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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 MAI 2022
N° RG 19/03929 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TQ6W
AFFAIRE :
[C] [H]
C/
SNC EDITIONS MONDADORI AXEL SPRINGER – EMAS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Septembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : 18/01606
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Caroline ARNAUD
Me Christophe DEBRAY
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [C] [H]
né le 13 Avril 1981 à [Localité 5] ([Localité 5])
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Tristan HUBERT de la SARL EVERGREEN LAWYER LYON, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1178
Représentant : Me Caroline ARNAUD, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0295
APPELANT
****************
SNC EDITIONS MONDADORI AXEL SPRINGER – EMAS
N° SIRET : 347 863 060
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Agnès VIOTTOLO de la SELARL Teitgen & Viottolo, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R011
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 Mars 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Madame Valérie AMAND, Président,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU,
FAITS ET PROCEDURE
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er juillet 2006, M. [H] a été engagé en qualité de rédacteur spécialisé, par la société Editions Mondadori Axel Springer (ci-après EMAS), avec reprise d’ancienneté au 4 juillet 2005.
Spécialisée dans le secteur de la presse magazine automobile, la société est une filiale de la société Mondadori France. Elle emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des cadres et employés des éditeurs de la presse magazine, les journalistes se voyant appliquer la convention des journalistes.
Les sociétés EMAS et Mondadori Magazines France sont regroupées en une unité économique et sociale (UES) et disposent d’un comité social et économique commun.
Le 1er juillet 2017, M. [H] était promu au poste de ‘chef de rubrique’ et gérait, à ce titre, la rubrique consacrée aux essais automobiles du magazine Sport Auto.
Au mois de mars 2018, la société Mondadori a annoncé un plan de départs volontaires (PDV) visant à la suppression de 35 postes au sein de diverses rédactions des pôles ‘presse féminine’ et ‘science’, ainsi que de services de l’UES Mondadori France, le pôle ‘presse automobile’ n’étant pas directement concerné par les suppressions de poste ciblées. Le plan prévoyait notamment la suppression de 3 postes de chefs de rubriques et de plusieurs postes de rédacteurs.
Par courrier en date du 12 avril 2018, M. [H] a déclaré sa candidature au PDV.
Suivant correspondance en date du 25 mai 2018, la société a indiqué à M. [H] qu’elle ne pourrait « donner une suite favorable à sa demande de départ volontaire que si son départ permet le repositionnement interne d’un salarié concerné par la suppression de poste ».
Le 29 juin 2018, la société a informé M. [H] que sa candidature n’avait pu être retenue.
Par courrier du 3 juillet 2018, M. [H] a démissionné en reprochant notamment à la direction un « refus arbitraire » de sa candidature au PDV.
Le contrat de travail a pris fin le 2 août 2018.
Par requête enregistrée le 26 décembre 2018, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin que sa démission soit requalifiée en prise d’acte de la rupture produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que la société soit condamnée à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La société s’est opposée aux demandes et a sollicité une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 19 septembre 2019, notifié le 9 octobre 2019, le conseil a statué comme suit :
Dit et juge que le refus de la candidature de M. [H] est légitime,
Requalifie la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en démission,
Déboute M. [H] de l’ensemble de ses demandes,
Déboute la société EMAS de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [H] aux entiers dépens.
Le 28 octobre 2019, M. [H] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 22 septembre 2021, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 19 octobre 2021. L’affaire a été renvoyée à l’audience du 8 mars 2022.
‘ Selon ses dernières conclusions du 25 novembre 2019, M. [H] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que le refus de sa candidature au plan de départ de la société était justifié, dit qu’il n’apportait pas la preuve d’une exécution déloyale du contrat, requalifié la prise d’acte en démission, et l’a débouté de l’ensemble de ses demandes, et de :
A titre principal :
Dire et juger que le refus de sa candidature au plan de départs de la société Mondadori est injustifié ;
Dire et juger que la société a fait preuve de déloyauté à l’occasion de l’exécution du contrat de travail ;
Requalifier la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
– 50 000 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
– 3 662,85 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;
– 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
A titre subsidiaire :
Condamner la société à lui verser les indemnités prévues au plan de départs volontaires soit les sommes suivantes :
– 50 000 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
– 3 300 euros au titre des frais de déménagement exposés ;
En tout état de cause :
Condamner la société à lui verser la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
Condamner la société à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Au soutien de ses réclamations, M. [H] fait valoir essentiellement qu’il a été victime d’une exécution déloyale du contrat de travail et que la société EMAS a refusé de manière injustifiée sa candidature au plan de départ volontaire de l’entreprise et qu’il a en outre été victime à ce titre d’une inégalité de traitement.
‘ Aux termes de ses dernières conclusions, en date du 25 février 2020, la société EMAS demande à la cour de :
A titre principal, confirmer en toutes ses dispositions, le jugement entreprise, dire et juger en conséquence le refus de la candidature de M. [H] légitime, requalifier la prise d’acte de la rupture en démission et débouter M. [H] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour retenait un manquement de l’employeur, constater que le manquement imputé à l’employeur est dépourvu de la gravité suffisante à empêcher la poursuite du contrat et débouter en conséquence M. [H] de ses demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause, condamner M. [H] à payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société intimée objecte principalement que le refus de la candidature de M. [H] à ce plan de départ était parfaitement légitime, qu’aucune des candidatures reçues pour remplacer le salarié n’était de nature à permettre une suppression de poste, y compris par effet ‘domino’, le pôle ‘auto’ auquel était affecté le salarié n’étant pas touché par le plan , l’appelant n’étant pas enfin fondé à lui reprocher de ne pas avoir publié les postes de MM. [W] et [L], les deux salariés du pôle ‘auto’ candidats à sa succession, dans la mesure où aucun des salariés dont la suppression du poste était envisagé n’aurait été en mesure de remplacer l’un ou l’autre. S’agissant de l’inégalité de traitement invoquée, elle soutient que M. [H] ne peut se comparer à ses collègues, MM. [J] et [N], qui ne se trouvaient pas dans la même situation, le poste occupé par M. [H] étant plus stratégique que ceux occupés par ces derniers.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
I – Sur l’exécution déloyale du contrat de travail :
L’article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Au soutien de sa prise d’acte, M. [H] fait valoir que l’employeur aurait exécuté de manière déloyale le contrat de travail. Il se plaint d’avoir subi une pression et une charge de travail croissante sans que l’employeur lui donne les moyens nécessaires à l’exécution de ses fonctions.
Il plaide que son supérieur hiérarchique, M. [X], n’hésitait pas à répartir lui-même le travail et à s’attribuer ‘les essais qu’il jugeait les plus intéressant sans consultation préalable’, et que le ‘climat délétère’ qui en a résulté a conduit de nombreux salariés à être placés en arrêt de travail, ce qui a conduit le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail a ordonné une enquête afin de prévenir les risques psycho-sociaux.
À l’examen de ses conclusions, force est de constater que l’appelant n’offre pas de justifier ses allégations, aucune pièce n’y étant visée.
Tout juste peut-il être constaté que l’appelant produit divers mails de son supérieur aux termes desquels si ce dernier se réserve l’essai d’un véhicule de marque Ferrari en Italie, il interroge M. [H] et M. [P] (pigiste à temps complet au sein du service) sur le point de savoir si l’un d’eux accepterait de procéder à l’essai d’un véhicule BMW aux Baléares, ou accède à la volonté de l’appelant de procéder à l’essai d’une moto de marque Honda.
L’appelant s’abstenant de faire l’analyse détaillée de ces messages, il ne peut être déduit de cette communication une quelconque exécution déloyale du contrat de travail.
M. [H] verse également aux débats des extraits d’articles de presse mettant en cause le comportement de la directrice des ressources humaines de la société Mondadori en 2018 sur des propos inappropriés qu’elle aurait tenus à l’égard des représentants du personnel, sans caractériser un quelconque lien avec sa situation personnelle.
Enfin, il produit un certificat de son médecin traitant, en date du 19 juin 2018, qui indique que le patient présente un état psychologique fragile avec des troubles du sommeil importants, une humeur triste associée à des crises d’angoisses et un appétit diminué, tous ces arguments cliniques entrant donc dans le cadre d’un syndrome anxiodépressif, symptômes qui seraient, d’après le patient, apparus dans un contexte professionnel difficile évoluant depuis un an et demi.
En l’état de ces éléments, la preuve de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur alléguée par le salarié n’est pas rapportée et le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts de ce chef.
II – Sur le refus injustifié de la candidature de M. [H] au plan de départ volontaire :
M. [H] reproche à l’employeur d’avoir refusé sans motif valable, alors qu’il remplissait l’ensemble des conditions exigées, sa candidature au départ volontaire le privant ainsi des aides prévues par le plan dont une indemnité de départ équivalente au montant de l’indemnité légale de licenciement et une aide au déménagement.
En l’espèce, il est constant que faute d’être parvenu à conclure avec les délégués syndicaux un accord collectif majoritaire, l’employeur a établi un document unilatéral portant sur un plan d’accompagnement des salariés candidats à un départ volontaire visant, d’une part, la suppression de 35 postes identifiés au sein des pôles ‘presse féminine’ (Biba et Grazia), ‘Science et vie’ et ‘infotainment’, ainsi que les services Digital, MD diffusions et Rh Facilities et, d’autre part, la création de cinq emplois.
Outre l’hypothèse de départ à la retraite, le plan prévoyait notamment le cas de « départ pour projet professionnel » ouvert à tout salarié appartenant aux filières professionnelles concernés par le projet de réorganisation, « ainsi qu’à tout salarié (quelle que soit sa filière), candidat au départ volontaire, permettant le repositionnement direct ou indirect d’un salarié dont le poste est impacté par le projet », le départ volontaire devant permettre, in fine, la suppression effective d’un poste.
Ce plan prévoyait donc un dispositif de repositionnement interne au terme duquel les salariés pouvaient postuler sur les postes susceptibles d’être rendus disponibles, des modalités d’accompagnement au repositionnement et de formation d’adaptation, ainsi qu’une période d’adaptation afin de favoriser la mobilité interne, le refus des candidatures éventuelles devant être motivé par l’employeur.
M. [H], qui était rattaché au pôle ‘presse auto’, lequel n’était pas concerné par les suppressions de poste, a postulé au plan de départ volontaire le 12 avril 2018.
Il n’est pas discuté par l’employeur que le salarié bénéficiait d’une offre d’emploi en CDI, condition requise pour pouvoir postuler à ce plan, et que sa candidature a été formée dans les délais prévus par le plan.
Il est constant que l’employeur a, suite à sa candidature, publié l’emploi qu’il occupait, comme étant susceptible de se libérer, sur le site interne ‘Ekiosque’ afin de le porter à la connaissance des collaborateurs de l’UES et favoriser ainsi la mobilité interne. L’appelant ne peut sérieusement prétendre que par cette diffusion, l’employeur aurait manqué à son obligation de loyauté en annonçant ainsi son départ anticipé de l’entreprise.
Toutefois, la publication du poste de M. [H] n’a suscité l’intérêt d’aucun collaborateur attaché à l’un des services concernés par les suppressions de poste, ni même d’un salarié affecté à un quelconque autre service de l ‘UES, à la seule exception de trois collaborateurs du pôle ‘presse auto’ lesquels se sont portés candidats au remplacement de M. [H], à savoir :
– M. [W], qui exerçait les fonctions de rédacteur au sein du service mutualisé ‘essais’ du pôle auto et était plus particulièrement dédié au magazine Auto Plus,
– M. [P], qui collaborait au magazine Sport Auto depuis 2008 en tant que pigiste à temps plein ; affecté à la rubrique ‘Essais’ du magazine, il travaillait concrètement sous l’autorité de M. [H] , chef de rubrique ; ce collaborateur précisait dans sa lettre de candidature (pièce n°16 de l’intimée) que ‘cela fait maintenant plus de dix ans que je collabore à ce titre. Depuis 2012, j’y travaille à temps plein en tant que pigiste permanent. J’ai par le passé et à maintes reprises, fait part de ma volonté d’intégrer la société avec un CDI, procédure qui correspond selon moi à une régularisation de mon statut. J’ai jusqu’alors essuyé des refus pour des raisons économiques que je comprends. L’ouverture de ce poste m’incite à renouveler ma demande ma demande tout en envisageant une évolution de mes responsabilités. Je pense que mon profil correspond parfaitement. Je connais bien le titre, pense donner satisfaction à ma hiérarchie, ai un rapport privilégié avec les interlocuteurs habituels de Sport Auto […]’ ;
– M. [L], chef de rubrique du magazine Auto Plus.
In fine, M. [P] a été engagé comme ‘chef de rubrique’ en remplacement de M. [H]. Son départ a permis de régulariser la situation de ce collaborateur, le contrat de travail conclu en octobre 2018 prévoyant une reprise de son ancienneté à 2008.
Alors que l’annonce de la possible vacance du poste de ‘chef de rubrique’ du magazine Sport Auto, n’a suscité l’intérêt que de collaborateurs travaillant eux-même au sein du pôle ‘presse auto’, M. [H] ne peut sérieusement reprocher à l’employeur de ne pas avoir publié sur le site Ekiosque les profils des trois candidats à sa succession, observations faites, d’une part, que le collaborateur dont le profil correspondait le mieux au remplacement de M. [H], à savoir M. [P], qui travaillait au sein du service ‘essais’ du magazine Sport Auto depuis plusieurs années, n’avait alors qu’un statut de pigiste à temps complet et, d’autre part, que le PDV prévoyait que dans l’hypothèse où plusieurs collaborateurs se positionneraient sur un poste, l’employeur retiendrait la candidature la plus opportune. En d’autres termes, et compte tenu du profil des candidats, la société n’était pas tenue de diffuser les postes occupés par MM. [W] et [L], la diffusion d’un poste de pigiste ne pouvant sérieusement susciter l’intérêt de salariés.
Il convient de rappeler que la société choisira en l’espèce M. [P] pour remplacer M. [H], MM. [W] et [L] étant maintenus à leur poste respectif.
Si le salarié insiste sur l’engagement souscrit par l’employeur de former et d’accompagner les candidats à la mobilité interne, à défaut de candidature d’un salarié affecté à un autre service que le pôle ‘presse auto’ pour occuper le poste de M. [H], ce dernier ne saurait soutenir que la société a manqué à l’obligation qu’il avait souscrite à ce titre.
Par ailleurs, en réponse à l’insistance exprimée par le salarié pour être fixé sur la suite réservée à sa candidature, la société lui adressait dès la fin du mois de mai 2018 une lettre d’attente, puis une réponse provisoire le 19 juin 2018 lui précisant que sa candidature au PDV ne serait acceptée que dans l’hypothèse où son départ permettrait la suppression effective d’un poste.
Le 29 juin 2018, terme de la période d’instruction des candidatures, la société confirmait au salarié que sa candidature était rejetée au motif suivant :
‘après étude de votre candidature, nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de donner une suite favorable à votre demande de départ volontaire. En effet après étude des différentes possibilités, aucune solution répondant aux exigences du plan n’a pu être trouvée.
Votre poste de chef de rubrique au sein du pôle Auto n’est pas identifié comme supprimé et votre départ ne permettrait pas de supprimer un poste.’
Il ne ressort en aucune façon des éléments de la cause que la société aurait tardé dans l’examen de sa candidature et l’annonce du rejet de celle-ci.
En l’état des éléments ci-avant exposés, la société EMAS rapporte la preuve d’avoir instruit conformément aux termes du plan la candidature de M. [H] et de ce que sa décision de rejeter celle-ci était fondée et conforme aux conditions fixées par le PDV.
III – Sur l’inégalité de traitement :
M. [H] se plaint d’avoir fait l’objet d’une rupture de l’égalité de traitement entre lui et deux collègues du pôle ‘presse auto’, à savoir MM. [N] et [J] lesquels bien qu’ils ne relevaient pas des services directement concernés par le PDV ont bénéficié du plan sans que leur départ ne libère l’un des emplois visés dans la liste des postes concernés.
L’appelant ajoute que la société reste taisante sur les conditions et les raisons pour lesquelles leurs candidatures ont été acceptées.
En application du principe d’égalité de traitement, si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c’est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l’avantage en cause, aient la possibilité d’en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d’éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables.
Conformément aux dispositions de l’article 1353 du code civil, s’il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.
Il n’est pas contesté par l’employeur que M. [N], rédacteur du service enquête du magazine Auto Plus, et M. [J], chef de la rubrique ‘occasions’ de ce même magazine, ont bénéficié du PDV sans que leur départ n’entraîne la suppression directe ou indirecte de l’un des emplois ciblés par le PDV.
Cette situation, constante, laisse supposer l’existence de l’inégalité de traitement dénoncée.
La société EMAS plaide et justifie que M. [U] a été remplacé par un rédacteur, M. [O].
Elle affirme que ce dernier n’a, lui-même, pas été remplacé de sorte que le départ de M. [J] aurait entraîné la suppression d’un poste, sans toutefois en justifier. En effet, la seule communication des ‘ours’ dudit magazine ne saurait établir la suppression d’un emploi.
L’intimée affirme en outre que la rubrique ‘essais’ gérée par M. [H] était infiniment plus stratégique que la rubrique ‘occasions’ gérée par M. [U] en invoquant le nombre de pages publiées dans chacun des magazines concernés, et plaide que ‘cela explique qu’il a été possible de trouver une solution permettant le départ’ de ce salarié. Cette explication n’est pas pertinente, dès lors que la société a été informée dès le mois de mai 2018 – et la diffusion de la vacance possible du poste de M. [H] – de la candidature de M. [P]. Nonobstant le statut dont bénéficiait ce dernier jusqu’alors, à savoir pigiste à temps complet depuis plusieurs années, l’employeur disposait également d’une solution interne utile au remplacement de M. [H], solution qu’elle retiendra du reste suite à la démission de l’appelant. Cette explication ne constitue pas une justification objective et pertinente.
En outre, et au regard des conditions requises par le plan, à savoir la nécessité de supprimer, non pas un emploi au sein de l’UES, mais l’un des emplois identifiés par le PDV [pôles presse féminine (Biba et Grazia), Science et vie et infotainment ainsi que les services Digital, MD diffusions et Rh Facilities], force est de constater que l’allégation par l’employeur de la suppression du poste de M. [O], laquelle n’est nullement justifiée, ne répond pas à l’exigence d’une justification reposant sur des éléments objectifs et pertinents.
Il en va de même de l’acceptation de la candidature de M. [N] au PDV dont il est affirmé qu’il a été remplacé par des pigistes. Le tableau récapitulatif des piges au sein du service auto 2017/2018 communiqué en pièce n°21, sans la moindre explication, inexploitable, ne saurait justifier cette allégation.
Faute ainsi pour la société de justifier par des éléments objectifs et pertinents, au regard de l’avantage en cause, l’acceptation des candidatures de MM. [J] et [N] au PDV et l’inégalité de traitement qui en découlait au regard de la décision de rejeter celle de M. [H], le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté la réclamation de M. [H] sur ce point.
En violant le principe d’égalité de traitement, la société a fait l’économie des dispositifs prévus permettant aux salariés concernés de bénéficier d’une indemnité de départ correspondant au montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement et d’une indemnité de déménagement.
Compte tenu de l’ancienneté de M. [H] et de sa rémunération, l’indemnité à laquelle il aurait pu prétendre, par application des stipulations de la convention collective des journalistes s’établit à la somme de 50 000 euros, montant non critiqué par la société intimée.
Par ailleurs, le salarié pouvait prétendre à bénéficier d’une indemnité de déménagement.
L’appelant justifie avoir exposé des frais à ce titre à hauteur de 3 662,85 euros.
En réparation du préjudice subi en lien avec l’inégalité de traitement dont il a été victime, la société EMAS sera condamnée à lui verser ces indemnités.
IV – Sur la rupture du contrat de travail :
La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.
En l’espèce, le manquement lié à l’ exécution déloyale du contrat de travail n’est pas établie.
Le manquement de l’employeur au principe d’égalité de traitement dans le cadre de l’exécution du plan de départ volontaire, ci-avant caractérisé, n’étant pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que la prise d’acte produit les effets d’une démission.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud’homale, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement en ce qu’il a jugé que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’une démission et en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
L’infirme pour le surplus,
Statuant de nouveau des chefs ainsi infirmés,
Dit que la société EMAS a manqué au principe d’égalité de traitement dans l’exécution du plan de départ volontaire,
Condamne la société EMAS à verser à M. [H] les sommes de 50 000 euros à titre d’indemnité de départ volontaire et celle de 3 662,85 euros au titre des frais de déménagement,
Condamne la société EMAS à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La condamne aux entiers dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur TAMPREAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,