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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 64B
1ère chambre
1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 MAI 2011
R.G. N° 09/08148
AFFAIRE :
[SA] [D]
C/
EDITIONS DES ARENES
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Septembre 2009 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° chambre : 1
N° Section :
N° RG : 07/606
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
– SCP FIEVET LAFON
– SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX NEUF MAI DEUX MILLE ONZE,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Mademoiselle [SA] [D]
née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 4] (88)
[Adresse 5]
représentée par la SCP FIEVET LAFON – N° du dossier 290918
rep/assistant : Me Jean-Paul TEISSONNIERE de la SCP TEISSONNIERE & Associés (avocat au barreau de PARIS)
APPELANTE
****************
EDITIONS DES ARENES
société à responsabilité limitée ayant son siège social [Adresse 2] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Monsieur [M] [X]
[Adresse 3]
représentés par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL FERTIER – N° du dossier 20100102
Rep/assistant : Me Vincent TOLEDANO (avocat au barreau de PARIS)
INTIMES
LA PRESENTE CAUSE A ETE COMMUNIQUEE AU MINISTERE PUBLIC qui a visé la procédure
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 28 Mars 2011, Madame Bernadette WALLON, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Bernadette WALLON, président,
Madame Evelyne LOUYS, conseiller,
Madame Dominique LONNE, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT
Mme [N] [Z], journaliste, est l’auteur de l’ouvrage intitulé ‘Le bûcher des innocents’ publié en décembre 1993 par la société Plon, relatant le déroulement de l’enquête suite à la mort de [H] [SH], âgé de quatre ans, dont le corps a été retrouvé immergé dans la Vologne le 16 octobre 1984, et dont le meurtre, précédé depuis de nombreux mois de messages menaçants adressés à différents membres de la famille [SH] par un ‘corbeau’, n’a jamais été élucidé.
Survenu dan un village des Vosges, ce fait divers a donné lieu à une enquête longue, difficile, pleine de rebondissements, suivie par la France entière à travers la presse très présente durant l’instruction . Au cours de cette enquête, les soupçons s’étaient d’abord portés sur [V] [W], cousin germain de [C] [SH], qui fut inculpé et incarcéré de novembre 1984 à février 1985 et qui sera tué le 29 mars 1985 par le père de l’enfant persuadé de sa culpabilité, puis sur la mère de l’enfant, [O] [SH], qui bénéficiera finalement d’un arrêt de non lieu rendu par la chambre d’accusation de la cour d’appel de Dijon le 3 février 1993.
A l’occasion de la diffusion sur France 3, d’un téléfilm (docu-fiction) réalisé par MM [WS] [CF] et [WZ] [R], qui ont travaillé à partir du dossier pénal, des débats devant la cour d’assises de Côte d’Or en 1993, de documents d’archives, du livre de [N] [Z] ‘Le bûcher des innocents’, du livre des époux [SH] ‘Le 16 octobre’ et d’autres ouvrages de journalistes et intellectuels, la SARL Editions des arènes a publié une nouvelle édition du livre ‘Le bûcher des innocents’ le 14 septembre 2006, sous une bande de couleur rouge indiquant ‘L’Affaire [SH] – Le livre du film’.
Par acte d’huissier du 13 décembre 2006, Mme [SA] [D] a fait assigner Mme [N] [Z], M. [M] [X], gérant de la SARL Editions des arènes et la SARL Editions des arènes aux fins de voir dire que l’ensemble des propos visés en italique dans le corps de l’assignation sont constitutifs du délit de ‘diffamation publique envers un particulier, en l’espèce Mme [SA] [D]’, en conséquence, condamner solidairement les défendeurs à lui payer la somme de 100 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux de son choix, aux frais des défendeurs sans que chaque publication puisse excéder la somme de 5 000€, ordonner la suppression des passages diffamatoires dans toute nouvelle édition et impression du livre en cause sur quelque support que ce soit, sous astreinte de 100 000€ par infraction constatée, ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir et condamner solidairement les défendeurs à lui payer la somme de 20 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’assignation a été régulièrement dénoncée au ministère public, conformément aux dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, par acte du 8 janvier 2007.
Mme [SA] [D] a signifié des conclusions interruptives de prescription le 12 mars 2007.
Saisi d’un incident, par conclusions des défendeurs signifiées le 13 mars 2007, le juge de la mise en état a , par ordonnance du 28 juin 2007, rejeté la demande aux fins de nullité de l’assignation, et dit le tribunal de grande instance de Nanterre compétent.
Mme [SA] [D] a signifié des conclusions en vue d’interrompre la prescription le 6 juin 2007, le 29 août et le 21 novembre 2007.
Suite aux conclusions signifiées par les défendeurs le 14 février 2008, Mme [SA] [D] a signifié de nouvelles écritures et de nombreuses nouvelles pièces le 29 avril 2008, puis le 25 juillet 2008, le 21 octobre 2008 et enfin le 5 décembre 2008, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 12 février 2009.
Par jugement du 10 septembre 2009, le tribunal de grande instance de Nanterre a dit que l’action en diffamation est prescrite, constaté en conséquence son extinction, condamné Mme [SA] [D] à verser à la SARL Editions des arènes et à M. [M] [X] la somme de 5 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens au motif que les conclusions signifiées le 29 avril 2008 ne respectent pas les exigences de l’article 53 de la loi de 1881, se bornant à réitérer les demandes initiales et à répondre aux moyens opposés par les défendeurs, mais étendent largement l’action initiale en diffamation, la demanderesse formulant de nombreuses nouvelles prétentions en faisant état d’éléments susceptibles de caractériser une atteinte à la présomption d’innocence et une atteinte à la mémoire des morts, qu’elles doivent donc être déclarées nulles, l’extension de la nature et de l’étendue de la poursuite causant à l’évidence un préjudice aux défendeurs qui ne peuvent organiser utilement leur défense, notamment au regard de l’exception de bonne foi.
Appelante, Mme [SA] [D], aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 6 décembre 2010 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré,
Vu le livre intitulé « Le bûcher des innocents » publié en septembre 2006 aux éditions des arènes, Vu les articles 23, 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881,
– déclarer régulièrement interrompue la prescription,
– dire et juger que l’ensemble des propos visés en italique dans le corps de l’assignation délivrée le 13 décembre 2006 et reproduit dans le présent dispositif extrait de l’ouvrage «le bûcher des innocents» 3e édition publié en septembre 2006 par M. [M] [X] et par la SARL Editions des arènes sont constitutifs du délit de diffamation publique envers particuliers, en l’espèce Mme [SA] [D] délit prévu et réprimé par les articles 29 alinéa 1er et 32 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881.
Les propos sont les suivants :
page 60
« Tard dans la soirée les gendarmes se présentent chez la famille [D] pour vérifier ses dires. [ON], 15 ans répète ce qu’elle a déjà dit au journaliste du Parisien libéré. Sa version recoupe celle de son beau frère. A un détail près : qui, de [V] ou [ON], regardait là télévision à l’arrivée de l’autre »
-lignes 13 à 15 page 69:
« car l’enquête continue, en toute discrétion. Ce vendredi 2 novembre 84 à 9h30, après deux courtes auditions à son domicile, [ON] [D] est conduite à la gendarmerie de [Localité 4]. Comme ses parents ne possèdent pas de voiture, ils acceptent qu’elle parte avec les gendarmes»
« ceux-ci veulent examiner, au calme et en détail, ses contradictions avec son beau frère. L’adolescente ne parle qu’avec réticence. Elle s’exprime par oui ou non et se montre peu loquace. Les quatre enquêteurs qui se relaient attendent un quart d’heure pour obtenir d’elle une phrase correcte. Elle ne lâche que des bribes de réponses. Ils prennent des notes, rédigent un brouillon et lui soumettent la phrase retranscrite ensuite sur le procès verbal. A 15 ans, elle n’a guère d’autre choix que d’acquiescer. Leurs questions portent sur les circonstances de son retour à Autmonzey, le 16 octobre à 17heure s, après l’école, [ON] répond en décrivant de nouveau le chauffeur habituel du car scolaire, remplacé ce jour là par un autre. Elle poursuit en donnant un itinéraire rendu partiellement impossible en raison de travaux sur la voirie. »
(page 70, lignes 24 à 31)
« Ce témoignage est capital. D’une part, il démonte l’alibi du cousin de [C] [SH], et, d’autre part, il esquisse un scénario possible de l’enlèvement de [H]. On peut également le rapprocher de la déposition d’un menuisier voisin des [SH] qui, le 16 octobre vers 16 heures, a aperçu une voiture de couleur vert bouteille conduite par un homme seul. Il revit le même véhicule environ quarante cinq minutes plus tard, roulant au pas et occupé par deux personnes dont une passagère à la place avant du véhicule. »
Page 91 :
« nouveau rebondissement. Le 6 novembre 1984 à 17 heures, [ON] et sa mère [A] [D] prennent place devant le juge [Y]. L’adolescente vient démentir les propos qu’elle tenait hier encore, assise dans le même fauteuil. Le greffier, [HR] [T], note ses phrases avec le sentiment, dira t il « que nous n’étions plus en présence de la [ON] naturelle que nous avions vu la veille mais d’une [SA] qui en quelques sorte récitait sa leçon »
Page 92: « désormais, elle répétera toujours la même chose, arguant de sa peur des enquêteurs. [B] [Y] ne la croit pas et ne voit dans ses rétractations qu’un épiphénomène. Il garde secrète cette volte face. »
Page 513. Madame [Z] s’exprime ainsi :
« Ces rebuffades et contorsions procédurales pour éviter un face à face avec la justice font planer, à tort ou à raison, un doute sur la sincérité et la spontanéité de leurs déclarations.
Elles marquent le début d’un bras de fer de plus en plus dur entre le magistrat instructeur et la famille [S]. Les avocats de [ES] pressentent un retournement possible et comprennent que [OV] [UU] ne se laissera pas arrêter par le tabou de la mort d’un homme écarté de l’instruction du seul fait de sa disparition. »
Page 550 :
« les rebuffades de [ON] et [ES] retardent l’instruction mais ne modifient pas pour autant les données de la piste [W] déjà existante. »
Page 600 à la ligne 7 de la page 601 :
« dès le début, les avocats de [ON] donnent le ton en demandant que celle ci puisse se constituer partie civile au même titre que sa saur [ES] et son frère “[UM], présents lors de l’assassinat. Bien qu’elle ne soit pas directement concernée par les faits, la justice lui accorde ce statut. Ainsi elle pourra prétendre à des dommages et intérêts lors de la future condamnation civile de [C] [SH] et être libre de la prestation de serment à laquelle sont soumis les témoins. [ON], partie civile, ne sera donc pas tenue de jurer de dire toute la vérité, rien que la vérité. Et si par hasard il s’avérait qu’elle ait menti, on ne pourrait pas la poursuivre pour faux témoignage. Elle garde enfin la possibilité de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées et n ‘aura aucun engagement de présence à respecter. Au terme de cette première bataille de procédure, [C] [SH] se lève et dit à celle qui, à 24 ans, est désormais mère de deux enfants :
– Je voudrais que [ON] dise la vérité sur la mort de mon fils.
Assise en face de lui intensément scrutée par les jurés, [ON] ne cille pas. Elle et sa s’ur vont rester deux jours à l’audience puis disparaîtront, comme si elles étaient étrangères aux débats, sous prétextes, diront leurs avocats, qu’elles n’ont pas les moyens de payer les frais d’hôtels. Elles ne reviendront devant la cour d’assises que sporadiquement, lorsque leur présence sera indispensable. »
Page 606 et page 607 :
« Elle ([O] [SH]) quitte le prétoire, pantelante (soumise peu après à un électrocardiogramme), en se disant que jamais [ON] ne pourra résister à pareil traitement.
Les auditions de celle ci, point d’orgue du procès, sont prévues sur une semaine. Son ordre de passage enfin de calendrier prouve l’importance que lui accorde le président [ZE]. Elle arrive, soumise elle aussi à une pression judiciaire et médiatique exceptionnelle. Mais la dérive des audiences précédentes oblige le magistrat à un préambule exhortant toutes les parties en causes au calme pour éviter l’implosion du procès. Pour la belle s’ur de [V] [W], l’enjeu affectif est bien moindre que pour [O] [SH]. Inébranlable, elle répète à nouveau qu’on l’a forcé à parler, qu’elle était jeune, qu’elle ne se souvient pas. Me [J] et ses collaborateurs la poussent dans ses retranchements, la faisant parfois vaciller devant un public haletant, suspendu à ses lèvres, exprimant régulièrement sa déception dans un soupir collectif. Les journalistes notent qu’à chaque difficulté, elle se tourne vers ses avocats, et Me [HY] ne manque pas de rappeler qu’en temps que partie civile elle peut ne pas venir à la prochaine audience. De nombreux éléments troublants apparaissent, mais toujours aucune certitude. [ON], suivie partout, comme son ombre par la femme de Me [JW], reste de marbre dans son rôle de témoin manipulé, qui fera dire à l’avocat général [U] qu’elle est « corsetée, chaperonnée, encadrée. maternée à l’intérieur comme à l’extérieur de la salle d’audience, débitant une leçon apprise d’avance. » »
Page 270. lignes 3 et 4
‘ce jeune pigiste([DL] [F]) s’interroge sur l’un des indices de l’énigme, l’insuline, jamais évoqué depuis le crime. »
Puis lignes 9 à 41 :
‘Il se renseigne d’abord sur les effets d’injection d’insuline sur un non diabétique et découvre qu’elle peut entraîner rapidement un coma profond. C’est aussi le crime parfait qui ne laisse aucune trace décelable à l’autopsie. Il recherche l’infirmière de la famille [D], facile à retrouver car il n’y en a que deux qui exercent dans le canton.
Il est le premier journaliste à lui rendre visite. Elle s’en étonne, puis lui confirme ce que tout le monde sait déjà : [A] [D], la belle mère de [V] [W], est diabétique. En revanche, elle lui apprend que seule [ON] sait pratiquer sur sa mère. en cas de malaise, des injections de Glugacon. un produit de substitution. C’est même elle qui lui a appris ces gestes de première urgence. Et si [ON] avait piqué [H] avant que celui-ci soit jeté à l’eau dans un état comateux ‘se demande le reporter. Cette hypothèse pourrait, se dit-il, expliquer le visage serein de l’enfant, ainsi que l’absence de traces de lutte constatées sur son corps intact. Et peut être, également, fournir un début d’explication à la présence insolite de la jeune fille dans l’enlèvement.
Passionné par ses découvertes, [F] poursuit ses recherches et rencontre un témoin qui lui révèle qu ‘avec l’ ampoule d’insuline dont a parlé la presse se trouvait une seringue-ce qui est exact-mais que les deux objets n ‘auraient pas étaient découverts sur les lieux à la date indiquée dans le dossier. Selon les constatations officielles, établies sur la foi des déclarations du garde champêtre de [Localité 6], cet indice a été trouvé le 9 novembre 1984 au bord du Barba, le petit affluent de la Vologne qui se jette dans la rivière en plein centre du village. A quelques mètres du lieu ou l’on avait retrouvé [H] flottant contre une retenue d’eau. Or selon ce témoin, l’ampoule et la seringue auraient d’abord été cachées sous une pierre en bordure d’une petite route peu fréquentée reliant indirectement [Localité 7] à [Localité 6]. Enfin parmi d’autres éléments plus ou moins importants, [F] apprend qu’un riverain de cette petite toute aurait vu [V] [W] et [ON] longeant, en voiture, la Vologne à cet endroit. Cet homme et son frère ont été effectivement entendus par les inspecteurs du SRPJ. mais ils sont restés évasifs et les enquêteurs n’ont pas insisté. »
Page 271. lignes 9 à 20 :
‘Dès son retour à [Localité 8], il([DL] [F]) la propose (son enquête) à Paris Match avec les photos exclusives de [ON], mais demande une avance pour repartir dans les Vosges et un délai pour se faire confirmer certains points. [I] [MI] [P] l’interviewe, auquel il raconte son aventure et sa certitude d’avoir couvert la vérité. Paris Match décide de tout publier sans attendre la suite de l’enquête. Ainsi paraît le 30 mai 1985 un article anonyme relatant à la première personne les investigations du jeune reporter. Le reportage s’intitule : ‘Un simple témoin qui cherche un avocat, j’ai trouvé ça curieux ». Il se contente de dévoiler ses méthodes en gardant pour la semaine suivante ses révélations, mais semble très sûr de lui : « Je sais dans quelles circonstances [H] est mort. » Et le premier, il évoque la thèse du meurtre à l’insuline.
De la ligne 29 de la page 272 à la ligne 12 de la page 273 :
« Dans la foulée, l’inspecteur va trouver le médecin légiste qui à autopsié [H] et lui pose, à propos du flacon d’insuline, la question suivante :
« Ce flacon a-t-il pu servir à « endormir » l’enfant avant de déposer son corps dans l’eau’»
Le médecin légiste répond par une note de deux feuillets ; II estime plausible l’injection « d’une ampoule complète d’insuline novo-lente » ayant pour effet d’entraîner un « coma hypoglycémique » chez la victime. Mais le docteur [K] écarte la possibilité d’une injection par voie intraveineuse, dont il n’a pas trouvé trace au cours de l’autopsie et qui exige, selon lui, des connaissances techniques particulières. En revanche, il n’exclut pas une injection intra musculaire « à travers les vêtements de l’enfant, à hauteur de la fesse par exemple » bien que n’ayant rien remarqué de visible sur le corps de [H]. En conclusion, sans écarter totalement l’hypothèse du meurtre à l’insuline, elle lui paraît
« [. ‘.] difficilement envisageable de la part de personnes non professionnelles n’ayant aucune connaissance particulière, ni des injections, ni des modalités d’action des médicaments. »
Page 273 :
«Curieusement, la note du médecin restera officieuse et ne sera jamais versée au dossier, comme s’il fallait que les magistrats qui l’examineront plus tard(parquet. chambre d’accusation) ignorent cette piste de l’insuline. »
Page 273 :
‘L’exploitation de cet indice se heurte donc, comme les autres, à l’incapacité du service de police à revenir sur le travail de la gendarmerie pour expurger une bonne fois pour toutes, dans un sens ou dans l’autre, la piste conduisant à [V] [W]. »
– donner acte à la concluante que le bordereau ci-joint récapitulant les bordereaux précédents A, B, C, D E, F déjà produits en première instance et auxquels s’ajoutent les bordereaux G et H des pièces nouvelles produites devant la cour font partie intégrante des conclusions de l’appelante,
– dire et juger que les passages en italiques ci dessus caractérisent la diffamation pour injure publique envers une personne privée en présentant Mme [SA] [D] comme une
menteuse dissimulant la vérité pour couvrir sa présence auprès de [V] [W] le 16 octobre 1984 après 17h au moment de l’enlèvement de [H] [SH] présenté comme ayant probablement enlevé le jeune [H] [SH] alors qu’il jouait devant la maison de ses parents et d’avoir pratiqué une injection d’insuline sur le jeune [H] facilitant sa noyade,
– dire et juger que ces deux imputations loin d’être prouvées par les intimés sont démenties par les décisions judiciaires et les documents produits par l’appelante qui se prévaut à juste titre de l’ordonnance de remise en liberté de [V] [W] du 4 février 1985 du juge [Y], de l’arrêt du 9 décembre 1986 de la chambre d’accusation de Nancy rappelant la mise hors de cause de [V] [W] expressément validé par la chambre criminelle de la Cour de cassation du 17 mars 1987 à l’exception des trois points faisant l’objet d’une cassation partielle, de l’arrêt du 3 février 1993 de la chambre d’accusation de Dijon rappelant l’arrêt de non lieu du 18 d’octobre 1988 précédemment rendu au profit de Mme [SA] [D] et de l’absence depuis cet arrêt de charges nouvelles apportées par le ministère public à l’encontre de Mme [SA] [D], des arrêts prononcé le 14 novembre 2000 par la cour de Versailles condamnant Sebdo pour diffamation envers Mme [SA] [D], sa s’ur Mme [ES] [D] et son père M. [UM] [D], de l’arrêt du 15 mai 2002 de la cour d’appel de Versailles accordant à Mme [SA] [D] des dommages intérêts pour les dénis de justice dont elle a été victime dans la conduite de l’instruction de l’affaire [H] et plus particulièrement au cours du supplément d’instruction conduit à Dijon, le magistrat instructeur affichant une intimité totalement déplacée avec la partie civile [SH],
– dire et juger que l’appelante peut se prévaloir à juste titre de la jurisprudence de la première chambre de la cour de Versailles du 9 avril 2009 à l’encontre de France 3 et de son président directeur général M. [AX] [L] pour la télédiffusion du téléfilm « l’affaire [SH] » reproduisant à l’écran l’audition de Mme [SA] [D] par le conseiller [UU] et résultant de l’adaptation télévisuelle du livre « le bûcher des innocents» 3eme édition dont M. [M] [X] est l’éditeur et du livre « le 16 octobre» dont M. [M] [X] est l’un des co- auteur,
– dire et juger que les documents produits par l’appelante confortent la preuve de la mauvaise foi de l’éditeur M. [M] [X] alors que l’appelante n’avait pas à faire la charge de cette preuve, les intimés ayant la charge d’apporter la preuve de leur bonne foi, ce qu’ils n’ont pas fait,
– dire et juger que les pièces produites par les intimés font fi des débats publics devant la Cour d’Assises de la Cote d’Or qui se sont déroulés du 2 novembre au 16 décembre 1993 et dont l’appelante produit sous la cote D plus de cent cinquante extraits de presse rendant compte des débats,
– dire et juger que si M. [M] [X] et la SARL Editions Les Arènes n’apportent pas la preuve de leur bonne foi, par contre Mme [SA] [D] fait la preuve contraire d’une exceptionnelle mauvaise foi chez M. [M] [X] et la SARL Editions Les Arènes qui ont volontairement omis de faire mention de la condamnation sévère prononcée par la cour d’appel de Versailles le 15 mai 2002 contre l’agent judiciaire du trésor en raison des graves déficiences de l’instruction judiciaire dans l’affaire [H] [SH] équivalant à un déni de justice à l’encontre de [V] [W] de son vivant et plus grave envers sa mémoire après sa mort ainsi qu’envers Mme [SA] [D] lors de la conduite de l’instruction au début de l’affaire et plus grave après la mort de [V] [W] au mépris du caractère contradictoire que doit respecter une instruction judiciaire digne de ce nom dès lors que les auditions de Mme [SA] [D] opérées à Dijon visaient sa présence au côté de [V] [W] le 16 octobre 1984 alors que sans même l’entendre le même magistrat avait conclu 18 mois plus tôt à l’absence de toute intention coupable possible chez Mme [SA] [D] compte tenu des termes du procès verbal de gendarmerie des 2 et 3 novembre 1984, ce qui signifiait que l’instruction était dirigée contre [V] [W] qui était décédé en état légal et définitif de présomption d’innocence car sinon le conseiller [UU] respectant les règles du code de procédure pénale aurait dû entendre Mme [SA] [D] comme témoin assisté comme elle en avait fait la demande lors de sa convocation étant nominativement visée par la plainte avec partie civile des époux [SH],
– dire et juger que M. [M] [X] co-signataire du livre ‘le 16 OCTOBRE’ avec les époux [SH] ne pouvait pas ignorer le déroulement des débats devant la cour d’assise de la Côte d’Or du 2 novembre au 17 décembre 1993 au cours desquels furent largement entendus tant les arguments des époux [SH] que ceux des parties civiles parmi lesquels figurait Mme [SA] [D] et des dizaines de témoins et dont le livre « le 16 octobre» voulait limiter les effets dans l’opinion publique,
– dire et juger que le compte rendu de ces débats dans la 3e édition du « bûcher des innocents» publié 13 ans plus tard ne peut pas être considéré comme un compte rendu de bonne foi mais au contraire comme la preuve de l’incapacité des intimés de prouver leur bonne foi,
– dire et juger que la production des pièces décrites au bordereau D permettent à la cour de Versailles de s’assurer de la mauvaise foi des intimés, les quelques pages du Bûcher des Innocents consacrées au débat public de la Cour d’Assises de la Cote d’Or ne constituent manifestement pas un compte rendu de bonne foi et que c’est donc à tort que ces pièces ont été écartées par le jugement du 10 septembre 2009 du tribunal de Nanterre,
– dire et juger que contrairement à ce qu’insinuent les intimés, la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme n’a pas mis à néant la législation Française sur la presse de 1881 et les lois subséquentes et n’a pas retiré aux victimes de diffamation publique le recours au tribunal pour obtenir réparation du préjudice moral subi,
– dire et juger que le préjudice causé à Mme [SA] [D] par M. [M] [X] doit s’apprécier en fonction de l’importance de la diffusion de la 3e édition du « bûcher des Innocents» dont a été tirée une adaptation télévisée diffusée pendant six heures à des heures de grande écoute par la chaîne publique de télévision française, reprise également pendant six heures par la chaîne franco allemande ARTE,
– dire et juger que M. [M] [X] en tant qu’ancien directeur littéraire de Plon était parfaitement informé de la transaction signée par son employeur, la librairie PLON en mai 1995, avec les consorts [S] pour les indemniser du préjudice moral dont ceux-ci se plaignaient à la suite de la parution du livre le 16 octobre dont M. [M] [X] était co signataire avec les époux [SH] et qu’il aurait du se montrer particulièrement prudent à l’occasion de la 3e édition du livre de Mme [G] [Z] en septembre 2006,
– dire et juger que les pièces et décisions judiciaires produites en première instance annexées aux conclusions d’appels et auxquelles s’ ajoutent les deux arrêts du 9 avril 2009 de la cour de Versailles condamnant France 3 pour le téléfilm l’affaire [SH] tiré de l’adaptation télévisuelle du livre de Mme [G] [Z] 3e édition dont M. [M] [X] est l’éditeur et ‘le 16 OCTOBRE’ dont M. [M] [X] est co-signataire apportent la preuve détruisant l’exception de bonne foi de M. [M] [X] et de la SARL Editions des arènes en détruisant la crédibilité et l’autorité des pièces produites par les intimés qui ne justifie pas de l’exception de bonne foi,
En conséquence, à titre de réparation du préjudice causé,
– condamner solidairement M. [M] [X] et la SARL Editions des arènes à payer à Mme [SA] [D] la somme de cent mille euros (100 000 euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
– ordonner à titre de réparation complémentaire la publication de l’arrêt à intervenir dans trois journaux aux choix de Mme [SA] [D], aux frais des intimés sans que chaque publication ne puisse excéder la somme de cinq mille euros (5 000 euros),
– ordonner la suppression des passages diffamatoires dans toute nouvelle édition et impression du livre et sur quel support que ce soit,
– condamner solidairement les intimés à payer à Mme [SA] [D] la somme de vingt mille euros (20 000 euros) au titre de l’article 700 code de procédure civile,
– condamner solidairement les défendeurs aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit des avoués SCP Fievet, Lafon, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Intimés, la SARL Editions des arènes et M. [M] [X], par conclusions signifiées en dernier lieu le 3 mai 2010 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, demandent à la cour, au visa de l’article 66-5 modifié de la loi du 31 décembre 1971, de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, des articles 56 et 564 du code de procédure civile, des articles 6 et 10 de la convention européenne de sauvegarde des droit de l’homme, de :
A titre principal,
In limine litis,
– confirmer le jugement du 10 septembre 2009 en ce qu’il a dit la présente action en diffamation prescrite , constaté, en conséquence, son extinction, condamné Mme [SA] [D] à leur verser la somme de 5 000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
A titre subsidiaire, sur le fond,
– écarter des débats les pièces adverses n° E 004 et E 005,
– constater l’irrecevabilité des demandes et l’absence de diffamation,
– dire que l’ouvrage poursuivi relate de bonne foi le déroulement d’une affaire judiciaire qui appartient à l’histoire et relève du droit à l’information légitime du public,
– constater l’absence de préjudice,
– débouter Mme [SA] [D] de toutes ses demandes fins et conclusions,
– condamner Mme [SA] [D] à leur verser la somme de 10 000€ chacun par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés, pour ceux les concernant, par la SCP Jullien Lecharny Rol Fertier, avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 décembre 2010.
MOTIFS
sur la nullité de la procédure et la prescription de l’action
Il résulte de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, applicable également devant les juridictions civiles, que l’assignation délivrée à la requête du plaignant doit préciser et qualifier le fait invoqué et indiquer la loi applicable à la demande, contenir élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et être notifiée au ministère public. Elle a pour rôle de fixer définitivement l’objet de la poursuite afin que le défendeur puisse connaître les faits dont il aura à répondre et préparer utilement sa défense.
Il n’est pas soutenu devant la cour que l’assignation initiale délivrée le 13 décembre 2006 ne respecterait pas les dispositions susvisées de sorte qu’elle serait entachée de nullité.
Selon l’article 65 de la loi susvisée, l’action publique et l’action civile se prescrivent après trois mois révolus à compter du jour où les faits auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.
Mme [SA] [D] a régulièrement interrompu la prescription par conclusions signifiées les 12 mars 2007, 6 juin 2007, 29 août 2007, 21 novembre 2007 et le 14 février 2008 ce qui n’est pas contesté par les intimés.
En revanche, les intimés contestent la régularité des conclusions signifiées le 29 avril 2008 par la demanderesse au motif qu’elles ne respectent pas les dispositions de l’article 53 susvisé et comportent des demandes nouvelles fondées sur de très nombreuses pièces communiquées pour la première fois.
Or dans ses conclusions signifiées le 29 avril 2008 Mme [SA] [D] reprend l’ensemble des passages du livre ‘le bûcher des innocents’ qu’elle considère comme constitutifs du délit de diffamation publique envers un particulier, demande au tribunal de dire que ces écrits sont gravement diffamatoires dans la mesure où ils lui attribuent une série de faux témoignages sur son emploi du temps destinés à dissimuler aux enquêteurs sa présence aux côtés de [V] [W] sur les lieux du crime et où ils insinuent qu’elle aurait fait une injection d’insuline à l’enfant au travers de ses vêtements, le plongeant ainsi dans l’inconscience, et de rejeter l’exception de bonne foi des défendeurs. A ces demandes sont ajoutés un certain nombre de ‘dire et juger’ qui ne constituent pas des prétentions mais des éléments de fait au soutien des prétentions voire de simples arguments ou observations, qui n’avaient pas à être mentionnés dans le dispositif des conclusions.
Ainsi, la mention ‘dire et juger que l’affaire [H] n’étant pas close sur le plan judiciaire, l’instruction n’ayant été que suspendue par l’arrêt de non-lieu du 3 février 1993 et le délai de prescription n’expirant que le 10 avril 2011, les imputations diffamatoires revêtent un caractère d’autant plus grave qu’elles constituent une atteinte à la présomption d’innocence des personnes mises en cause et les expose à l’opprobre publique’ ne constitue-t-elle par une demande nouvelle mais simplement un argument pour justifier une demande importante en dommages-intérêt au titre de la diffamation. Il n’était pas demandé au tribunal de dire que les imputations constituaient une atteinte à la présomption d’innocence de personnes d’ailleurs non précisément déterminées, mais seulement d’apprécier l’importance du préjudice moral subi du fait des propos prétendument diffamatoires.
Il est en de même pour chacun des paragraphes ‘dire et juger’ en page 77 et 78 desdites conclusions qui, soit s’appuient sur des condamnations déjà prononcées sur lesquelles il n’y a pas lieu de revenir, soit exposent des arguments de Mme [SA] [D] venant à l’appui de ses demandes ou répondant aux moyens présentés en défense notamment sur l’exception de bonne foi, mais ne pouvant s’analyser comme des demandes nouvelles.
Il apparaît ainsi que dès la délivrance de l’assignation, qui spécifiait les imputations diffamatoires à raison desquelles la poursuite était exercée et mentionnait expressément que l’infraction reprochée était le délit de diffamation publique envers un particulier , les défendeurs ne pouvaient avoir aucun doute sur l’objet exact de la demande, d’ailleurs reprise dans chacune des conclusions interruptives de prescription, et étaient mis en mesure de préparer utilement leur défense . La circonstance que les conclusions de l’appelante soient accompagnées de la production aux débats de très nombreuses pièces ne peut constituer un motif de nullité desdites conclusions , les pièces visant justement à établir la contre preuve de la mauvaise foi des défendeurs, ce qui ne constitue pas une extension du litige au delà du périmètre défini par l’assignation.
Les conclusions signifiées le 29 avril 2008, qui ne sont pas entachées de nullité, ont valablement interrompu la prescription de trois mois, s’agissant d’un acte de poursuite par lequel la demanderesse a manifesté à ses adversaires son intention de poursuivre l’action engagée.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a déclaré l’action prescrite.
sur l’irrecevabilité des prétentions nouvelles
En application des articles 563 et 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait mais pour justifier en appel les prétentions soumises au premier juge, elles peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
Par ailleurs, l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 exige que l’objet de la poursuite et les points sur lesquels le mis en cause aura à se défendre soient définitivement fixés par l’assignation, le juge ne pouvant fonder une condamnation sur des faits autres que ceux qui ont été ainsi précisés.
Devant la cour, Mme [SA] [D] n’a pas repris ses demandes de ‘dire et juger’ relatives à l’atteinte alléguée à la présomption d’innocence des personnes mises en cause. Dès lors qu’il ne s’agissait pas de demandes mais d’arguments au soutien de la demande en réparation du préjudice causé par des écrits considérés comme diffamatoires, la renonciation à s’en prévaloir ne constitue pas une violation de la loi sur la presse.
Quant au paragraphe ‘dire et juger que M.[M] [X] en tant qu’ancien directeur littéraire de Plon était parfaitement informé de la transaction signée par son employeur avec les consorts [S]’, il ne s’agit que d’une simple constatation pour s’opposer à l’exception de bonne foi invoquée par les intimés et non d’une prétention nouvelle.
L’irrecevabilité soulevée par les intimés ne peut être accueillie.
sur la demande de rejet des débats des pièces communiquées par l’appelante sous les numéros E004 et E005
Il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande s’agissant de correspondances qui se rapportent aux compte-rendus des affaires [SH] effectués par maître [JW], avocat honoraire au barreau de Paris et publié en février 2007 aux éditions Balland en réponse au livre ‘le bûcher des innocents’ 3ème édition et au téléfilm diffusé par France 3 en octobre 2006 sous le titre ‘l’affaire [SH]’. La lettre du bâtonnier [E], ancien bâtonnier de Dijon, aujourd’hui avocat honoraire, ancien avocat de la famille [S], a été adressée à maître [JW] pour lui permettre de la produire dans le procès engagé par les époux [SH]. Cette lettre n’est pas confidentielle et peut être produite en justice comme l’ont déjà jugé le tribunal de grande instance de Paris et la cour d’appel de Paris.
Quant à la lettre du bâtonnier Iweins, ancien bâtonnier de Paris, adressée à maître [JW] pour lui faire part de son avis de lecteur sur les deux ouvrages ‘le bûcher des innocents’ et ‘affaire [H]: la justice a-t-elle dit son dernier mot”, elle ne présente pas davantage le caractère confidentiel d’un échange entre avocats à l’occasion d’un litige.
La demande de rejet de ces deux pièces ne peut être accueillie.
sur le fond
Selon l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, toute expression qui contient l’imputation d’un fait précis et déterminé, de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée, constitue une diffamation même si elle est présentée sous forme déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation.
L’acte introductif d’instance a définitivement fixé la nature et l’étendue de la poursuite quant aux faits et à leur qualification .Dès lors qu’il est demandé de juger que tous les propos reproduits en italiques dans le corps de l’assignation constituent le délit de diffamation publique envers un particulier, tel que prévu et réprimé par les articles 29 al1 et 32 al1 de la loi du 29 juillet 1881, c’est sous cette seule qualification que les écrits dénoncés doivent être analysés.
Lorsqu’un livre, réputé diffamatoire, fait l’objet de plusieurs éditions successives, la prescription ne remonte pas au jour de la première édition mais au jour de chacune des éditions nouvelles. Il convient donc d’examiner chaque passage litigieux pour apprécier s’il constitue ou non une diffamation sans avoir égard au fait que certaines phrases ne sont que la reprise à l’identique de l’édition de 1993 laquelle ne peut plus être contestée.
L’auteur a retracé chronologiquement le déroulement de l’instruction en mettant l’accent d’une part sur les insuffisances de l’enquête et les dysfonctionnement du service public de la justice, d’autre part sur le rôle de la presse qui s’est emparée de ce fait divers et a rendu compte dans les moindres détails de l’évolution de l’enquête dont elle suivait le déroulement au jour le jour.
[SA] [D] fait grief aux intimés de lui avoir imputé d’une part d’avoir donné un faux témoignage pour couvrir son beau-frère [V] [W], d’autre part d’avoir effectué une piqûre d’insuline ayant entraîné l’état comateux du jeune [H] [SH].
Au soutien de la première imputation diffamatoire, elle invoque les passages des pages 60, 69, 70, 91, 92, 513, 550, 600 à 601, 606 et 607 .
– page 60 :
Le paragraphe litigieux rend compte des premières déclarations de [SA] [D] aux enquêteurs et relève une divergence avec les déclarations de [V] [W] ce qui ne signifie nullement que la jeune adolescente ment. Il n’y a là aucun propos diffamatoire.
– page 69 :
L’enquête se poursuit et [SA] [D] est entendue à la gendarmerie. L’indication qu’elle parle avec réticence, se montre peu loquace et qu’elle n’a guère d’autre choix que d’acquiescer ne présente aucun caractère diffamatoire. L’auteur attire seulement l’attention du lecteur sur la difficulté rencontrée par les enquêteurs pour obtenir le témoignage de l’adolescente et rappelle qu’elle n’était âgée que de quinze ans, laissant ainsi entendre qu’elle était influençable .
– page 70 :
Il est mis l’accent sur l’importance du témoignage de [SA] [D] et sur les recoupements effectués avec d’autres témoignages. Ce passage ne comporte aucun caractère diffamatoire.
– page 91 et 92 :
L’auteur rend compte de l’évolution de l’enquête: lors de sa nouvelle audition par le juge le 6 novembre 1984, [SA] [D] est revenue sur les déclarations faites à la gendarmerie puis au juge la veille. En indiquant, entre guillemets, avec référence au procès-verbal de [HR] [T] du 1er mars 1989, que ‘nous n’étions plus en présence de la [ON] naturelle que nous avions vue la veille mais d’une [ON] qui en quelque sorte récitait sa leçon’, l’auteur ne reprend pas à son compte lesdits propos mais se contente de les reproduire en citant sa source . Il s’agit là de l’exposé d’un fait qui relève les difficultés auxquelles l’adolescente a été confrontée, de plus en plus consciente de l’importance de ses déclarations. La nouvelle version de [SA] [D] est exposée et l’auteur ajoute qu’elle ne variera plus en dépit des doutes du juge. Ces passages ne présentent aucun caractère diffamatoire; ils reprennent seulement l’exposé chronologique de l’enquête.
– page 513 :
Alors que l’instruction de l’affaire est reprise par [OV] [UU], l’auteur expose l’attitude peu coopérative de [ES] [W] et de [SA] [D] qui ont refusé d’être entendues comme témoins sans leurs avocats et d’être interrogées sur des faits postérieurs au jour du crime et en conclut que leur attitude fait planer, à tort ou à raison, un doute sur la sincérité de leurs déclarations. Il s’agit là de propos mesurés, et en indiquant que leurs avocats usent des subtilités de la procédure pour empêcher le magistrat d’accéder à [ON] [D], Mme [Z] s’interroge sur le rôle des avocats et leur stratégie ce qui ne peut en aucun cas être diffamatoire à l’encontre de Mme [SA] [D].
– page 550 :
En qualifiant de ‘rebuffades’, l’attitude de [SA] [D] et de [ES] [W], l’auteur a rendu compte des difficultés auxquelles s’est heurté [OV] [UU] dans la reprise de l’enquête. Ce terme ne porte pas atteinte à l’honneur et à la considération de Mme [SA] [D] mais décrit seulement sa lassitude, voire son exaspération, d’avoir à s’expliquer à nouveau, plusieurs années après, sur son emploi du temps le jour du crime.
– pages 600 à 601, 606 et 607 :
Il s’agit là du compte rendu objectif des débats lors de l’audience publique de la cour d’assises ayant eu à juger M.[C] [SH], accusé de l’assassinat de [V] [W] . L’auteur retrace le déroulement de l’audience et donne au lecteur quelques explications sur l’enjeu pour [SA] [D] de se voir reconnaître le statut de partie civile . Ces passages ne comportent aucuns propos diffamatoires envers l’appelante qui a maintenu ses déclarations en dépit des tentatives de déstabilisation de certains avocats voire du représentant du ministère public, convaincu qu’elle récitait une leçon.
Quant aux passages relatifs à la prétendue piqûre d’insuline qui aurait pu être administrée à l’enfant, ils ne sont pas davantage constitutifs du délit de diffamation envers un particulier. En effet, l’auteur, au chapitre 10 (pages 270, 271 et 272), s’appuyant sur un article paru dans Paris Match, rapporte l’enquête effectuée par un jeune pigiste, M.[F], convaincu que l’enfant aurait reçu de l’insuline ayant entraîné un état comateux car une ampoule et une seringue auraient été retrouvées à proximité du lieu où se trouvait le corps de l’enfant, mais après avoir exposé la thèse de ce journaliste, précise que le médecin a écarté la possibilité d’une injection intraveineuse, faute de trace à l’autopsie, et que la piste de l’insuline n’a pas été poursuivie par les enquêteurs. Elle aurait pu ajouter que les débats devant la cour d’assises en décembre 1993 ont révélé que l’emballage, l’aiguille et le flacon d’insuline provenaient de trois lots différents, que le médecin ne prescrivait pas ce type d’insuline , que le pharmacien n’avait jamais vendu ce médicament à la mère de [SA] [D] laquelle n’avait appris à faire les piqûres que postérieurement aux faits criminels mais il aurait fallu qu’elle aborde de nouveau cette piste dans son compte rendu d’audience ce qu’elle n’a pas fait. En tout état de cause, le chapitre 10 se termine en mentionnant que cette piste n’a pas été retenue de sorte que c’est à tort que l’appelante considère que le lecteur est induit en erreur.
Il n’y a en conséquence aucune imputation diffamatoire par insinuation.
Si l’on peut comprendre le souhait de Mme [SA] [D] d’oublier cette dramatique affaire à laquelle elle s’est trouvée confrontée à l’âge de 15 ans, il n’en demeure pas moins que ce fait divers est entré dans l’histoire et qu’il est légitime que des auteurs s’y intéressent notamment pour dénoncer, comme en l’espèce, les dérives médiatiques et les défaillances du service public de la justice dans son ensemble. Mme [N] [Z] s’est fondée sur des documents judiciaires et a retracé le plus fidèlement possible les différentes étapes de l’enquête afin de démontrer le rôle dangereux de la presse lorsqu’au lieu de rendre compte du déroulement de l’enquête, elle cherche à en influer le cours .
Les passages du livre visés dans l’assignation ne sont pas diffamatoires envers Mme [SA] [D]. Elle sera donc déboutée de sa demande en dommages-intérêts.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,
INFIRME le jugement déféré,
STATUANT À NOUVEAU,
DIT que l’action en diffamation n’est pas prescrite,
REJETTE la fin de non recevoir sur le fondement de l’article 564 du code de procédure civile,
DIT n’y avoir lieu d’écarter des débats les pièces E 004 et E005 produites par l’appelante,
DÉBOUTE Mme [SA] [D] de ses demandes,
CONDAMNE Mme [SA] [D] à payer aux intimés la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [SA] [D] aux dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Jullien Lecharny Rol Fertier, avoués, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,