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SOC.
CGA
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 juin 2017
Rejet non spécialement motivé
Mme X…, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Décision n° 10723 F
Pourvoi n° Z 16-10.413
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. Patrick Y…, domicilié […],
contre l’arrêt rendu le 10 novembre 2015 par la cour d’appel de Nancy (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société Solvay carbonate France, société par actions simplifiée, dont le siège est […],
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 22 mai 2017, où étaient présents : Mme X…, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Z…, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, M. A…, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Richard, avocat de M. Y…, de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Solvay carbonate France ;
Sur le rapport de M. Z…, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-sept. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. Y…
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Monsieur Patrick Y… de ses demandes tendant à voir juger que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et à voir condamner la Société SOLVAY CARBONATE FRANCE à lui payer la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE les termes de la lettre de licenciement fixent le cadre du litige soumis à l’appréciation des juges du fond auxquels il incombe de s’assurer du caractère objectif, précis et vérifiable du ou des griefs énoncés et d’en apprécier la gravité ; qu’en l’espèce, la SAS Solvay Carbonate France fonde exclusivement le licenciement de son salarié sur la vidéo diffusée lors de la cérémonie des Trophées Innovation et Sécurité du 31 mai 2012, devant environ 120 personnes, mettant en scène le personnage de Dominique E…, lors d’une interview, dont la voix a été doublée par Patrick Y…, interviewé, pour les besoins de la cérémonie par une jeune stagiaire, en alternance, dans l’entreprise ; que l’employeur a considéré « particulièrement déplacée et choquante » cette vidéo « aux propos et à l’esprit inconvenant en totale opposition avec les valeurs défendues par l’entreprise, notamment en matière de respect des personnes et en particulier à l’égard des femmes », rendant indispensable la présentation d’excuses auprès des salariés et des parties extérieures à l’entreprise, qui ont assisté à sa diffusion ; que de plus, l’employeur fait grief à Patrick Y… de ne pas avoir fait valider, s’il l’avait souhaité, ces messages et supports de communication par l’employeur, et de ne pas avoir fait visionner cette vidéo, avant diffusion, par les membres du groupe de travail ; que sur le contenu de la vidéo d’une durée de 5 minutes, dont il n’est pas contesté qu’elle constituait l’une des huit animations prévues lors de la cérémonie des Trophées du 31 mai 2012, l’employeur, dans la lettre de licenciement relève particulièrement six points qui, contrairement à ce que tente de soutenir Patrick Y…, ne constituent pas autant de griefs mais six illustrations du caractère déplacé et choquant de cette vidéo, qu’il énonce ; que dans le cadre de son délibéré, la Cour a pu visionner à plusieurs reprises cette vidéo ; que dans ses écritures, Patrick Y… soutient qu’elle devait servir de support au traitement de “l’innovation en équipe pluridisciplinaire ” ; que toutefois, en évoquant, dès le début de l’interview, le nombre de femmes salariées de l’entreprise intervenant dans le secteur de l’innovation, qui “donnent des idées”, évoquant au fil de l’interview, le recours à des entreprises extérieures pour la fabrication de chaînes, la dotation des salariés de fauteuils Emmanuelle (par référence évidente, dans l’esprit collectif, au film érotique auquel est associé ce type de fauteuil, en rotin), de vêtements en cuir, pour ces matériels meubler et équiper les salariés oeuvrant, ensemble, dans un atelier central, rebaptisé ” les nuits blanches “, cette vidéo évoquait, comme énoncé par l’employeur, ” le principe de traitement de l’innovation en équipe pluridisciplinaire…comme des pratiques sexuelles de groupe… le vocabulaire suggestif employé pour décrire l’atelier central du secteur maintenance… faisant référence sans aucune ambiguïté à une maison close… outre les sous-entendus, allusions, métaphores à caractère sexuel utilisés… ” ; que pour s’en défendre, Patrick Y… fait état de son côté humoristique, décalé, dont il est coutumier, rappelant que cette vidéo devait être appréciée au second degré et non au premier, comme l’a fait son employeur ; que pour témoignage de l’humour décalé dont il peut être coutumier, il produit aux débats de multiples plaquettes internes qu’il a pu diffuser précédemment, ou une vidéo de son employeur effectuant une course en sac, dans un sac en plastique, que l’employeur n’a jamais entendu sanctionner ; qu’au décours de ses 91 pages de conclusions, se prévalant d’un principe préalable à toute innovation, selon lequel ” idées farfelues, bienvenue”, Patrick Y… soutient que cette vidéo ne présente aucun caractère choquant et ne justifiait pas l’ampleur que lui a donnée l’employeur ; que toutefois cette notion de ” farfelu “, que le dictionnaire définit comme correspondant à quelque chose de “fantasque, extravagant, un peu fou ” intègre une notion de fantaisie et de légèreté auxquelles ne peuvent s’appliquer, au premier ou au second degré, les dialogues que Patrick Y… ne conteste pas avoir écrit, pour caractériser ” l’innovation en équipe pluridisciplinaire ” présentée dans la vidéo diffusée lors de la cérémonie des Trophées ; qu’indépendamment de l’impact sur les participants du visionnage de cette animation, nécessairement empreint de subjectivité, quant au caractère choquant ou non de cette vidéo, il n’est pas sérieusement contestable que le thème qu’elle aborde, compte tenu de la nature de l’activité développée par la SAS Solvay Carbonate France est non seulement décalé, comme revendiqué par Patrick Y…, mais aussi totalement déplacé ;que d’ailleurs, dans l’attestation qu’elle produit aux débats, la “journaliste” interviewant Dominique E…, en réalité stagiaire dans l’entreprise, rappelle qu’elle a été gênée et qu’elle a voulu que certaines des questions qu’elle devait poser à son interlocuteur soient modifiées, ce qu’a refusé Patrick Y… ; qu’il convient de rappeler que, dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, Patrick Y… était chargé de la communication en interne et en externe de l’entreprise ; que diffuser une telle vidéo, devant des personnalités extérieures à l’entreprise (élus locaux, soustraitants, une pigiste du journal local) ne pouvait contribuer à valoriser l’image de l’entreprise ; qu’au contraire, comme le relève l’employeur dans la lettre de licenciement, cette vidéo qui manque de respect aux personnes et en particulier aux femmes n’avait pas ” sa place dans cette manifestation, qui repose depuis de nombreuses années sur une communication positive et conviviale ” ; qu’il s’ensuit qu’au regard de son contrat de travail, Patrick Y… a commis un manquement aux obligations auxquelles il était tenu ; que pour minimiser ce manquement, Patrick Y… produit aux débats des attestations de salariés mentionnant qu’ils n’ont pas été choqués par cette vidéo (l’employeur produisant au contraire des attestations de personnes choquées par cette même vidéo) ; qu’il énonce également l’une des règles managériales diffusées dans l’entreprise, relative à un « droit à l’erreur » ; que pourtant, compte tenu de la confiance que lui témoignait l’employeur (que ne sauraient remettre en cause les difficiles négociations sur le devenir de la relation entre l’entreprise et Patrick B…, après son départ ), de la liberté d’écriture donnée au salarié, dont témoignent les bulletins trimestriels d’informations versés aux débats, des fonctions confiées à Patrick Y…, celui-ci revendique, vainement, un “droit à l’erreur ” ; que le grief énoncé, relatif au contenu de la vidéo diffusée lors de la cérémonie des Trophées est établi, objectif et vérifiable ; qu’il est d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement du salarié au motif d’une cause réelle et sérieuse ; que sur l’absence de communication des éléments préparés la lettre de licenciement fait également grief à Patrick Y… de ne pas avoir jugé utile de faire valider par son employeur les messages et supports de communication qu’il avait préparés ; qu’il lui est également reproché de ne pas avoir invité ses collègues, membres du groupe de travail constitué en vue de la préparation de cette cérémonie, au visionnage de la vidéo ; que toutefois, Patrick Y… justifie avoir adressé aux autres membres du groupe de travail dans un délai suffisamment lointain de la cérémonie le texte des dialogues qu’il envisageait de retenir, pour avis ; qu’il n’est pas contesté que ceux-ci n’ont formé aucune observation, ce qui ne saurait être imputable à Patrick Y…, pas plus que ne saurait caractériser une volonté de dissimulation le courriel qu’il leur a adressé, leur demandant de ne pas divulguer le texte ; que Patrick Y… justifie également avoir pu indiquer à son employeur le lien lui permettant de consulter, par ordinateur, le projet de cérémonie, en cours d’élaboration ; qu’il n’est pas véritablement contesté que la vidéo a pu être mise en ligne, après sa finalisation, intervenue le 25 mai 2011 ; que pourtant, il convient de rappeler que la lettre de licenciement reproche à Patrick Y… de ne pas avoir estimé utile de faire valider les messages et supports de communication, ce qui est différent de ce que conteste le salarié, dans le cadre de la présente procédure ; que cette erreur d’appréciation, par Patrick Y…, de sa liberté d’action et de paroles, concernant un événement public, en dépit de précédents événements publics qu’il avait su mener à bien, caractérise également un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, justifiant son licenciement, au motif d’une cause réelle et sérieuse ; que Patrick Y… prétend que le licenciement prononcé à son encontre caractérise la volonté de son employeur de faire l’économie des indemnités qu’il aurait dû lui servir dans le cadre du plan social, des départs volontaires, puisqu’il était convenu qu’il quitte définitivement l’entreprise, après exécution du préavis, le 31 décembre 2012 ; que pourtant, ces allégations ne sont confortées par aucun élément sérieux et ne peuvent être de nature à priver de cause réelle et sérieuse le motif du licenciement prononcé à l’encontre de Patrick Y… ; que la décision déférée sera donc confirmée, qui a débouté Patrick Y… en sa demande en paiement de dommages-intérêts ;
1°) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que le juge ne peut retenir à la charge d’un salarié des faits qui n’y sont pas mentionnés ; qu’il ressortait de la lettre de licenciement que seule était reprochée à Monsieur Patrick Y… la projection d’une vidéo déplacée et choquante lors de la cérémonie des Trophées Innovation et Sécurité, en date du 31 mai 2012 ; que si la lettre de licenciement mentionnait que Monsieur Y… n’avait pas jugé utile de faire valider cette vidéo par son manager, ce fait ne lui était pas opposé comme justifiant son licenciement ; qu’en affirmant néanmoins que Monsieur Y… avait commis une faute justifiant son licenciement en s’abstenant de faire valider par son manager les messages et supports de communication en vue de la préparation de la cérémonie des Trophées, la Cour d’appel a méconnu les limites du litige, en violation de l’article L. 1232-6 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, en se bornant à affirmer, pour décider que le licenciement de Monsieur Y… était justifié par une cause réelle et sérieuse, que celui-ci avait commis un manquement aux obligations auxquelles il était tenu, en s’abstenant de faire valider par son employeur les messages et supports de communication qu’il avait préparés, sans indiquer d’où il résultait que Monsieur Y… était tenu d’une telle obligation, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale, au regard de l’article L. 1232-1 du Code du travail ;
3°) ALORS QUE l’employeur ne peut reprocher au salarié une action qu’il a tolérée, acceptée ou validée, même tacitement ; qu’en se bornant à affirmer, pour décider que le licenciement de Monsieur Y… était justifié par une cause réelle et sérieuse, qu’il ressortait de la lettre de licenciement que Monsieur Y… n’avait pas estimé utile de faire valider les messages et supports de communication en vue de la cérémonie des Trophées, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Monsieur Y… avait communiqué la vidéo litigieuse à sa hiérarchie huit jours avant la manifestation au cours de laquelle elle avait été diffusée, sans avoir reçu la moindre objection, de sorte que sa hiérarchie avait tacitement accepté sa diffusion, ce qui excluait toute faute de sa part, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale, au regard de l’article L. 1232-1 du Code du travail ;
4°) ALORS QUE la faute reprochée au salarié doit être appréciée au regard de son état de santé ; qu’en décidant que le licenciement de Monsieur Y… avait une cause réelle et sérieuse, sans rechercher, comme elle y était invitée, à supposer même que SI Monsieur Y… ait commis une erreur d’appréciation, son état dépressif expliquait les faits qui lui étaient reprochés, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1232-1 du Code du travail ;
5°) ALORS QU’ il appartient au juge de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement ; qu’en se bornant à affirmer, pour décider que la cause du licenciement de Monsieur Y… était réelle et sérieuse, que ses allégations selon lesquelles il devait quitter l’entreprise dans le cadre d’un plan social d’entreprise (PSE) dénommé « Plan HÖRIZON », en décembre 2012, n’étaient confortées par aucun élément sérieux, sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il ressortait du courriel de son employeur, représenté par Monsieur Patrick C…, en date du 4 octobre 2011, évoquant une date de départ au 31 décembre 2012 dans le cadre d’un PSE, de l’estimation des conditions de son départ volontaire réalisée par la Société SOLVAY le 31 janvier 2012 et remis à Monsieur Y…, des échanges entre celui-ci et le responsable des ressources humaines, Monsieur Bruno D…, et des renseignements pris sur d’éventuels postes à pourvoir en externe, dans le cadre du projet HÖRIZON, que le motif réel de licenciement de Monsieur Y… était un motif économique et non un motif disciplinaire, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1233-2, L. 1235-1 et L. 1235-9 du Code du travail.