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ARRET
N°
S.A.R.L. ANGY COMMUNICATION
C/
[X]
copie exécutoire
le 17 janvier 2023
à
Me Kokorian
Me Boizet
CB/MR/BG
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 17 JANVIER 2023
*************************************************************
N° RG 21/05150 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IIFS
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 14 OCTOBRE 2021 (référence dossier N° RG 20/00064)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.R.L. ANGY COMMUNICATION agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée, concluant et plaidant par Me Carine KOKORIAN, avocat au barreau de PARIS
Me Dominique ANDRE, avocat au barreau d’AMIENS, postulant
ET :
INTIME
Monsieur [U] [X]
né le 09 Juin 1973 à [Localité 5]
de nationalité Française
Chez Madame [M] [J] au [Adresse 1]
[Localité 3]
représenté, concluant et plaidant par Me Romain BOIZET, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l’audience publique du 17 novembre 2022, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Madame [Z] [R] indique que l’arrêt sera prononcé le 09 février 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame [Z] [R] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Corinne BOULOGNE , présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD , présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Les conseils des parties ont été avisés dans un premier temps que la date du délibéré initialement fixée au 09 février 2023 était avancée au 19 janvier 2023 puis au 17 janvier 2023.
Le 17 janvier 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
*
* *
DECISION :
EXPOSE DU LITIGE
M. [U] [X] exerce la profession de journaliste et est titulaire de la carte de presse depuis 1996.
En 2019, la société Angy communication a commandé à M. [X] la réalisation ponctuelle de magazines sportifs.
Son nom a été mentionné en qualité de secrétaire de rédaction dans différents numéros.
Sollicitant la requalification de sa collaboration pour le compte de la société Angy communication en un contrat de travail à durée indéterminée, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Beauvais par requête en date du 10 avril 2020.
Par jugement du 14 octobre 2021, le conseil a :
– dit que les demandes de M. [X] étaient recevables et partiellement fondées ;
– fixé le salaire brut mensuel de M. [X] à la somme de 3 272,61 euros ;
– condamné la société Angy communication à payer à M. [X] les sommes suivantes :
– 19 635,66 euros au titre du travail dissimulé ;
– 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté M. [X] du surplus de ses demandes ;
– débouté la société Angy communication de ses demandes reconventionnelles ;
– condamné la société Angy communication aux entiers dépens.
Ce jugement a été notifié le 15 octobre 2021 à M. [X] qui en a relevé appel le 3 octobre 2021.
La société Angy communication a aussi régularisé appel du jugement par acte du 26 novembre 2021.
Par ordonnance du 25 mai 2022, la cour d’appel d’Amiens a :
– ordonné la jonction des procédures N°RG 21/05212 ‘ N° Portalis DBV4-V-B7F-IIJO et 21/05150 sous le numéro 21/05150.
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 28 avril 2022, la société Angy communication prie la cour de :
– infirmer le jugement contradictoire en premier ressort, prononcé le 14 octobre 2021, par le conseil de prud’hommes de Beauvais et notifié le 15 octobre 2021, en ce qu’il :
– a dit que les demandes de M. [X] étaient recevables et partiellement fondées ;
– a fixé le salaire brut mensuel de M. [X] à la somme de 3 272,61 euros ;
– l’a condamnée à payer à M. [X] les sommes suivantes :
– 19 635,66 euros au titre du travail dissimulé ;
– 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la société Angy communication de ses demandes reconventionnelles ;
– condamné la société Angy communication aux entiers dépens ;
– confirmer le jugement contradictoire en premier ressort, prononcé le 14 octobre 2021, par le conseil de prud’hommes de Beauvais en ce qu’il a :
– débouté M. [X] du surplus de ses demandes ;
En tant que de besoin, y rejugeant :
A titre liminaire,
– déclarer l’action de M. [X] irrecevable sur le fondement du défaut d’intérêt à agir et de l’adage selon lequel nul ne plaide par procureur ;
A titre principal,
– débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et rejeter l’ensemble des demandes indemnitaires formulées ;
– débouter M. [X] de son appel incident ;
En tout état de cause,
– condamner M. [X] à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [X] aux entiers dépens de l’instance.
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 2 février 2022, M. [X] prie la cour de :
– confirmer en son principe la condamnation prononcée à l’encontre de la société Angy communication du chef de travail dissimulé ;
– confirmer la condamnation prononcée à l’encontre de la société Angy communication sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– infirmer pour le surplus le jugement entrepris et, y ajoutant ;
– requalifier sa collaboration pour le compte de la société Angy communication en un contrat de travail à durée indéterminée ;
– dire et juger que son contrat de travail a été transféré de la société Blue ride à la société Angy communication, avec toutes les conséquences légales attachées à un tel transfert ;
– condamner la société Angy communication à lui verser la somme de 1 480 euros brut à titre de rappel d’indemnités de congés payés ;
– condamner la société Angy communication à lui verser la somme de 1 233,33 euros brut à titre de rappel de prime de 13ème mois ;
– condamner la société Angy communication à lui verser la somme de 123,33 euros au titre des congés payés afférents à ce rappel de salaires ;
– fixer son salaire brut mensuel de référence à la somme de 4 008,33 euros ;
Plus subsidiairement,
– fixer son salaire mensuel brut de référence à la somme de 3 599,88 euros ;
Plus subsidiairement encore,
– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a fixé son salaire brut mensuel de référence à la somme de 3 272,61 euros ;
– condamner la société Angy communication à lui verser la somme de 24 049,98 euros à titre d’indemnité de travail dissimulé ;
Plus subsidiairement,
– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné la société Angy communication à lui verser la somme de 19 635,66 euros à titre d’indemnité de travail dissimulé ;
– requalifier la rupture de la relation de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société Angy communication à lui verser la somme de 8 016,66 euros à titre d’indemnité de préavis
– condamner la société Angy communication à lui verser la somme de 801,66 euros au titre des congés payés sur préavis ;
– condamner la société Angy communication à lui verser la somme de 23 689,23 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
– condamner la société Angy communication à lui verser la somme de 24 049,98 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;
– ordonner la remise des bulletins de paye et des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir ‘ bulletin de solde de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle Emploi ‘ sous astreinte de 30 euros par document et par jour de retard à compter de la notification du jugement ;
– condamner la société Angy communication au paiement de la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, s’ajoutant à l’indemnité allouée de ce chef en première instance ;
– dire et juger que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal, à compter de la date de réception par la société Angy communication de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation pour les sommes à caractère salarial, et au jour de la décision à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire ;
– condamner la société Angy communication aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 novembre 2022 et l’affaire a été fixée en audience de plaidoirie du 17 novembre 2022.
MOTIFS
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur la question de la recevabilité des demandes formées par M. [X]
La société Angy communication soulève l’irrecevabilité des demandes formées par M. [X] arguant qu’il n’a pas d’intérêt à agir car il n’établit pas les éléments de nature à caractériser une relation salariale et notamment le lien de subordination, que les travaux réalisés par lui l’ont été sous forme de piges qui ont été régulièrement rémunérées à ce titre, que le demandeur ne démontre pas que le fonds de commerce de la société Blue ride lui avait été confié en location gérance.
M. [X] réplique qu’il prouve les faits nécessaires au succès de sa prétention et a intérêt à agir.
Sur ce
L’article 122 du code de procédure civile dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
L’analyse des éléments produits en vue de la requalification de la relation de travail en contrat de travail ne relève pas de la recevabilité mais du fond de la demande.
Par ailleurs le lien entre la société Blue ride et la société Angy communication relève aussi d’un examen du fond de la demande au titre du travail dissimulé.
De manière générale l’intérêt à agir du demandeur est établi puisqu’il saisit la juridiction aux fins de voir reconnaître les droits qu’il invoque et d’obtenir condamnation pécuniaire.
La cour rejette le moyen de l’irrecevabilité des demandes formées par M. [X].
Sur la requalification de la relation en contrat de travail
M. [X] expose que l’article L 7112-1 du code du travail édicte une présomption de salariat pour l’activité de journaliste professionnel, que la notion de subordination est appréciée différemment du fait de la nature même de l’activité, que l’employeur ne combat pas cette présomption, que son activité de journaliste lui procure l’essentiel de ses revenus, que la société ne lui avait pas dénié son statut de journaliste car les fiches de paie des piges visent la convention collective de journaliste, ajoutant que les sujets traités étaient définis par la société de presse en suivant sa ligne éditoriale avec des dates limites de remise, que son nom est mentionné dans les ours des magazines auxquels il a collaboré confirmant ainsi son statut de salarié, qu’il agissait sous le contrôle du rédacteur en chef et sous l’autorité du directeur de publication.
Il rapporte que la société reconnaît lui avoir commandé la réalisation de piges confirmant avoir pris l’initiative de continuer la relation de travail qui le liait auparavant à la société Blue ride, que les autres journalistes ont été placés dans la même situation, étant considérés comme des pigistes alors que la société a publié des milliers d’articles pendant de nombreuses années ce qui requiérait du personnel qualifié et permanent, qu’en janvier 2020 après la rupture des relations la société lui a adressé un bulletin de paie récapitulatif censé régulariser les différentes piges accomplies confirmant ainsi l’aveu d’un contrat de travail, que ce document a été utilisé par la société pour contester le travail dissimulé, que la relation a duré près de 6 ans à caractère permanent au cours de laquelle il avait été désigné administrateur des pages « facebook » qui ne pouvait être confié à un collaborateur occasionnel.
La société Angy communication réplique que M. [X] n’était pas journaliste salarié mais pigiste occasionnel, qu’il combat la présomption de l’article L 7112-1 du code du travail, que ce statut est indépendant caractérisé par une rémunération forfaitaire par facturation d’honoraires, avec une totale liberté de choix des sujets traités et d’organisation du travail, que le demandeur doit prouver qu’il tire l’essentiel des revenus de son activité de journaliste par une collaboration permanente et régulière à la publication et dans le cadre d’un lien de subordination, que n’établissant pas les conditions de la présomption il doit caractériser le lien de subordination ce qu’il ne fait pas, se contentant d’affirmations non étayées alors qu’il n’intervenait qu’occasionnellement et bénéficiait d’une totale autonomie pour réaliser ses piges rédigeant hors des locaux en choisissant ses sujets.
Elle fait valoir que si la cour retenait la présomption M. [X] ne verse pas de courriels, instructions, ordres probants car trop anciens et isolés, que le statut de journaliste ne résulte pas de la possession d’une carte de presse, que les indications figurant dans les magazines ne peuvent préjuger des tâches effectuées.
Sur ce
L’article L 7112-1 du code du travail dispose que « Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail.
Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties. »
L’article L 7112-3 du même code précise que « Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
Le correspondant, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa. »
En application de l’article L 7112-1 du code du travail toute collaboration avec un journaliste s’inscrit dans le cadre d’un contrat de travail, il existe ainsi une présomption de salariat quand bien même il serait pigiste. Elle ne peut être renversée que si la société rapporte la preuve que le journaliste travaille en toute indépendance, sans recevoir d’ordre, de directive, d’orientation et de respecter des délais, c’est-à-dire en démontrant l’absence de lien de subordination entre le collaborateur et l’entreprise
Au regard des textes précités, l’existence d’une convention écrite entre une entreprise de presse et un journaliste professionnel n’est pas érigée en condition de fond permettant l’application de la présomption. Dès lors, le salarié peut invoquer dans son principe le bénéfice de la présomption s’il établit que les conditions sont réunies, nonobstant l’absence de convention écrite. La cour rappelle au surplus que l’absence de contrat écrit n’est pas exclusive de l’existence d’un contrat de travail.
Cette présomption s’applique même en cas de collaboration occasionnelle. Le fait que la collaboration soit irrégulière ne suffit pas à démontrer l’absence de contrat de travail.
Il convient de rechercher dans un premier temps si M. [X] bénéfice du statut de journaliste professionnel en application de l’article L 7112-3 du code du travail et ce pour déterminer s’il peut bénéficier de la présomption de salariat.
Il est constant que la société Angy communication, qui a pour activité principale l’édition de magazines de presse, est une société de presse. Cette condition est donc remplie.
Il est tout aussi constant que la société Angy communication s’est assurée du concours de M. [X] en effectuant des paiements à son profit de manière régulière tel que cela ressort des pièces qu’il a versées, non utilement contestées. La cour relève que les revenus perçus par M. [X] de la part de la société Blue ride en 2018 comprennent outre des remboursements de frais pour reportages de janvier à avril, des chèques de juillet à décembre inclus pour des montants réguliers en deux fois mensuellement d’environ 700 euros et de 1880 euros ; puis pour 2019 les versements correspondaient à des remboursements de frais de déplacements pour reportages pour les magazines bleu-blanc foot, le mondial de rugby, des virements et des chèques en août septembre de 3000 euros chaque mois, en octobre d’un montant de 2667 euros et en décembre de 3052 euros provenant d’Angy communication mais aussi 2000 euros de la société make my mag.
Ainsi M. [X] rapporte la preuve que l’essentiel de ses revenus étaient tirés de son activité de journaliste auprès de sociétés de presse.
La cour observe que M. [X] verse aux débats ses cartes de presse depuis 2014, ce qui constitue un élément de preuve de son statut de journaliste, des conclusions rédigées par la société Blue print pour une affaire devant le conseil de prud’hommes de Bobigny qui précisent qu’il avait été embauché le 15 janvier 2006 en qualité de secrétaire de rédaction puis licencié le 4 décembre 2019, des fiches de paie de piges mentionnant la convention collective des journalistes, des présentations de la société Angy communication le désignant en qualité de coordonateur de rédaction, ainsi que pour le magazine Mondial rugby et total basket tous deux édités par la société Angy communication.
La condition est également remplie
Le fait qu’aucun contrat de travail n’ait été régularisé entre les parties, n’exclut pas pour autant l’existence d’un tel contrat. Par ailleurs la qualité de journaliste pigiste n’exclut pas celle de journaliste professionnel, ce qu’est indubitablement M. [X] puisqu’il justifie exercer cette profession pour plusieurs sociétés de presse et en tirer ses revenus.
Il appartient à la société Angy communication de renverser la présomption de salariat de M. [X] en démontrant qu’il agissait en toute indépendance en choisissant ses sujets, en ne recevant aucune consigne de sa part.
Celle-ci soutient que l’appelant était pigiste payé uniquement pour chaque pige, travaillait à son domicile, qu’il ne produit pas d’échanges avec les directeurs de publication lui donnant des ordres ou des consignes, n’avait pas une activité régulière mais occasionnelle.
Or le statut de pigiste sous tend à une présomption de salariat en contrat de travail à durée indéterminée et bénéficiant d’une présomption de salariat ce n’est pas à M. [X] de prouver le lien de subordination mais à la société de renverser cette présomption.
Par ailleurs elle ne verse aux débats qu’un courriel d’août 2019 par lequel M. [X] indique au directeur de publication qu’il a laissé 3 notes de frais pour Bleu Blanc foot, Ciné saga et Mondial Rugby et qu’il a besoin qu’il lui soit réglé au moins l’une des trois pour payer les pigistes qui ont travaillé.
Ce document n’est pas éclairant sur la relation existant entre les parties. Par ailleurs faute d’écrit clair sur la nature de la relation de travail et l’indépendance de M. [X] dans le choix de ses articles, du fait qu’il ait de sa propre initiative contacté l’éditeur ou autre élément démontrant son indépendance, la cour retiendra, par infirmation du jugement, qu’il y a lieu de requalifier la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée.
Sur le transfert du contrat de travail de la société Blue ride à la société Angy communication
M. [X] soutient sur le fondement de l’article L 1224-1 du code du travail, qu’initialement embauché par la société Blue ride en janvier 2015, qu’il a ainsi collaboré avec jusqu’en 2019, avec plusieurs magazines, que les pièces qu’il verse établissent le caractère régulier et durable de la relation de travail, qu’en fin d’année 2018 la société Angy communication a été fondée en reprenant ces publications en succédant à la société Blue ride dans le cadre d’un contrat de location-gérance, que cette dernière a tenté de régularisé la situation en lui délivrant une fiche de paie, que sa demande le concerne personnellement.
La société Angy communication s’oppose à cette demande rétorquant que M. [X] ne démontre pas l’existence d’un contrat de travail le liant à la société Blue ride.
Sur ce
L’article L 1224-1 du code du travail dispose « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »
L’article L 1224-2 du même code ajoute que « Le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :
1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;
2° Substitution d’employeurs intervenue sans qu’il y ait eu de convention entre ceux-ci.
Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux. »
L’extrait K bis de la société Blue ride précise qu’à compter du 1er novembre 2018 le fonds était mis en location gérance au profit de la société Angy communication. Cette location-gérance a été publiée au BODACC du 30 novembre 2019 et donc opposable aux tiers.
M. [X] verse aux débats l’état de très nombreux chèques à son profit tirés de la société Blue ride entre juillet et décembre 2018.
La requalification du contrat de travail à durée indéterminée a d’abord concerné la société Blue ride puis suite à la location gérance en application des articles L 1224-1 et L 1224-2 du code du travail la société Angy communication est devenue le nouvel employeur de M. [X].
Le jugement est infirmé sur ce point.
Sur le salaire de référence et le rappel de salaire
M. [X] sollicite que soit fixé son salaire de référence sur la base à la somme de 4008,33 euros en arguant que le montant pour chaque pige était fixé à 3700 euros brute par publication à laquelle il faut ajouter l’indemnité de congés payés et la prime de 13eme mois en application de la convention collective dont il réclame le paiement du solde.
Subsidiairement il demande à la cour de fixer le salaire de référence à la somme de 3599,88 euros calculé sur la base du bulletin de paie de décembre 2019 et encore plus subsidiairement il sollicite la confirmation du jugement sur ce point.
La société Angy communication ne réplique pas sur ce point.
Sur ce
En l’absence de contrat de travail écrit, il y a lieu de rechercher le montant du salaire moyen de référence.
Les pièces financières produites ne permettent pas de déterminer le montant du salaire, faute de disposer de l’ensemble de celles-ci. L’employeur n’a délivré qu’une seule fiche de paie en décembre 2019 qui reprend un total de 14 399,52 euros brut pour une ancienneté de 4 mois en ce compris la prime de 13eme mois et les indemnités compensatrices de congés payés, il s’ensuit que le salaire mensuel brut doit être fixé, par infirmation du jugement à la somme de 3599 ,88 euros.
La fiche de paie récapitulative de décembre 2019 indique qu’ont été calculés le prorata du 13eme mois du pigiste et les indemnités compensatrices de congés payés.
La demande de rappel d’indemnités compensatrices de congés payés et de 13eme mois n’est donc pas justifiée. Le jugement confirmé en ce qu’il a débouté M. [X] de ces demandes.
Sur le travail dissimulé
M. [X] sollicite la condamnation de la société Angy communication à lui verser une indemnité pour travail dissimulé arguant qu’elle n’a pas régularisé de déclaration préalable à l’embauche aux organismes sociaux dans le but de se soustraire au paiement de cotisations sociales ; que la fraude est ainsi caractérisée car les notes de frais étaient des rémunérations occultes dont le seul montant forfaitaire démontre le caractère fictif de paiements.
Il ajoute que le courriel du 16 août 2019 illustre les difficultés à se faire payer sans pour autant qu’il établisse qu’il avait imposé ce mode de règlement, qu’au contraire deux autres mails d’avril et juin 2014 l’invitant à établir une note de frais en contrepartie de sa collaboration établit la fraude alors qu’il s’agissait d’un travail et non de frais engagés, le même procédé ayant été utilisé en août 2019.
La société Angy communication réplique que M. [X] n’était pas salarié et n’avait pas à être déclaré en tant que tel auprès de l’Urssaf, que la fiche de paie récapitulative vise une pige qu’au surplus il n’a eu aucune intention de frauder au préjudice de M. [X] alors qu’il a lui-même sollicité le paiement de piges.
Sur ce
Il résulte de l’article L.8223-1 du code du travail que le salarié dont le travail a été dissimulé par l’employeur a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Selon l’article L.8221-5 du même code, le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié est notamment caractérisé par le fait pour l’employeur de mentionner intentionnellement sur les bulletins de paie, un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou encore par le fait pour l’employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
Aux termes de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Cette indemnité forfaitaire est cumulable avec des dommages et intérêts du fait du préjudice résultant de la dissimulation de l’emploi.
En l’espèce, la cour a précédemment requalifié en contrat de travail à durée indéterminée la relation de M. [X] d’abord avec la société Blue ride puis suite à la location gérance en application des articles L 1224-1 et L 1224-2 du code du travail avec la société Angy communication.
Faute d’élément plus récent la cour dit que ce contrat de travail d’abord avec la société Blue ride a pris effet à compter de juillet 2018 puisqu’il s’agit du premier élément permettant de dater la relation de travail même si le salarié prétend qu’elle a débuté en 2015 ; Ensuite le contrat de travail a continué avec la société Angy communication.
La société Angy communication est une société de presse au fait de la législation en matière de journalisme. En ne régularisant pas de déclaration préalable à l’embauche pour un journaliste ayant travaillé pendant plusieurs mois pour elle dès la location-gérance et en délivrant à M. [X] une fiche de paie « récapitulative » en décembre 2019 alors que la relation de travail allait prendre fin, l’employeur a tenté de régulariser à postériori une situation illégale.
La cour relève que cette fiche de paie mentionne des piges mensuelles pour 14 399,52 euros sans préciser leur nombre ; en outre les multiples notes de frais d’un montant arrondi (600 ou 700 euros) qui devaient être remboursées ne sont pas détaillées avec les factures et les montants des frais de route, d’hébergement et de restauration ce qui conforte les affirmations du salarié sur le fait qu’il s’agissait en réalité de notes de frais fictives recouvrant en réalité le salaire.
Ce procédé dont le salarié ne tire pas de bénéfice est essentiellement profitable à l’employeur et la délivrance d’un bulletin de paie tardif censé régulariser la situation salariale de M. [X] démontrent le caractère intentionnel de l’absence de déclaration préalable à l’embauche.
Dans ces conditions, la cour confirme le jugement qui a retenu l’existence d’un travail dissimulé mais l’infirme sur le quantum en condamnant la société Angy à payer à M. [X] une somme de 21 599,28 euros.
Sur la rupture du contrat de travail
M. [X] sollicite la condamnation de la société Angy communication à indemniser le licenciement sans cause réelle et sérieuse qu’il a subi du fait de la rupture brutale de la collaboration avec elle à compter de décembre 2019, qu’il avait dès octobre 2019 sollicité le paiement des salaires qui lui étaient dus, qu’étant lié avec une autre entreprise dont M. [O] était gérant une rupture conventionnelle était envisagée puis abandonnée pour aboutir à un licenciement pour celle-ci sans qu’un licenciement ne soit mis en ‘uvre par la société Angy communication.
Il ajoute que cette rupture s’est matérialisée par le retrait de son rôle en qualité d’administrateur des pages facebook des magazines édités par la société Angy communication.
Il sollicite le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, d’une indemnité spécifique de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à 6 mois de salaire.
La société Angy communication ne réplique pas sur ces demandes.
Sur ce
L’article L.1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l’existence d’une cause réelle et sérieuse. C’est à cette condition que le licenciement est justifié.
Le licenciement pour cause personnelle est celui qui est prononcé pour un motif inhérent à la personne du salarié. Le manquement sanctionné doit donc être reproché au salarié personnellement. Le licenciement pour motif inhérent à la personne relève soit du pouvoir disciplinaire, soit du pouvoir de direction de l’employeur.
En dehors de toute faute, l’employeur peut décider de rompre le contrat de travail d’un salarié dans l’intérêt de l’entreprise, à condition d’invoquer une cause réelle et sérieuse et de respecter la procédure de licenciement de droit commun.
M. [X] étant son salarié, elle avait l’obligation de lui fournir du travail régulièrement en sa qualité de pigiste sauf à défaut à engager une procédure de licenciement.
La cour relève que la société Angy communication, qui s’est abstenue sans motif légitime de fournir du travail au salarié, est à l’origine de la rupture et n’a pas respecté la procédure de licenciement, la rupture sans motif justifié est donc requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis
En application de l’article L 7112-2 du code du travail « Dans les entreprises de journaux et périodiques, en cas de rupture par l’une ou l’autre des parties du contrat de travail à durée indéterminée d’un journaliste professionnel, la durée du préavis, sous réserve du 3° de l’article L. 7112-5, est fixée à :
1° Un mois pour une ancienneté inférieure ou égale à trois ans ;
2° Deux mois pour une ancienneté supérieure à trois ans. »
Toutefois, lorsque la rupture est à l’initiative de l’employeur et que le salarié a une ancienneté de plus de deux ans et de moins de trois ans, celui-ci bénéficie du préavis prévu au 3° de l’article L. 1234-1.
Le salaire de référence a été retenu précédemment à la somme de 3599 ,88 euros.
Les créances salariales nées de la requalification du contrat de travail d’un salarié intervenue parallèlement au transfert d’entreprise sont à la charge exclusive du nouvel employeur.
L’ancienneté retenue doit être fixée à compter de juillet 2018 date du premier chèque perçu de la société Blue ride mise en location gérance au profit de la société Angy communication en novembre 2018.
Au moment de la rupture M. [X] avait donc un an et 6 mois d’ancienneté. Il lui est donc du une somme de 3599,88 euros correspondant à un mois de salaire outre 359,98 euros de congés payés afférents.
Le jugement étant infirmé.
Sur l’indemnité de licenciement
L’article L 7112-3 du code du travail précise que « Si l’employeur est à l’initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d’année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze ».
M. [X] ayant 1 an et 6 mois d’ancienneté il est donc légitime à revendiquer, par infirmation du jugement, le paiement d’une somme de 5399,82 euros à ce titre.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Il est constant que l’application de l’article L. 1235-3 du code du travail qui fixe le barème d’indemnisation applicable, conduira à limiter les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse entre un montant minimum de 0,5 mois de salaire et un montant maximum à 2 mois de salaire.
Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [X], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice du salarié doit être évaluée à la somme de 3599,88 euros .
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Angy communication à payer à M. [X] la somme de 3599,88 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les documents de fin de contrat
Il y a lieu d’ordonner à la société Angy communication de délivrer à M. [X] les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt sans qu’il soit nécessaire en l’état d’assortir cette condamnation de l’exécution provisoire.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions de première instance seront confirmées.
Succombant pour l’essentiel en cause d’appel, la société Angy communication sera condamnée en application de l’article 700 du code de procédure civile à payer à M. [X] une somme que l’équité commande de fixer à 2000 euros pour la procédure d’appel.
Partie perdante, la société Angy communication sera condamnée aux dépens d’appel et sera déboutée de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort
Infirme le jugement rendu le 14 octobre 2021 par le conseil de prud’hommes de Beauvais sauf en ce qu’il a condamné la société Angy communication au titre du travail dissimulé, débouté M. [U] [X] de ses demandes de rappel d’indemnités compensatrices de congés payés et de 13eme mois et condamné la société Angy communication aux dépens
L’infirme de ces chefs,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant
Dit que la collaboration de M. [U] [X] avec la société Angy communication est requalifiée en contrat de travail ;
Dit que le contrat de travail de M. [U] [X] avec la société Blue ride a été transféré à la société Angy communication au 1er novembre 2018 ;
Fixe le salaire de référence de M. [U] [X] à la somme de 3599,88 euros ;
Condamne la société Angy communication à payer à M. [U] [X] les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes :
– 3599,88 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 359,98 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
– 5399 ,82 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;
– 21 599,28 euros au titre du travail dissimulé ;
Condamne la société Angy communication à payer à M. [U] [X] la somme de 3599,88 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Ordonne à la société Angy communication de remettre à M. [U] [X] les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ;
Déboute M. [U] [X] de sa demande d’astreinte ;
Condamne la société Angy communication à payer à M. [U] [X] la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;
Condamne la société Angy communication aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.