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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION
ARRÊT AU FOND
DU 23 FEVRIER 2023
N°2023/
NL/FP-D
Rôle N° RG 21/18197 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIS3A
[N] [I]
Syndicat SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES (SNJ)
C/
S.A.S. GROUPE [Localité 9] MATIN
S.E.L.A.R.L. AJ PARTENAIRES
S.C.P. [K]
S.C.P. BTSG2
S.E.L.A.R.L. [A] [V] ET ASSOCIES
Copie exécutoire délivrée
le :
23 FEVRIER 2023
à :
Me Chloé LANCESSEUR, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE
Arrêt en date du 23 Février 2023 prononcé sur saisine de la Cour suite à l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 29 septembre 2021, qui a cassé l’arrêt rendu le 12 septembre 2019 par la Cour d’Appel de AIX-EN-PROVENCE .
APPELANTS
Monsieur [N] [I], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Chloé LANCESSEUR, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
et par Me Zoran ILIC, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Olivia MAHL, avocat au barreau de PARIS
Syndicat SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES (SNJ) agissant sur poursuites et diligences de son Premier Secrétaire Général, domicilié en cette qualité audit siège et dûment mandaté., demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Chloé LANCESSEUR, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
et par Me Zoran ILIC, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Olivia MAHL, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
S.A.S. GROUPE [Localité 9] MATIN, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE
S.E.L.A.R.L. AJ PARTENAIRES prise en la personne de Me [B] [F] agissant en qualité d’administrateur judiciaire de la société GROUPE [Localité 9] MATIN, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE
S.C.P. [K] prise en la personne de [P] [R] [K] agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société GROUPE [Localité 9] MATIN, demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE
S.C.P. BTSG2 prise en la personne de Me [G] [U], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société GROUPE [Localité 9] MATIN, demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE
S.E.L.A.R.L. [A] [V] ET ASSOCIES prise en la personne de Me [A] [V] en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la Société GROUPE [Localité 9] MATIN, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE
Maître [A] [V], administrateur judiciaire, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Denis DEL RIO, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 05 Décembre 2022 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre,
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Février 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Février 2023
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
A compter du 13 juin 2012, M. [I] a fourni à la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin des reportages photos en contrepartie d’une rémunération sous forme d’honoraires dont les relevés portent la mention ‘correspondant local de presse’.
Aucun contrat de travail n’a donc été conclu durant la collaboration de M. [I] qui a cessé le 09 mars 2017.
Le 1er mars 2018, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Nice afin qu’il soit considéré qu’il a bénéficié d’un contrat de travail et qu’il soit dit que la relation de travail était soumise à la convention collective nationale des journalistes ou subsidiairement de l’encadrement de la presse quotidienne régionale.
Le Syndicat national des journalistes est intervenu volontairement à l’instance.
La société Groupe [Localité 9] Matin a in limine litis soulevé l’incompétence matérielle du conseil de prud’hommes en soutenant que M. [I] avait le statut de correspondant local de presse et qu’il était à ce titre travailleur indépendant.
Par jugement rendu le 4 décembre 2018, le conseil de prud’hommes de Nice s’est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé les parties et la cause devant le tribunal de grande instance de Nice.
M. [I] a fait appel du jugement le 31 janvier 2019.
La société Groupe [Localité 9] Matin a été placée sous sauvegarde de justice le 06 mars 2019.
M. [V], en qualité d’administrateur judiciaire, la société AJ partenaires prise en la personne de M. [F] en qualité d’administrateur judiciaire, la SCP [K], prise en la personne de Mme [K] en qualité de mandataire judiciaire, et la SCP BTSG2, prise en la personne de M. [U] en qualité de mandataire judiciaire sont intervenus volontairement à l’instance.
Par arrêt du 12 septembre 2019, la cour d’appel d’appel d’Aix-en-Provence a :
– reçu en leurs interventions volontaires M. [V] en qualité d’administrateur judiciaire, la société AJ partenaires prise en la personne de M. [F] en qualité d’administrateur judiciaire, la SCP [K] prise en la personne de Mme [K] en qualité de mandataire judiciaire et la SCP BTSG2, prise en la personne de M. [U] en qualité de mandataire judiciaire ;
– infirmé le jugement;
– statuant à nouveau dit que la juridiction du travail était compétente pour connaître du différend;
– dit que M. [I] était lié par un contrat de travail ;
– évoqué l’affaire sur le fond;
– renvoyé sur ce point à une audience.
La société le Groupe [Localité 9] Matin, M. [V] en qualité d’administrateur judiciaire, la société AJ partenaires prise en la personne de M. [F] en qualité d’administrateur judiciaire, la SCP [K] prise en la personne de Mme [K] en qualité de mandataire judiciaire, et la SCP BTSG2, prise en la personne de M. [U] en qualité de mandataire judiciaire se sont pourvus en cassation le 15 octobre 2019.
Par jugement rendu le 26 mars 2020, le tribunal de commerce de Nice a arrêté la durée du plan de sauvegarde, désigné la Selarl [A] [V] et associés prise en la personne de M. [V] en qualité de commissaire à l’exécution du plan et a maintenu le mandataire judiciaire pris en la personne de M. [K].
Par arrêt du 29 septembre 2021, la Chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu le 12 septembre 2019 sauf en ce qu’il a reçu en leurs interventions volontaires les organes de la procédure de sauvegarde de justice, et a remis en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée.
La cassation a été encourue en ce que la cour d’appel s’est déterminée sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [I] avait la qualité de correspondant local de presse en sorte qu’il ne pouvait revendiquer l’existence d’un contrat de travail que dans les conditions prévues par l’article L. 7111-3 du code du travail.
Cette cour, désignée comme cour de renvoi, a été saisie par M. [I] suivant déclaration établie le 23 décembre 2021.
L’audience des débats a été fixée au 05 décembre 2022.
Par ses dernières conclusions en date du 25 novembre 2022, M. [I] et le Syndicat national des journalistes demandent à la cour de:
DIRE ET JUGER que Monsieur [N] [I] n’est pas Correspondant Local de Presse;
DIRE ET JUGER que la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN et Monsieur [N] [I] sont liés par un contrat de travail ;
DIRE ET JUGER que Monsieur [N] [I] est Journaliste professionnel et présumé salarié de la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN ;
En conséquence :
INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Nice le 4 décembre 2018, lequel :
s’est déclaré incompétent pour connaitre du litige entre Monsieur [N] [I] et la SAS GROUPE [Localité 9] MATIN ;
a renvoyé la cause et les parties devant le Tribunal de Grande instance de Nice ;
a dit qu’à défaut d’appel le dossier de l’affaire sera transmis par le greffe à la juridiction désignée pour connaitre le litige ;
a dit que les parties conserveront les dépens avancés ;
Et, statuant à nouveau :
DECLARER le Conseil de prud’hommes de Nice compétent ;
DIRE qu’il est d’une bonne administration de la justice d’évoquer le fond du litige ;
En conséquence, et statuant au fond :
A TITRE PRINCIPAL
ORDONNER à la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN de fournir du travail à Monsieur [N] [I] et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt que la Cour se réservera le droit de liquider,
ORDONNER à la société GROUPE [Localité 9] MATIN de verser et maintenir une rémunération mensuelle à Monsieur [N] [I] et à hauteur de 1.159,45 €,
CONDAMNER la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN à verser à Monsieur [N] [I] et subsidiairement, FIXER AU PASSIF de la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN au profit de Monsieur [N] [I] les sommes suivantes :
80 002,05 € à titre de rappels de salaire pour la période allant du 9 mars 2017 au 30 novembre 2022, et 1.159,45 € par mois à compter du 1er décembre 2022 jusqu’à la fourniture effective de travail à Monsieur [N] [I] ;
8 000,20 € à titre de congés payés afférents pour la période allant du 9 mars 2017 au 30 novembre 2022, et 115,94 € de congés payés afférents à compter du 1er décembre 2022 jusqu’à la fourniture effective de travail à Monsieur [N] [I] ;
8 712,89 € à titre de rappels de salaire au titre du 13ème mois pour la période allant du 1er mars 2015 au 30 novembre 2022 et 96,60 € par mois à compter du 1er décembre 2022 jusqu’à la fourniture effective de travail à Monsieur [N] [I] ;
871,28 € à titre de congés payés afférents pour la période allant du 1er mars 2015 au 30 novembre 2022 et 9,60 € par mois à compter du 1er décembre 2022 jusqu’à la fourniture effective de travail à Monsieur [N] [I] ;
À TITRE TRES SUBSIDIAIRE
DIRE ET JUGER que Monsieur [N] [I] a fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNER la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN à verser à Monsieur [N] [I] et subsidiairement, FIXER AU PASSIF de la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN au profit de Monsieur [N] [I] les sommes suivantes :
2 046,05 € au titre rappel de salaire au titre du 13ème mois pour la période du 1er mars 2015 au 9 mars 2017,
204,60 € à titre de congés payés afférents,
2 318, 90 €, et subsidiairement 3.478,35 €, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
231,89 € et subsidiairement 347,83 €, à titre de congés payés afférents,
5.507, 40 €, et subsidiairement 6.463,80 €, au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
20 870 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse nets de toute cotisations sociales et de CSG/ CRDS,
6 956 € nets de toute cotisations sociales et de CSG/ CRDS à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE
CONDAMNER la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN à verser à Monsieur [N] [I] et subsidiairement, FIXER AU PASSIF de la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN au profit de Monsieur [N] [I] la somme de 50.000 € nets de toute cotisations sociales et de CSG/ CRDS à titre de dommages intérêts pour atteinte aux droits d’auteur.
ORDONNER à la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN de procéder au règlement ainsi qu’à la régularisation de l’ensemble des cotisations sociales et des cotisations retraites au bénéfice de Monsieur [N] [I] sous astreinte de 300 € par jour de retard que la Cour se réservera de liquider ;
ORDONNER à la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN de procéder à la remise des bulletins de salaire et de l’attestation Pôle Emploi de Monsieur [N] [I] sous astreinte de 300 € par jour de retard que la Cour se réservera de liquider ;
CONDAMNER la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN à verser à Monsieur [N] [I] et subsidiairement, FIXER AU PASSIF de la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN au profit de Monsieur [N] [I] les sommes suivantes :
10 000 € au titre de dommages et intérêts, nets de toute cotisations sociales et CSG/CRDS, pour privation illicite et inégalitaire des avantages légaux et conventionnels attachés à la qualité de salarié,
3 000 € au titre de dommages et intérêts, nets de toute cotisations sociales et
CSG/CRDS, pour violation de l’obligation conventionnelle et légale de formation,
CONDAMNER la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN à verser à Monsieur [N] [I] et subsidiairement, FIXER AU PASSIF de la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN au profit de Monsieur [N] [I] la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN à verser au SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES et subsidiairement, FIXER AU PASSIF de la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN au profit du SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES la somme de 1 000 € en raison du préjudice subi par l’intérêt collectif de la Profession,
CONDAMNER la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN à verser au SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES et subsidiairement, FIXER AU PASSIF de la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN au profit du SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN aux entiers dépens, de première instance et de renvoi et subsidiairement, LES FIXER AU PASSIF de la société SAS GROUPE [Localité 9] MATIN ;
ORDONNER la capitalisation des intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine du Conseil de prud’hommes de Nice, sur le fondement de l’article 1343-2 du Code civil,
DEBOUTER les intimés de l’ensemble de leurs demandes.
Par leurs dernières conclusions en date du 23 novembre 2022, d’une part la société Groupe [Localité 9] Matin et d’autre part la société [A] [V] et associés prise en la personne de M. [V] en qualité de commissaire à l’exécution du plan, M. [V] en qualité d’administrateur judiciaire, la société AJ partenaires prise en la personne de M. [F] en qualité d’administrateur judiciaire, la SCP [K] prise en la personne de Mme [K] en qualité de mandataire judiciaire et la SCP BTSG2 prise en la personne de M. [U] en qualité de mandataire judiciaire (les organes de la procédure de sauvegarde de justice) demandent à la cour de:
À TITRE PRINCIPAL
CONSTATER que Monsieur [I] n’a pas bénéficié lors de sa relation avec la Société GROUPE [Localité 9] MATIN de juin 2012 à mars 2017 d’appointements fixes ;
CONSTATER que Monsieur [I] ne remplit pas l’ensemble des conditions cumulatives imposées par l’article L.7111-3 du Code du travail ;
CONSTATER que Monsieur [I] n’a pas la faculté de pouvoir solliciter la requalification de sa relation avec la Société GROUPE [Localité 9] MATIN en un contrat de travail;
CONSTATER que Monsieur [I] a la qualité de Correspondant Local de Presse ;
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud’homme de Nice le 4 décembre 2018, lequel avait à juste titre :
Déclaré incompétent pour connaitre du litige entre Monsieur [I] et la SAS GROUPE [Localité 9] MATIN ; Renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal Judiciare de Nice ;
Dit qu’à défaut d’appel le dossier de l’affaire sera transmis par le greffe à la juridiction désignée pour connaitre le litige ;
Dit que les parties conserveront les dépens avancés.
ET PAR CONSÉQUENT
DÉBOUTER Monsieur [I] de l’ensemble de ses fins, demandes et conclusions.
À TITRE SUBSIDIAIRE, et si par extraordinaire la Cour de Céans venait à se déclarer compétente pour statuer sur les demandes de Monsieur [I]
VU l’article L.1224-2 du Code du travail ;
CONSTATER que la relation contractuelle entre Monsieur [N] [I] et la Société GROUPE [Localité 9] MATIN s’est nouée entre le 1er décembre 2014 et le 9 mars 2017.
Et par conséquent
JUGER que les éléments produits par Monsieur [N] [I] pour la période du 13 juin 2012 au 1er décembre 2014 ne sont pas opposables à la Société GROUPE [Localité 9] MATIN;
RETENIR comme éventuelle rémunération de Monsieur [N] [I] une valorisation selon le coefficient d’un photographe A coefficient 100 ;
FAIRE APPLICATION dudit coefficient d’un photographe A coefficient 100 aux seuls actes des piges accomplies,
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE
CONDAMNER Monsieur [N] [I] à la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS
1 – Sur l’existence d’un contrat de travail
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En l’espèce, M. [I] a collaboré avec la société [Localité 9]-Matin devenue la société Groupe [Localité 9]-Matin du 13 juin 2012 au 09 mars 2017 en lui fournissant des reportages photos en contrepartie d’une rémunération.
Il sollicite, par voie d’infirmation du jugement rendu le 04 décembre 2018, de voir juger qu’il a été lié à la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin par un contrat de travail pour un emploi de journaliste professionnel en ce qu’il a été placé sous la subordination du journal lorsqu’il a fourni ses reportages photos.
Pour s’opposer à la demande, les intimés soutiennent que M. [I] a eu la qualité de correspondant local de presse et qu’il a donc été un travailleur indépendant non lié par un contrat de travail.
La cour dit qu’il lui appartient d’abord de vérifier si M. [I] a eu la qualité de correspondant local de presse à l’occasion de sa collaboration avec la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin, et dans l’affirmative de vérifier si les conditions de l’existence d’un contrat de travail de journaliste professionnel prévues par l’article L.7111-3 sont réunies.
1.1. Sur le statut de correspondant local de presse
Le statut de correspondant local de presse est défini par l’article 10 de la loi n°87-39 du 27 janvier 1987, modifiée par la Loi no 93-121 du 27 janvier 1993, qui dispose:
‘I – Le correspondant local de la presse régionale ou départementale contribue, selon le déroulement de l’actualité, à la collecte de toute information de proximité relative à une zone géographique déterminée ou à une activité sociale particulière pour le compte d’une entreprise éditrice.
Cette contribution consiste en l’apport d’informations soumises avant une éventuelle publication à la vérification ou à la mise en forme préalable par un journaliste professionnel. Le correspondant local de la presse régionale et départementale est un travailleur indépendant et ne relève pas au titre de cette activité du 16° de l’article L 311-3 du code de la sécurité sociale ni de l’article L 761-2 du Code du travail.
II – Lorsque le revenu tiré de leur activité n’excède pas 15 p 100 du plafond annuel de la sécurité sociale au 1er juillet de l’année en cours, les correspondants locaux de la presse régionale et départementale visés au I ne sont affiliés aux régimes d’assurance maladie maternité et d’assurance vieillesse des travailleurs non-salariés que s’ils le demandent.
III – Lorsque le revenu tiré de leur activité reste inférieur à 25 p 100 du plafond mentionné au II, les correspondants locaux de la presse régionale et départementale visés au II bénéficient d’un abattement de 50 p 100 pris en charge par l’Etat sur leurs cotisations d’assurance maladie-maternité et d’assurance vieillesse.’
En l’espèce, les intimés soutiennent que M. [I] a collaboré avec la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin sous le statut de correspondant local de presse.
Pour s’opposer au moyen tiré du statut de correspondant local de presse, M. [I] fait valoir d’abord que ce statut doit être écarté en ce qu’il ne correspond pas son activité qui se présentait comme suit:
– il a été intégré au service photo du journal en étant mentionné dans les tableaux de service journaliers et en recevant les notes de service comme les reporters photographes qui étaient titulaires d’un contrat de travail;
– il a réalisé de véritables reportages dont les sujets ont été fixés par la société, et il a participé aux réunions de rédaction, ainsi que cela ressort des tableaux de service quotidiens;
– ses sujets n’ont été soumis à aucune mise en forme préalable par un journaliste professionnel en ce qu’il a personnellement retravaillé les photos avant leur envoi à la rédaction;
– il est intervenu sur toutes les activités sociales recouvrant des sujets très divers ainsi que cela ressort de onze articles que M. [I] verse aux débats;
– il est intervenu sans zone géographique préalablement déterminée ainsi que cela ressort d’un échange de SMS en date des 10 juin 2015, 30 juin 2015 et 19 octobre 2015 qui sont produits aux débats;
– sa collaboration avec le journal a été régulière et permanente;
– il a tiré ‘l’écrasante majorité de ses revenus’ de son activité pour la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin;
– il n’a pas été un travailleur indépendant en ce qu’il exerçait son activité sous la subordination de la société.
Après analyse des pièces versées aux débats par M. [I], la cour relève notamment que celui-ci n’explique pas en quoi les tableaux de service dont il se prévaut, établis durant sa collaboration et versés par lui en pièces n°33 à 38, seraient de nature à justifier d’une part qu’il a réalisé de véritables reportages dont les sujets ont été fixés par la société, et d’autre part qu’il a participé aux réunions de la rédaction.
En effet, il apparaît que lesdites pièces constituent en réalité de volumineuses liasses correspondant à de très nombreux tableaux qui visent à dresser la liste des collaborateurs composant chaque service, dont le service photographe, étant précisé que d’une part M. [I] ne précise pas ce que recouvre le vocable ‘collaborateur’ mentionné dans les tableaux de service (salariés et/ou correspondant local de presse’), et que d’autre part la cour n’a pas trouvé trace, après une analyse des tableaux, de la mention du nom de M. [I] qui d’ailleurs n’indique pas dans quels tableaux son nom serait apposé.
La circonstance que M. [I] a été incorporé à la rédaction du journal n’est donc pas établie de sorte qu’il y a lieu de dire qu’il a apporté au journal des informations en contribuant à la collecte.
De même ne se trouve justifié par aucun élément le fait que les sujets de M. [I] n’étaient pas mis en forme par un journaliste professionnel préalablement à la publication dès lors que l’appelant se borne à:
– renvoyer la cour à deux courriels, établis l’un par M.[M] le 24 octobre 2015 et l’autre par M. [H] le 1er septembre 2015, sans expliquer en quoi ces correspondances sont de nature à établir que dans le cadre de son activité, qui a duré cinq années, aucun journaliste professionnel n’est intervenu sur ses sujets avant la publication;
– se prévaloir d’une attestation de M. [W] qui indique, en sa qualité de journaliste rédacteur au sein de l’agence d'[Localité 8] de la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin, que M. [I] avait le statut de pigiste et qu’il lui était demandé de procéder aux retouches et à l’envoi dans le système éditorial, alors que cette attestation ne se trouve corroborée par aucune pièce.
Et il convient de relever au surplus qu’aucun élément du dossier ne permet de dire que M. [I] a contesté à un quelconque moment de sa collaboration le statut de correspondant local de presse qui lui a été attribué, ainsi que cela ressort de chacun des relevés d’honoraires que la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin a établis et que M. [I] verse aux débats.
Au vu des éléments fournis par M. [I], et au terme de l’analyse à laquelle la cour s’est livrée, il y a lieu de dire que M. [I] ne justifie pas qu’il n’a pas contribué, selon le déroulement de l’actualité, à la collecte de toute information de proximité relative à une zone géographique déterminée ou à une activité sociale particulière pour le compte de la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin, et il n’établit pas plus que sa contribution n’a pas consisté en l’apport d’informations soumises, avant une éventuelle publication, à la vérification ou à la mise en forme préalable par un journaliste professionnel.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. [O] a collaboré avec la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin sous le statut de correspondant local de presse.
Pour s’opposer encore à l’application du statut de correspondant local de presse, M. [I] soutient qu’il lui a été attribué par la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin de manière frauduleuse.
Il n’est pas discuté que les relevés d’honoraires ont été établis au profit de M. [I] en sa qualité de correspondant local de presse.
Force est de constater que M. [I] ne verse aux débats aucun élément de nature à établir la réalité de la fraude alléguée dès lors qu’il se borne à verser aux débats:
– la réponse à la question d’un délégué du personnel en date du 29 mai 2017 mentionnant que le recours à des collaborations en qualité de correspondant local de presse va être strictement encadré;
– un courriel adressé le 12 avril 2018 par M. [O] en qualité ‘photojournaliste’ à Zoran Ilic, dont la qualité n’a pas été précisée par l’appelant, et qui se borne à reproduire un texte présenté comme la réponse à une question d’un délégué du personnel sur le fait que des personnes travaillent en qualité de correspondant local de presse alors qu’elles n’ont aucune autre activité, extrait dont M. [O] reconnaît lui-même dans sa correspondance qu’il ignore la date de ladite réponse.
1.2. Sur l’existence d’un contrat de travail de journaliste professionnel
L’article L.7111-3 du code du travail dispose:
‘Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
Le correspondant, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa.’
L’article L.7111-4 dispose:
‘Sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle.’
Le correspondant local de presse n’est réputé journaliste professionnel que s’il justifie de manière cumulative:
– qu’il reçoit des appointements fixes;
– qu’il tire de son activité, exercée à titre d’occupation principale et régulière, l’essentiel de ses ressources.
Il appartient au correspondant local de presse, sur qui pèse une présomption de non-salariat, de rapporter la preuve de ces deux conditions s’il revendique être titulaire d’un contrat de travail de journaliste professionnel.
En l’espèce, la demande de M. [I] tendant à l’existence d’un contrat de travail s’analyse en une demande de requalification du statut de correspondant local de presse en un contrat de travail de journaliste professionnel dans les conditions de l’article L.7111-3 du code du travail précité.
Dès lors, les développements de M. [I] tendant à faire la démonstration d’un lien de subordination avec la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin pour soutenir l’existence d’un contrat de travail sont sans objet et n’ont donc pas à être examinés.
S’agissant de la condition de perception d’une rémunération fixe nécessaire à l’existence d’un contrat de travail de journaliste professionnel, que M. [I] ne remplit pas selon les intimés, M. [I] fait valoir qu’il convient de faire une interprétation téléologique de l’article L.7111-3 du code du travail en se référant au rapport Brachard qui a précédé l’adoption de la loi Brachard du 29 mars 1935 relative au statut des journalistes professionnels; qu’il en ressort que le correspondant fait partie de la rédaction des journaux locaux et qu’il est donc un véritable et authentique journaliste; qu’il convient de dire que la condition de fixité de la rémunération s’entend en réalité de la périodicité de la rémunération; que l’interprétation souple et non restrictive de l’article L.7111-3 du code du travail est conforme au principe d’égalité à valeur constitutionnelle puisque la qualité de journaliste est sans lien avec les modalités de sa rémunération; que la rémunération de M. [I] a été versée chaque mois de la période de la collaboration durant cinq années; que les sommes versées intégraient une rémunération par photographie en fonction du nombre de points attribués selon ses spécificités, des remboursements de frais et un forfait fixe de 45.75 euros par jour travaillé indépendamment des photographies envoyées et/ou publiées; qu’il a bénéficié d’un salaire fixe garanti auquel s’ajoutaient des journées de travail supplémentaires outre une rémunération calculée en fonction du nombre de photographies parues dans le journal; que la fixité de la rémunération doit s’apprécier sur l’année; que la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin s’est engagée par courrier du 27 septembre 2015 à fournir à M. [I] au moins 10 jours de travail par mois.
M. [I] verse aux débats:
– les relevés d’honoraires mensuels établis du mois d’août 2012 au mois d’avril 2017 (avec la précision que pour l’année 2016 le relevé a été établi à l’année sans distinction des mois), les honoraires étant attachés aux articles et photos fournis ainsi qu’aux frais;
– les relevés de correspondant pour chacune des années 2012 à 2017.
Il en ressort que M. [I] a perçu chaque année des honoraires d’un montant total variable comme suit:
– année 2012: 4 485.17 euros;
– année 2013: 10 686.21 euros;
– année 2014: 9 274.50 euros;
– année 2015: 16 294 euros;
– année 2016: 8 698.76 euros (outre 2 243.40 euros de frais);
– année 2017: 3 763.70 euros.
Et la variabilité dans le montant des honoraires se retrouvent de mois en mois, notamment pour l’année 2014 qui se présente comme suit:
– janvier: néant;
– février: 951.60 euros;
– mars: 876.05 euros;
– avril: 1 777.45 euros;
– mai: 1 430.50 euros;
– juin: 852.40 euros;
– juillet: 586.15 euros;
– août: 193.10 euros;
– septembre: 273.40 euros;
– octobre: 814.95 euros;
– novembre: 700.35 euros;
– décembre: 818.55 euros.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que M. [I] a perçu chaque mois des honoraires dont le montant était variable d’un mois sur l’autre, parfois du simple au double comme de mars à avril en 2014, mais aussi d’une année sur l’autre, cette variation, majeure dans son quantum, reposant sur la nature des travaux fournis (articles et photos) par celui-ci ainsi que sur les frais qu’il a engagés pour l’exécution de ces tâches.
Il s’ensuit que M. [I] ne justifie pas qu’il a perçu une rémunération fixe dans le cadre de sa collaboration avec la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9]-Matin du 13 juin 2012 au 09 mars 2017.
Ainsi, une des conditions de la requalification du statut de correspondant local de presse en contrat de travail de journaliste professionnel fait défaut.
En conséquence, M. [I] est mal fondé en sa demande tendant à l’existence d’un contrat de travail de journaliste professionnel avec la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9]-Matin.
Dans ces conditions, la cour, infirmant le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 04 décembre 2018 qui s’est déclaré incompétent pour connaître du litige et qui a renvoyé l’affaire devant le tribunal de grande instance de Nice, dit que M. [I] n’a pas été lié à la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin par un contrat de travail et rejette les demandes au titre de l’existence d’un contrat de travail.
2 – Sur la demande du Syndicat national des journalistes
En vertu de l’article L.2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels peuvent agir en justice pour obtenir la réparation d’un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.
En l’espèce, le Syndicat national des journalistes sollicite des dommages et intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession en ce que la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin a imposé frauduleusement à M. [I] le statut de correspondant local de presse et l’a ainsi privé des droits attachés à la qualité de journaliste professionnel dont il a bénéficié.
Comme il a été précédemment dit, d’une part M. [I] a collaboré avec la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin sous le statut de correspondant local de presse sans qu’aucune fraude n’ait été établie à cette occasion, et d’autre part M. [I] n’a pas été lié à la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin par un contrat de travail.
Dans ces conditions, la cour dit que la demande indemnitaire du Syndicat national des journalistes n’est pas fondée de sorte qu’ajoutant au jugement déféré, qui a omis de statuer sur ce chef, la cour la rejette.
3 – Sur les demandes accessoires
Les dépens, suivant le principal, seront supportés par M. [I].
L’équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS ,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nice le 04 décembre 2018 en toutes ses dispositions,
STATUANT à nouveau et Y AJOUTANT,
DIT que M. [I] a collaboré avec la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin sous le statut de correspondant local de presse,
DIT que M. [I] n’a pas été lié à la société [Localité 9] Matin devenue la société Groupe [Localité 9] Matin par un contrat de travail,
REJETTE l’intégralité des demandes de M. [I] au titre de l’existence d’un contrat de travail,
REJETTE la demande de dommages et intérêts du Syndicat national des journalistes,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [I] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT