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JPL/SB
Numéro 20/0461
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 30/01/2020
Dossier : N° RG 17/04127 – N° Portalis DBVV-V-B7B-GX7I
Nature affaire :
Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
Société SAPESO (SUD OUEST)
C/
[V] [J]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 30 Janvier 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 20 Novembre 2019, devant :
Madame DEL ARCO SALCEDO, Président
Madame DIXIMIER, Conseiller
Monsieur LAJOURNADE, Conseiller
assistés de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
Société SAPESO (SUD OUEST) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître LIGNEY de la SCP DUALE-LIGNEY-MADAR-DANGUY, avocat au barreau de PAU et Maître OGEZ de la SELAS SO, avocat au barreau de TOULOUSE,
INTIME :
Monsieur [V] [J]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Maître BLANCO, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 13 NOVEMBRE 2017
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : F 16/00347
FAITS ET PROCEDURE
M. [J] journaliste professionnel et photographe, a travaillé pour le compte de la SA de Presse et d’Edition du Sud-Ouest( SAPESO) du 27 février 2001 au 1er avril 2004 en qualité de correspondant local de presse, puis, à compter du 1er juin 2004 comme journaliste pigiste payé aux photos que la société SAPESO utilisait.
Il a été embauché pour le remplacement d’un photographe absent suivant contrats à durée déterminée d’abord du 05 août au 03 septembre 2008 puis du 1er août au 31 août 2009.
Il a ensuite repris l’activité de pigiste jusqu’au moi de mai 2015 et a cessé son activité pour maladie.
Le 20 juillet 2016, il a saisi la juridiction prud’homale aux fins principalement de demander la requalification de sa collaboration de piges en un contrat à durée indéterminée avec le paiement des indemnités correspondantes.
Par jugement du 13 novembre 2017, le conseil de prud’hommes de Pau a :
> jugé que la relation contractuelle entre M. [J] et la société SAPESO s’analyse en un contrat de travail à durée indéterminée,
> rejeté l’exception d’incompétence rationae materiae soulevée par le défendeur,
> fixé le salaire moyen mensuel brut à 3 078,24 €,
> condamné la société SAPESO à payer à M. [J] la somme de 41 718 € à titre de rappel de salaire outre 4 171,80 € au titre des congés payés y afférents pour la période du 1er juin 2012 au 30 mai 2015,
> débouté M. [J] de sa demande d’indemnité de requalification,
> jugé que la rupture du contrat de travail intervenue le 30 mai 2015 constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
> condamné la société SAPESO à payer à M. [J] les sommes de :
– 30 000 € à titre de dommage et intérêts sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail,
– 9 234,72 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 923,47 € à titre de congés payés afférents au préavis,
– 46 173,60 € à titre d’indemnité de licenciement,
> débouté M. [J] de sa demande de 15 000 € au titre de rupture vexatoire du contrat de travail,
> l’a débouté de sa demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure,
> condamné la société SAPESO à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
> débouté la société de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
> condamné la société aux entiers dépens.
Par déclaration transmise au greffe de la cour par la voie électronique, le 07 décembre 2017, la société SAPESO, par son conseil, a interjeté appel de cette décision dans des conditions de régularité qui ne sont pas contestées.
Selon ses dernières conclusions, visées par le greffe le 23 juillet 2018, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des moyens, la société SAPESO, appelante, demande à la cour de:
> réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Pau dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté M. [J] de ses demandes d’indemnité de requalification, d’indemnité pour irrégularité de procédure et de dommages et intérêts au titre de rupture vexatoire du contrat, et statuant à nouveau:
> in limine litis, constater l’absence des critères d’un contrat de travail et juger que la relation de travail s’analyse en une relation de piges et non en un contrat de travail,
> en conséquence, se déclarer incompétente au profit du tribunal de grande instance de Pau,
> à titre subsidiaire constater que l’action de M. [J] est prescrite, la déclarer irrecevable et en conséquence le débouter de l’intégralité de ses demandes,
> en tout état de cause, juger que les demandes formulées par M. [J] sont mal fondées et en tout état de cause non justifiées,
> à titre infiniment subsidiaire, fixer la rémunération mensuelle moyenne de M. [J] à 1.979,92 € et condamner la société SAPESO à lui verser :
– 4 487,82 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 3 959, 84 € bruts au titre de l’indemnité de préavis, outre 395,98 € bruts au titre des congés payés y afférents,
> à titre reconventionnel, condamner M. [J] à verser à la société SAPESO la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du cpc et le condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Duale Ligney Madar Danguy en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Selon ses dernières conclusions, visées par le greffe le 04 mai 2018, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des moyens, M. [J], intimé, demande à la cour de :
> confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a:
– débouté de sa demande d’indemnité de requalification,
– débouté de sa demande au titre de la rupture vexatoire,
– condamné la société à lui verser la somme de 30 000 € à titre de dommage et intérêts sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail,
– condamné l’employeur à lui verser la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700,
– et statuant à nouveau:
>condamner l’employeur à lui verser la somme de 60 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail,
> condamner l’employeur à lui verser la somme de 15 000 € pour rupture vexatoire de son contrat sur le fondement de l’article 1382 du code civil,
> condamner la société SAPESO à lui verser une indemnité de requalification de 40.000 € par application de l’article L. 1245-2 du code du travail,
> condamner la société à lui remettre les bulletins de salaire et l’attestation pôle emploi rectifiés en fonction du rappel,
> condamner l’employeur à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
L’ordonnance de clôture porte la date du 21 octobre 2019.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la compétence.
En application de l’article L 1411- 1 du code du travail : ‘ le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti.’
Aux termes l’article L 7112-1 du même code’: «’Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail.
Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.’»
Selon l’article L 7111-3′:’ «’Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Le correspondant, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa.’»
Un journaliste pigiste bénéficie de la présomption de contrat de travail instituée par l’article L 7112-1 du code du travail dès lors qu’il satisfait à la définition de l ‘article L 71111-3 et qu’il collabore de façon régulière au journal d’une entreprise de presse.
En l’espèce, M. [J] se prévaut de la présomption de contrat de travail tandis que la SAPESO la conteste.
L’appelante fait valoir ‘:
– que M. [J] n’a jamais exprimé le souhait de changer de statut et de devenir salarié’;
– qu’il ne collabore pas exclusivement avec le journal Sud-Ouest’;
– qu’il était libre d’organiser son emploi du temps et ne recevait aucune directive quant au contenu de ses photographies’;
– qu’il n’appartenait pas à un service organisé, ne figurant pas sur l’annuaire de la SAPESO, conservant à sa charge ses outils de travail et ne disposant d’aucun bureau’;
– qu’il n’y avait pas de régularité dans son volume de travail et par voie de conséquence aucune régularité dans les revenus que M. [J] pouvait percevoir mensuellement.
Cependant, la SAPESO indique elle-même dans ses écritures que «’M. [J] , excellent photographe , collaborait avec le journal Sud-Ouest de manière régulière mais avec un volume de collaborations variable’», et que «’à deux reprises en 2008 et 2009, M. [J] était amené à conclure un contrat de travail déterminée pour remplacer un salarié absent’».
Les premiers juges ont pu relever à juste titre que M. [J] a perçu des sommes d’un montant important, à savoir : 21.974,06 euros bruts en 2012′; 22.951,22 euros bruts en 2013′; 25.784,03 euros bruts en 2014′; 11.309,76 euros bruts de janvier à mai 2015′; sommes qui étaient soumises à l’impôt sur le revenu et qui représentaient l’essentiel de ses ressources.
Ils ont également retenu que M. [J] figurait sur les plannings mensuels de la SAPESO et que, le 23 août 2004, il lui avait été remis une copie de l’accord signé entre la direction du journal Sud-Ouest et le Syndicat National des Journalistes.
M. [J] est donc bien fondé à se prévaloir du bénéfice du statut de journaliste professionnel et de la présomption de salariat qui lui est attachée.
La collaboration occasionnelle de l’intéressé avec plusieurs autres organes ou agences de presse n’est pas de nature à détruire la présomption de salariat à l’égard de celle avec laquelle le pigiste collabore de manière régulière.
Par ailleurs, si l’appelante soutient que M. [J] était libre de son temps et dans la composition de ses photographies, elle reconnaît dans ses écritures que «’le choix des reportages photographiques était le plus souvent proposé par le chef d’agence’», ce dont il résulte que le pigiste ne traitait pas les sujets de son choix et qu’au moins des orientations lui étaient données par la société de presse.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments, que les parties étaient liées par un contrat de travail.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la SAPESO.
Sur la prescription.
Aux termes de l’article L1471-1 du code du travail issu de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 et dans sa version en vigueur du 17 juin 2013 au 24 septembre 2017,’:’«Toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.’»
Ces dispositions ont institué une prescription biennale en lieu et place de la prescription quinquennale qui s’appliquait antérieurement.
En l’espèce, M. [J] exerce une action en requalification de la relation contractuelle avec la SAPESO en contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet depuis le premier jour travaillé.
Il est constant qu’il exerce sous le statut de journaliste pigiste depuis juin 2004 après avoir exercé en tant que correspondant de presse et qu’après son embauche suivant contrat à durée déterminée du 05 août au 03 septembre 2008 puis du 1er août au 31 août 2009, il a repris l’activité de pigiste jusqu’au moi de mai 2015
Il était dès lors en mesure de connaître au moins au terme de son dernier contrat de travail à durée déterminée les faits qui lui permettaient d’exercer ses droits en vue d’une requalification de la relation contractuelle.
Il sera particulièrement relevé que M. [J] avait sollicité par courrier du 13 octobre 2010 la prise en charge d’un congé paternité et que celle-ci lui a été refusée par la SAPESO suivant courrier du 25 octobre 2010 qui lui déniait la qualité de salarié.
Compte tenu de la prescription quinquennale qui était alors applicable et qui a été réduite à deux ans à compter du 17 juin 2013 sans toutefois que la durée totale puisse excéder cinq ans, l’action en requalification pouvait être exercée jusqu’au 25 octobre 2015.
Or, M. [J] n’a introduit son action devant la juridiction prud’homale que le 20 juillet 2016.
L’action se trouve dès lors prescrite et le jugement sera dès lors infirmé de ce chef.
De plus, M. [J] étant irrecevable à voir reconnaître que la relation contractuelle constitue un contrat de travail, il est également irrecevable à solliciter des sommes à titre de rappels de salaires ainsi qu’à se prévaloir de ce que la rupture du contrat constitue un licenciement abusif et à obtenir les indemnités subséquentes.
Ses demandes seront par conséquence déclarées irrecevables par réformation du jugement entrepris.
Sur les demandes accessoires.
M.[J] qui succombe sera condamné aux dépens d’appel ainsi qu’à ceux de première instance par réformation du jugement entrepris.
L’équité ne commande pas de faire application en l’espèce des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, de manière contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la SAPESO’;
L’infirme en toutes ses autres dispositions’;
Et statuant à nouveau’:
Déclare M. [J] irrecevable en toutes ses demandes’;
Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’;
Condamne M. [J] aux dépens.
Arrêt signé par Madame DEL ARCO SALCEDO, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,