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COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 23 FEVRIER 2018
N°2018/104
Rôle N° 15/22747
[G] [J] épouse [M]
C/
[T] [O]
[X] [P]
CGEA AGS DE MARSEILLE DELEGATION REGIONALE UNEDIC AGS SUD EST
Grosse délivrée le :
à :
Me Olivier KUHN-MASSOT, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Jean-claude BENSA, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE – section E – en date du 10 Décembre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 15/237.
APPELANTE
Madame [G] [J] épouse [M], demeurant [Adresse 1]
comparante en personne, assistée de Me Olivier KUHN-MASSOT, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [T] [O], es qualité de liquidateur judiciaire de la Société d’Edition et d’Impression du Languedoc Provence Côte d’Azur (SEILPCA) exerçant à l’enseigne LA MARSEILLAISE, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean-claude BENSA, avocat au barreau de MARSEILLE
Maître [X] [P], ès qualités d’administrateur judiciaire de la SA SEILPCA – LA MARSEILLAISE, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Jean-claude BENSA, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE INTERVENANTE
CGEA AGS DE MARSEILLE DÉLÉGATION RÉGIONALE UNEDIC AGS SUD EST, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 08 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Nathalie FRENOY, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Nathalie FRENOY, Conseiller
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Février 2018 et prorogé au 23 février 2018
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Février 2018
Signé par Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame [G] [J] a été engagée par la SOCIETE D’EDITION ET D’IMPRESSION DU LANGUEDOC PROVENCE COTE D’AZUR (SEILPCA), société d’édition publiant depuis 1987 le journal ‘La Marseillaise’, par contrat de travail à durée déterminée en date du 1er août au 30 septembre 1995, en qualité d’employée de rédaction. Deux autres contrats de travail à durée déterminée ont été conclus l’affectant au poste de rédactrice stagiaire remplaçante, l’un en date du 9 février 1996 prenant effet au 12 janvier précédent, et l’autre en date du 26 juin 1996, pour la période comprise entre le 1er juillet et le 31 décembre 1996. Les relations contractuelles se sont poursuivies au-delà de cette date.
Madame [J] a obtenu la qualité de journaliste rédacteur 2ème échelon à compter du 1er juillet 1996.
Le tribunal de commerce de Marseille a ouvert par jugement du 24 novembre 2014 une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SEILPCA, laquelle a abouti à sa cession à la société Les Editions des Fédérés par jugement du 15 avril 2015.
Le contrat de travail de Madame [J] devenue épouse [M] a été transmis au cessionnaire à compter du 16 avril 2015. La SEILPCA a été mise en liquidation judiciaire le 2 décembre 2015.
Madame [M] a saisi le 28 janvier 2015 le conseil de prud’hommes de Marseille qui, par jugement du 10 décembre 2015, a
-débouté la salariée de sa demande de requalification,
-condamné la société SEILPCA à lui verser 1 774,49 euros à titre de rappel de prime de transport,
-débouté la salariée de ses autres demandes,
-fait masse des dépens et dit que chacune des parties les assumera par moitié,
-dit que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées à l’article L3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L3253-19 et L3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, et payables sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L3253-20 du code du travail,
-dit que le jugement d’ouverture de la procédure collective a entraîné l’arrêt des intérêts légaux et conventionnels.
Le 16 décembre 2015, Madame [M] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Dans ses conclusions soutenues oralement, l’appelante demande à la cour de:
-réformer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a fixé à 1774,49 euros le complément de prime de transport, sur le fondement de l’accord d’étape sur les salaires des ouvriers, employés, journalistes et encadrement de la presse quotidienne régionale du 11 juin 2008,
-dire qu’au cours des cinq années non prescrites, elle a travaillé pour la SEILPCA en qualité de reporter 2ème échelon,
-fixer son rappel de salaire à 71’263,63 euros bruts et 6 003,19 € bruts de congés payés afférents, cette somme étant ainsi répartie :
*2 638,35 euros bruts pour 2009, outre 263,83 euros bruts de congés payés afférents,
*12’457,07 euros pour 2010 et 124,57 euros de congés payés,
*13’309,92 euros pour 2011 et 1330,99 euros de congés payés,
*12’972,39 euros pour 2012 et 129,72 euros de congés payés,
*12’965,41 euros pour 2013 et 129,65 euros de congés payés,
*12’755,12 euros pour 2014 et 127,55 euros de congés payés,
*4 165,44 euros pour 2015 et 416,54 euros de congés payés,
-ordonner la remise de bulletins de salaire conformes,
-fixer à une somme de 18’000 € le préjudice de retraite subi du fait d’une part, de la minoration des cotisations versées aux caisses de retraite, et d’autre part, de l’application de la déduction forfaitaire spéciale de l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts en dehors des conditions de l’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002,
-fixer à une somme de 10’000 € les dommages et intérêts réparant le préjudice subi du fait de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail,
-dire opposable au CGEA la décision à intervenir.
Aux termes de ses écritures développées à l’audience, Maître [O] en sa qualité de mandataire liquidateur de la SEILPCA, demande que la cour:
-dise que le délai de prescription concernant le rappel de salaire est de trois ans,
-constate que Madame [M] n’a jamais contesté avoir exercé des fonctions de rédacteur 2ème échelon,
-constate que Madame [M] ne rapporte aucun élément de preuve faisant état de l’exercice de fonctions de reporter 2ème échelon,
-confirme le jugement ayant débouté Madame [M] de l’ensemble de ses demandes de requalification de son poste de rédacteur 2ème échelon au poste de reporter 2ème échelon,
-confirme le jugement ayant débouté Madame [M] de toute demande de rappel de salaire au titre du poste de reporter 2ème échelon,
-confirme le jugement en ce qu’il a jugé que la créance de Madame [M] sera fixée au passif de la SEILPCA à hauteur de 1774,49 euros à titre de rappel de prime de transport,
-confirme le jugement en ce qu’il a débouté Madame [M] de sa demande de perte de droit à la retraite et de sa demande d’indemnité pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,
-déboute Madame [M] du surplus de ses demandes en cause d’appel,
-la condamne à lui payer 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
et à prendre en charge les dépens en cause d’appel.
L’UNEDIC, délégation AGS CGEA de Marseille, mise en cause sur le fondement de l’article 625-1 du code de commerce demande à la cour de:
-de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
-de lui donner acte de ce qu’il s’en rapporte sur le fond à l’argumentation développée par le mandataire judiciaire,
-en tout état, rejeter les demandes infondées et injustifiées et ramener à de plus justes proportions les indemnités susceptibles d’être allouées au salarié,
-dire que la décision à intervenir ne pourra que prononcer une fixation au passif de la procédure collective en vertu de l’article L622-21 du code du commerce et dire qu’il sera fait application des dispositions légales relatives:
*aux plafonds de garantie (articles L3253-17 et D3253-5 du code du travail) qui incluent les cotisations et contributions sociales et salariales,
*à la procédure applicable aux avances faites par l’AGS (article L3253-20 du code du travail),
*aux créances garanties en fonction de la date de leur naissance (article L3253-8 du code du travail),
-rejeter la demande de condamnation sous astreinte et en tout état, la déclarer inopposable à l’AGS CGEA,
-déclarer inopposable à l’AGS CGEA l’éventuelle condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-dire que le jugement d’ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la reclassification:
[G] [J] épouse [M] soutient qu’elle a exercé des fonctions de reporter 2ème échelon, coefficient 155, faisant de façon régulière des reportages et des enquêtes dont l’intérêt débordait le cadre local ou régional, alors qu’elle était considérée et rémunérée comme rédacteur 2ème échelon. Elle réclame, en fonction des barèmes minima des salaires des journalistes de la presse quotidienne régionale et de son ancienneté dans l’entreprise et dans la profession, un arriéré de salaire de 71’263,70 euros pour la période courant du 1er novembre 2009 ( compte tenu de la prescription quinquennale applicable et de la date de saisine de la formation de référé du conseil de prud’hommes de Marseille en novembre 2014) au 15 avril 2015, ainsi que les congés payés afférents à hauteur de 6003,19 €.
Maître [O] ès qualités soutient qu’en l’état de la prescription triennale applicable au 17 juin 2013, les rappels de salaire ne peuvent être sollicités qu’à compter de la date de transfert du contrat de travail et conclut que les demandes pour la période d’avril 2009 à avril 2012 sont prescrites.
Il souligne par ailleurs que les articles rédigés par Madame [M] – qui n’a pas fait d’études dans une école de journalisme – ont un lien avec Marseille et sa région, que ce soit au titre de l’Olympique de Marseille ou d’événements sportifs régionaux, la salariée ne se déplaçant pas en dehors de la région et n’assistant pas aux matches de l’OM hors domicile, se contentant de comptes rendus de manifestations courantes locales et régionales, tâches incombant à un rédacteur 2ème échelon. Il relève par ailleurs qu’aucun quotidien national n’a repris les articles de l’appelante, qui s’est déplacée, de façon non régulière, pour couvrir des événements nationaux voire internationaux non à l’initiative de son employeur ‘ La Marseillaise’- qui n’avait pas les moyens de les financer- mais en tant que pigiste, pourvoyant à ses déplacements par des financements extérieurs au journal. Le mandataire liquidateur fait valoir que la salariée n’a jamais revendiqué une activité de reporter, ni contesté ses bulletins de salaire pendant 16 ans d’activité au sein de la SEILPCA.
Le CGEA a fait sienne l’argumentation du mandataire liquidateur représentant l’employeur.
Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure, de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.
Déterminer la classification dont relève un salarié suppose donc l’analyse de la réalité des fonctions par lui exercées, au vu des éléments produits par les parties, et leur comparaison avec la classification de la convention collective nationale applicable.
Les mentions portées sur le bulletin de paie ou l’attribution d’un salaire nettement supérieur au salaire minimum correspondant à l’emploi exercé ou même les mentions du contrat de travail ne sont que des indices, non déterminants à eux seuls.
Les parties s’accordent sur l’application à l’espèce du livret SNJ du journaliste, selon lequel la définition des fonctions de reporter 2ème échelon (coefficient 155) correspond à un ‘journaliste expérimenté, assurant régulièrement des reportages et enquêtes dont l’intérêt déborde le cadre local ou régional’ alors que le rédacteur 2ème échelon (coefficient 120) ‘est le journaliste qui au centre d’édition ou dans une agence donne une forme journalistique aux communiqués et informations de correspondants transmis à la rédaction ou qui assure le compte rendu des manifestations courantes locales ou régionales’.
L’appelante produit au soutien de sa demande, année par année, de 2009 à 2014, la liste de tous les articles écrits par elle, son press book, l’attestation de sa participation à la couverture des jeux olympiques de Sydney de septembre à octobre 2000, l’attestation de [N] [T] vantant ses choix rédactionnels et plus généralement ses qualités professionnelles lui faisant mériter ‘amplement le statut de reporter’, des photocopies de diverses cartes de presse et accréditations à son nom auprès de manifestations sportives, des photographies de personnalités en sa compagnie, son curriculum vitae, la photocopie du prix régional ‘ femmes et sport’ qui lui a été remis le 2 juin 2005, un article du 3 janvier 2002 sur le prix ‘ [S] [X]’ qui lui a été remis le 15 janvier 2002 pour un article intitulé ‘Quand Fischer raconte [Z]’, divers comptes rendus rédigés pour l’AFP ainsi que la photocopie de plusieurs articles écrits par elle sur des personnalités célèbres dans le monde footballistique notamment.
À la lecture des pièces produites, il est manifeste que [G] [J] épouse [M], eu égard à son ancienneté et à son expertise dans le domaine sportif, footballistique notamment, peut valablement revendiquer être une journaliste expérimentée.
Il n’est pas contesté par ailleurs que certains des articles produits aux débats – parmi lesquels des écrits dans lesquels elle se présentait comme ‘ collaboratrice’-, ont été rédigés par [G] [J] en sa qualité de conseil en communication, activité exercée à titre individuel, ou en qualité de pigiste pour d’autres organes de presse que la SEILPCA, dont le quotidien n’avait lui-même qu’une portée locale ou tout au plus régionale.
Si le talent et le savoir-faire de [G] [J], reconnus compte tenu des attestations et commentaires versés au débat, ont été consacrés notamment par deux prix, ces récompenses sont indifférentes dans l’appréciation du périmètre de l’intérêt de son travail, puisque le prix ‘[S] [X]’, du nom de l’une des premières femmes journalistes sportives, de l’Humanité, tragiquement disparue, décerné par [D] [E] est un prix du ministère des sports et le second ‘ Femmes et Sport’ obtenu en 2005 est un prix régional, décerné par la direction de la jeunesse et des sports de la région PACA.
Par ailleurs, s’il est manifeste que [G] [J] assurait le compte rendu des manifestations sportives locales ou régionales, effectuant des reportages et enquêtes diverses dans le domaine du football mais aussi relativement à d’autres sports, force est de constater que le nombre de comptes rendus rédigés pour l’AFP ( soit 7 produits au débat de 2007 à 2011) est réduit, qu’elle n’assurait pas pour le journal ‘La Marseillaise’, de façon régulière, des reportages et enquêtes d’intérêt national ou international; en effet, à la lecture des différents articles constitutifs de comptes rendus, non seulement il n’est pas établi qu’elle suivait toutes les manifestations sportives de son sport de prédilection au niveau national et international, ni tous les matches de l’équipe de football de Marseille se produisant hors de la région, ni que tous les articles écrits relativement à l’OM aient un intérêt plus large que régional, mais encore les articles qu’elle a rédigés à intérêt national, à raison généralement de la célébrité de personnalités marseillaises interviewées ou de sujets ayant un lien avec Marseille et sa région, ne sont pas suffisamment réguliers pour en tirer la démonstration qu’elle exerçait en réalité, de façon permanente, dans le cadre de ses activités au sein de ‘La Marseillaise’ les fonctions de reporter 2ème échelon.
Il convient de relever que l’appelante ne revendique aucune fonction intermédiaire entre celles de reporter 2ème échelon et celles de rédacteur 2ème échelon pour lesquelles elle était rémunérée.
Il y a donc lieu, par confirmation du jugement entrepris, de rejeter la demande de rappel de salaire correspondant à cette revendication catégorielle.
Sur le complément de prime de transport :
[G] [J] épouse [M] fait valoir que l’indemnité de transport qui lui a été versée n’a jamais varié, restant depuis 2004 à 3,51 euros par mois. Elle revendique l’application de l’accord d’étape sur les salaires des ouvriers, employés, journalistes et encadrement de la presse quotidienne régionale du 11 juin 2008 prévoyant une prime portée à 33 € par mois à compter du 1er juillet de la même année et réclame la somme de 1774,49 euros de rappel à ce titre, pour la période de novembre 2009 à novembre 2014.
Compte tenu de la position du mandataire liquidateur et du CGEA à ce sujet, il convient d’accueillir cette demande à hauteur de la somme réclamée, qui correspond aux droits de la salariée, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur le préjudice au titre de la retraite :
[G] [J] épouse [M] soutient avoir subi un préjudice de retraite du fait qu’elle n’a jamais été payée aux minima conventionnels et du fait de l’application par son employeur de la déduction forfaitaire spécifique (DFS) sur les salaires qu’elle a perçus. Estimant à 75 € de pension de retraite par mois le montant de la chance ainsi perdue, elle réclame des dommages et intérêts à hauteur de 18’000 € correspondant à ses points de retraite calculés à hauteur des trimestres obtenus (jusqu’en avril 2015) pour une retraite d’une durée estimée à 20 ans.
Le mandataire liquidateur fait valoir que la salariée, ayant travaillé huit ans avant de rentrer au service de la SEILPCA, ne saurait soutenir subir un préjudice de retraite pour les années antérieures, qu’âgée de 47 ans, elle n’est pas encore en droit de bénéficier de sa retraite et que son préjudice n’est pas certain, né, ni actuel. En ce qui concerne l’application de la déduction forfaitaire, il souligne que la salariée n’a jamais émis une quelconque contestation, ni remis en cause ce dispositif, dont elle a pu bénéficier en ne payant qu’un impôt sur le revenu réduit à 70 % et d’une absence de cotisations salariales sur une partie ( 30 %) de son salaire considérée comme frais professionnels.
Il conclut donc au rejet de la demande et à la confirmation du jugement de première instance à ce titre.
Le CGEA a fait sienne l’argumentation du mandataire liquidateur représentant l’employeur.
Il a été vu que c’est à tort que [G] [J] a revendiqué des rappels de salaire correspondant aux minima conventionnels applicables aux fonctions de reporter 2ème échelon et que nonobstant des développements relatifs, dans ses conclusions, au non-respect des minima conventionnels applicables à son statut de rédacteur 2ème échelon, l’appelante n’a formulé aucune demande, même subsidiaire, sur ce fondement; elle ne saurait donc revendiquer aucun préjudice de retraite à ce titre, ni du point de vue du régime général, ni des régimes complémentaires.
En ce qui concerne l’application de la déduction forfaitaire spécifique permise par l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts, elle est soumise à l’accord des journalistes concernés, en vertu de l’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles.
S’il n’est justifié par la SEILPCA ou son représentant d’aucun accord exprès de [G] [M] [J] pour cette déduction forfaitaire spécifique, l’appelante, qui se contente d’invoquer la diminution de ses droits à retraite au régime de base sans faire la balance avec l’avantage non négligeable dont elle a bénéficié parallèlement grâce au taux réduit de cotisations et de fiscalité, ne démontre aucun préjudice certain et actuel, ne proposant que des projections pour sa retraite future.
La demande d’indemnisation présentée, qui suppose la caractérisation d’un préjudice, doit donc être rejetée, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail:
Madame [M] [J] fait valoir que son contrat de travail a été exécuté de mauvaise foi par son employeur SEILPCA
-qui ne lui a pas payé ses heures de nuit: elle invoque l’article 30 de la convention collective nationale des journalistes et la couverture des matches de l’OM commençant habituellement à 21 heures pour se terminer à 23 heures, sauf prolongation,
– qui ne lui a donné aucune possibilité de promotion professionnelle, alors qu’elle avait posé sa candidature au poste de chef de service des sports en 2006, en 2009 et en 2014 et qu’aucune raison valable ne lui a été donnée pour justifier ce refus,
– qui est à l’origine de la minoration des indemnités journalières de sécurité sociale perçues, puisqu’il n’est pas possible de prendre en compte a posteriori un rappel de salaire pour obtenir un complément d’IJSS,
– qui a pratiqué une retenue illicite (1239,96 euros) sur son salaire en avril 2015, en compensation d’un trop-perçu correspondant à un complément d’IJSS indû pour la période du 12 au 28 janvier 2015, sans respecter les limites de la fraction saisissable du salaire, retenue ayant causé le rejet de divers prélèvements induisant des pénalités de retard et la nécessité de souscrire un prêt pour s’en acquitter.
Le mandataire liquidateur, en sa qualité de représentant de la société SEILPCA, conclut au rejet de la demande, rappelant les dispositions de l’article 29 de la convention collective des journalistes et relevant l’absence de demande de la salariée relativement à un travail de nuit, dont la régularité n’est pas démontrée, niant toute discrimination et faisant valoir, relativement à la retenue sur salaire, que la société LES EDITIONS DES FEDERES a normalement versé le salaire dû pour la période du 15 au 30 avril 2015 et que les tracas bancaires de mai et juin 2015 ne sauraient résulter de la retenue litigieuse correspondant à un trop- perçu d’IJSS du mois de janvier précédent.
Le CGEA a fait sienne l’argumentation du mandataire liquidateur représentant l’employeur.
le travail de nuit :
Selon l’article 29 alinéas 2 et 3 de la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976 étendue, ‘ les parties reconnaissent que les nécessités inhérentes à la profession ne permettent pas de déterminer la répartition des heures de travail ; le nombre de ces heures ne pourra excéder celui que fixent les lois en vigueur sur la durée du travail.
Les dérogations exceptionnelles rendues nécessaires par l’exercice de la profession et les exigences de l’actualité donneront droit à récupération’.
Selon l’article 30 du même texte, ‘ le travail de nuit donnera lieu à une rémunération supplémentaire de 15 % du salaire du barème, calculée au prorata du temps passé entre 21 heures et 6 heures du matin pour les journalistes professionnels finissant leur travail après 23 heures.
La prime est attachée à la fonction et fera l’objet d’une mention spéciale sur le bulletin de paie.
Pour la presse hebdomadaire et périodique et pour les stations de radio, le travail de nuit sera compensé soit en temps, soit en salaire.
Ne bénéficient pas de cette prime de nuit :
– les reporters qui ne répondent pas au caractère de régularité dans le travail de nuit ;
– les sténographes-rédacteurs lorsqu’ils possèdent un statut particulier ;
– les courriéristes, critiques, reporters théâtraux, dont la fonction est, par essence, du soir ;
– la rubrique des tribunaux (chroniqueurs, rédacteurs, informateurs) ;
– les préfecturiers, séanciers, rédacteurs municipaux ;
– les rédacteurs détachés seuls en poste’.
Bien que couvrant des matches de football pouvant avoir lieu au-delà de 21 heures, Madame [J] épouse [M] ne rapporte pas la preuve de l’absence de toute récupération à ce titre, ni d’un travail de nuit régulier lui permettant de bénéficier de la prime prévue par ce texte.
Aucun manquement ne saurait donc être reproché à la SEILPCA à ce titre.
la minoration des IJSS:
Aucune minoration des indemnités journalières de sécurité sociale ne saurait être invoquée en l’espèce, la demande de repositionnement salarial de la salariée ayant été rejetée, aucune demande de rappel de salaire en vertu des minima conventionnels n’ayant été formulée et lesdites indemnités ayant été calculées sur le salaire effectivement perçu.
la retenue sur salaire:
En ce qui concerne la retenue sur le salaire du mois d’avril 2015, force est de constater qu’elle a pour cause un trop-perçu d’IJSS en janvier 2015 mais aussi le transfert du contrat de travail au 15 avril à la société LES EDITIONS DES FEDERES.
Dans la mesure où la réalité d’un trop-perçu n’est pas contestée, où le dépassement de la fraction saisissable du salaire n’est pas démontré, où le lien de causalité entre cette retenue et les rejets de prélèvements bancaires d’avril, mai et juin 2015 n’est pas fait puisque pour les premiers, ils datent du milieu du mois et ne sont donc pas concomitants au versement du salaire et puisque pour les autres, le salaire de la seconde moitié du mois d’avril a été pris en charge par le nouvel employeur, aucun manquement de la société SEILPCA n’est établi.
l’absence de promotion:
[G] [J] épouse [M] rappelle que malgré la reconnaissance de ses pairs et sa grande expérience, elle s’est vue refuser le poste de chef de service des sports à plusieurs reprises, sans qu’aucune raison valable n’ait jamais été avancée pour justifier ce refus.
Selon l’article L1132-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, ‘aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article premier de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap’.
L’article L1134-1 du code du travail dans sa version applicable au litige prévoit que ‘lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’
[G] [J] épouse [M], qui invoque une discrimination liée au sexe, produit notamment sa lettre de candidature au poste de chef de service des sports du 18 mai 2009, les attestations de [R] [U] et de [N] [T] vantant ses qualités professionnelles et sa grande motivation, l’attestation d'[H] [K] affirmant que l’appelante, membre de l’Union des Journalistes Sportifs, ‘ a tenu son rôle avec beaucoup de pugnacité. Ce n’est pas simple en tant que femme d’être considérée et respectée dans le monde du sport, surtout comme journaliste femme dans un milieu d’hommes’, sa lettre de candidature du 10 juillet 2014, son courrier du 3 octobre 2014 reprochant à la direction de la SEILPCA de ne pas avoir répondu à ses demandes officielles de promotion et dénonçant une discrimination à son encontre, le courriel du 6 mai 2014 de [L] [H] faisant part de sa décision de décliner l’offre de devenir responsable du service des sports, un certificat médical du Docteur [C] en date du 12 février 2015 faisant état que la patiente exprimait lors d’une consultation le 5 décembre 2014 ‘ une souffrance au travail avec un vécu douloureux sur le plan psychologique où elle exprimait un sentiment de dégradation (‘ refus de reconnaissance de ses pairs[…]’ ‘sentiment de brimades et d’affectation à des tâches subalternes’)’.
L’appelante présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte à son encontre.
Le représentant de la société SEILPCA nie toute discrimination, relève qu’il n’est pas justifié de la transmission ou de la remise en mains propres à l’employeur des courriers de réclamation et de candidature invoqués par la salariée, qu’aucune discrimination des femmes ne peut être avancée dans la mesure où le poste de secrétaire général de rédaction est tenu par une femme depuis 2005 et qu’aucune dénonciation n’a été faite par l’appelante aux institutions représentatives du personnel, en cours de relation contractuelle.
S’il n’est pas justifié de l’envoi des courriers de candidature de [G] [J], force est de constater que le mandataire liquidateur ne conteste pas que la SOCIETE D’EDITION ET D’IMPRESSION DU LANGUEDOC PROVENCE COTE D’AZUR les ait reçus.
L’argument selon lequel le poste de secrétaire général de rédaction est occupé par une femme depuis 2005 est inopérant en l’espèce, l’appelante n’ayant pas postulé à ces fonctions.
Aucun élément n’est versé au débat pour démontrer que la candidature de l’appelante a été analysée avec objectivité et rejetée pour des motifs pertinents et étrangers à toute discrimination, alors qu’elle évoquait le milieu masculin et misogyne depuis 2009, que lors du remplacement de [Q] [V] au poste de responsable du service des sports, aucune offre ne lui a été faite parallèlement à celle déclinée par [L] [H], qu’en juillet 2014, elle était pourtant la plus ancienne du service des sports, que ses compétences, louées par des collègues et confrères, n’ont jamais été critiquées par la direction, qu’elle avait rédigé un projet de fonctionnement du service pour se ‘battre à armes égales’ avec un autre de ses collègues pressenti pour ces fonctions, qu’elle n’a jamais été reçue par la direction consécutivement à ses candidatures formalisées à un poste qui n’a pas fait l’objet d’ouverture officielle de candidature.
Un manquement de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail, préjudiciable à la salariée freinée dans son évolution professionnelle, salariale et à l’origine d’un vécu douloureux considéré comme une souffrance au travail, est donc constitué en l’espèce.
Il convient donc, par infirmation du jugement entrepris de ce chef, d’accueillir la demande de dommages- intérêts à hauteur de 8000 €.
Sur la garantie de l’AGS :
Il convient de rappeler que l’obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l’AGS, de procéder à l’avance des créances visées aux articles L3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L3253-19 et L3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L3253-17 et D3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L 3253-20 du code du travail.
Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l’AGS et au CGEA de Marseille.
Sur les intérêts:
Comme le sollicite le CGEA de Marseille, il convient de rappeler que le jugement d’ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (article L622-28 du code de commerce).
Sur les frais irrépétibles et les dépens:
L’équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
La liquidation judiciaire de la SOCIETE D’EDITION ET D’IMPRESSION DU LANGUEDOC PROVENCE COTE D’AZUR devra les dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Confirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions rejetant la demande d’indemnisation pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et en ses dispositions relatives aux dépens, en précisant toutefois que le rappel de prime de transport doit être fixé au passif de la SEILPCA,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Fixe les créances de [G] [J] épouse [M] au passif de la SOCIETE D’EDITION ET D’IMPRESSION DU LANGUEDOC PROVENCE COTE D’AZUR aux sommes de
– 1 774,49 euros à titre de rappel de prime de transport,
– 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,
Rappelle que le jugement d’ouverture de la procédure collective de la SOCIETE D’EDITION ET D’IMPRESSION DU LANGUEDOC PROVENCE COTE D’AZUR a opéré arrêt des intérêts légaux et conventionnels,
Dit la présente décision opposable au CGEA-AGS de Marseille,
Dit que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées à l’article L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L3253-19 et L3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L3253-17 et D3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L3253-20 du code du travail,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Laisse les dépens d’appel à la charge de la liquidation judiciaire de la SOCIETE D’EDITION ET D’IMPRESSION DU LANGUEDOC PROVENCE COTE D’AZUR.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
David MACOUIN faisant fonction