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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 02 Novembre 2011
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 10/00721
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Décembre 2009 par le conseil de prud’hommes de PARIS – section encadrement – RG n° 08/14623
APPELANT
Monsieur [J] [R]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Mehdi LEFEVRE MAALEM, avocat au barreau de PARIS, D1714
INTIMÉE
S.N.C. PRISMA PRESSE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Marie-Laure TREDAN, avocate au barreau des HAUTS DE SEINE, NAN 701
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 Septembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine ROSTAND, Présidente
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
Madame Monique MAUMUS, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Christine ROSTAND, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 8 décembre 2009 ayant débouté Mme [J] [R] de toutes ses demandes et l’ayant condamnée aux dépens.
Vu la déclaration d’appel de Mme [J] [R] reçue au greffe de la Cour le 25 janvier 2010 .
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l’audience du 21 septembre 2011 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens de Mme [J] [R] qui demande à la Cour :
– d’infirmer le jugement entrepris .
– statuant à nouveau :
* de juger qu’elle relève du statut légal des journalistes professionnels ,et prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de la SNC PRISMA PRESSE.
* en conséquence, de condamner la SNC PRISMA PRESSE à lui régler les sommes suivantes :
. 115 292,36 euros de rappel de salaires (2003/2011) et 11 529 euros d’incidence congés payés ;
. 21 885,56 euros de rappel de prime d’ancienneté (2003/2011) et 2 188,50 euros de congés payés afférents ;
. 2 996 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 299,60 euros d’incidence congés payés ;
. 22 470 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
. 17 976 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
. 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
* d’ordonner la remise par la SNC PRISMA PRESSE des bulletins de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation ASSEDIC conformes.
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l’audience du 21 septembre 2011 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens de la SNC PRISMA PRESSE qui demande à la Cour à titre principal de confirmer la décision critiquée, subsidiairement de réduire les prétentions de Mme [J] [R] à de plus justes proportions et en tout état de cause de la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA COUR
Mme [J] [R] a collaboré avec la SNC PRISMA PRESSE en qualité de rédactrice sur la période allant de janvier 1993 à juin 2003 inclus ,à titre principal pour le magazine Femme actuelle, en étant rémunérée à la pige comme l’établissent les bordereaux de paiement produits à l’audience des débats.
Si l’appelante a ainsi pu entretenir une collaboration sur la quasi-totalité des mois de l’année entre janvier 1993 et décembre 2002, ses relations avec la SNC PRISMA PRESSE ont sensiblement décru à compter de janvier 2003 pour s’arrêter de manière définitive en juillet de la même année.
Sur la demande nouvelle en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SNC PRISMA PRESSE
Au soutien de cette demande Mme [J] [R] se prévaut du statut de journaliste professionnel, au sens des dispositions de l’article L.7111-3 du code du travail, pour avoir exercé de manière régulière sur une longue période la fonction de rédactrice au sein de la SNC PRISMA PRESSE qui la rémunérait à la pige, rappelle que la pige «n’est pas un statut contractuel mais un mode de rémunération» du journaliste, considère avoir été une collaboratrice en droit de revendiquer de la part de cette entreprise de presse un volume constant de travail et de rémunération, relève qu’à compter de janvier 2003 l’intimée a unilatéralement diminué sa collaboration avant d’y mettre un terme définitif en juin de la même année ,et estime ainsi avoir subi une modification unilatérale de son contrat de travail découlant de la suppression des piges qui constituaient son seul mode de rétribution.
En réponse, la SNC PRISMA PRESSE indique que l’appelante n’était liée avec elle par aucun «contrat de travail de droit commun» stipulant de surcroît une obligation d’exclusivité, que le «statut de journaliste pigiste (contrairement au journaliste permanent relevant de l’article L.761-2 du code du travail) autorise la multiplicité de collaborations», que nonobstant les dispositions légales invoquées par Mme [J] [R] le collaborateur pigiste ne peut se considérer comme titulaire d’un contrat de travail que s’il apporte la preuve de l’existence d’un lien de subordination, démonstration non faite par cette dernière qui n’a jamais eu la qualité de journaliste «permanent» remplissant les conditions de l’article L.7111-3 du code du travail – recevoir des appointements fixes et tirer l’essentiel de ses ressources de cette activité exercée comme occupation principale et régulière – et qu’étant pigiste non permanent ne relevant pas des articles L.7111-3 et suivants du code du travail Mme [J] [R] ne pouvait exiger la fourniture constante d’un volume de travail déterminé, de sorte que sa demande de résiliation judiciaire est infondée.
Les dispositions spéciales des articles L.7111-1 et suivants du code du travail sont applicables aux journalistes professionnels se définissant, au sens du 2ème alinéa de l’article L.7111-3, comme : «toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ».
Il est admis au plan général que sont assimilés à des journalistes professionnels les pigistes qui apportent au sein des services d’une rédaction une collaboration intellectuelle et personnelle à une publication périodique en vue de l’information de ses lecteurs.
Le journaliste est en outre présumé avoir la qualité de salarié de l’entreprise de presse qui l’emploie par application de l’article L.7112-1 ,alinéa 2 ,du même code disposant que : «Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail», avec cette précision que les pigistes collaborant de manière régulière à un publication bénéficient eux-mêmes de cette présomption de salariat que l’entreprise de presse a la possibilité de combattre en démontrant que ceux-ci exercent leur activité en toute indépendance et liberté.
La SNC PRISMA PRESSE, pour s’opposer sur le principe aux demandes de Mme [J] [R] ,ne peut donc pas valablement invoquer l’inexistence d’«un contrat de travail de droit commun», comme se prévaloir d’un «statut de journaliste pigiste» en ce que la pigiste n’est qu’un mode particulier de rémunération du journaliste ou encore, en procédant à une inversion de la charge de la preuve, affirmer que le collaborateur pigiste ne serait en droit de revendiquer la qualité de travailleur salarié que s’il «apporte la preuve de l’existence d’un lien de subordination».
Il doit être ainsi jugé, comme le soutient à bon droit Mme [J] [R], qu’elle relevait du statut de journaliste professionnel ayant exercé la fonction de rédactrice au sein de la SNC PRISMA PRESSE qui la rémunérait à la pige.
Dans le cadre juridique ainsi rappelé ,si en principe une entreprise de presse n’est pas tenue de procurer du travail au journaliste pigiste simple occasionnel, il en va différemment dans l’hypothèse où, en fournissant du travail à ce journaliste pendant une longue période sans interruption significative ,même rémunéré à la pige, elle en a fait un collaborateur régulier qui est alors en droit d’exiger la continuité de leurs relations sur un rythme identique, sauf à engager à son encontre la procédure de licenciement, étant au surplus précisé que cette obligation pesant sur l’entreprise de presse ne s’étend pas à la fourniture d’un volume de travail constant.
Par les pièces produites aux débats (n°1 à 11 de l’appelante), comme rappelé ci-dessus, Mme [J] démontre une collaboration régulière et ancienne au sein de la SNC PRISMA PRESSE en qualité de rédactrice du magazine Femme actuelle entre janvier 1993 et décembre 2002 inclus (113 bordereaux de paiement de pige sur 120 mensualités), collaboration s’étant réduite de manière sensible sur l’année 2003 (mois de janvier, février, mai et juin) pour cesser définitivement à compter de juillet.
En arrêtant après juin 2003 toute collaboration professionnelle avec Mme [J] [R] ainsi privée de rémunération, après avoir sensiblement diminué son niveau d’activité dès le mois de janvier de la même année, la SNC PRISMA PRESSE a modifié de manière unilatérale le contrat de travail en s’abstenant de l’exécuter aux conditions convenues, ce qui constitue de sa part un manquement fautif d’une gravité suffisante de nature à justifier que la résiliation dudit contrat soit prononcée par la Cour à ses torts exclusifs, laquelle doit produire dans ce cas les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes conséquences indemnitaires de droit.
En outre, il sera rappelé que la prise d’effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être fixée qu’à la date de la décision la prononçant si le salarié est toujours à la même époque au service de l’employeur.
Les parties s’accordant en l’espèce sur le fait d’un arrêt de leur collaboration professionnelle à compter du 1er juillet 2003, il y a lieu de fixer à cette même date la prise d’effet de la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l’intimée.
Quant à la détermination du salaire brut mensuel de référence, dans la mesure où l’article L.7112-3 du code du travail prend en compte les « derniers appointements » perçus par le journaliste professionnel, c’est à tort que Mme [J] [R] revendique un mode de calcul sur la période 2001/2002 (1 498 euros mensuels en moyenne) de sorte que, comme le soutient à bon droit la SNC PRISMA PRESSE, il ya lieu de retenir la moyenne mensuelle sur les 3 derniers mois travaillés en 2003 à concurrence de la somme brute de 538,44 euros.
La SNC PRISMA PRESSE sera en conséquence condamnée à régler à Mme [J] [R] les sommes suivantes :
. 1 076,88 euros (2 mois de salaires ou 2 x 538,44 euros) d’indemnité compensatrice légale de préavis et 107,68 euros d’incidence congés payés avec intérêts au taux légal partant du 10 décembre 2008, date de réception par l’employeur de la convocation en bureau de conciliation ;
. 5 563,88 euros (538,44 euros x 10 années pleines de janvier 1993 à décembre 2002 + 538,44 euros x 4/12ème au titre des 4 mois travaillés sur le 1er semestre 2003) d’indemnité conventionnelle de licenciement (article 44 de la Convention Collective Nationale des Journalistes), avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2008 ;
. 3 231 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt, représentant 6 mois de salaires en vertu des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, soit le minimum prévu dans la mesure où Mme [J] [R] indique dans ses écritures (p.13) avoir pu retrouver un emploi régulier dès janvier 2004 ; le texte précité appelant par ailleurs l’application de l’article L.1235-4 sur l’obligation de remboursement des indemnités de chômage à la charge de l’intimée.
Sur les demandes de nature salariale
Mme [J] [R] considère qu’il y a lieu d’«établir la différence entre les sommes réellement perçues (par elle) et celles (qu’elle) aurait dû percevoir si Prisma avait continué de lui fournir la même quantité de travail ,ce dont Prisma avait l’obligation » au titre de la période du 1er décembre 2003 au 21 septembre 2011 «au plus tôt», demande à laquelle s’oppose l’intimée qui précise qu’il n’y a eu aucune prestation de travail effectuée sur ladite période.
La Cour ayant prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de la SNC PRISMA PRESSE pour prendre effet au 1er juillet 2003, de sorte que la rupture du lien contractuel entre les parties était effective à cette même date, Mme [J] [R] ne peut pas réclamer des rappels de salaire et de prime conventionnelle d’ancienneté sur la période postérieure comprise entre décembre 2003 et septembre 2011.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes à ce titre de Mme [J] [R].
Sur la remise de documents conformes
La SNC PRISMA PRESSE délivrera à Mme [J] [R] les bulletins de paie, certificat de travail et attestation POLE EMPOI conformes au présent arrêt.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La SNC PRISMA PRESSE sera condamnée en équité à payer à Mme [J] [R] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutée de sa demande du même chef et condamnée aux entiers dépens tant de première instance qu’en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe.
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [J] [R] au titre de rappels de salaire et de prime conventionnelle d’ancienneté sur la période de décembre 2003 à septembre 2011.
Y ajoutant :
PRONONCE la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de la SNC PRISMA PRESSE avec effet au 1er juillet 2003.
En conséquence,
CONDAMNE la SNC PRISMA PRESSE à régler à Mme [J] [R] les sommes suivantes :
‘ 1 076,88 euros d’indemnité compensatrice légale de préavis et 107,68 euros d’incidence congés payés ;
‘ 5 563,88 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
avec intérêts au taux légal partant du 10 décembre 2008.
‘ 3 231 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
ORDONNE le remboursement par la SNC PRISMA PRESSE aux organismes concernés de la totalité des indemnités de chômage versées à Mme [J] [R], du jour de la prise d’effet de la rupture au présent arrêt, dans la limite de 6 mois.
ORDONNE la remise par la SNC PRISMA PRESSE à Mme [J] des bulletins de paie, certificat de travail et attestation POLE EMPLOI conformes au présent arrêt.
CONDAMNE la SNC PRISMA PRESSE à payer à Mme [J] [R] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
DÉBOUTE la SNC PRISMA PRESSE de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la SNC PRISMA PRESSE aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE