Votre panier est actuellement vide !
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
————————–
ARRÊT DU : 14 DECEMBRE 2022
PRUD’HOMMES
N° RG 19/03740 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LDVC
SARL EVIDENCE
c/
Madame [L] [B]
SCP [E] ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la SARL Evidence
UNEDIC Délégation AGS – C.G.E.A. DE BORDEAUX
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 juin 2019 (R.G. n°F17/00572) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 04 juillet 2019,
APPELANTE :
SARL Evidence, agissant en la personne de son représentant légal Monsieur [A] [O] gérant domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
N° SIRET : 791 986 797 00029
représentée et assistée de Me Coralie LABARRIERE de la SELARL HORAE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
Madame [L] [B]
née le 02 Juillet 1987 de nationalité Française, demeurant Chez M. et Mme [B] – [Adresse 3]
représentée et assistée de Me Jean-Baptiste ROBERT-DESPOUY de la SELARL ORACLE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANTES :
SELARL [Z] [E], ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la SARL Evidence domicilié en cette qualité ausiège social [Adresse 2]
représentée et assistée de Me Coralie LABARRIERE de la SELARL HORAE, avocat au barreau de BORDEAUX
CGEA de Bordeaux, partie intervenante forcée, pris en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 4]
rerpésentée par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 novembre 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d’instruire l’affaire et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
Greffier lors des débats : S. Déchamps
Greffier pour le prononcé : A.-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Entre le 1er mars 2013 et le 30 décembre 2014, Mme [L] [B], née en 1987, et diplômée d’une licence Activités et Techniques de communication, spécialité Journalisme, a rédigé des articles parus dans le journal Junkpage, magazine mensuel gratuit portant sur les activités culturelles à Bordeaux, édité par la société Evidence, entreprise de presse.
Mme [B] était rémunérée à la pige.
Revendiquant la qualité de journaliste professionnel salarié à l’égard de la société Evidence et sollicitant le paiement de diverses indemnités outre des rappels de salaires, Mme [L] [B], née en 1987, a saisi le 16 juin 2016 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 17 novembre 2016, s’est déclaré incompétent au profit de celui de prud’hommes de Bordeaux.
Pardécision du 19 juillet 2017, la société Evidence a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Bordeaux qui a ensuite adopté un plan de redressement le 12 septembre 2018 et désigné la SELARL [Z] [E] en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Par jugement rendu le 21 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Bordeaux, saisi le 18 janvier 2017 suite au renvoi du conseil de prud’hommes de Paris, a :
– dit que Mme [B] et la société Evidence étaient liées par un contrat de travail à durée indéterminée et que ce contrat a été rompu de manière irrégulière et sans cause réelle et sérieuse ;
– jugé que la société Evidence a manqué à son obligation de loyauté à l’égard de Mme [B],
– condamné la société Evidence à verser à Mme [B] les sommes de :
* 9.701,34 euros à titre de rappel de salaire de mars 2013 à décembre 2014,
* 970,13 euros à titre de congés payés y afférents,
* 685,72 euros à titre de prime de 13ème mois,
* 68,57 euros à titre de congés payés y afférents,
* 742,86 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 685,72 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 68,57 euros de congés payés y afférents,
* dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du conseil de prud’hommes de Bordeaux,
* rappelé que l’exécution provisoire est de droit, conformément aux dispositions de l’article R.1454-28 du code du travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois, cette moyenne étant de 685,66 euros,
* 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de rupture et non-respect d’un engagement judiciaire,
* 4.114 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l’article L. 8223-1 du code du travail,
* 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
* 685, 72 euros à titre d’indemnité pour licenciement irrégulier sur le fondement de l’article L.1235-5 du code du travail,
* rappelé que les condamnations à caractère indemnitaire ne portent intérêts au taux légal qu’à compter du prononcé du jugement,
– ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
– condamné la société Evidence à remettre à Mme [B] l’attestation Pôle Emploi, un bulletin de salaire récapitulatif et un certificat de travail rectifiés, le tout sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du 21ème jour suivant la notification du jugement, et ce pendant un délai de 30 jours, le conseil se réservant la liquidation de ladite astreinte,
– condamné la société Evidence à verser à Mme [B] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire pour les dispositions du jugement qui n’en bénéficient pas de plein droit,
– débouté la société Evidence de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rendu le jugement opposable à la SELARL [Z] [E], mandataire judiciaire de la société Evidence, ainsi qu’au CGEA de Bordeaux, dans la limite légale de son intervention,
– condamné la société Evidence aux dépens.
Par déclaration du 4 juillet 2019, la société Evidence a relevé appel de cette décision.
Par courrier reçu le 29 août 2019, la SELARL [Z] [E] est intervenue volontairement à l’instance d’appel.
L’UNEDIC Délégation AGS CGEA de Bordeaux, assignée en intervention forcée par acte d’huissier délivré le 10 septembre 2019 à la requête de la société Evidence, a constitué avocat le 11 septembre 2019.
Les conclusions de Mme [B] ont été déclarées irrecevables par ordonnance rendue le 13 mai 2020 par le conseiller de la mise en état.
Dans leurs dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 1er octobre 2019, la société Evidence et Maître [Z] [E] en qualité de commissaire à l’exécution du plan demandent à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux et de :
A titre principal,
– dire que Mme [B] ne peut prétendre au statut de journaliste professionnel salarié de la société Evidence,
– dire que Mme [B] ne peut bénéficier des dispositions législatives et réglementaires applicables à l’exécution et à la rupture du contrat de travail,
– dire qu’en l’absence de contrat de travail, le conseil de prud’hommes était incompétent pour connaître des demandes de Mme [B],
– débouter Mme [B] de l’intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire et dans l’hypothèse où la cour d’appel venait à reconnaître l’existence d’un contrat de travail,
– constater que Mme [B] a été réglée de l’intégralité des piges dues,
– débouter Mme [B] de sa demande de rappel de rémunération,
– débouter Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– dire que la moyenne brute à prendre en considération est de 116,86 euros (soit 1/12 des sommes perçues au cours de 12 derniers mois),
– dire que la prime de 13ème mois ne peut excéder la somme de 116,86 euros outre 11,68 euros au titre des congés payés y afférents,
– réduire l’indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 331 euros,
– réduire l’indemnité pour procédure irrégulière à un mois de salaire soit 116,86 euros,
– réduire l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 116,86 euros bruts soit un mois de salaire,
– réduire les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions,
– débouter Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour remise tardive des documents d’usage de rupture du contrat de travail,
– condamner Mme [B] à verser à la société Evidence la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 novembre 2019, l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de Bordeaux demande à la cour de’:
A titre principal,
– lui donner acte de ce qu’elle se réfère aux arguments et conclusions de la société Evidence,
– réformer le jugement en toutes ses dispositions,
– dire que Mme [B] ne peut pas prétendre au statut de journaliste professionnel salarié de la société Evidence,
– dire que Mme [B] ne peut pas bénéficier des dispositions législatives et réglementaires applicables à l’exécution et à la rupture du contrat de travail,
– En conséquence, la débouter de l’ensemble de ses demandes,
Subsidiairement, en cas de reconnaissance du statut de salariée,
– réformer le jugement en toutes ses dispositions pécuniaires,
– débouter Mme [B] de sa demande de rappel de piges de mars 2013 à décembre
2014 dont elle a été intégralement payée,
– fixer la créance de Mme [B] au passif de la société Evidence pour les sommes suivantes :
* au titre de la prime de 13ème mois, congés payés compris, pour 2013 : 135,16 euros bruts,
* au titre de la prime de 13ème mois, congés payés compris, pour 2014 : 116,86 euros bruts,
* au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, congés payés compris : 116,86 euros bruts,
* au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement : 331 euros,
– débouter Mme [B] de sa demande d’indemnité pour défaut de procédure de
licenciement ou, subsidiairement, fixer sa créance au passif de la société Evidence , au visa de l’article L. 1235-2 du code du travail, à la somme maximale de 116,86 euros, sauf à la réduire en fonction du préjudice,
– réduire substantiellement le montant des dommages et intérêts pour licenciement abusif à l’équivalent de 2 mois, soit une somme maximale arrondie de 235 euros, au visa de l’article L. 1235-5 alinéa 2 du code du travail, faute de préjudice supérieur établi,
– débouter Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution
déloyale du contrat de travail ou, à titre infiniment subsidiaire, en cas d’exécution jugée déloyale, fixer sa créance au passif de la société Evidence à la somme maximale de 100 euros, faute de préjudice établi plus étendu,
– débouter Mme [B] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé faute
d’infractions visées par l’article L. 8223-1 du code du travail et de soustraction intentionnelle ou, à titre infiniment subsidiaire, en cas de travail dissimulé retenu, fixer sa créance au passif de la société Evidence à la somme de 701,16 euros, au visa de l’article L. 8223-1 du code du travail,
– réformer le jugement en ce qu’il a alloué à Mme [B] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans la remise des documents de rupture et pour non-respect de l’engagement judiciaire,
– au titre de seul défaut de remise des documents de rupture, débouter Mme [B] de sa demande, faute d’établir son préjudice ou, à titre infiniment subsidiaire, fixer sa créance au passif de la société Evidence à la somme de 100 euros,
– débouter Mme [B] de toutes autres demandes sur appel incident,
Sur la garantie de l’AGS,
– en cas de confirmation du jugement sur les dommages et intérêts pour non-respect de l’engagement judiciaire, exclure ladite créance de la garantie de l’AGS,
– déclarer opposable l’arrêt au CGEA de Bordeaux dans les limites légale de la garantie
de l’AGS, laquelle est subsidiaire à l’insuffisance de trésorerie de la société Evidence Editions, actuellement en plan de redressement et laquelle exclut aussi l’astreinte et l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 7 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes des dispositions des articles 472 et 954 du code de procédure civile, lorsque l’intimé ne comparaît pas ou que ses conclusions ont été déclarées irrecevables, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et doit examiner, au vu des moyens d’appel, la pertinence des motifs par lesquels les premiers juges se sont déterminés, motifs que la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier.
Sur la reconnaissance du statut de salarié
La décision déférée a retenu l’existence d’un contrat de travail entre les parties aux motifs suivants :
‘ D’après les principes dégagés par la jurisprudence, la qualification du contrat de travail suppose la réunion de 3 critères cumulatifs :
– la fourniture d’un travail,
– le paiement d’une rémunération,
– l’existence d’un lien de subordination.
Sur la fourniture d’un travail :
Madame [L] [B] a produit des articles parus chaque mois dans la revue JUNKPAGE de mars 2013 à décembre 2014, dont Madame [B] produit les copies.
Sur le paiement d’une rémunération ;
Madame [L] [B] a été salariée de la société EVIDENCE EDITIONS, ainsi que l’attestent les bulletins de paie qu’elle produit et qui couvrent la période du 24 juin 2013 au 31 décembre 2014 pour un emploi de pigiste, sous la convention nationale de travail des journalistes (presse, audiovisuel).
Par ailleurs elle produit une attestation datée du 6 avril 2016 et signée par Monsieur [A] [O] Directeur de ‘EVIDENCE EDITIONS’ par laquelle il reconnaît que Madame [B] a été sa salariée du 1er mars 2013 au 31 mai 2014 en qualité de ‘ CONTRIBUTRICE-PIGISTE-JOURNALISTE’.
Sur le lien de subordination :
Selon la jurisprudence, le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Madame [B] devait répondre à des commandes d’articles et dans un délai imparti, sous la responsabilité du rédacteur en chef, comme en attestent des échanges de courriels. On en déduit donc l’existence d’un lien de subordination entre Madame [B] et le rédacteur en chef de la revue JUNKPAGE.
Ainsi il y a lieu de constater ici que Madame [L] [B] a réalisé un travail sous la subordination d’un employeur, lequel lui a versé une contrepartie en salaire, ce qui signifie qu’elle était liée par un contrat de travail avec la société EVIDENCE EDITIONS, lequel étant non écrit est par défaut à durée indéterminée.
De fait, le Conseil de Prud’hommes est bien compétent pour connaître des demandes de Madame [B] et l’objection faite par la société EVIDENCE EDITIONS ne tient pas.’
Pour voir infirmer la décision, la société et le commissaire à l’exécution du plan auxquels s’associe l’UNEDIC, font valoir les éléments suivants :
– aux termes du tableau établi par Mme [B], celle-ci n’a collaboré que de façon très épisodique au journal, à raison de deux piges en moyenne par mois :
– elle se présente elle-même sur son site internet comme pigiste en freelance ;
– son curriculum vitae démontre qu’elle a été amenée à collaborer à de nombreuses autres publications au cours de la période considérée, presse écrite, web, non seulement en France mais également aux Etats Unis ; elle animait des émissions de radio à raison de 20 heures par semaine, était attachée de presse pour divers groupes de musique et ne résidait pas à Bordeaux [lieu du siège social de la société Evidence] ;
– la rétribution qui lui a été versée était dérisoire et ne constituait pas le principal des ressources de Mme [B] ; la moyenne des piges qu’elle a reçues entre juin 2013 et décembre n’aurait guère dépassé 100 euros ;
– Mme [B] n’était pas soumise à un lien de subordination : elle produit un seul mail échangé avec ‘[J] [K]’, qui valide le sujet qu’elle propose, ce qui serait la preuve qu’elle proposait les sujets et n’était soumise à aucune directive éditoriale et instruction, commande ou demande spécifique comme en témoignent d’ailleurs les mails échangés
avec d’autres collaborateurs pigistes ; Mme [B] était maître de son temps de travail sauf à devoir respecter la date de bouclage du magazine.
L’UNEDIC fait en outre observer que Mme [B], qui ne justifie avoir été détentrice de la carte de journaliste, ne peut revendiquer la qualité de journaliste professionnel.
***
En vertu des dispositions de l’article L. 7112-1 du code du travail, la convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumé être un contrat de travail, le texte précisant que cette présomption subsiste « quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ».
Cette présomption simple de salariat implique que celui qui s’en prévaut soit un journaliste professionnel.
Aux termes de l’article L. 7111-3 du code du travail, « est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ».
Si la présomption de salariat n’est pas détruite par la seule absence de la carte de journaliste, quatre conditions doivent cependant être réunies pour pouvoir prétendre au statut, d’ordre public, de journaliste professionnel et à la présomption de salariat édictée par l’article L. 7112-1 du code du travail :
– l’exercice de la profession de journaliste,
– à titre principal,
– au sein d’une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse,
– dont l’intéressé tire le principal de ses ressources.
En l’absence de définition légale de la profession de journaliste, sont considérés comme journalistes ceux qui apportent une collaboration intellectuelle et permanente à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs.
En l’espèce, l’examen du curriculum vitae de Mme [B] ne permet pas de retenir que durant la relation contractuelle avec la société appelante, l’activité journalistique de Mme [B] constituait son activité principale lui procurant l’essentiel de ses revenus.
Il en résulte en effet que, dans le même temps, Mme [B] était responsable d’un pôle Web, assurait la promotion et la communication d’artistes et de musiciens du label d’une société américaine de production de disques et qu’elle animait une émission de radio.
Par ailleurs, la moyenne des piges réglées par la société Evidence sur la période de juin 2013 à décembre 2014 s’est élevée à 191 euros, aucune autre pièce relative aux revenus de Mme [B] n’étant versée naux débats.
Ainsi, en l’état des pièces dont la cour dispose, il ne peut donc être considéré que Mme [B] avait une activité principale de journaliste pour le compte d’entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse dont elle tirait l’essentiel de ces revenus.
Mme [B] ne peut ainsi se prévaloir de la présomption de salariat.
En l’absence de toute pièce de nature à établir qu’elle a travaillé pour le compte de la société appelante dans le cadre d’un lien de subordination , Mme [B] doit donc être déboutée de l’ensemble de ses prétentions.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé dans l’ensemble de ses dispositions.
Sur les autres demandes
Mme [B], partie perdante à l’instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à la société appelante la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement déféré dans l’ensemble de ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute Mme [L] [B] de l’ensemble de ses prétentions,
Condamne Mme [L] [B] aux dépens ainsi qu’à payer à la société Evidence la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire