par année pour les 5 premières années.
Il revient donc à l’intimé une somme de 2.970,99 €, outre congés payés afférents, la décision du Conseil de Prud’hommes devant être confirmée de ce chef.
– sur la prime d’assiduité qualité et rendement :
L’article 9 du statut du personnel de l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE traitant de la rémunération prévoit la possibilité du versement au salarié, sur proposition du chef hiérarchique et en fonction de l’assiduité, de la qualité du travail et du rendement au cours du trimestre écoulé, de deux primes semestrielles, versées en juin et décembre, égales au maximum à la moitié d’un mois de salaire en vigueur à ces dates.
M. [W] [B] réclame le versement de telles primes alors même qu’aucune obligation ne pèse systématiquement sur l’employeur en la matière, le salarié ne justifiant d’aucun droit et n’arguant d’aucune discrimination de ce chef.
Il convient en conséquence de débouter M. [W] [B], réformant la décision des premiers juges.
III Sur l’exécution déloyale :
Par courrier en date du 4 novembre 2004, l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE informait le délégué syndical de ce que suite à la réunion du Comité d’Entreprise du 6 septembre 2004, le bureau avait décidé de faire examiner au plan juridique, les conditions dans lesquelles les pigistes de la revue ‘Maires de France’ pourraient prétendre à la reconnaissance du statut de salarié ; elle ajoutait qu’il ressortait de l’étude ainsi réalisée que s’il ne pouvait y avoir de présomption de salariat au motif que l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE n’est pas une entreprise de presse, il n’en demeurait pas moins que certains pigistes pouvaient éventuellement être assimilés à des salariés de l’entreprise, après examen individuel précis et particulier de chaque situation.
Alors même que l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE ne pouvait donc ignorer qu’une discussion existait sur le point de savoir quel statut adopter en ce qui concerne les journalistes pigistes avec lesquels elle collaborait, la question de la situation de M. [W] [B] ne fut pourtant jamais abordée, (l’instance judiciaire initiée devant le Tribunal d’Instance de Paris 7ème s’avérant postérieure au départ de M. [W]), circonstance justifiant que la revendication de ce dernier n’ait été expressément faite en la matière qu’à l’occasion de la cessation de sa collaboration.
La non application par un employeur du statut de salarié et l’absence d’application subséquente des dispositions collectives qui lui sont attachées, constitue manifestement une exécution déloyale du contrat ayant causé à M. [W] [B] un préjudice qu’il convient de réparer par l’octroi d’une indemnité justement fixée à la somme de 3.500,00 € par les premiers juges.
Le jugement critiqué sera donc confirmé de ce chef.
IV Sur la rupture des relations contractuelles :
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit d’une démission dans le cas contraire.
Il ressort d’un mail adressé à M. [W] [B] le 22 août 2005, par la rédactrice en chef de l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE sur le point de partir en retraite, que la revue à laquelle il participait depuis le début de sa collaboration paraîtrait selon une nouvelle formule dans laquelle ne figurerait plus la rubrique des textes officiels commentés à compter du mois de novembre 2005 ; le nouveau rédacteur en chef confirmait d’ailleurs à M. [W] [B] cette situation dans un courrier du 2 septembre suivant, s’interrogeant sur le contenu de la nouvelle collaboration de celui-ci, en évoquant la rédaction d’articles intéressant les questions parlementaires, la jurisprudence et les difficultés rencontrées par les maires de France dans l’application du droit.
Alors même qu’aucune nouvelle définition précise du contenu de sa mission ne fut proposée à M. [W] [B], ce dernier soucieux de connaître le volume de production désormais attendu au niveau de sa collaboration, interrogeait l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE en ce sens le 27 octobre 2005, un courrier précédent de l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE en date du 14 octobre, l’informant seulement de ce qu’une solution était alors recherchée par le bureau en vue de lui commander d’autres piges.
N’ayant cependant reçu aucune garantie quant à l’avenir et l’importance de sa collaboration avec l’ ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE, alors même que sa rémunération de novembre et décembre 2005 avait été minorée de façon importante puisqu’elle était passée de plus de 1.000,00 € à 738,21 € en novembre et 489,27 € en décembre, M. [W] [B] a alors légitimement considéré que la modification ainsi apportée à son contrat de travail sans son accord, l’autorisait à prendre acte de la rupture des relations contractuelles, laquelle doit donc être requalifiée en un licenciement manifestement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.
Il convient dès lors de confirmer le jugement critiqué de ce chef et d’allouer à M. [W] [B], les sommes suivantes, non discutées dans leur quantum ne serait-ce même qu’à titre subsidiaire en ce qui concerne les deux premières :
– 1.769, 92 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents,
– 4.566,39 € à titre d’indemnité de licenciement,
– 7.500,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu de l’âge du salarié et de sa situation professionnelle et financière postérieure à la rupture des relations contractuelles.
Il y a lieu encore de confirmer la délivrance par l’association des documents de fin de contrat.
Il convient par ailleurs de faire application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail prévoyant le remboursement par l’employeur fautif aux organismes concernés, de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement dans la limite de 6 mois d’indemnités.
V Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
L’équité et la situation économique des parties commandent enfin l’octroi à M. [W] [B] d’une indemnité de 2.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE qui succombe ne pouvant qu’être déboutée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
– Déclare l’appel recevable,
– Confirme le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Lyon dans toutes ses dispositions à l’exception des condamnations au titre des rappels de salaire pour prime d’assiduité et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Statuant à nouveau et y ajoutant :
– Déboute M. [W] [B] de sa demande en rappel de salaire au titre de la prime d’assiduité, qualité et rendement outre congés payés afférents,
– Condamne l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE à payer à M. [W] [B] une somme de 7.500,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Condamne l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE à payer à M. [W] [B] une indemnité de 2.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Ordonne le remboursement par l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE aux organismes concernés, des allocations chômage versées à M. [W] [B] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d’allocations,
– Condamne l’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT