Contrat de pigiste : 17 novembre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 20-15.598

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Contrat de pigiste : 17 novembre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 20-15.598
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SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 novembre 2021

Cassation

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1284 F-D

Pourvoi n° T 20-15.598

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 NOVEMBRE 2021

La société Agence Reuter, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-15.598 contre l’arrêt rendu le 8 janvier 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l’opposant :

1°/ à Mme [V] [D], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Agence Reuter, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [D], après débats en l’audience publique du 29 septembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 8 janvier 2020), Mme [D] a travaillé, à compter du 1er octobre 1993, en qualité de reporter pigiste pour le compte de la société Agence Reuter (l’agence). Le 31 juillet 2014, la société lui a adressé une lettre lui indiquant que ses besoins ne justifiaient plus de recourir aux piges qu’elle pouvait lui proposer.

2. Le 27 avril 2015, Mme [D] a saisi la juridiction prud’homale à l’effet de faire constater que la relation de travail entre l’agence et elle était une relation de travail salarié à durée indéterminée et d’obtenir paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L’agence fait grief à l’arrêt de déclarer la juridiction prud’homale matériellement compétente, de fixer la moyenne des salaires perçus par Mme [D], de la condamner au paiement de diverses sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de provision sur indemnité de licenciement et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’ordonner le remboursement des indemnités de chômage, alors « qu’il résulte des articles L. 7111-3 et L. 7111-4 du code du travail que ne peut avoir la qualité de journaliste professionnel, permettant de se prévaloir de la présomption de contrat de travail prévue par l’article L. 7112-1 du même code, que celui qui apporte à l’entreprise de presse une collaboration constante et régulière et qui en tire l’essentiel de ses ressources ; qu’au cas présent, l’agence faisait valoir que Mme [D] ne pouvait se prévaloir de la qualité de journaliste professionnelle dès lors qu’elle ne démontrait pas qu’elle tirait l’essentiel de ses ressources de sa collaboration pour des entreprises de presse ; qu’en énonçant que Mme [D] avait la qualité de journaliste professionnelle pour requalifier la relation en contrat de travail sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme [D] tirait l’essentiel de ses ressources de sa collaboration apportée à des entreprises de presse, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 7111-3, L. 7111-4 et L. 7112-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 7111-3 et L. 7112-4 du code du travail :

4. Aux termes du premier de ces textes, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Le correspondant, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa.

5. Aux termes du second de ces textes, toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.

6. Pour condamner l’agence au paiement de diverses sommes à titre d’indemnités de rupture, l’arrêt retient que Mme [D] est une journaliste au sens de l’article L. 7111-3 du code du travail et dispose d’une carte de presse depuis 1987. Il ajoute qu’elle bénéficie d’une carte d’identité des journalistes professionnels, qu’elle exerçait sa profession pour le compte de l’agence contre rémunération, qu’elle recevait chaque mois un salaire fixe quelle que soit la quantité d’articles rédigés notamment à compter de 2005 et qu’elle bénéficiait auprès de la société « inter expansion » d’un compte épargne salariale abondé par l’agence.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu’il le lui était demandé, si Mme [D] tirait le principal de ses ressources de son activité de journaliste auprès d’entreprises de presse, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. L’agence fait le même grief à l’arrêt, alors « que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que, pour dire que Mme [D] aurait été “placée dans un lien de subordination”, la cour d’appel s’est bornée à relever quatre courriels adressés par Mme [D] à “des salariés” de l’agence entre novembre 2013 et avril 2014 dans lesquels cette dernière posait à son interlocuteur les questions suivantes : “Pourriez-vous me dire quelles sont les directives rédactionnelles pour les semaines à venir” (courriel du 20 décembre 2013), “Si tu n’as trouvé la gentillesse pour me répondre à tous les mails envoyés au fil de ses 2 derniers mois te demandant sur quels sujets tu souhaiterais que je travaille” (courriel du 10 février2014), “Pourrais-tu m’orienter sur les sujets à traiter, à préparer, à creuser pour le service des sports dans les semaines à venir” (courriel du 3 avril 2014), “Je me trouve face à une problématique que je vous demande de trancher” (courriel du 26 novembre 2013) ; qu’en s’abstenant de caractériser l’exercice d’un quelconque pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de l’agence à l’égard de Mme [D], la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail. »

 


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