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SOC.
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 décembre 2019
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1659 F-D
Pourvoi n° P 18-12.320
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Courrier international, société anonyme, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 19 décembre 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l’opposant :
1°/ à Mme Françoise U…, domiciliée […] ,
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est […] ,
défendeurs à la cassation ;
Mme U… a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 6 novembre 2019, où étaient présents : M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Courrier international, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme U…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme U… a été engagée par la société Courrier international (la société) en qualité de rédactrice traductrice moyennant une rémunération calculée à la pige ; qu’à compter du mois d’octobre 2013, la société ne lui ayant plus confié de travaux, elle a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société fait grief à l’arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, de fixer le salaire mensuel brut de référence pour un contrat à durée indéterminée à temps partiel du mois de janvier 2003 au 25 août 2016 et de la condamner au versement de diverses sommes en conséquence alors, selon le moyen :
1°/ que si la convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail, l’employeur présumé peut renverser cette présomption en établissant que le journaliste exerce son activité en-dehors de tout lien de subordination ; qu’en l’espèce, ayant relevé qu’il n’était pas contestable que Mme U… n’était pas intégrée à une équipe ni contrainte à des exigences d’organisation ou de présence, la cour d’appel a néanmoins considéré que la société Courrier international ne démontrait pas que Mme U… exerçait son activité en toute indépendance et en toute liberté au motif qu’elle ne disposait d’aucune latitude concernant le délai de transmission qui lui était imparti pour restituer sa traduction et ne disposait donc pas de liberté pour contrer cette urgence et qu’elle n’avait pas non plus le choix des travaux qui lui étaient confiés ; qu’en statuant ainsi alors qu’elle relevait par ailleurs que les propositions de traductions qui lui étaient faites l’étaient sous forme de questionnement ce dont il se déduisait que Mme U… avait la faculté de les refuser, la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 1221-1 et L. 7112-1 du code du travail ;
2°/ que l’état de dépendance économique dans lequel se trouve l’une des parties à une convention vis-à-vis de l’autre est inopérant pour caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique permettant de qualifier cette convention de contrat de travail ; qu’en retenant, en l’espèce, que la dépendance financière dans laquelle se serait trouvée Mme U… vis-à-vis de la société Courrier international rendait illusoire son choix d’accepter ou pas les propositions de traductions qui lui étaient faites sous forme de questionnement pour en déduire que la société ne démontrait pas que la journaliste exerçait son activité en toute indépendance et en toute liberté, la cour d’appel a violé les dispositions des articles L. 1221-1 et L. 7112-1 du code du travail ;
3°/ que tenus de motiver leurs décisions, les juges doivent préciser les pièces desquelles sont déduites leurs constatations ; qu’en l’espèce, pour considérer que la société Courrier international ne démontrait pas que Mme U… exerçait son activité en toute indépendance et en toute liberté, la cour d’appel a, par motifs adoptés, relevé que Mme U… devait être disponible en permanence et qu’il lui était normalement impossible de refuser de répondre à une commande, le fait qu’une commande ait pu lui être adressée sous forme interrogative ne l’autorisant pas à rejeter la demande ; qu’en statuant ainsi par voie d’affirmations péremptoires sans préciser sur quels éléments elle se fondait pour procéder à de telles affirmations, la cour d’appel a méconnu les exigences découlant de l’article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que les juges sont tenus de ne pas dénaturer les conclusions dont ils sont saisis ; qu’en l’espèce, pour considérer que la société Courrier international ne démontrait pas que Mme U… exerçait son activité en toute indépendance et en toute liberté, la cour d’appel a relevé que Mme U… démontrait que sa spécialisation concernant l’Italie dont elle avait disposé pendant un temps, lui avait été enlevée dans la dernière période de sa collaboration ; qu’en statuant par un tel motif alors que Mme U… ne prétendait rien de tel dans ses conclusions d’appel, la cour d’appel a dénaturé les conclusions de Mme U… en violation des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d’appel qui, au terme d’une appréciation souveraine des éléments produits, a estimé, par motifs propres, que Mme U…, journaliste de presse, ne disposait d’aucune latitude concernant le délai qui lui était imparti pour restituer sa traduction, qu’elle n’avait aucune liberté sur la nature et la thématique des documents qui lui étaient soumis et par motifs adoptés, que le fait qu’une commande ait pu lui être adressée sous forme interrogative ne l’autorisait pas à rejeter la demande dans la mesure où l’interrogation portait en réalité sur sa capacité à respecter le délai souhaité ou bien était l’expression d’une sollicitude à son égard, a pu en déduire, par une décision motivée, que l’entreprise de presse échouait à renverser la présomption de salariat ; que le moyen, inopérant en sa quatrième branche comme critiquant des motifs surabondants, n’est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :