Contrat de pigiste : 2 mai 2016 Cour d’appel de Paris RG n° 15/08637

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Contrat de pigiste : 2 mai 2016 Cour d’appel de Paris RG n° 15/08637
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRÊT DU 02 Mai 2016

(n° 349 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 15/08637

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Août 2015 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 14/04171

APPELANTE

Madame [L] [C]

[Adresse 1]

[Localité 1] / FRANCE

née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 2]

représentée par Me Vianney FERAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1456

INTIMEE

SNC PRISMA MEDIA

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 318 82 6 1 877

représentée par Me Laurent KASPEREIT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 1701

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Mars 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

– Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère faisant fonction de Présidente

– M. Mourad CHENAF, conseiller,

– Mme Patricia DUFOUR, Conseiller

Greffier : Mme Fanny MARTINEZ, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Cécile DUCHE-BALLU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Depuis 1992, Mme [L] [C] a collaboré, en qualité de journaliste pigiste avec Prisma Média, qui est une entreprise de presse. Elle est titulaire de la carte de presse depuis 1993.

L’entreprise compte plus de 11 salariés.

Revendiquant l’existence à compter de mai 1997, d’un contrat de travail à durée indéterminée avec la SNC Prisma Media , Mme [C] a saisi le conseil des Prud’Hommes de Paris d’une demande tendant en dernier lieu à obtenir la résiliation du contrat de travail, le paiement d’un rappel de salaire et d’accessoires, de diverses indemnités, outre la remise des documents sociaux conformes, une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile le tout avec exécution provisoire.

Par décision en date du 5 août 2015, le conseil des Prud’Hommes a débouté Mme [C] de toutes ses demandes et l’a condamnée aux dépens.

Mme [C] a fait appel de cette décision dont elle sollicite l’infirmation. Elle demande à la cour de reconnaître sa qualité de journaliste, et statuant à nouveau de :

– Dire que la relation de travail liant Madame [L] [C] et la Société PRISMA MEDIA s’inscrit dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er mai 1997;

– Condamner la Société PRISMA MEDIA à payer à Madame [L] [C] , la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts du fait de la non remise de bulletins de paye conformes et de contrat de travail écrit, en violation des dispositions des articles 20 et 27 de la Convention collective et de l’article R.3243-1 du Code du Travail;

– Condamner la Société PRISMA MEDIA à payer à Madame [L] [C] la somme de 61813.59 euros, à titre de rappel de salaires pour la période de janvier 2012 à février 2016;

– Ordonner, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, la remise à Madame [L] [C] de bulletins de paye rectifiés pour la période de janvier 2012 à août 2015;

– Condamner la Société PRISMA MEDIA à payer à Madame [L] [C], la somme de 1976,09 euros à titre de rappel de congés sur prime d’ancienneté pour la période de juillet 2009 à février 2016;

– Condamner la Société PRISMA MEDIA à payer à Madame [L] [C], la somme de 1646,75 euros à titre de rappel de 13ème mois sur prime d’ancienneté pour la période de juillet 2009 à février 2016;

– Condamner la Société PRISMA MEDIA à payer à Madame [L] [C], la somme de 5000 euros à titre de dommages- intérêts du fait de ses manquements aux obligations en matière de médecine de travail;

– Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail au jour de l’arrêt à intervenir;

– Condamner la Société PRISMA MEDIA à payer à Madame [L] [C], la somme de 4433,28 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– Condamner la Société PRISMA MEDIA à payer à Madame [L] [C], la somme de 33249,60 euros à titre d’indemnité de licenciement pour les 15 premières années d’ancienneté et dire la Commission arbitrale des journalistes compétente pour statuer sur le solde de cette indemnité au titre des années d’ancienneté supérieures à 15;

– Condamner la Société PRISMA MEDIA à payer à Madame [L] [C], la somme de 35466,24 euros à titre de dommages-intérêts pour licencient abusif;

– Ordonner, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, la remsie à Madame [L] [C] d’une attestation POLE EMPLOI et d’un certificat de travail conformes au jugement à intervenir ;

– Condamner la Société PRISMA MEDIA à payer à Madame [L] [C], la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamner la Société PRISMA MEDIA aux entiers dépens.

L’employeur conclut à la confirmation du jugement déféré, en conséquence, au débouté de Mme [C] et à sa condamnation à lui payer la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 14 mars 2016, reprises et complétées à l’audience.

Motivation

– Sur la qualité de journaliste de Mme [C]

Selon l’article L7111-3 du code du travail, ‘est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprise de presse [….] et qui en tire le principal de ses ressources ‘.

En outre, il résulte de la convention collective applicable que la qualité de pigiste n’exclut pas la relation de salariat, les pigistes étant définis comme étant ‘des journalistes salariés qui ne sont pas tenus de consacrer une partie déterminée de leur temps à l’entreprise à laquelle ils collaborent, mais n’ont pour obligation que de fournir une production convenue dans les formes et les délais prévus par l’employeur.’

Il ressort des débats, en particulier de ses déclarations de revenus, et de ses bulletins de salaires reçus de la SNC Prisma Media et d’autres entreprises de presse (Groupe Moniteur, Bayard Presse, Springer,…) Que Mme [C] tire le principal de ses revenus de son activité de journaliste pigiste. S’agissant en particulier de la SNC Prisma Media , la remise chaque mois, depuis 1997, de bulletins de salaire montrent que la relation de travail entre les parties a été, non pas seulement occasionnelle, comme le soutient la SNC Prisma Media mais régulière et permanente, Mme [C] en tirant une part importante de ses revenus.

Il s’ensuit qu’en application du texte précité, Mme [C] qui tire le principal de ses revenus de son activité de journaliste, a la qualité de journaliste professionnelle, ce dont il résulte que c’est à juste titre que les bulletins de salaire émis par la SNC Prisma Media mentionnent que la relation de travail est régie par la convention collective nationale de travail des journalistes.

Dès lors, en application de l’article L7112-1 du code du travail, Mme [C] bénéficie de la présomption de salariat établie par ce texte.

Il appartient en conséquence à la SNC Prisma Media , qui lui conteste la qualité de salariée, de rapporter la preuve de l’absence de lien de subordination entre les parties.

Or, la SNC Prisma Media qui se borne, par des moyens inopérants et non fondés, à affirmer que Mme [C] a collaboré de manière occasionnelle et non permanente, ne rapporte pas la preuve contraire qui lui incombe.

Il s’en déduit que Mme [C] a bien la qualité de journaliste salariée de la SNC Prisma Media , ce depuis le 1er mai 1997.

En outre, si en principe une entreprise de presse n’a pas l’obligation de fournir du travail au journaliste pigiste occasionnel, il n’en est pas de même si comme en l’espèce, en procurant régulièrement du travail à ce journaliste pendant une longue période, elle a fait de ce dernier, même rémunéré à la pige, un collaborateur régulier auquel elle est tenue de fournir du travail.

Il est constant qu’en l’espèce, en produisant ses bulletins de salaire reçus chaque mois de l’entreprise depuis l’origine de la relation de travail, Mme [C] justifie de l’exécution de son travail de pigiste, de manière régulière, pour des montants bruts annuels, certes variables, mais s’établissant entre 15 567,95 € et 24 043,67 €, entre 2006 et 2012, dernière année avant que ses revenus tirés de cette activité exercée au sein de la SNC Prisma Media ne s’effondrent. En moyenne sur cette période, le montant annuel brut du salaire perçu par Mme [C] s’est élevé à 19 172,59 €.

Or il apparaît qu’à compter de l’année 2013, les tâches confiées à Mme [C] sont allées en diminuant très sensiblement pour représenter un salaire brut annuel de 8 025 € en 2013, 5 568 € en 2014, 5 211,94 € en 2015 (référence bulletin de salaire de novembre 2015, (en l’absence de celui de décembre) et 2 990 € en 2016 (montant arrêté en février 2016, date du dernier bulletin de salaire produit aux débats), ce qui caractérise un manquement dans l’exécution de l’une de ses obligations essentielles par l’employeur, qui a ainsi modifié unilatéralement et la quantité de travail fourni et la rémunération de Mme [C] .

Cela a pour conséquence que c’est à juste titre que Mme [C] réclame un rappel de salaire à compter de l’année 2012. La cour, retenant un salaire annuel moyen brut de 19 172,59 € ,(soit 1 597,72 € bruts par mois) établit comme suit les rappels dus à la salariée, pour un total de 43 883,75€, sur la période réclamée (de janvier 2012 à février 2016) :

– 2012 :19 172,59 € – 14 207 = 4 965,59 €

– 2013 :19 172,59 € – 8 025 = 11 147,59 €

– 2014 :19 172,59 € – 5 568 = 13 604,59 €

– 2015 :19 172,59 € – 5 211,94 = 13 960,65 €

– 2016 : 3 195,43 – 2 990,40 = 205,03 €

Il convient donc de condamner la SNC Prisma Media à payer à Mme [C] , à titre de rappel de salaire la somme de 43 883,75 €, outre 4 388,37 € au titre des congés payés afférents.

Sont en outre prises en compte dans l’assiette de l’indemnité de congés payés la prime d’ancienneté et celle du 13èm mois. Il s’ensuit que c’est à juste titre que Mme [C] , qui soutient sans être démentie par la SNC Prisma Media que ces éléments n’ont pas été intégrés dans le calcul de l’indemnité de congés payés, réclame un arriéré s’élevant à la somme de 1 597,72 € au titre du 13èm mois sur prime d’ancienneté de juillet 2009 à février 2016 et 1 976,09 € au titre de l’indemnité de congés payés.

En outre, il ressort des débats que l’employeur n’a pas établi par écrit le contrat de travail de Mme [C] et ne lui a pas délivré tous ses bulletins de salaire, en particulier celui de décembre 2015, a contrevenu aux dispositions des articles 20 et 27 de la convention collective applicable.

Cette situation a nécessairement généré pour la salariée un préjudice que la cour, compte-tenu des éléments produits aux débats, est en mesure d’évaluer à la somme de 1 000 €.

Enfin, il ressort des débats que Mme [C] n’a été soumise à aucune visite médicale, ni à l’embauche ni périodiquement, ce en violation des dispositions de l’article 21 de la convention collective combinées avec celles de l’article R4624-16 du code du travail, ce qui a occasionné à la salariée un préjudice que la cour, au vu des éléments produits aux débats est en mesure d’évaluer à 1 000 €.

– Sur la demande de résiliation du contrat de travail

Il ressort de ce qui précède que l’employeur n’a pas fourni de travail à sa salariée à la hauteur de celle à laquelle il s’était engagé en provoquant une baisse considérable de sa rémunération. Il a, ainsi, commis des manquements graves de nature à fonder la demande de résiliation de Mme [C] .

Il convient donc de faire droit à cette demande et de dire que la rupture ainsi prononcée aux torts de l’employeur comporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette situation donne droit à Mme [C] à percevoir une indemnité compensatrice de préavis s’élevant à la somme de 3 195,44 €, correspondant à 2 mois de salaire. S’agissant de l’indemnité de licenciement, la cour relève que la salariée qui présente une ancienneté de plus de 15 ans, peut prétendre à une indemnité qu’il appartient à la commission arbitrale des journalistes d’évaluer. Il convient à ce titre de lui allouer à titre de provision la somme de 16 000 €.

Enfin, compte-tenu des éléments produits aux débats notamment sur l’ancienneté de Mme [C] , sur son âge et sa rémunération, la cour, évaluant les conséquences entraînées par la perte de son emploi, est en mesure de fixer à 20 000 € le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse due à Mme [C] .

Compte-tenu de ce qui précède, il convient d’ordonner à la SNC Prisma Media de remettre à Mme [C] les documents sociaux conformes sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte.

Enfin, compte-tenu de ce qui précède, il convient d’ ordonner d’office, en application de l’article L 1235-4 du code du travail, et dans la limite posée par cette disposition, le remboursement par la SNC Prisma Media de toutes les indemnités de chômage payées à Mme [C] .

Le jugement déféré est donc infirmé en toutes ses dispositions.

Par ces motifs, la cour,

– dit que la relation de travail entre les parties caractérise l’existence d’un contrat à durée indéterminée depuis le 1er mai 1997

– prononce la résiliation du contrat de travail de Mme [C]

– condamne, en conséquence, la SNC Prisma Media à payer à Mme [L] [C] les sommes suivantes :

* 1 000 € à titre de dommages et intérêts du fait de la non remise à la salariée de tous les bulletins de salaire et d’un contrat de travail écrit

* 43 883,75 € à titre de rappel de salaire sur la période allant de janvier 2012 à février 2016

* 1 597,72 € au titre du 13èm mois sur prime d’ancienneté de juillet 2009 à février 2016

* 1 976,09 € à titre de rappel d’indemnité de congés payés .sur la même période

* 1 000 € à titre de dommages et intérêts du fait de l’absence de visites médicales d’embauche et périodiques

* 3 195,44 € à titre d’ indemnité compensatrice de préavis

* 20 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 16 000 € à titre de provision à valoir sur l’évaluation définitive par la commission arbitrale des journalistes de l’indemnité de licenciement due à Mme [C]

– ordonne à la SNC Prisma Media de remettre à Mme [C] les documents sociaux conformes sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte

– ordonne d’office, en application de l’article L 1235-4 du code du travail, et dans la limite posée par cette disposition, le remboursement par la SNC Prisma Media de toutes les indemnités de chômage payées à Mme [C] .

– condamne la SNC Prisma Media aux dépens de première instance et d’appel

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamne la SNC Prisma Media à payer à Mme [C] la somme de 3 000 €

– la déboute de sa demande de ce chef.

Le greffier La Présidente

 


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