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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 29 MARS 2016
(n°053/2016, 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 14/19846
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Septembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de Paris – 3ème chambre – 2ème section – RG n° 12/13133
APPELANTE
SA LA MARTINIÈRE GROUPE
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 391214 905
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée et assistée de Me Bénédicte AMBLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0113
INTIMÉES
Madame [B] [Y]
Le Granoli
La Vallée ; [Adresse 2]
[Adresse 2]
Madame [E] [Q]
demande d’aide juridictionnelle en cours (n° BAJ: 2014/052869 ; date de la demande 06/11/2014)
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentées par Me Olivier BERG, avocat au barreau de PARIS, toque : C2504
Assistées de Me Pascal REYNAUD, avocat au barreau de STRASBOURG, toque 126
Société PREST EDIT
Société par action simplifiée au capital de 39.000,00 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro B 313 759 13636
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Société BCH SAS
Société par Action Simplifiée au capital de 40.928,00 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VERSAILLES sous le numéro 343 685 8977
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentées et assistées de Me Grégoire HALPERN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0593
SA GLENAT EDITIONS
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro 302 069 4144
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d’Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
Assistée de Me Gilles ADLER, avocat au barreau de PARIS, toque E167
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral dans les conditions de l’article 785 du code de procédure civile et en application des dispositions des articles 786 et 907 du même code, l’affaire a été débattue le 17 février 2016, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle DOUILLET, conseillère et Madame Nathalie AUROY, conseillère, chargée d’instruire l’affaire,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nathalie AUROY, Conseillère, faisant fonction de président
Madame Isabelle DOUILLET, conseillère,
Madame Véronique RENARD, conseillère, en remplacement de Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, empêché
Greffier, lors des débats : Madame Karine ABELKALON
ARRÊT :
contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Madame Nathalie AUROY, conseillère, faisant fonction de président, aux lieu et place de Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, et par Madame Karine ABELKALON, greffier.
***
La société Prest Edit a pour activité l’édition de publications périodiques consacrées au cheval, telles que Cheval Magazine, Cheval Star et Galopin, ainsi que de livres spécialisés dans ce sujet.
Le mensuel Cheval Magazine est composé de plusieurs rubriques, dont l’une, intitulée ‘La leçon de Galopin’, à visée ludique et pédagogique, mettant en scène le poney Galopin et le pingouin Ping Pong et publiée d’octobre 1997 à septembre 2012, était illustrée par Mme [E] [Q], créatrice des dits personnages, travaillant comme pigiste, et rédigée par les membres de l’équipe rédactionnelle, parmi lesquels Mme [B] [Y], rédactrice en chef, employée du 16 mars 1999 au 31 août 2003.
La société BCH, qui a pour activité la prise de participation dans des sociétés françaises et étrangères, la gestion de portefeuilles de valeurs mobilières et des prestations de service, est titulaire des marques françaises suivantes :
marque verbale GALOPIN, déposée le 17 décembre 1998 sous le n°764824 et régulièrement renouvelée pour désigner en classes 16, 35,38 et 41 les ‘Livres, journaux et périodiques, magazines. Abonnements de livres, de journaux, de périodiques et de magazines.Télécommunications ; transmission d’informations par voie télématique; communication par le réseau Internet. Edition de livres, de journaux, de périodiques et de magazines ; production de disques compacts numériques vidéo’,
marque semi-figurative GALOPIN, déposée le 14 juin 2004 sous le n°3 297 318 pour désigner les mêmes produits et services que la précédente, dans les mêmes classes.
La société Prest Edit, représentée par son président du directoire, M. [M] [G], a été approchée à l’automne 2011 en vue de la réalisation d’un ouvrage qui regrouperait l’ensemble des fiches techniques de la rubrique ‘La leçon de Galopin’ et dont elle serait co-auteur, avec Mmes [Y] et [Q]. Les négociations, menées par M. [I] [U], alors éditeur indépendant, ont conduit la société La Martinière Groupe (ci-après La Martinière) à proposer un premier contrat d’auteur daté du 13 octobre 2011. A la suite de remarques formulées par M. [G] dans un courriel adressé à M. [U] le 17 janvier 2012, Mme [G] [F], directrice juridique de la société La Martinière, a indiqué à celui-là dans un courriel en réponse du 18 janvier 2012 que ‘certaines de [ses] remarques pouvaient être satisfaites, d’autres difficilement’, en lui présentant ses arguments. Un nouveau projet de contrat a été proposé par la société La Martinière à la société Prest Edit le 6 février 2012. Par courriel du 9 février 2012, M. [G] a informé M. [U] de ce qu’ ‘étant engagé contractuellement avec GLENAT sur un contrat d’édition incluant une clause d’exclusivité, [il] ne [pouvait] malheureusement pas donner une suite favorable à [son] projet de livre’, ajoutant qu’il lui serait gré de ‘retourner le matériel aux auteurs’.
Par contrat du 20 février 2012, la société Prest Edit a consenti à la société Glenat Editions (ci-après Glenat) une licence exclusive pour la reproduction des marques GALOPIN, ainsi que des textes, photographies et illustrations composant le fonds éditorial des magazines Cheval Magazine, Cheval Star et Galopin, en vue de la réalisation et de la publication d’ouvrages de librairie consacrés au cheval et au monde équestre.
Ayant constaté, courant avril 2012, que la société La Martinière, en dépit du refus de collaboration qui lui avait été opposé, avait procédé à l’édition et à la publication d’un ouvrage, achevé d’imprimé en mars 2012, regroupant l’ensemble des fiches techniques de la rubrique ‘La leçon de Galopin’ du bimensuel Cheval Magazine, intitulé ‘Les leçons de Galopin : 200 questions et tests rigolos pour réviser tes galops’ et ayant pour auteurs Mmes [Y] et [Q], les sociétés Prest Edit et BCH l’ont, par acte du 5 septembre 2012, fait assigner en contrefaçon de marques et de droits d’auteur et, subsidiairement, en concurrence déloyale et parasitaire, devant le tribunal de grande instance de Paris.
La société La Martinière, se prévalant de contrats de cession de droits d’auteur signés par Mmes [Y] et [Q], a fait assigner ces dernières en intervention forcée, par actes des 31 octobre et 7 novembre 2012. Les deux instances ont été jointes.
La société Glenat est intervenue volontairement à la procédure.
Par jugement du 19 septembre 2014, le tribunal a :
dit qu’en éditant, publiant en avril 2012 et offrant à la vente l’ouvrage ‘Les leçons de Galopin : 200 questions et tests rigolos pour réviser tes galops’, la société La Martinière a porté atteinte aux marques GALOPIN n°764824 et 3 297 318 dont est titulaire la société BCH et aux droits d’auteur sur ce signe, utilisé comme titre d’un de ses magazines, et sur le contenu rédactionnel d’un autre de ses magazines, dont est titulaire la société Prest Edith ,
interdit la poursuite de ces agissements sous astreinte de 350 € par infraction constatée passé un délai de 1 mois après la signification du présent jugement,
s’est réservé la liquidation éventuelle de ladite astreinte,
dit qu’en cédant ses droits patrimoniaux d’auteur relatifs à GALOPIN à la société Glenat Editions sans l’aviser de ses discussions contemporaines avec la société La Martinière, la société Prest Edit a manqué à ses obligations contractuelles ;
condamné la société La Martinière à payer à la société BCH la somme de 10 000 € en réparation de l’atteinte portée à ses marques, et à la société Prest Edith celle de 20 000 € en réparation de l’atteinte portée à ses droits patrimoniaux d’auteur ;
condamné la société Prest Edit à payer à la société Glenat Editions la somme de 8 000 € en réparation de son préjudice ;
rejeté les demandes plus amples,
rejeté toutes les demandes des autres parties, notamment celles tendant à la résiliation des contrats d’édition,
rejeté la demande de garantie de la société La Martinière,
condamné la société La Martinière à garantir la société Prest Edit de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre, y compris celle relative aux frais irrépétibles,
condamné la société La Martinière à payer à la société BCH et à la société Prest Edit la somme globale de 5 000 € et les sociétés BCH et Prest Edit à payer à la société Glenat Editions la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné la société La Martinière aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code,
ordonné l’exécution provisoire.
La société La Martinière a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions transmises le 23 novembre 2015, la société La Martinière demande à la cour de :
d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
rejeter les demandes de la société Prest Edit à son encontre et condamner celle-ci à la garantir contre toute éventuelle condamnation à son encontre,
rejeter les demandes de la société BCH, Mmes [Y] et [Q] et de la société Glénat à son encontre,
à titre subsidiaire, les ramener à de plus justes proportions,
condamner Mmes [Y] et [Q] à la garantir contre toute condamnation prononcée à son encontre à l’occasion de l’utilisation de leurs textes et dessins,
condamner tout succombant à lui payer chacun la somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises le 4 novembre 2015, les sociétés Prest Edit et BCH, intimées et appelantes incidentes, demandent à la cour :
d’infirmer le jugement en ce qu’il a :
dit qu’en cédant ses droits patrimoniaux d’auteur relatifs à GALOPIN à la société Glenat Editions sans l’aviser de ses discussions contemporaines avec la société La Martinière, la société Prest Edit a manqué à ses obligations contractuelles,
condamné la société La Martinière à payer à la société BCH la somme de 10 000 € en réparation de l’atteinte portée à ses marques, et à la société Prest Edith celle de 20 000 € en réparation de l’atteinte portée à ses droits patrimoniaux d’auteur,
condamné la société Prest Edit à payer à la société Glenat Editions la somme de 8 000 € en réparation de son préjudice,
rejeté les demandes plus amples,
le confirmer pour le surplus,
statuant à nouveau des chefs infirmés,
à titre principal, en conséquence des actes de contrefaçon,
condamner la société La Martinière à verser la somme de 50 000 € à la société BCH au titre de la contrefaçon de la marque GALOPIN,
condamner la société La Martinière à verser la somme de 50 000 € à la société Prest Edit qu titre de la contrefaçon de la marque GALOPIN,
condamner la société La Martinière à verser la somme de 20 000 € à la société Prest Edit au titre de la contrefaçon du titre de la publication périodique GALOPIN,
condamner la société La Martinière à verser la somme de 34 667,36 € à la société Prest Edit au titre de la contrefaçon du contenu rédactionnel de la publication CHEVAL MAGAZINE, avec intérêt de droit depuis la date de mise en demeure du 9 mai 2012,
condamner la société La Martinière à verser la somme de 10 000 € à la société Prest Edit au titre du préjudice d’image résultant de la contrefaçon du contenu rédactionnel de la publication CHEVAL MAGAZINE et 5 000 € au titre du préjudice moral,
à titre subsidiaire,
dire et juger que la société La Martinière commet des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
en conséquence, condamner la société La Martinière à leur verser la somme de 50 000 € à chacune,
en tout état de cause,
condamner la société La Martinière à la garantir de toute somme qui pourrait être mise à sa charge au profit de la société Glénat,
prononcer la nullité du titre LES LEÇONS DE GALOPIN : 200 QUESTIONS
ET TESTS RIGOLOS POUR REVISER TES GALOPS et faire interdiction à la société La Martinière d’utiliser ou de reproduire les termes litigieux, identiques ou dérivés, de façon conjointe, à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 500 euros par exemplaire contrefaisant, à compter d’un délai de quinze jours de la date de signification de la décision à intervenir,
ordonner le rappel de tous les ouvrages en circulation sous même astreinte par jour de retard, et ce dans les 15 jours à compter de la signification de la décision à venir, et de justifier dans le même délai :
du tirage par la production de la facture de l’imprimeur de l’ouvrage,
du nombre d’exemplaires vendus,
du nombre d’exemplaires restant en circulation qui devront être bleuis ou mis au pilon et dont il devra être justifié de la destruction.
dire que la cour se réservera la liquidation des astreintes ainsi prononcées,
rejeter toutes les demandes des sociétés La Martinière et Glénat dirigées à son encontre,
autoriser la publication de l’arrêt à intervenir dans 5 journaux, revues ou site à leur choix et et aux frais de la société La Martinière le coût de chaque publication étant fixé à 6 000 € HT, et ce, au besoin à titre de complément de dommages-intérêts, quitte à parfaire, ainsi que sur la première page de son site internet pour le même montant, soit un montant de 30 000 € HT qui devra être avancé par la société La Martinière dans les huit jours de la signification de la présente décision,
condamner la société La Martinière à leur verser la somme de 7 000 € chacune par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens, avec bénéfice des dispositions de l’article 699 du même code ;
Dans leurs dernières conclusions transmises le 26 janvier 2015, Mmes [Y] et [Q], intimées et appelantes incidentes, demandent à la cour de :
infirmer le jugement en ce qu’il les a déboutées de leur demande en résiliation judiciaire des contrats d’édition conclus avec la société La Martinière et de leurs demandes indemnitaires qui en sont la conséquence,
le confirmer pour le surplus,
statuant à nouveau des chefs infirmés,
ordonner la résiliation judicaire des contrats d’édition conclus entre la société La Martinière et Mme [Y], d’une part, et Mme [Q], d’autre part, l’ensemble des droits déjà perçus restant acquis aux auteurs,
condamner la société La Martinière à verser à chacune d’elles la somme de 20 000 € au titre de sa responsabilité contractuelle,
condamner la société La Martinière à verser à chacune d’elles la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
Dans ses dernières conclusions transmises le 4 novembre 2015, la société Glénat, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris sur le quantum des dommages et intérêts qui lui ont été alloués,
le confirmer pour le surplus,
statuant à nouveau du chef infirmé,
condamner la société Prest Edit à lui payer la somme de 20 000 € au titre de son préjudice financier et commercial et la somme de 20 000 € au titre du préjudice moral et d’image,
à titre subsidiaire,
dire qu’elle est recevable et bien fondée à intervenir dans l’instance en contrefaçon engagée par les sociétés Prest Edit et BCH afin d’obtenir la réparation des préjudices qui lui sont propres,
dire que les actes de contrefaçon ou subsidiairement de concurrence déloyale reprochés à la société La Martinière constituent, à son égard, des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
en conséquence, condamner la société La Martinière à lui payer la somme de 20 000 € au titre de son préjudice financier du trouble commercial et la somme de 20 000 € au titre du préjudice moral et d’image,
en tout état de cause,
condamner à titre principal la société Prest Edit et la société BCH et, à titre subsidiaire, la société La Martinière à lui payer la somme de 5 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, avec bénéfice des dispositions de l’article 699 du même code.
MOTIFS DE L’ARRÊT
Sur les actes de contrefaçon :
Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a dit qu’en éditant, publiant en avril 2012 et offrant à la vente l’ouvrage ‘Les leçons de Galopin : 200 questions et tests rigolos pour réviser tes galops’, la société La Martinière a porté atteinte aux marques GALOPIN n°764824 et 3 297 318 dont est titulaire la société BCH et aux droits d’auteur sur ce signe, utilisé comme titre d’un de ses magazines, et sur le contenu rédactionnel d’un autre de ses magazines, dont est titulaire la société Prest Edith ;
Qu’il y a seulement lieu d’ajouter les points suivants :
– sur la rupture des relations entre la société Prest Edit et la société La Martinière :
Que pour conclure au rejet des demandes de la société Prest Edit à son encontre, la société La Martinière se prévaut d’une prétendue rupture abusive par cette société d’un accord de volontés qui serait intervenu entre elles sur l’édition principale en librairie selon les conditions acceptées par mails échangés les 17 et 18 janvier 2012 et des pourparlers qui ont suivi sur les modalités restantes, non exploitées par elle ; qu’elle soutient en substance que la société Prest Edit est ainsi, avec M. [G], à l’origine des préjudices dont elle demande réparation, et n’est pas fondée à invoquer sa propre turpitude pour obtenir réparation ; qu’elle prétend avoir subi un préjudice qui justifie, à titre de compensation, le rejet pur et simple des demandes de la société Prest Edit ;
Que, toutefois, en premier lieu, elle n’est pas fondée à lui reprocher, d’une part, de lui avoir tu les négociations parallèles menées avec un concurrent, celle-ci n’étant nullement tenue, en l’absence d’accord d’exclusivité, de l’en informer, et d’autre part, de pas avoir pas indiqué être titulaire des droits patrimoniaux d’auteur de Mmes [Q] et [Y], alors qu’elle participait aux négociations en qualité de co-auteur et que la répartition de la rémunération des droits d’auteur envisagée (en dernier lieu 3% pour la société Prest Edit, 1,5 % pour Mme [Q], 1,5% pour Mme [Y]) impliquait l’existence d’une telle cession préalable, l’implication de Mme [Q] et [Y] étant justifiée par la poursuite d’un projet d’oeuvres dérivées, à partir d’oeuvres pré-existantes ;
Qu’en second lieu, un engagement contractuel ne pouvant naître que de la rencontre des consentements, l’acceptation d’une offre doit exprimer un accord complet avec l’offre, de sorte que la société La Martinière ne peut sérieusement soutenir qu’en formulant des remarques sur certains points du contrat dans son courriel du 17 janvier 2012, M. [G] avait exprimé, pour la société Prest Edit, un accord ferme et définitif sur les autres points du contrat ; que les parties se trouvaient donc toujours en pourparlers pré-contractuels au moment de la rupture de leurs relations par M. [G] le 9 février 2012 ;
Qu’en dernier lieu, alors que le silence opposé par lui au courriel de Mme [F] du 18 janvier 2012 ne pouvait valoir promesse à la société La Martinière d’une acceptation de sa part, la société Prest Edit, dont la mauvaise foi n’est pas démontrée, a pu légitimement préférer formaliser un accord plus large portant sur tout son fond éditorial et les marques dont elle est titulaire avec la société Glenat, plutôt que de signer un contrat portant sur l’édition d’un seul ouvrage, dont les conditions ne la satisfaisait pas totalement ; qu’aucun abus dans l’exercice du droit de rompre unilatéralement les pourparlers pré-contractuels n’est donc démontré ;
– sur les marques :
* sur leur déchéance :
Que, comme le relèvent les sociétés Prest Edit et BCH, la société La Martinièren’est pas fondée à soutenir que l’exploitation des marques par la société Prest Edit est inopérante dans la démonstration de la preuve d’un usage sérieux de ses marques par la société BCH, dès lors que l’article l’article L714-5, alinéa 2, a), du code de la propriété intellectuelle, assimile à un tel usage, l’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque, ce qui est le cas en l’espèce ;
* sur leur contrefaçon par le signe ‘Les leçons de Galopin’ dans l’ouvrage litigieux :
Que la société La Martinière, qui ne conclut pas à la nullité des marques pour défaut de caractère distinctif, ne démontre pas au demeurant que le terme galopin désigne un poney, dans le langage courant ; qu’il importe peu qu’elle ne l’ait pas utilisé pas à titre de marque, dès lors qu’elle en a fait usage dans la vie des affaires, pour des produits et services identiques à ceux visés à l’enregistrement des marques opposées ;
– sur les droits d’auteur :
* sur le titre ‘Galopin’ :
Que la passation d’un contrat de licence exclusive avec la société Glenat n’interdit pas à la société Prest Edit, restée titulaire des droits d’auteur sur le titre ‘Galopin’, d’agir en contrefaçon de ceux-ci ;
* sur le contenu rédactionnel et les dessins de la publication Cheval Magazine :
. sur la titularité des droits :
Que la mention, sur les relevés – non signés – de cession de droits d’auteur de Mme [Q] à la société Prest Edit de ce que ‘la réutilisation de ces illustrations sera l’objet d’une nouvelle négociation’, laquelle est au demeurant susceptible de s’appliquer à son droit moral d’auteur, ne remet pas en cause les termes clairs et non équivoques des piges signées par l’intéressée, emportant cession de ses droits patrimoniaux d’auteur sur ses illustrations à la société Prest Edit ;
. Sur les actes de contrefaçon :
Que les auteures reconnaissent elles-mêmes que l’ensemble des illustrations de l’ouvrage litigieux correspondent aux illustrations réalisées par Mme [Q] dans le cadre des piges réalisées précédemment pour la société Prest Edit, et qu’une partie des textes sont des adaptations des textes des rubriques du journal Cheval Magazine rédigés par Mme [Y], ce que la cour a pu vérifier sur les éléments de comparaison versés aux débats ;
Considérant que le jugement doit donc être confirmé de ces chefs ;
Sur les actes de concurrence déloyale :
Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a écarté l’examen de cette demande, présentée à titre subsidiaire par les sociétés Prest Edit et BCH ; que le jugement doit aussi être confirmé de ce chef ;
Sur la demande de Mmes [Q] et [Y] en résiliation de leurs contrats d’édition :
Considérant que lorsqu’elles ont signé leurs contrats d’édition, soit le 6 février 2012 pour Mme [Q] et après le 24 janvier 2012 pour Mme [Y] – nonobstant la date du 13 octobre 2011 figurant sur son contrat, la date du 24 janvier 2012 correspondant à celle figurant sur le mot accompagnant l’envoi de ce contrat qui lui a été adressé – les auteures n’avaient pas connaissance du refus exprimé par M. [G] le 9 février 2012 ;
Qu’il résulte des échanges de messages produits qu’elles n’en ont pas non plus eu connaissance à cette dernière date – M. [G] n’ayant pas adressé son courriel en copie à Mme [Q] et l’ayant adressé à une adresse inusitée de Mme [Y] – et qu’elles n’en ont été informées que les 12 et 13 avril 2012, soit après l’impression et l’édition de l’ouvrage litigieux, pour lesquelles il ne leur avait été demandé aucun bon à tirer ;
Qu’elles exposent à juste titre que leur accord était nécessairement lié à celui de la société Prest Edit, cessionnaire de leurs droits d’auteur sur leurs oeuvres pré-existantes, et qu’en décidant d’imprimer et de commercialiser un produit en se passant de l’accord initial de la société Prest Edit et sans les en informer, la société La Martinière, professionnelle de l’édition, a manqué à son devoir d’exécuter de bonne foi les contrats d’édition ;
Qu’il convient donc, infirmant de ce chef le jugement, d’ordonner la résiliation judiciaire des contrats d’édition conclus entre la société La Martinière et Mmes [Q] et [Y] ;
.
Sur les demandes de la société Glenat :
Considérant qu’aux termes de l’article 5-3 du contrat de licence d’exploitation consenti le 20 février 2012 par la société Prest Edit à la société Glenat, ‘La licence d’exploitation du fonds éditorial et des marques est consentie à GLENAT à titre exclusif pour l’édition d’ouvrages de librairies, PREST EDIT s’interdisant de céder tout ou partie du fonds éditorial et/ou les marques à un éditeur tiers pour la réalisation d’ouvrages ede librairie, sauf accord préalable et écrit de GLENAT’ ;
Que son article 10, intitulé ‘Garanties’, en son paragraphe 2 :
‘ PREST EDIT certifie à GLENAT que l’ensemble des droits des éléments objets des présentes, ainsi que tout élément fourni par PREST EDIT peuvent être exploités librement et paisiblement conformément aux présentes, et fera son affaire personnelle de tout paiement à revenir à toute personne qui estimerait avoir des droits à faire valoir sur le fonds éditorial, les marques et/ou tout élément transmis par PREST EDIT à GLENAT et intégré aux ouvrages. PREST EDIT garantit GLENAT contre tout recours à cet égard’ ;
Considérant que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, la société Prest Edit n’était pas tenue d’informer la société Glenat, avant la signature du contrat, des négociations parallèles menées avec la société La Martinière ;
Qu’au jour de la signature du contrat, la société Prest Edit s’était libérée de tout engagement avec la société La Martinière, dont rien ne lui permettait de penser qu’elle allait ultérieurement poursuivre l’édition et la publication de l’ouvrage litigieux avec Mmes [Q] et [Y] seules ; qu’elle n’a donc pas manqué à ses obligations contractuelles en certifiant à la société Glenat que tous les droits cédés sur son fonds éditorial et ses marques pouvaient être exploités librement et paisiblement ;
Que cette certification n’emporte pas en elle-même obligation de garantie sans restriction de l’ exploitation libre et paisible, la société Prest Edit s’engageant seulement à faire ‘son affaire personnelle de tout paiement à revenir à toute personne qui estimerait avoir des droits à faire valoir sur le fonds éditorial, les marques et/ou tout élément transmis par PREST EDIT à GLENAT et intégré aux ouvrages’ ; qu’or, en l’espèce, il n’existe aucune demande de la société La Martinière relative aux droits cédés à la société Glenat que la société Prest Edit serait tenue de garantir ;
Qu’ainsi la société Glenat n’est pas fondée à soutenir que la société Prest Edit a violé l’exclusivité qui lui a été consentie ainsi que la garantie de jouissance libre et paisible des droits concédés prévues aux articles 5-3 et 10-2 susvisés ; qu’il convient, infirmant le jugement de ce chef, de la débouter de sa demande en réparation formée à l’encontre de cette dernière ;
Considérant qu’elle n’est pas non plus recevable à intervenir, sur le fondement de l’article L714 du code de la propriété intellectuelle, dans ‘l’instance en contrefaçon engagée par le titulaire de la marque’, dès lors que les marques reconnues contrefaites sont la propriété de la seule société BCH, et qu’elle n’est licenciée exclusive que des marques GALOPIN (sans autre précision) dont est titulaire la société Prest Edit ;
Considérant qu’en revanche, en sa qualité de licenciée exclusive pour la reproduction des textes, photographies et illustrations composant le fonds éditorial des magazines Cheval Magazine et Galopin, elle est recevable à agir à l’encontre de la société La Martinière en concurrence déloyale, dès lors que les actes de contrefaçon commis sur le titre ‘Galopin’ et sur le contenu rédactionnel et les dessins de la publication Cheval Magazine perturbent son exploitation ;
Que la société La Martinière a commis ces actes en pleine connaissance des droits régulièrement acquis par la société Glenat, dont elle avait été informée par M. [G] dans son courriel du 9 février 2012, la privant ainsi de la possibilité de les exercer paisiblement ; qu’elle en doit donc réparation, sur le fondement de l’article 1382 du code civil ;
Sur les demandes de garantie :
– de la société La Martinière par la société Prest Edit :
Considérant que pour tous les motifs précédemment exposés, la société La Martinière n’est fondée à aucun titre à invoquer la garantie de la société Prest Edit ; que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande à ce titre ;
– de la société La Martinière par les auteurs :
Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a rejeté sa demande à ce titre ; que le jugement doit être confirmé de ce chef ;
– de la société Prest Edit par la société La Martinière :
Considérant que cette demande n’a plus d’objet, aucune somme n’ayant à être mise à la charge de la société Prest Edit au profit de la société Glenat ; qu’il convient, infirmant le jugement entrepris, de rejeter cette demande ;
Sur les mesures de réparation :
Considérant que la société BCH, qui se borne à solliciter la condamnation de la société La Martinière à lui verser la somme de 50 000 € sans autre précision au titre de la contrefaçon des marques Galopin, ne verse aux débats aucun justificatif des conséquences négatives de l’atteinte à ses droits ;
Que la cour ne dispose pas non plus des éléments nécessaires à l’évaluation des bénéfices réalisés par la société La Martinière ;
Que celle-ci déclarant spontanément avoir réalisé la vente de 4 620 exemplaires, chiffre pouvant être arrondi à 5 000, au vu de la poursuite de la mise en vente de l’ouvrage litigieux sur son site internet jusqu’au 7 mai 2015, et ce, au prix de 12,50 € TTC, et au regard de la redevance habituellement pratiqué ( 1% sur le prix de vente au public hors taxe pratiquée dans le contrat Glenat), la cour estime que le tribunal a justement évalué le préjudice total de la société BCH, incluant son préjudice économique et son préjudice moral, à la somme de 10 000 € ; qu’il convient de confirmer le jugement de ce chef ;
Considérant que la société Prest Edit n’est pas fondée à solliciter réparation au titre de la contrefaçon des marques Galopin dont elle n’est pas titulaire ; que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande à ce titre ;
Considérant que la société Prest Edit, qui sollicite la condamnation de la société La Martinière à lui verser :
la somme de 20 000 € au titre de la contrefaçon du titre ‘Galopin’,
la somme de 34 667,36 € au titre de la contrefaçon du contenu rédactionnel du magazine Cheval Magazine,
la somme de 10 000 € au titre du préjudice d’image,
la somme de 5 000 € au titre du préjudice moral,
ne justifie pas plus qu’en première instance les bases de calcul des conséquences négatives de l’atteinte à ses droits et ne démontre pas son préjudice d’image ;
Que compte tenu du chiffre de vente précédemment retenu et au regard de la redevance auquel elle aurait pu prétendre si le contrat d’édition avait été conclu (soit 3%), la cour évalue le préjudice total de la société Prest Edit, incluant son préjudice moral, à la somme de 15 000 € ; qu’il convient, infirmant le jugement de ce chef, de condamner la société La Martinière à lui payer cette somme à ce titre ;
Considérant que la société Glenat sollicite en premier lieu la condamnation de la société La Martinière à lui verser la somme de 20 000 € en réparation du préjudice financier, correspondant à la marge nette qu’elle entendait dégager au titre de la publication de l’ouvrage ‘Leçons de Galopin’ ; que si le compte d’exploitation provisionnel qu’elle produit, qui n’est le reflet que de sa propre évaluation, ne peut repris tel quel, les circonstances de la cause permettent à la cour d’évaluer le trouble dans l’exploitation de ses droits subi du fait des actes de concurrence déloyale à la somme de 10 000 €, qu’il convient de condamner la société La Martinière à lui payer ;
Qu’en revanche, n’étant pas licenciée des marques GALOPIN jugées contrefaisantes, elle n’est pas fondée à demander réparation à hauteur de 20 000 € au titre du préjudice moral résultant de la banalisation et de l’atteinte à l’image de ces marques ;
Considérant que Mmes [Q] et [Y] ont subi, du fait du manquement de la société La Martinière à ses obligations contractuelles un préjudice financier, déjà suffisamment réparé par l’à-valoir de 1000 € qu’elles ont chacune reçu à la signature de leurs contrats, et un préjudice moral – résultant de leur implication non fondée dans une instance en contrefaçon de leurs propres oeuvres -, que la cour évalue à 5 000 € ; qu’il convient de condamner la société La Martinière à payer cette somme à chacune d’elles ;
Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a accueilli la mesure d’interdiction sollicitée dans les conditions énoncées dans le dispositif du jugement, rejeté la demande de rappel sous astreinte et d’annulation du titre de l’ouvrage litigieux, ainsi que la mesure de publication ; que le jugement doit être confirmé de ces chefs ;
Sur les autres demandes :
Considérant que le sens de la présente décision commande enfin d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné les sociétés BCH et Prest Edit à payer à la société Glenat Editions la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et de le confirmer en ses autres dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ; qu’il sera statué de ces chefs tel que précisé au dispositif ci-après ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement, mais uniquement en ce qu’il a :
dit qu’en cédant ses droits patrimoniaux d’auteur relatifs à GALOPIN à la société Glenat Editions sans l’aviser de ses discussions contemporaines avec la société La Martinière, la société Prest Edit a manqué à ses obligations contractuelles,
condamné la société La Martinière à payer à la société Prest Edith la somme de 20 000 € en réparation de l’atteinte portée à ses droits patrimoniaux d’auteur,
condamné la société Prest Edit à payer à la société Glenat Editions la somme de 8 000 € en réparation de son préjudice,
rejeté la demande en résiliation des contrats d’édition,
condamné la société La Martinière à garantir la société Prest Edit de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre, y compris celle relative aux frais irrépétibles,
condamné les sociétés BCH et Prest Edit à payer à la société Glenat Editions la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société La Martinière à payer à la société Prest Edith la somme de 15 000 € en réparation de l’atteinte portée à ses droits patrimoniaux d’auteur ;
Ordonne la résiliation judiciaire des contrats d’édition conclus entre la société La Martinière et Mmes [Q] et [Y],
Dit que le préjudice matériel de Mme [Q] et [Y] est suffisamment réparé par la conservation de l’à-valoir de 1 000 € qu’elles ont chacune perçue,
Condamne la société La Martinière à payer à Mmes [Q] et [Y] la somme de 5 000 € chacune en réparation de leur préjudice moral,
Rejette les demandes de la société Glenat à l’encontre des sociétés Prest Edit et BCH,
Dit que la société La Martinière a commis des actes de concurrence déloyale à l’égard de la société Glenat,
Condamne la société La Martinière à payer à la société Glénat la somme de 10 000 € en réparation de son préjudice à ce titre,
Rejette toutes autres demandes,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société La Martinière et la condamne à payer la somme globale de 3 000 € aux sociétés Prest Edit et BCH, la somme globale de 5 000 € à Mmes [Q] et [Y] et la somme de 5 000 € à la société Glenat,
Condamne la société La Martinière aux dépens,
Accorde à Maître Grégoire Halpern, et Maître Sandra Ohana le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE PRÉSIDENTLE GREFFIER