Contrat de pigiste : 25 juin 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/14275

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Contrat de pigiste : 25 juin 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/14275
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRÊT DU 25 Juin 2019

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 17/14275 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4Q4A

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Octobre 2017 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS RG n° 14/11868

APPELANT

Monsieur [R] [I]

[Adresse 3]

[Localité 9]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 12]

représenté par Me François DE RAYNAL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2151

INTIMEE

Me [F] [E] (SELAFA MJA) – Mandataire judiciaire de SARL PRESENT

[Adresse 2]

[Localité 8]

représenté par Me Françoise BESSON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1356

Me [T] [Y] (SELARL ASCAGNE AJ) – Administrateur judiciaire de SARL PRESENT

[Adresse 4]

[Localité 7]

représenté par Me Françoise BESSON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1356

SARL PRESENT

[Adresse 5]

[Localité 6]

N° SIRET : B32 299 605 9

représentée par Me Françoise BESSON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1356

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Mai 2019, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère

Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 08 avril 2019

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

– Contradictoire

– mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [R] [I] a été engagé, sans contrat écrit, à compter du 1er janvier 1982, en qualité de journaliste par la société Présent. Le 31 mai 2000, un contrat de travail a été signé selon lequel il exerçait les fonctions de rédacteur à temps partiel avec une durée hebdomadaire de travail de 20h43 minutes.

À compter du 8 avril 2014, il a été en arrêt de travail de façon ininterrompue.

Le 26 septembre 2014, il a saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Le 3 mars 2016, le médecin du travail a rendu l’avis suivant en un seul examen en application de l’article R. 4624’31 du code du travail : « Suite à la visite de reprise du 18 février 2016 et à l’étude de poste et des conditions de travail réalisée le 25 février 2016, Monsieur [I] est inapte au poste actuel, inapte à tout autre poste dans l’entreprise, apte à un poste assimilé dans un environnement compatible avec sa santé ».

Le 14 mars 2016, la société a proposé à Monsieur [I] d’organiser son travail dans le cadre d’un télétravail à concurrence de 20 heures hebdomadaires, proposition qu’il a refusée au motif qu’elle entraînait une modification de son contrat de travail (poste isolé de travail à domicile) et une dévalorisation professionnelle (de ”pigiste” devant rédiger en l’espace de 3 heures des articles sans aucune autonomie). A 4 autres reprises, la société a proposé ce même poste avec des horaires hebdomadaires différents 15 heures ou 12 heures, ce que Monsieur [I] a refusé. La société n’a pas mis en ‘uvre la procédure de licenciement pour inaptitude et a maintenu le versement du salaire.

Par jugement de départage du 6 octobre 2017, le conseil de prud’hommes a ainsi statué :

‘déclare recevables les demandes formées par Monsieur [I] ;

‘prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur ;

‘condamne la société Présent à payer à Monsieur [I] les sommes suivantes :

6638,86 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

663,88 euros titrent des congés payés y afférents

65 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

7607,02 euros à titre de rappel de 13e mois

2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

‘renvoie Monsieur [I] à saisir la commission arbitrale des journalistes aux fins de voir fixer l’indemnité de licenciement

‘rappelle que les condamnations de nature contractuelle et/ou conventionnelle produisent intérêts de droit à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et celles de nature indemnitaire à compter de la décision ;

‘ordonne l’exécution provisoire de la décision

‘déboute Monsieur [I] du surplus de ses demandes.

Monsieur [I] a interjeté appel. Dans des dernières conclusions adressées par voie électronique auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, il sollicite de voir de fixer sa créance au titre de différents rappels de salaire, de 13e mois, indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappels de salaire au titre de l’arrêt pour maladie d’octobre 2014 à octobre 2015, dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de prévention, à titre principal, sur la base du salaire mensuel à temps complet de 4005,34 euros, à titre subsidiaire, sur la base du salaire mensuel à temps partiel de 3319,43 euros. Le montant des sommes réclamées est précisé au dispositif des conclusions.

Dans des dernières conclusions adressées par voie électronique auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, l’intimée sollicite de voir infirmer le jugement ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, subsidiairement, en fixer la date au 28 juillet 2016, soit celle du refus par Monsieur [I] de la 5e proposition de reclassement, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [I] de ses demandes de rappel de salaire, 13e mois, congés payés afférents à la période de juin 2010 à octobre 2017 et de dommages et intérêts pour préjudice lié à la retraite et au chômage et pour harcèlement moral, et le condamner à lui payer 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la requalification de contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et le rappel de salaire afférent

La société soulève la prescription de la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en temps complet depuis le 31 décembre 2007.

Monsieur [I] a été engagé, sans contrat écrit, à compter du 1er janvier 1982. Il reconnaît qu’il travaillait à temps partiel à concurrence de 20h43 minutes par semaine.

Le 31 mai 2000, un contrat de travail écrit a été signé stipulant une durée hebdomadaire de travail de 20h43 minutes.

Monsieur [I] a saisi la juridiction prud’homale 18 septembre 2014. Le contrat de travail étant toujours en cours, aucune prescription n’est encourue s’agissant de la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en temps complet.

À compter du 1er janvier 2002, les bulletins de paye de Monsieur [I] ont mentionné un horaire de travail mensuel de 151h,66 (puis en mars 2002 151h,67) soit 35 heures par semaine.

Il importe peu qu’il s’agisse ou non d’une erreur matérielle dans la mesure où un horaire à temps complet n’a fait l’objet d’aucun avenant.

En tout état de cause, même si l’horaire est resté à temps partiel, l’employeur ne justifie pas de la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois en méconnaissance des dispositions de l’article L. 3123’6 du code du travail.

Il convient donc de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet.

Sur la prescription des salaires, Monsieur [I] a saisi le conseil de prud’hommes le 26 septembre 2014 (date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation) interrompant ainsi la prescription.

Le nouveau délai prévu par la loi du 14 juin 2013 a commencé à courir à cette date sans qu’il puisse excéder l’ancien délai de 5 ans.

Il s’ensuit que les salaires ne sont pas prescrits à compter du 13 juin 2010.

Il sera fait droit la demande de rappel de salaire sur la base d’un taux horaire de 26,41 euros convenu initialement par les parties, et dans la limite de 105 327,75 euros, le salarié ne justifiant pas de la différence du montant des salaires figurant dans les motifs et le dispositif de ses conclusions.

Sur la suspension abusive du contrat de travail depuis l’avis d’inaptitude

Le conseil de prud’hommes a retenu à juste titre que la société avait manqué à l’exécution de ses obligations découlant de la constatation de l’inaptitude du salarié à son emploi et l’a maintenu délibérément dans une situation d’activité d’inactivité forcée au sein de l’entreprise et sans aucune évolution possible.

Sur le harcèlement moral

Le salarié soutient qu’il existe un contexte de harcèlement lié au changement notable de l’orientation du journal, qu’en mars 2014, a été mise en place d’une ligne éditoriale plus politique, proche du Front National et qu’ont été mis à l’écart les plus anciens journalistes ; qu’en septembre 2013, la rubrique religieuse lui a été retirée et il lui a été confié à la place une enquête sur les écoles une fois par mois ainsi qu’une revue de presse tous les 15 jours ; que dans son courriel du 29 novembre 2013, Monsieur [Z] [K] a tenu des propos humiliants à son encontre et que celui-ci a demandé à l’assemblée générale de la société d’adopter une résolution demandant qu’un rappel à l’ordre lui soit adressé.

Cependant, le conseil de prud’hommes a retenu à juste titre que les courriels et lettres avaient été échangés par les parties dans le cadre d’un conflit concernant la ligne éditoriale, le fonctionnement et la direction du journal et ne pouvaient revêtir le caractère d’agissements au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail ; en outre, les attributions du salarié n’étant pas clairement définies, aucune modification de ses fonctions n’est établie. Enfin, aucun rappel à l’ordre ne lui a été infligé par lettre recommandée et le ton sec du courriel du 29 novembre 2013 de Monsieur [Z] [K], rédacteur en chef, ne peut constituer à lui seul un agissement de harcèlement moral.

Monsieur [I] sera débouté de cette demande.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

L’absence de fixation contractuelle des horaires de travail à temps partiel et la suspension abusive du contrat de travail depuis l’avis d’inaptitude constituent des manquements suffisamment graves justifiant que la résiliation judiciaire du contrat de travail soit prononcée aux torts de l’employeur. Il sera fait droit à la demande d’indemnité de préavis et congés payés afférents sur la base d’un salaire à temps complet.

Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de rappel d’indemnité de licenciement dans la mesure où la commission arbitrale des journalistes a déjà fixé l’indemnité conventionnelle de licenciement à 86 000 euros.

Le jugement sera confirmé sur le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à une juste évaluation du préjudice du salarié.

Celui-ci ne démontre pas l’existence d’un préjudice distinct lié à la retraite et au chômage, non réparé par les dommages-intérêts déjà alloués.

Sur le manquement à l’obligation de prévention

Si Monsieur [I] a rencontré des difficultés de santé, les certificats médicaux produits se bornent à rapporter ses propos et doléances. Il n’est donc pas établi de manquement de l’employeur, étant en outre observé que la cour n’a pas retenu l’existence d’un harcèlement moral.

Sur le rappel de salaire au titre de la maladie

Il résulte des pièces produites que le salarié a été rempli de ses droits s’agissant des sommes lui revenant au titre du maintien de salaire et de la prévoyance pendant ses arrêts de travail. Le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de cette demande.

Sur le rappel de prime de 13e mois

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a accueilli cette demande, Monsieur [I] étant en droit de prétendre à 13è mois conformément aux stipulations contractuelles et conventionnelles. Il lui est également dû un rappel de salaire sur la base d’un contrat de travail à temps complet.

En revanche, il ne sera pas fait droit à la demande d’indemnité de congés payés afférente au 13e mois. En effet, les primes annuelles allouées globalement pour l’année, rémunérant à la fois les périodes de travail et de congés, sont exclues du calcul de l’indemnité.

Il est équitable d’accorder à Monsieur [I] une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré sauf sur le montant des indemnités de préavis, congés payés afférents, rappel de prime de 13e mois et en ce qu’il a débouté Monsieur [I] de sa demande de rappel de salaire sur la base d’un contrat de travail à temps complet ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Présent à payer à Monsieur [I] les sommes de :

– 8 010,68 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 801,06 euros à titre de congés payés afférents

– 8 777,31 euros à titre de rappel de prime de 13e mois

Y ajoutant,

Condamne la société Présent à payer à Monsieur [I] les sommes de :

– 105 327,75 euros à titre de rappel de salaire pour la période de juin 2000 à octobre 2017

– 10 532,78 euros à titre de congés payés afférents

– 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Déboute Monsieur [I] du surplus de ses demandes ;

Ordonne le remboursement par la société Présent aux organismes concernés des indemnités de chômage perçu par le salarié dans la limite d’un mois ;

Condamne la société Présent aux dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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