Contrat de pigiste : 28 septembre 2016 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/01199

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Contrat de pigiste : 28 septembre 2016 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/01199
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 28 SEPTEMBRE 2016

R.G. N° 15/01199

AFFAIRE :

[C] [U]

C/

SASU MOVE PUBLISHING

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 05 Février 2015 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Boulogne-Billancourt

N° RG : F 13/01136

Copies exécutoires délivrées à :

Me Vianney FERAUD

la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[C] [U]

SASU MOVE PUBLISHING

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [C] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

élisant domicile chez son conseil Me Vianney FERAUD

représenté par Me Vianney FERAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1456

APPELANT

****************

SASU MOVE PUBLISHING

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Rodolphe OLIVIER de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701 substituée par Me Laurent KASPEREIT du même cabinet

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Juin 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller chargé(e) d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Michèle COLIN, Président,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL,

Monsieur [C] [U] a collaboré à compter du 1er juin 2002 avec la société MOTOR PRESSE FRANCE, devenue MOVE PUBLISHING, pour le magazine MOTO JOURNAL en qualité de pigiste rédacteur.

A ce titre, il était rémunéré sous forme de piges.

Le volume de son activité ainsi que le montant de sa rémunération a fluctué au cours des années, pour diminuer sensiblement en 2012 et 2013.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juin 2013, Monsieur [U] a demandé à la société MOVE PUBLISHING de lui fournir régulièrement du travail ou, à défaut, de mettre un terme à son contrat de travail.

La société MOVE PUBLISHING n’a pas donné suite à cette demande.

La dernière rémunération versée à Monsieur [U] était de 125,99 euros, le montant total des rémunérations versées au titre de l’année 2013 étant de 503,98 euros brut.

La société MOVE PUBLISHING comptait plus de 11 salariés à l’issue de la collaboration.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des journalistes.

Monsieur [U] a saisi le Conseil de Prud’hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT le 10 juin 2013 afin de voir reconnaître l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 01 juin 2002 et d’obtenir sa résiliation. Il sollicite, en outre, la condamnation de la société MOVE PUBLISHING à lui verser diverses créances salariales, à l’indemniser de ses préjudices liés à la rupture du contrat de travail et aux irrégularités de celui-ci au regard des règles de son établissement.

Par jugement du 05 février 2015, le Conseil a débouté Monsieur [U] de l’ensemble de ses demandes.

Monsieur [U] a régulièrement formé appel de cette décision par déclaration au greffe le 12 mars 2015.

Il demande à la Cour d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et en conséquence de qualifier la relation de travail le liant avec la Société MOVE PUBLISHING en un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er juin 2002 soumis à la Convention collective des journalistes. Il lui demande également de prononcer la résiliation judicaire de ce contrat au jour de l’arrêt à intervenir avec les conséquences d’un licenciement abusif et sollicite la condamnation de la Société à lui payer les sommes suivantes :

-5.000,00 euros de dommages-intérêts du fait de la non-remise de bulletins de paye conformes et de contrat de travail écrit,

-10.634,43 euros à titre de rappel de salaires et congés payés afférents pour la période du 1er janvier 2012 au 31 mars 2013,

– 6.678,74 euros au titre de l’arriéré de prime d’ancienneté pour la période du 18 juin 2008 au 31 mars 2013,

– 667,87 euros de congés payés afférents,

– 522,49 euros au titre du 13ème mois,

– 3.000,00 euros de dommages-intérêts du fait du non respect des visites médicales d’embauche et de contrôle,

– 2.815,54 euros d’indemnité compensatrice de préavis,

– 281,55 euros de congés payés afférents,

– 23.228,25 euros d’indemnité de licenciement,

-18.582,63 euros de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

– 2.800,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

ainsi que la remise, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard, d’une attestation POLE EMPLOI, d’un certificat de travail et de bulletins de paie conformes au jugement à intervenir.

La société MOVE PUBLISHING demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter Monsieur [U] de l’ensemble de ses demandes et de condamner ce dernier à lui payer la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA COUR :

– Sur l’existence d’un contrat de travail entre Monsieur [C] [U] et la société MOTOR PRESSE France :

L’article L. 7112-1 du Code du travail dispose que “toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail”. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties. ”

L’article L 7111-3 du même Code définit le journaliste professionnel comme étant ‘celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources”.

Il résulte de la combinaison de ces textes que seul le journaliste professionnel qui travaille pour une entreprise de presse peut revendiquer l’application des dispositions du Code du travail et notamment de la présomption de salariat.

* Sur la qualité de journaliste professionnel :

En application des alinéas 1 et 2 de l’article L761-2 du Code du travail, Monsieur [U] ne peut être réputé journaliste professionnel qu’à la double condition de recevoir des appointements fixes et de tirer l’essentiel de ses ressources de cette activité, exercée comme occupation principale et régulière, étant précisé que ces conditions sont cumulatives.

Or, l’examen des bulletins de salaire de Monsieur [U], qui font apparaitre un montant de rémunération fluctuant dans de larges proportions d’un mois sur l’autre, démontre qu’il ne s’agissait que d’une activité résiduelle, dont il ne tirait pas l’essentiel de ses ressources. C’est ainsi que :

– en 2002, il n’a effectué que 3 piges pour un montant total de rémunération de 4.438,00 euros,

– en 2003, il n’a effectué qu’une seule pige pour une rémunération de 75,00 euros,

– en 2004 et 2005, il n’a effectué aucune pige,

– en 2006, il n’a reçu qu’un bulletin de paye pour une rémunération de 1.150,00 euros,

– en 2007, il n’a effectué aucune pige,

– et en 2008, il n’a reçu qu’un bulletin de paye pour une rémunération de 2.520,01 euros.

Par ailleurs, si la détention de la carte de journaliste n’emporte pas en soi reconnaissance du statut de journaliste professionnel, les pièces versées aux débats font cependant ressortir que Monsieur [U] ne la possédait pas en 2004, 2006, 2007, 2008 et 2009, étant précisé qu’il ne justifie de sa détention que jusqu’en 2012 inclus.

Il convient donc de constater que pour la période 2002-2008, Monsieur [U] ne peut revendiquer le statut de journaliste professionnel, faute d’avoir exercé, à titre principal, une activité de journaliste et de tirer de cette activité le principal de ses revenus.

Pour la période ultérieure, de 2009 à 2013, la lecture des bulletins de salaire enseigne que :

– en 2009, il a effectué10 piges pour une rémunération de 10.354, 99 euros,

– en 2010, il a effectué 10 piges pour une rémunération de 20.075, 22 euros,

– en 2011, il a effectué 7 piges pour une rémunération 12.564, 46 euros,

– en 2012, il a effectué 5 piges pour une rémunération 7.117, 99 euros,

– et de janvier à mars 2013, il n’a effectué que 2 piges pour une rémunération de

503, 98 euros.

Cet examen permet également de constater que Monsieur [U] est demeuré plusieurs mois sans percevoir de rémunération, à défaut pour lui d’avoir fourni des piges à la société. De surcroît, malgré le niveau de rémunération de certaines années, l’analyse des bulletins de salaire enseigne qu’il n’a collaboré qu’à peu de numéros du magazine de Moto Journal. Alors que la société MOVE PUBLISHING éditait chaque année 52 numéros, Monsieur [U] n’a participé qu’à 15 d’entre eux en 2009, 19 en 2010 et 8 en 2010, ce qui ne peut être considéré comme une collaboration régulière ni comme une démonstration de ce que le journaliste avait l’assurance de se voir attribuer un certain nombre de piges.

Par ailleurs, il est versé aux débats un extrait d’un site internet consacré aux activités de photographe de Monsieur [U], activité qu’il indique exercer depuis août 2007 et dont il n’est pas démenti qu’elle continue de s’exercer à ce jour. Or, aucun renseignement n’est versé aux débats pour permettre à la Cour de s’assurer que les autres revenus perçus par Monsieur [U] au cours de la période litigieuse étaient annexes comparativement à ceux tirés des piges.

Dès lors, Monsieur [U], ne justifie pas qu’il tirait, pour la période 2009-2012, le principal de ses ressources de son activité de journaliste et il ne peut donc bénéficier de la présomption de salariat.

Le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.

* Sur le contrat de travail apparent :

Monsieur [U] entend soutenir qu’il dispose d’une présomption de salariat attachée à l’existence d’un contrat de travail apparent au motif d’une part que la société MOVE PUBLISHING lui a toujours remis des bulletins de paye portant mention de retenues sociales et d’autre part qu’il lui a été appliqué la Convention collective des journalistes.

S’agissant de l’application de la convention collective, il convient de rappeler que sa seule application n’induit ni une présomption de salariat ni reconnaissance du statut de journaliste professionnel.

Enfin, s’agissant de l’établissement de bulletins de salaire, il convient de relever que son établissement est rendu nécessaire par l’obligation faite à l’entreprise de presse de prélever diverses cotisations liées au statut du journaliste pigiste. Leur existence, à défaut d’autres éléments, n’induit donc pas que Monsieur [U] était considéré comme un salarié.

La demande de Monsieur [U] de ce chef doit être rejetée.

* Sur le salariat :

Monsieur [U] n’étant pas reconnu comme un journaliste professionnel et ne bénéficiant pas d’un contrat de travail apparent, il lui appartient de démontrer qu’il était lié avec l’entreprise de presse par un contrat de travail.

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du Code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.

La reconnaissance d’un contrat de travail est donc conditionnée par la réunion de trois éléments:

– l’exécution d’un travail,

– le versement d’une rémunération,

– l’existence d’un lien de subordination.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

S’il n ‘est pas contesté par les parties que Monsieur [U] a bien exécuté un travail pour la société MOVE PUBLISHING, dont il a reçu en contrepartie une rémunération, en revanche le lien de subordination n ‘est pas établi.

En effet, Monsieur [U] ne produit aucune pièce de nature à justifier :

– de l’existence d’instructions et de directives sur le contenu rédactionnel de ses articles données par la Société MOVE PUBLISHING, le seul impératif auquel il était soumis concernait la date de réception des articles en raison des contrainte liées à la parution des publications périodiques.

– de l’existence d’un contrôle effectif de son travail par celle-ci,

– de l’obligation de travailler dans les locaux de l’entreprise, étant précisé que Monsieur [U] était établi aux Etats-Unis,

– de l’obligation de respecter des horaires de travail,

– de la fourniture par la société MOVE PUBLISHING du matériel et des outils nécessaires à l’accomplissement de son travail,

– de son intégration à un service organisé, étant précisé qu’il n’a jamais participé à des réunions de travail ou de rédaction,

– du pouvoir de sanction de la société à ses éventuels manquements.

Il s’ensuit que la qualité de collaborateur permanent lié à la société MOVE PUBLISHING par un contrat de travail de droit commun ne peut être reconnue à Monsieur [U], qui a, au contraire, bénéficié d’une totale indépendance dans l’exercice de ses prestations, les couriels versés aux débats démontrant d’ailleurs qu’il pouvait rester plusieurs mois sans contacter la société MOVE PUBLISHING et donc sans lui fournir aucune prestation.

Dès lors que la collaboration fournie par Monsieur [U], en sa qualité de journaliste pigiste, n’avait pas de caractère permanent et que la société MOVE PUBLISHING n’avait pas l’obligation de lui assurer une rémunération et la parution d’un nombre déterminé d’articles dans un temps donné, la diminution du niveau des piges puis leur interruption ne peuvent s’analyser ni en une modification unilatérale d’un contrat de travail susceptible de justifier une demande en résiliation judiciaire aux torts de MOVE PUBLISHING ni en un licenciement. Monsieur [U] sera également débouté de l’ensemble des demandes qu’il rattachait soit à l’existence d’un contrat de travail, à l’instar des rappels de salaires et des visites médicales, soit à la qualité de journaliste professionnel, à l’instar de la prime d’ancienneté.

Le jugement entrepris doit être confirmé de ces chefs.

– Sur les demandes annexes :

Monsieur [U] qui succombe à l’instance, doit supporter les dépens et il sera également débouté de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au regard de la situation respective des parties, il apparaît équitable de laisser à la charge de la société MOVE PUBLISHING les frais irrépétibles par elle exposés.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par arrêt mis à disposition au greffe,

CONFIRME en toute ses dispositions le jugement rendu le 05 février 2015 par le Conseil de Prud’hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT,

Y AJOUTANT,

Dit que Monsieur [U] ne bénéficie pas d’un contrat de travail apparent,

LE déboute de l’ensemble de ses demandes,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [U] aux dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l’avis donné aux parties à l’issue des débats en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, et signé par Mme Bérénice HUMBOURG, conseiller, faisant fonction de président, et Mme BEUREL, greffier.

Le GREFFIER Le PRESIDENT

 


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