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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 31 MAI 2022
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02975 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB2JQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Février 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/07253
APPELANTS
S.A.S. BUT ÉDITIONS SOCIÉTÉ NOUVELLE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Gaël AIRIEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0130
Maître [C] [Y] ès-qualités de mandataire judiciaire de BUT ÉDITIONS SOCIÉTÉ NOUVELLE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Gaël AIRIEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0130
INTIMES
Monsieur [U] [S]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Vianney FERAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1456
AGS CGEA [Localité 5]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.
EXPOSE DU LITIGE
M. [U] [S] exerce la profession de journaliste et est détenteur d’une carte de presse depuis le 23 mai 2006.
La société SAS But Editions Société Nouvelle est une société qui édite plusieurs publications traitant du football.
Le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société But Editions Société Nouvelle le 14 juin 2017. Par arrêt du 7 novembre 2017, la cour d’appel de Versailles a infirmé le jugement et ouvert une procédure de redressement judiciaire, désignant la Selas Alliance prise en la personne de Maître [C] [Y] en qualité de mandataire. Par jugement en date du 15 novembre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a arrêté un plan de redressement de la société, Maître [Y] étant désigné comme commissaire à l’exécution du plan.
Considérant qu’il était salarié de la société But Editions Société Nouvelle en qualité de journaliste à compter du 13 novembre 2007 et sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que le paiement de diverses sommes, M. [U] a saisi le 27 septembre 2018, le conseil de prud’hommes de Paris, qui par jugement rendu le 27 février 2020 auquel la Cour se réfère pour les prétentions antérieures et initiales des parties a statué comme suit :
– Dit que M. [U] [S] et la société But Editions Société Nouvelle sont liés par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 novembre 2007 ;
– Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [U] [S] en raison des manquements graves commis par la société But Editions Edition Nouvelle ;
– Fixe le salaire mensuel de référence de M. [U] [S] à un total de1.206,30 € ;
– Condamne la société But Editions Société Nouvelle à payer à M. [U] [S] les sommes suivantes :
* 4.969,94 € à titre de rappel de salaire du 1er août 2018 au 30 novembre 2019,
* 496,99 € au titre des congés payés afférents,
* 4.068,33 € à titre de rappel de primes d’ancienneté de septembre 2015 à novembre 2019,
* 406,83 € au titre des congés payés afférents,
* 339,02 € au titre du 13ème mois sur rappel de prime,
* 3.93 8,68 € à titre de rappel de primes de 13ème mois entre septembre 2015 et novembre
2019,
* 1.206,30 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 15.681,90 € à titre d’indemnité légale de licenciement,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de jugement et jusqu’au jour du paiement ;
– Dit que la société But Editions Société Nouvelle devra remettre les bulletins de paie rectifiés et les documents de fin de contrat conformes au jugement ;
– Rappelle qu’en vertu de l’article R.1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois deniers mois de salaire. Fixe cette moyenne à la somme de 1.206,30 € ;
– Condamne la société But Editions Société Nouvelle à verser la somme de 8.000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement ;
– Condamne la société But Editions Société Nouvelle au paiement de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Déboute M. [U] [S] du surplus de ses demandes ;
– Déboute la société But Editions Société Nouvelle de l’ensemble de ses demandes ;
– Dit que le jugement est opposable à l’AGS [Localité 5] et la condamne à en garantir le paiement dans les limites de sa garantie.
– Déboute M. [U] [S] de sa demande d’exécution provisoire du jugement à intervenir par application des dispositions de l’article 515 du Code de procédure civile ;
– Condamne la société But Editions Société Nouvelle aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 2 avril 2020, la SAS but Editions Société Nouvelle et Maître [Y] ès qualités de mandataire judiciaire de la société ont interjeté appel du jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 27 février 2020 notifiée aux parties par lettre recommandée du 6 mars 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 janvier 2021, la société But Editions Société Nouvelle et Maître [Y] ès qualités de mandataire judiciaire demandent à la cour de :
– Annuler le jugement du conseil des prud’hommes du 27 février 2020 ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– Constater l’absence de lien de subordination entre M. [S] et la société But Editions Société Nouvelle ;
– Prendre acte de ce que la société consent à verser à M. [S] les montants des primes d’ancienneté sollicitées ;
– Prendre acte que la société renonce à demander la restitution du trop versé d’un montant de 12.400 € ;
A titre subsidiaire,
– Dire que M. [S] bénéficiait du statut de pigiste ;
– Dire que la société pouvait modifier le montant des commandes comme elle l’a fait sans être fautive ;
– Dire qu’il n’y a pas lieu à résiliation judiciaire du contrat ;
En tout état de cause,
– Rejeter toutes les autres demandes que celles portant sur les indemnités d’ancienneté ;
– Condamner M. [S] à verser à But Editions nouvelle la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner M. [S] aux dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 janvier 2022, M. [S] demande à la cour de :
Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris le 27 février 2020 en ce qu’il a :
‘ Dit que M. [U] [S] et la société But Editions Société Nouvelle sont liés par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 novembre 2007,
‘ Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [U] [S] en raison des manquements graves commis par la société But Editions Société Nouvelle,
‘ Fixé le salaire mensuel de référence de M. [U] [S] à un total de 1.206 euros,
‘ Condamné la société But Editions Société Nouvelle à payer à M. [U] [S] :
o un rappel de salaire à compter du 1 er août 2018 et les congés payés afférents,
o un rappel de primes d’ancienneté à compter du 1er septembre 2015, les congés payés afférents et la prime de 13 ème mois sur rappel de cette prime,
o un rappel de prime de 13 ème mois depuis le 1er septembre 2015,
‘ Condamné la société But Editions Société Nouvelle à verser à M. [S] la somme de:
o 1.206,30 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
o l’indemnité légale de licenciement avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de jugement et jusqu’au jour du paiement,
‘ Dit que la société But Editions Société Nouvelle devra remettre les bulletins de paie rectifiés et les documents de fin de contrat conformes ;
‘ Condamné la société But Editions Société Nouvelle à verser une somme à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement ;
‘ Condamné la société But Editions Société Nouvelle au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Débouté la société But Editions Société Nouvelle de l’ensemble de ses demandes ;
‘ Dit que le jugement est opposable à l’AGS [Localité 5] et l’a condamnée à en garantir le paiement dans les limites de sa garantie ;
‘ Condamné la société But Editions Société Nouvelle aux entiers dépens ;
Et statuant à nouveau,
– Fixer la date de la résiliation judiciaire du contrat de travail au jour de l’arrêt à intervenir;
– Condamner la société But Editions Société Nouvelle à payer à M. [U] [S] la somme de 25.168,53 euros (à parfaire au jour de l’arrêt) à titre de rappel de salaire depuis le 1er août 2018 jusqu’au 31 janvier 2022, ainsi que celle de 2.516,85 euros au titre des congés payés afférents ;
– Condamner la société But Editions Société Nouvelle à payer à M. [U] [S] la somme de 6.481,82 euros à titre de rappel de primes d’ancienneté au titre de la période de septembre 2015 à janvier 2022 (à parfaire au jour de l’arrêt), ainsi que celles de 648,18 euros au titre des congés payés afférents ;
– ou à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour jugerait que M. [U] [S] n’était pas payé de façon forfaitaire mais à la pige, Condamner la société But Editions Société Nouvelle à lui payer la somme de 6.964,28 euros à titre de rappel de primes d’ancienneté au titre de la période de septembre 2015 à janvier 2022 (à parfaire au jour de l’arrêt), ainsi que celles de 696,42 euros au titre des congés payés afférents ;
– Condamner la société But Editions Société Nouvelle à payer à M. [U] [S] la somme de 6.309,45 euros à titre de rappel de primes de 13 ème mois au titre de la période comprise entre septembre 2015 et janvier 2022, sauf à parfaire au jour de l’arrêt ;
– Condamner la société But Editions Société Nouvelle à payer à M. [U] [S] la somme de 18.094, 50 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
– Condamner la société But Editions Société Nouvelle à payer à M. [U] [S] la somme de 14.475,60 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Condamner la société But Editions Société Nouvelle à payer à M. [U] [S], outre les entiers dépens, la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société But Editions Société Nouvelle aux entiers dépens ;
– Dire l’arrêt à intervenir opposable à l’AGS [Localité 5] et la condamner à en assurer, si nécessaire, le paiement dans les limites de sa garantie ;
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 septembre 2020, l’Unédic délégation AGS Ile de France Ouest demande à la cour de :
– Dire que la décision à intervenir ne sera opposable à l’AGS que dans les conditions, limites et plafonds de sa garantie ;
– Infirmer le jugement dont appel ;
– Débouter M. [S] de ses demandes, fins et conclusions ;
– Dire et juger inopposables à l’AGS les créances de rupture résultant de la résiliation judiciaire du contrat ;
– Dire que la garantie de l’AGS ne peut être sollicitée qu’à défaut de fonds disponibles permettant le paiement de créances antérieures à l’adoption du plan de redressement ;
– Dire inopposables à l’AGS les créances nées pendant la période d’observation et postérieurement à l’adoption du plan de redressement ;
– En tout état de cause, Rejeter les demandes de fixation de créances qui ne sont ni fondées dans leur principe ni justifiées dans leur montant et réduire aux seuls montants dûment justifiés les montants des créances susceptibles d’être fixées, notamment à titre de salaires et à titre d’indemnités.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 25 mars 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’existence d’un contrat de travail
Pour infirmation de la décision entreprise, la société But Edictions Société Nouvelle soutient en substance que M. [S] a fourni des articles à la société en tant que journaliste indépendant et non comme salarié de la société d’édition.
A titre subsidiaire, à supposer que la Cour estime que M. [S] aurait été salarié, les appelants soutiennent que M [S] était salarié pigiste, de telle sorte que la société était en droit de modifier le nombre de piges commandées et n’a pas commis de faute grave dans l’exécution du contrat contrairement à ce qu’ont jugé les premiers juges.
M. [S] réplique qu’il était lié avec la société But Editions Société Nouvelle par un contrat de travail à durée indéterminée ; qu’il a reçu un salaire mensuel fixe sans aucun lien avec le volume de son travail remis ou commandé ; que peu important la mention de pigiste portée fictivement sur ses bulletins de paie ; que la présomption de salariat résulte du contrat de travail apparent ; qu’en outre, du fait de son statut de journaliste professionnel, il bénéficie également de la présomption de l’article L.7112-1 du code du travail ; que la société ne renverse pas cette présomption.
L’article L.7112-1 du code du travail dispose que ‘toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail.
Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.’
L’article L.7111-3 du même code précise que ‘Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources’
Il est de droit que la présomption de salariat prévue par l’article L. 7112-1 du code du travail s’applique à une convention liant un journaliste professionnel à une agence de presse.
Selon la convention conclue par la société But Editions Société Nouvelle et M. [S] le 30 septembre 2010, il a été convenu que ‘le présent contrat a pour objet de prévoir les conditions générales d’exploitation des piges que le journaliste pourrait être amené à faire pour le compte du journal. Il ne constitue en aucune manière un contrat de travail de collaboration régulière, mais le cadre contractuel auquel les bons de commande du journal pourront se référer. Dans le cas où un bon de commande serait signé, seule la référence au présent contrat donnera lieu à l’application des règles ci-après… Le travail commandé devra être décrit sur le bon de commande avec des précisions telles que le sujet de l’article, le nombre de feuillets… Le travail commandé devra être remis au pus tard la date et à l’heure indiquées sur le bon de commande… La rémunération brute se calculera sur la base de 110 € la journée incluant le montant de la fraction due des congés payés et du 13ème mois’.
Il est constant que M. [S] est un journaliste professionnel au sens de l’article L.7111-3 sus-visé. Il s’en déduit que la présomption de salariat de l’article L. 7112-1 s’applique.
M. [S] verse aux débats des bulletins de salaire de la société pour la période du mois de novembre 2007 au mois d’août 2020 avec mention d’une rémunération mensuelle brute de 1.100 € dans un 1er temps, puis de 968,64 € en octobre 2010, de 322,89 € de novembre 2010 à avril 2012 à l’exception des mois de août et septembre 2011 (293,54 €), du mois de janvier 2012 (700,70 €). Il percevra ensuite 509,30 € du mois d’avril au mois de juin 2012, puis un salaire mensuel de 1.018,60 € jusqu’en décembre 2014 et 1.019,43 € jusqu’en juillet 2018, la rémunération ayant ensuite été revue à la baisse.
Alors que la convention du 30 septembre 2010 prévoit une rémunération en fonction du travail commandé ‘décrit sur le bon de commande avec des précisions telles que le sujet de l’article, le nombre de feuillets’, force est de constater que la société ne verse aux débats aucun bon de commande, que la rémunération versée à M. [S] est globalement fixe, qu’il a même été rémunéré alors que le journal n’était plus publié. En outre et contrairement à ce que soutient la société , il résulte des échanges de courriels versés aux débats que M. [S] devait obtenir la validation des personnes interviewées sauf à voir son article refusé comme cela a été le cas pour l’interview de [R], et il lui était ainsi rappelé ‘comme je te l’avais signalé dans mon mail, le nom de l’ancien nantais interviewé devait être impérativement être validé par mes soins. C’était même inscrit en gras. [R], ça ne nous intéresse pas. Merci, stp, de me reformuler une offre avec plusieurs noms et que je valide ou non…’. De surcroît, eu égard à la nature de son activité, le journaliste professionnel bénéficie nécessairement d’une certaine autonomie dans le traitement des sujets qui lui sont confiés et une liberté dans l’organisation de son temps de travail. Dès lors, peu important que M. [S] ait pu également travailler pour d’autres organes de presse ou qu’il ait pu travailler à partir de son domicile fixé à [Localité 6] dans la mesure où il devait réaliser des articles sur l’équipe du FC Nantes. En tout état de cause, la société But Editions Société Nouvelle n’établit pas que M. [S] exerçait son activité dans une totale indépendance et une totale liberté, en dehors de tout lien de subordination.
Il s’ensuit que la société But Editions Société Nouvelle ne produit pas les éléments de nature à renverser la présomption de salariat. En outre, la société n’établit pas davantage que M. [S] était ‘journaliste pigiste’ eu égard à l’absence de bon de commande et à la rémunération fixe versée.
En conséquence, à l’instar des premiers juges, la cour retient l’existence d’un contrat de travail à durée nécessairement indéterminée compte tenu de l’absence d’un contrat écrit répondant aux exigences de l’article L.1242-12 du code du travail.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Sur le fondement de l’article 1184 ancien du code civil devenu l’article 1124, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d’apprécier si l’inexécution de certaines des dispositions résultant d’un contrat synallagmatique présentent une gravité suffisante pour en justifier la résiliation.
Les bulletins de salaire révèlent qu’à compter du mois d’août 2018, la rémunération de M. [S] a diminué, ce qui n’est pas contesté par l’employeur alors que s’agissant d’un élément essentiel du contrat de travail, sa modification nécessite l’accord du salarié. En outre, la société ne conteste pas qu’elle n’a pas versé les primes d’ancienneté auxquelles M. [S] pouvait prétendre.
Il s’ensuit que la société But Editions Société Nouvelle a manqué à ses obligations contractuelles et ce manquement est d’une gravité de nature à empêcher la poursuite de la relation contractuelle de telle sorte que c’est à juste titre que les premiers juges ont prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail. La décision sera confirmée de ce chef.
Sur les rappels de salaire
La Cour ayant confirmé la décision du conseil des prud’hommes en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail le 27 février 2020, la rupture du contrat de travail est intervenue à cette date et M. [S] ne peut solliciter de rappel de salaire pour la période postérieure.
Au vu des bulletins de salaire et selon les modalités de calcul présentées par le salarié et non contredite par la société, sur la base d’une rémunération mensuelle de 926,75 € brut sollicitée par le salarié, il convient, par infirmation de la décision critiquée, de condamner la société à verser à M. [S] qui n’a perçu que la somme de 12.920,90 € du mois de mai 2018 au mois de février 2020, alors qu’il était en droit de percevoir la somme de 16.681,50 €, la somme de 3.760,60 € brut, outre la somme de 376,06 € au titre des congés payés.
La société, qui reconnaît devoir la prime d’ancienneté à M. [S], devra également lui verser la somme de 4.254,21 € brut à ce titre pour la période de septembre 2015 à février 2020, outre la somme de 425,42 € de congés payés afférents.
Enfin, s’agissant de la prime de 13ème mois pour la période non prescrite du mois de septembre 2015 à février 2020, les éléments et modalités de calcul non contredits par l’employeur révèlent que celui-ci reste devoir à M. [S] la somme de 4.447,66 € brut, outre la somme de 444,76 € de congés payés.
Sur les effets de la résiliation judiciaire du contrat de travail
La résiliation du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour du prononcé du jugement du conseil des prud’hommes.
Il s’ensuit que M. [S] est en droit de percevoir :
– L’indemnité légale de licenciement en application de l’article L.7112-3 du code du travail et de l’article 44 de la convention collective des journalistes, soit eu égard du salaire de référence de 1.104,38 € (926,75 € + 92,68 € de prime d’ancienneté + 84,95 € de prime de 13ème mois) et à l’ancienneté de M. [S] soit 12 ans et 5 mois, soit la somme de 13.712,71 € ;
– L’indemnité compensatrice de préavis correspondant aux deux mois de salaire que M. [S] aurait perçus s’il avait exécuté son préavis, soit la somme de 2.208,76 € brut, outre la somme de 220,87 € de congés payés.
En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant, eu égard à l’ancienneté de 12 ans, est compris entre 3 mois et 11 mois de salaire.
Eu égard à l’âge du salarié lors de la rupture du contrat de travail (39 ans), de son ancienneté et du montant de sa rémunération, au constat que M. [S] ne donne aucun élément sur sa situation postérieurement à la résiliation du contrat, c’est à juste titre que les premiers juges lu ont alloué la somme de 8.000 € d’indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La décision sera confirmée de ce chef.
Sur la garantie des AGS
Pour infirmation de la décision déférée sur ce point, l’Unedic délégation AGS CGEA [Localité 5] fait valoir que la rupture du contrat de travail résultant de la résiliation judiciaire sollicitée par le salarié durant la période d’observation lui est inopposable et qu’en conséquence la garantie n’est pas due.
En application de l’article L.3253-8 du code du travail, l’assurance mentionnée à l’article L. 3253-6 couvre :
1° Les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l’employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ;
2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant :
a) Pendant la période d’observation ;
b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;
c) Dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;
d) Pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l’activité ;
…
Il est de droit que les créances résultant de la rupture du contrat de travail visées par l’article L. 3253-8, 2° du code du travail, s’entendent d’une rupture à l’initiative de l’administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur.
Il s’en déduit que les indemnités allouées à M. [S] consécutivement à la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée à sa demande ne sont pas garanties par les AGS, à savoir l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ainsi que l’indemnité de l’article L.1235-3. La décision critiquée sera infirmée de ce chef.
Seules sont garanties par les AGS, les rappels de salaire dus au tire de la période antérieure au jugement d’ouverture de la procédure de redressement, soit au 7 novembre 2017, cette garantie ne pouvant être due qu’à titre subsidiaire dans la mesure où la société, bénéficiant d’un plan de continuation est in bonis.
Sur la remise des documents
La société But Editions Société Nouvelle devra remettre à M. [S] un bulletin de paie récapitulatif rectifié, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision dans un délai de deux à compter de la signification de celle-ci sans qu’il y lieu à astreinte.
Sur les frais irrépétibles
La société But Editions Société Nouvelle sera condamnée aux entiers dépens. Compte tenu de la situation économique des parties, il n’y a pas lieu à indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,
INFIRME partiellement le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la SAS But Editions Société Nouvelle à verser à M. [U] [S] les sommes suivantes :
– 3.760,60 € brut à titre de rappel de salaire pour la période du mois d’août 2018 au 27 février 2020,
– 376,06 € au titre des congés payés,
– 4.254,21 € brut au titre du rappel de la prime d’ancienneté pour la période du mois de septembre 2015 au 27 février 2020,
– 425,42 € de congés payés afférents.
– 4.447,66 € brut au titre du rappel du 13ème mois pour la période du mois de septembre 2015 au 27 février 2020,
– 444,76 € de congés payés..
– 13.712,71 € au titre de l’indemnité de licenciement,
– 2.208,76 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 220,87 € de congés payés,
DIT que l’Unédic délégation AGS CGEA [Localité 5] ne doit pas sa garantie pour l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ainsi que pour l’indemnité accordée en application de l’article L.1235-3 du code du travail ;
DIT qu’à défaut de fonds disponible, seules sont garanties par les AGS, les rappels de salaire dus au tire de la période antérieure au jugement d’ouverture de la procédure de redressement, soit au 7 novembre 2017 ;
ORDONNE à la SAS But Editions Société Nouvelle de remettre à M. [U] [S] un bulletin de paie récapitulatif rectifié, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision dans un délai de deux à compter de la signification de celle-ci sans qu’il y lieu à astreinte ;
Y ajoutant,
RAPPELLE que le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire emporte pour les créanciers antérieurs au jugement, arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, jusqu’à l’adoption du plan de continuation ;
CONDAMNE la SAS But Editions Société Nouvelle aux entiers dépens ;
DIT n’y avoir lieu à indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente.