Votre panier est actuellement vide !
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRÊT DU 01 Décembre 2017
(n° , 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 14/02926
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Février 2014 par le Conseil de prud’hommes – Formation de départage de PARIS RG n° F11/09293
APPELANTE
Le société FRANCE MEDIA MONDE venant aux droits de la société RADIO FRANCE INTERNATIONALE
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Aline JACQUET DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E2080 substitué par Me Charles BOCQUILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1692, M. [R] [N] (Représentant légal) en vertu d’un pouvoir spécial
INTIMEE
Madame [I] [T]
[Adresse 2]
[Localité 2]
née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 3]
comparante en personne, assistée de Me Violaine BOUISSOU, avocat au barreau de PARIS
PARTIE INTERVENANTE :
Syndicat SNJ CGT
[Adresse 3]
[Localité 4]
non comparante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Valérie AMAND, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Luce CAVROIS, président
Madame Valérie AMAND, conseiller
Monsieur Christophe BACONNIER, conseiller
Greffier : Mme Emmanuelle MAMPOUYA, lors des débats
ARRET :
– REPUTE CONTRADICTOIRE
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Madame Valérie AMAND en remplacement de Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente empêchée et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [I] [T] née en [Date naissance 1] 1947 a été engagée par la société Radio France Internationale aux droits de laquelle vient la société France Médias Monde, ci-après dénommée FMM dans le cadre d’un un premier contrat à durée déterminée en qualité de journaliste- stagiaire pour la période du 1er mars 1991 au 31 août 1991 et a obtenu sa carte de presse le 1er mars 1991.
La convention collective nationales journalistes est applicable.
A compter du 1er septembre 1991, un contrat de travail à durée indéterminée était conclu entre les parties avec reprise d’ancienneté au 1er mars 1991.
Mme [I] [T] était affectée dès le début de la relation à la rédaction en langues étrangères, service émission en persan/ rédaction persane où elle a évolué de la manière suivante :
En 1991 elle est journaliste stagiaire1 avec un indice de fonction 920 ; en 1992 , elle est journaliste stagiaire 2 avec un indice de fonction 1020 ; en 1993 elle est journaliste bilingue avec un indice de fonction 1170 ; en 1994 elle est journaliste spécialisée avec un indice de fonction 1280 ; en 1998 elle est responsable de rubrique avec un indice de fonction 1430 ; en 2002 elle est responsable de rubrique 1 avec un indice de fonction 1480 ; en 2005 elle est responsable de rubrique 2 avec un indice de fonction 1590 ; en 2005 elle est responsable de rubrique 3 avec un indice de fonction 1590 ; à compter de cette date, sa qualification de responsable de rubrique 3 n’évoluera pas ni son indice de fonction maintenu à 1590.
A compter du 1er janvier 1995 en application des accords dits Servat qui fixent un indice de rémunération à partir de l’indice fonctionnel en prenant en compte l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et/ ou dans l’audiovisuel, la salariée perçoit outre son salaire -correspondant à l’indice fonctionnel x la valeur du point- une indemnité différentielle représentant la différence entre l”indice de rémunération fixé par l’accord et l’indemnité fonctionnelle.
Depuis 2003 elle bénéficie de différents mandats : élue déléguée du personnel, puis en 2005 membre titulaire du comité d’entreprise (liste CGT).
Par courriels du 14 novembre 2011, elle fait part à la direction de son indignation à l’annonce des promotions dont elle ne bénéficie pas ; par nouveau courriel en date du 10 novembre 2012, Madame [T] demande sa promotion à l’indice fonctionnel 2000.
Par divers échanges de courriels en novembre 2012, puis octobre 2013 et novembre 2013 elle dénonce également diverses difficultés rencontrées (affectation aux plannings incompatibles avec l’exercice du mandat, missions à l’extérieur de l’entreprise fréquemment acceptées au dernier moment, injonction de former d’autres collègues, en vue du remplacement de la requérante; affectation à de tâches hors de la mission de journaliste ; menace de sanction; rythme de travail incompatible avec la nécessité de prévoir deux jours de repos consécutifs ou les jours de récupération; modification intempestives et injustifiées des jours travaillés; menaces et agression).
Elle a sollicité son adhésion au plan de départ volontaire mais n’en n’a pas bénéficié pour avoir envoyé sa demande hors délai.
Estimant n’avoir pas fait l’objet d’un avancement de carrière conforme au temps moyen effectif de promotion dans l’entreprise, la salariée a saisi le 30 juin 2011 le conseil de prud’hommes de Paris pour voir reconnaître et réparer la discrimination syndicale dont elle se considérait victime et voir la société France Médias Monde condamner à lui payer notamment divers rappels de salaires et dommages-intérêts.
Elle est en arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif à plusieurs reprises entre 2013 et 2016 avec un malaise survenu sur le lieu de travail le 21 janvier 2014 ayant donné lieu à une hospitalisation en urgence.
Par jugement en date du 7 février 2014, le conseil de prud’hommes de Paris dans sa composition présidée par un juge départiteur a pris la décision suivante :
Requalifie la relation de travail entre la société France Médias Monde et Madame [T] en un unique contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er mars 1991
Condamne la société France Médias Monde à payer à Madame [T] les sommes suivantes :
– 4500 € à titre d’indemnité de requalification
– 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice
– 28 740 € à titre de rappel de salaire, 2395 € au titre du 13e mois et 3113 € au titre de l’incidence des congés payés
– 15 352 € à titre de rappel de prime d’ancienneté et 1535 € au titre des congés payés afférents
Condamne la société France Médias Monde à payer au syndicat national des journalistes CGT la somme de 1000 € à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice
Ordonne à la société France Médias Monde de remettre à Madame [T] des bulletins de salaires conformes aux termes du présent jugement dans le délai de deux mois suivant sa notification
Déboute les parties de leurs demandes plus amples au contraires
Condamne la société France Médias Monde à payer à Madame [T] la somme de 1000 € et au SNJ CGT celle de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la société France Médias Monde aux dépens
Ordonne l’exécution provisoire.
Le 12 mars 2014, la société France Médias Monde a fait appel de ce jugement notifié le 12 février 2014.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions visées par le greffier, la société France Médias Monde demande à la cour de :
Infirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes en sa formation de départage ;
Statuant à nouveau,
– constater qu’il n’y a pas lieu à requalifier la chaîne contractuelle ;
– constater l’absence de toute discrimination syndicale à l’encontre de Madame [T];
– constater l’absence de toute discrimination d’aucune sorte l’encontre de Madame [T] ;
– constater que Madame [T] ne peut en aucun cas revendiquer l’indice fonctionnel 1755, et encore moins les indices 2000 et 2100, et qu’il n’y donc pas lieu à procéder à la moindre reconstitution de carrière ;
– constater en tout état de cause que Madame [T] ne justifie pas des sommes demandées tant au titre de la discrimination qu’au titre des rappels de salaires ;
Et par conséquent,
– débouter Madame [T] de toutes demandes de rappel de salaires, prime NIS, prime d’ancienneté, accessoire de salaires et congés payés afférents ;
– débouter Madame [T], et le Syndicat SNJ CGT, de toutes demandes de dommages et intérêts ayant pour origine une discrimination à l’encontre de Madame [T] ;
– les débouter du surplus de leurs demandes, notamment de toute demande relative à l’article 700 du CPC ;
– condamner Madame [T] et le SNJ CGT à la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du CPC.
Par conclusions visées par le greffier, Madame [T] demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– requalifié la relation de travail entre Madame [T] et la société FMM en CDI depuis le 1er mars 1991;
– condamné la société FMM à verser à Madame [T] la somme de 4.500 euros à titre d’indemnité de requalification;
– jugé que Madame [T] était bien fondée à solliciter que sa carrière soit reconstituée sur la base d’une progression normale tous les 4 ans;
– jugé que Madame [T] était victime de discrimination syndicale;
infirmer le jugement entrepris s’agissant du quantum des condamnations prononcées;
En conséquence,
condamner la société FRANCE MEDIAS MONDE à verser à Madame [T], les sommes suivantes (dont il conviendra de déduire les sommes déjà versées en exécution du jugement entrepris) :
– 47.486,95 euros à titre de rappel de salaire;
– 3.957,24 euros au nue du 13ème mois;
– 5.144,41 euros au titre des congés payés afférents;
– 6.483,86 à titre de rappel de prime NIS;
– 648,38 au titre des congés payés afférents;
– 24.332,03 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté;
– 2.433,20 euros au titre des congés payés afférents;
– 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la discrimination subie
– 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux dépens.
Ordonner la remise des bulletins de paie conformes à l’arrêt à intervenir.
A l’audience des débats, les parties ont soutenu leurs conclusions auxquelles elles ont renvoyé la cour qui s’y réfère pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
Le syndicat SNJ CGT n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.
L’arrêt est réputé contradictoire.
En cours de délibéré, les parties ont fait savoir à la cour leur accord pour entrer en voie de médiation ; par ordonnance du 21 février 2017, une médiatrice a été désignée.
L’affaire a été rappelée à l’audience du 9 juin 2017 où une nouvelle date de délibéré a été fixée,la médiatrice ayant informé la cour de l’échec de la médiation.
MOTIVATION
Sur la requalification du contrat à durée déterminée
Selon l’article L. 1242-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat, le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit le motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Sous réserve des dispositions des articles L 1242-3, L 1242-7, L 1243-13, L 1242-8, L 1244-4, il ne peut être conclu que pour exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés à l’article L1242-2, lequel vise en son 3° l’accroissement temporaire d’activité.
En l’espèce, le contrat à durée déterminée conclu le 1er mars 1991 pour une période allant jusqu’au 30 août 1991 se borne à mentionner comme motif de recours ” le lancement des émissions en langue farsi”.
Faute de viser l’un des motifs de recours prévus par la loi, la requalification est encourue; au surplus, vainement la société appelante soutient-elle que l’activité confiée à la salariée constituait une expérience nouvelle correspondant à un accroissement temporaire d’activité; l’embauche de la salariée s’inscrivant dans un projet de lancement de rédaction persane qui avait vocation à perdurer montre que la salarié était recrutée pour occuper un poste permanent.
Contrairement à ce qu’indique la société, le fait que le contrat à durée déterminée a été suivi d’un contrat à durée indéterminée conclu par lettre du 16 septembre 2011 n’empêche pas la salariée de solliciter la requalification du contrat à durée déterminée initial irrégulier pour ne pas viser l’un des motifs légaux de recours.
Par confirmation du jugement, la cour fait droit à la demande de requalification.
La salariée est fondée à obtenir une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction prud’homale, soit au vu du bulletin de paie de juin 2011 la somme de 3907,11 euros ; l’indemnité allouée à hauteur de 4500 euros non critiquée par l’employeur ni par la salariée est confirmée.
Il est précisé que contrairement à ce qu’affirme l’employeur, la demande d’indemnité de requalification n’est pas prescrite : la prescription de cinq ans applicable, sans que la durée totale de prescription excède la durée trentenaire antérieurement prévue a couru à compter de la loi du 17 juin 2008 applicable à la date de saisine de la juridiction prud’homale, en sorte qu’en saisissant cette dernière le 30 juin 2011, la salariée ne peut se voir opposer l’irrecevabilité de sa demande.
Sur la qualification retenue à l’embauche
L’appelante recrutée en qualité de journaliste stagiaire indice 920 revendique la qualification de journaliste spécialisé indice 1280 dès l’embauche.
L’annexe 3 de l’avenant audiovisuel à la convention collective nationale des journalistes CCNTJ définit le journaliste spécialisé comme étant un journaliste :
« possédant dans une ou plusieurs disciplines, une qualification reconnue, sanctionnée notamment soit par des diplômes, soit par des stages spécialisés, soit par une pratique journalistique dans les disciplines concernées ne pouvant être inférieure à 3 ans ”.
La salariée justifie posséder de nombreux diplômes délivrés avant son embauche (un doctorat d’Etat en psychologie sociale effectué au sein de l’Université de [Établissement 1] qui lui a valu de bénéficier d’une convention de recherche avec le CNRS, un doctorat de 3e cycle en science de l’éducation obtenu au sein de l’université [Établissement 1], une maîtrise en sciences de l’éducation, une maîtrise en littérature française, une licence en traduction obtenue à l’École [Établissement 2] à [Localité 3]) et être au moment de l’embauche chargée d’enseignement au sein de l’Université [Localité 5] ; il n’est pas démenti qu’elle parlait couramment le français, le persan et l’anglais et que son recrutement s’est fait à partir d’une sélection sur dossier d’une trentaine de candidats et de sa réussite à un concours comprenant trois exercices dont une revue de presse et la conception d’une dépêche.
Par ailleurs elle justifie avoir co-signé en janvier 1984 un article pour la revue le Monde de l’éducation intitulé ” L’iran avant et après la révolution”.
Au vu de ces éléments non contestés, la cour retient que la salariée justifie remplir les conditions de la définition conventionnelle revendiquée en établissant une qualification reconnue sanctionnée par des diplômes ; la société ne peut valablement opposer à la salariée son absence d’expérience journalistique dès lors que sa détention de diplômes suffit pour établir sa qualification reconnue au sens de la convention ; de même la signature du contrat à durée déterminée en qualité de journaliste stagiaire n’empêche par la salariée de revendiquer judiciairement la qualification correspondant à ses fonctions et à sa qualification définie conventionnellement ; enfin les dispositions des articles 10 et 13 de la convention collective relatives à la formation professionnelle et au stage du journaliste stagiaire n’excluent pas la possibilité de recruter un journaliste spécialisé dès l’embauche étant précisé qu’il n’est pas contesté que la salariée a reçu une carte de presse dès le 1er mars 1991.
Par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen surabondant relatif à l’intégration de personnels administratif ou technique à l’indice revendiqué, il convient de faire droit à la demande de la salariée et de dire qu’elle devait bénéficier au 1er mars 1991 de la qualité de journaliste spécialisée avec l’indice fonctionnel 1280.
Sur la discrimination syndicale
L’article L 2141 -5 du même code dispose quant à lui qu’il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération.
Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de sa situation de famille.
En vertu de l’article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions qui précèdent, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En application des dispositions qui précèdent, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l’espèce, la salariée justifie que :
– le temps effectif moyen pour bénéficier d’une mesure promotionnelle était en 2010 de 4 ans, mais que depuis décembre 2004, son indice fonctionnel de 1590 est resté le même sans changement ;
– elle est élue déléguée du personnel en 2003 suppléant et et membre du comité d’entreprise le 17 juin 2005
– malgré sa compétence professionnelle reconnue comme en témoigne sa participation comme membre de jurys de festivals internationaux prestigieux, les récompense reçue et publications réalisées, ses demandes d’évolution de carrière n’ont pas abouti ainsi qu’elle le dénonçait dans son courriel du 14 novembre 2011
– la plupart des rédacteurs en chef ayant la même ancienneté qu’elle ont un indice fonctionnel de 2300 supérieur au sien,
– sa demande de promotion à l’indice 2000 alors qu’elle est la seule de son service à faire des reportages en France et à l’étranger ne reçoit aucune réponse
– sa candidature au poste de chef de service persan formalisée le 10 avril 2014 n’a pas été retenue (mail de réponse du 3 novembre 2014 sans explication donnée)
– sa candidature au poste d’adjoint au chef de service de la rédaction n’a pas été retenue (réponse du 6 février 2015 sans explication donnée)
– au vu des tableaux qu’elle fournit les salariés adhérents ou sympathisants CFDT ont un avancement plus rapide que les sympathisants ou adhérents CGT, le rapport sur l’audiovisuel extérieur de la France remis au gouvernement en juillet 2012 précisant que la CFDT est un meilleur interlocuteur elle l’a toujours été….et majoritaire avec 40,6% des voix à RFI le reste des voix allant à l’intersyndicale dont 18,9 % à la CGT ;
– elle a dénoncé diverses difficultés liées à l’exécution de son mandat.
L’ensemble de ces éléments laissent présumer l’existence d’une discrimination syndicale et il appartient à la société France Médias Monde de démontrer que l’absence avérée de promotion fonctionnelle depuis décembre 2004 et le rejet de ses candidatures aux postes étaient justifiés par des raisons objectives étrangères à toute discrimination.
Pour s’opposer à toute discrimination syndicale, la société objecte que :
– depuis 2005 la salariée n’a certes pas bénéficié d’un nouvel indice fonctionnel mais a bénéficié en compensation d’une promotion indiciaire par le versement d’une prime différentielle et depuis 2010 d’un complément Servat et que grâce à ces compléments l’indice de rémunération, elle est placée d’un point de vue pécuniaire dans la moyenne des évolutions indiciaires
– les promotions individuelles pécuniaires ou fonctionnelles sont décidées après réunion d’une commission paritaire composée de membres de la direction et de chaque organisation syndicales qui assure l’égalité de traitement des salariés ainsi que l’équité des promotions ; que si la décision finale appartient à l’employeur c’est à la suite d’un long processus de discussion et de négociation avec les syndicats ;
– la salariée n’a pas été présentée par un syndicat et n’a respecté la procédure de promotion fonctionnelle qu’une seule fois en 2014 ;
– la salariée ne démontre pas qu’elle aurait exercé effectivement les fonctions correspondant aux indices fonctionnels revendiqués ;
– elle n’a notamment pas exercé les postes de chefs de service dans une rédaction nationale, ni celui de responsable de rubrique, de responsable d’édition ou de rédacteur en chef adjoint lui permettant de revendiquer les indices fonctionnels 1755 puis 2000 ;
– son service et ses fonctions ne justifiaient pas un changement fonctionnel, la salariée exerçant ses mêmes fonctions.
***
La cour observe que plusieurs accords dits Servat ont été conclus dans l’entreprise ;
– l’accord de 1994 applicable à compter de 1995 fixe un taux de rémunération supérieur à l’indice de fonction en considération de l’ancienneté du salarié qui perçoit alors outre son salaire correspondant à son indice fonctionnel une indemnité différentielle sur la base de l’indice de rémunération fixé ; cela s’est traduit par une mention sur les bulletins de salaire de la salariée du versement d’une indemnité différentielle ID, étant précisé que les indemnités peuvent être étalées dans le temps avec versement de compléments Servat
– l’accord de 1998 revalorise les nouveaux indices de rémunération par fonction et par tranche d’ancienneté ,
– l’accord de 2000 met en place des filières professionnelles déterminant le déroulé de carrière des journalistes ; la filière services et reportage comprend les fonctions suivantes :
journaliste spécialisé indice 1280, responsable de rubrique indice/rédacteur reporteur 1, indice 1430, responsable de rubrique 1/ grand reporteur 1 indice 1480, responsable de rubrique 2/ grand reporteur 2 indice 1590, responsable de rubrique 3/ grand reporteur 3 indice 1755, responsable de rubriques 4/ grand reporteur 4 indice 2000 ; la filière encadrement comprend les fonctions de chef de service adjoint 2, indice 1590, chef de service 1 indice 1755, rédacteur en chef adjoint indice 2000 et rédacteur en chef indice 2300
– l’accord de 2008 prévoit deux paliers d’ancienneté supplémentaires, de 17 à 25 ans et au-delà de 25 ans avec une majoration du salaire de base de 3% au passage de ces paliers.
Il ne résulte pas de ces accords qui revalorisent les indices de fonctions en prévoyant un indice de rémunération supérieur en fonction de l’ancienneté du salarié que ces indices de rémunération constituent une promotion qui compenserait la stagnation d’un salarié à un indice fonctionnel.
Les deux indices peuvent évoluer en sorte que les promotions pouvaient être pécuniaires avec une majoration de la rémunération individuelle d’un journaliste en tenant compte de sa valeur professionnelle (article 15)ou pouvaient être fonctionnelles et comporter alors une majoration de son salaire de base réelle pour un un journaliste qui accède à une fonction dont la rémunération minimale garantie est supérieure à celle correspondant à sa fonction antérieure.
L’employeur ne peut donc se fonder sur le fait que la salariée a de fait obtenu des indices de rémunération supérieurs à son indice fonctionnel, ce qui n’est que la stricte application des accords Servat, pour justifier la stagnation de son indice fonctionnel à 1590, les deux indices pouvant évoluer indépendamment l’un de l’autre.
Pour expliquer l’absence d’augmentation de l’indice fonctionnel depuis 2005 la société France Médias Monde oppose le fait que la salariée n’a pas suivi la procédure de recrutement conventionnellement prévue.
Il ressort en effet de l’article 18-4-3 de l’avenant audiovisuel à la CCNTJ que l’octroi d’une promotion fonctionnelle répond à la procédure suivante :
« La société effectue une publicité par lettre circulaire et voie d’affichage des postes qu’elle souhaite pourvoir au titre de la promotion fonctionnelle au choix, à l’exception des postes de rédacteur en chef. La publicité précise la localisation et les caractéristiques du poste. Les candidats disposent d’un délai de 15 jours pour postuler. Dans les 15 jours suivant la clôture de candidature, une liste de noms est établie accompagnée d’informations sur la carrière des postulants et communiquée aux membres de la commission réunie à cet effet pour formuler un avis », étant précisé qu’aujourd’hui ces postes ne sont plus affichés mais sont envoyés par email.
Or il n’est pas établi que la salariée ait postulé suivant cette procédure pour aucun des postes classés conventionnellement aux indices fonctionnels revendiqués 1755 et 2000 ni pour celui de chef de service ; à cet égard, le courriel du 14 novembre 2011 aux termes duquel la salariée se borne à faire état de son indignation sur les promotions de l’année 2012 dont elle ne fait pas partie ne caractérise aucune postulation.
Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que pour cette période, l’employeur justifie objectivement le défaut de promotion fonctionnelle pour des raisons étrangères à toute discrimination.
En revanche, par courriel du 10 novembre 2012, Madame [T] demande sa promotion à l’indice fonctionnel 2000 ; vainement la société France Médias Monde oppose-t-elle que la salariée n’a pas postulé conformément à l’article précité de l’avenant audiovisuel dès lors que la commission paritaire prévue par la disposition précitée n’était plus en place; en effet, il est constant qu’à compter du 1er février 2011 après l’absence d’un accord de substitution, la direction de RFI a pris un engagement unilatéral qui supprime la commission paritaire et prévoit la création d’une commission annuelle avec pour mission la défense des intérêts individuels des journalistes qui n’aurait pas bénéficier de mesures individuelles pendant quatre ans consécutifs.
Dans cet engagement unilatéral, il est indiqué “Dans les deux semaines qui précédent l’ouverture de la NAO, la Direction s’engage à réunir une commission spécifique composée de déléguées du personnel titulaires de la catégorie professionnelle concernée (étant précisé que cette catégorie fait référence à la catégorie professionnelle au sens des élections professionnelles), de représentants de la Direction et de représentants de la Direction des Ressources Humaines.
Cette commission a pour mission la défense des intérêts individuels des journalistes qui n’auraient
bénéficié d’aucune mesure individuelle pendant quatre années consécutives au 31 décembre de l’année N-1.
Afin de permettre de défendre au mieux les intérêts de ces journalistes, il sera adressé aux membres de la commission :
– la liste nominative des journalistes concernés ,
-les tableaux de carrière des journalistes concernés sur les dix dernières années jusqu’à l’année N-1.
Au cours de cette réunion, des échanges ont lieu de manière à porter à la connaissance de la Direction la situation des journalistes concernés.
A l’issue de cette réunion, aucune décision n’est annoncée. Cependant, afin de garantir la transparence dans l’attribution des augmentations individuelles, la Direction adressera aux membres de la commission, à l’issue de la NAO, la liste de l’ensemble des journalistes promus, sans distinction”.
Ce dispositif permet également aux salariés qui n’auraient pas bénéficié d’une mesure individuelle salariale pendant une période égal ou supérieur à quatre ans de demander à être reçu par un représentant de la hiérarchie puis par le service des ressources humaines.
Contrairement à ce qu’affirme la salariée, ce texte n’oblige nullement l’employeur à une promotion automatique des salariés, chaque situation devant être évoquée individuellement au regard des compétences et des services de chaque journaliste ; de même le fait qu’à l’occasion de la négociation annuelle de 2011 il ait été constaté que les journalistes bénéficient en moyennne d’une mesure promotionnelle tous les quatre ans ne signifie pas que la progression de l’indice fonctionnel devait avoir lieu tous les quatre ans contrairement à ce qu’a jugé le premier juge.
En revanche, l’employeur ne peut davantage opposer l’absence de promotion fonctionnelle à la salariée au motif qu’elle n’aurait pas postulé à un poste dans les conditions d’une disposition qui n’a pas été reprise dans l’engagement unilatéral lequel ne prévoit pas de diligences particulières à la charge de la salariée ; au demeurant, la salariée a de nouveau postulé le 10 avril 2014 pour le poste de chef de service persan de RFI et en janvier 2015 sur le poste de chef de service adjoint de la rédaction en persan et par courriels des 3 novembre 2014 et 6 février 2015, l’employeur a informé la salariée du fait que ses candidatures n’avaient pas été retenues.
Or aucune explicitation fondant ces refus de promotion fonctionnelle n’est formulée dans la réponse fournie à la salariée, si ce n’est le renvoi au processus de recrutement ; or s’il est constant que la décision finale est prise par la direction, après discussion en commission annuelle pendant plusieurs jours selon calendrier produit, il n’est nullement objectivement justifié par l’employeur que le seul fait qu’elle n’ait pas été choisie pour être chef de service adjoint ou chef de service ou l’empêchait de bénéficier de l’indice 1755 ou 2000 attachés à ces postes et ce dès la première demande de novembre 2012 avec un effet à janvier 2013 ; la seule composition paritaire de la nouvelle commission instituée en application de l’engagement unilatéral ne permet pas à elle seule de garantir que la décision de l’employeur n’était pas objectivement justifiée par des raisons étrangères à toute discrimination alors qu’il est établi des disparités entre syndicats y participant.
En effet, l’employeur ne dément pas que de nombreux autres journalistes bénéficient de l’indice 1755 ou 2000 sans pour autant être chefs de service, tels [Q] [J] [D] [O], [H] [X], [N] [Y] , [Z] [E], [X] [Z], [O] [I], [A] [A], [O] [G], et même de l’indice 2300 sans être chef de service, comme c’est le cas de Mme [Y] [V] promue rédactrice en chef en 2016, étant précisé que l’accord SERVAT de 2000 prévoit que l’évolution de carrière d’un journaliste ne doit pas être freinée par le niveau conventionnel des membres de l’encadrement.
Par ailleurs, le tableau produit par la société relatif à la répartition des salariés du service persan comprenant 6 journalistes dont un chef de service et 3 employés administratifs et techniques selon leur indice fonctionnel, leur ancienneté et leur âge n’est pas daté pas plus que le tableau relatif à la répartition des salariés du service langues en sorte que leur force probante est sujette à caution , d’autant que la salariée montre sans être démentie sérieusement que les renseignements donnés en première instance étaient erronés ou approximatifs au vu des fiches de carrière des salariées demandées et obtenues au cours de la procédure.
En troisième lieu, si l’employeur justifie que selon le panel arrêté en 2016 sur les 144 journalistes de MCD et RFI, 33 disposent d’une ancienneté comprise entre 20 et 42 ans et que 33 sur ces 144 sont à un indice fonctionnel inférieur ou égal à 1590, soit 23 % de l’effectif et qu’en incluant les journalistes à l’indice 1755, ceux-ci représentent 50 % du total, il ne s’évince d’aucun élément objectif que la comparaison avec les journalistes MCD soit pertinente, aucune explication n’étant fournie sur ce point et alors que la salariée appartient à RFI.
En quatrième lieu, il ressort du panel arrêté au 31 octobre 2012 que la société France Médias Monde avait elle-même produit en première instance et que la salariée produit en cause d’appel que parmi les 24 autres journalistes entrés comme elle chez RFI en 1991, seule une journaliste avait un indice fonctionnel inférieur au sien mais cela concernait une pigiste, que les 18 autres journalistes avaient un indice supérieur 1755 ( 10) et entre 2000 et 2300 ( pour 8 d’entre eux) ; que parmi les 5 autres journalistes qui avaient son indice 1590 en 2012 une (et pas deux comme le dit inexactement la salariée) d’entre elles n’a pas une situation comparable, puisqu’elle bénéficiait d’un contrat à durée indéterminée conclu en 2006.
Vainement l’employeur ajoute-t-il à ce panel le cas de trois autres salariés pour montrer que la salariée ne serait pas la seule avec son ancienneté à avoir un indice fixé à 1590 ; en effet comme en justifie la salariée avec sa pièce 44, M [V] [Q] a 14,42 ans d’ancienneté au sein de la société et a été promu à l’indice 1480 en 2010 puis à l’indice 1590 en 2014 (page 35 de la pièce 44) ; [L] [B] a été promu à l’indice 1480 en 2007 puis à l’indice 1590 en 2012 (p.25) ; [S] [C] a 14,46 ans d’ancienneté au sein de la société FMM et a été promu à l’indice 1590 en 2010 puis à l’indice 1755 en 2014.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que le défaut de promotion fonctionnelle de la salariée à l’indice 1755 à la suite de sa candidature en novembre 2012, puis à l’indice 2000 à la suite de ses candidatures en 2014 et janvier 2015 n’est pas objectivement justifiée par la société France Médias Monde pour des raisons étrangères à toute discrimination, alors qu’au surplus que la valeur professionnelle de la salariée dont l’évaluation n’est pas même produite n’est pas démentie.
Il convient dans ces conditions de retenir que la salariée a été victime de discrimination syndicale mais seulement à compter de novembre 2012 ; compte tenu de la durée pendant laquelle la salariée n’a pas bénéficié de promotion imputable à l’employeur soit depuis cinq ans à compter de fin 2012, son préjudice moral sera réparé par l’allocation de la somme de 6000 euros ; le montant du préjudice est réformé sur ce point.
Sur la demande de rappel de salaires
Ainsi qu’il a été indiqué, la salariée aurait dû être embauchée à l’indice fonctionnel 1280 en sorte qu’en suivant la progression de carrière de la salariée, elle devait bénéficier de l’inde 1430 en 1995-1998, de l’indice 1590 pour la période 2003-2006 ; toutefois, compte tenu de la prescription quinquennale et de l’absence de postulation à des postes bénéficiant de l’indice fonctionnel 1755 ou 2000 avant 2012 , la salariée ne peut utilement revendiquer un rappel de salaire en 2007 fondé sur l’indice 1755, pas plus qu’un rappel de salaires fondé sur l’indice 2000 à compter de 2011, ni sur l’indice 2010 à compter de 2015.
En réalité, ainsi que la cour l’a jugé supra la reconstitution de la carrière de la salariée doit s’opérer ainsi : indice fonctionnel 1590 conservé de 2005 à 2012 inclus, puis indice fonctionnel 1755 à compter de janvier 2013 (après le rejet de la candidature fin 2012), puis indice fonctionnel 2000 à compter de janvier 2016 (après le rejet des candidatures 2015).
Au vu du tableau de rappel de salaire de la salariée la progression indicielle fonctionnelle retenue par la cour conduit aux rappels de salaires suivants :
compte tenu de la valeur du point d’indice du 1,47 euros, le salaire de base correspondant à l’indice fonctionnel 1755 devait être fixé à 2590, 57 euros ; il convient d’y ajouter la majoration de 7,5% prévue par l’avenant audiovisuel CCJNT, ce qui aboutit à un salaire fonctionnel de 2784,86 euros; la majoration de 3% prévue par l’article 4 de l’accord Servat 2008 pour une ancienneté de plus de 17 ans sera appliquée à la salariée qui en 2013 avait une ancienneté de 22 ans, soit un salaire de base fonctionnel de 2 868, 40 euros ; or en 2013 le salaire fonctionnel de la salariée était de 2347, 81 euros ; le rappel de salaire pour l’année 2013 sera fixé à 6247,15 euros ; il en sera de même pour les années 2014, 2015 .
Pour l’année 2016, le salaire de base correspondant à l’indice fonctionnel 2000 devait être fixé à 3180 euros plus la majoration de 3% , soit 3275 euros ; il apparaît que le salaire de base perçu par la salariée hors prime d’ancienneté a été de 3848, 05 euros en sorte que la salariée a été remplie de ses droits sur ce point et qu’il ne lui est rien dû au titre de l’année 2017.
la société France Médias Monde est donc condamnée à payer à Madame [T] les sommes suivantes :
18 741, 45 euros à titre de rappel de salaire;
1 561,78 euros euros au titre de rappel de 13ème mois;
2030,32 euros au titre des congés payés afférents.
La salariée est déboutée du surplus de sa demande sur ces points.
Sur la prime d’ancienneté
Selon l’article 23 de l’avenant audiovisuel à la CCNTJ, «les salaires de base des journalistes employés dans l’entreprise sont majorés d’une prime d’ancienneté, calculée en fonction de l’ancienneté dans la profession.- 5% pour 5 ans- 10% pour 10 ans- 15% pour 15 ans- 20% pour 20 ans- 25% pour 25 ans –
Le taux de la prime s’apprécie par rapport au salaire de base de la fonction, ou, s’il est plus avantageux, par rapport au salaire de base correspondant à l’indice minimum équivalent à l’ancienneté reconnue dans l’entreprise.”
La salariée reproche à son employeur d’avoir calculé sa prime d’ancienneté sur une base erronée à savoir sur le salaire correspondant à son indice fonction, soit sur la première ligne de la rubrique « salaire de référence» inscrit sur son bulletin de salaire alors qu’elle aurait dû calculer la prime d’ancienneté sur son salaire de base global correspondant comprenant son salaire correspondant à son indice fonction, son complément SERVAT, son complément ID1 ou lD2 correspondant également au complément SERVAT.
Elle réclame à ce titre la somme de 24 332, 03 euros à titre de rappel d’ancienneté outre 2 433,20 euros.
Mais d’une part, comme le fait valoir la société France Médias Monde, l’article 23 de la CCNTJ ne fait pas mention que la prime d’ancienneté doive être calculée à partir de la grille SERVAT, mais au contraire que cette prime doit être calculée :
– soit en fonction de l’ancienneté dans la profession, sur la base du salaire de base de la fonction (défini dans l’Annexe 4 de l’avenant audiovisuel à la CCNTJ) ;
– soit en fonction de l’ancienneté en entreprise, sur la base du salaire correspondant à l’indice minimum si celui-ci est plus favorable (défini dans l’Annexe 2 de l’avenant audiovisuel à la CCNTJ).
En outre, l’article 23 de la CCNTJ a été rédigé en 1983 et jamais modifié, donc antérieurement à l’accord d’entreprise du 26 octobre 1994, dit accord « SERVAT » qui instaure la « Grille SERVAT ».
En outre les accords Servat précisent que les indices Servat n’avaient pas d’incidence sur les modalités de calcul de la prime d’ancienneté.
L’article 23 ne pouvait donc pas faire référence à une grille qui n’existait pas lors de sa rédaction.
Par suite la salariée ne peut revendiquer que la prime d’ancienneté soit fixée sur l’indice de rémunération reçu en application des accords Servat.
En revanche, la salariée est fondée compte tenu de l’indice fonctionnel fixé par la cour à 1755 entre 2013 et 2015 compris à obtenir le rappel de prime d’ancienneté incident sur ces indices, soit une majoration de 20%.
La société France Médias Monde est ainsi condamnée à payer à Madame [T] la somme de 3748,29 euros au titre du rappel de la prime d’ancienneté induite par le nouvel indice 1755 fixé à compter de janvier 2013 jusqu’à janvier décembre 2015 ; il ressort du tableau de l’employeur ( sa pièce 29) que la salariée a perçu une prime d’ancienneté mensuelle de 769,61 euros alors qu’il lui était dû une prime mensuelle de 655 euros ( 20% du salaire fonctionnel dû en janvier 2016) ; la salariée a été remplie de ses droits sur ce point.
La salariée est déboutée du surplus de ses demandes ; elle est également déboutée de sa demande de congés payés afférente à la prime d’ancienneté qui n’est pas la contrepartie d’un travail effectif et alors que la prime litigieuse est versée à la salariée tout au long de l’année, périodes de travail et périodes de congés payés confondues, en sorte que son inclusion dans l’assiette de calcul de l’indemnité de congés aboutirait à la faire payer une seconde fois.
Sur le rappel de primes NIS (nouvel instrument salarial pérenne)
Selon accord d’entreprise conclu le 14 novembre 2005, qui crée un nouvel instrument salarial, il est prévu le versement d’une fraction de rémunération “calculée sur le salaire mensuel de base, c’est-à-dire hors prime d’ancienneté et autres primes”.
Selon l’article II-4 : « La négociation annuelle portera sur un pourcentage d’évolution collective des salaires de base hors prime d’ancienneté et autres prime des journalistes qui bénéficieront du NIS dans l’année considérée ”.
Selon l’article II-5: « La masse résultat de ce pourcentage déterminera la progression de la fraction de salaire mensuel de base de chaque journaliste. En tout état de cause, cette fraction ne pourra être inférieure à 75% du salaire mensuel de base ”.
Considérant que le NIS a été appliqué par la société sur un salaire de base fonctionnel erroné, elle demande un rappel de salaire sur la base des indices fonctionnels revendiqués pour une somme totale de 6 483,86 euros outre 648,38 euros.
L’employeur justifie par la production de son tableau (pièce 30) que la salariée a bien bénéficié du pourcentage de 75% prévu par l’accord suscité depuis 2005, étant précisé que la cour n’a fait droit à la demande de revalorisation de l’indice fonctionnel qu’à compter de janvier 2013.
En revanche, au vu de l’indice fonctionnel 1755 fixé par la cour à compter de janvier 2013, et à 2000 à compter de 2016, des pourcentages applicables et des NIS effectivement versés, la cour est en mesure de vérifier à partir des deux tableaux produits par l’employeur et la salariée qu’il reste dû à la salariée au titre du NIS la somme de 223,08 euros pour 2013, la somme de 246, 29 euros pour 2014, 273, 99 euros pour 2015 et 323, 73 euros pour 2016, soit un total de 1067, 09 euros, outre 106,70 euros à titre de congé payé afférent.
La société France Médias Monde est condamnée à payer ces sommes.
Sur les autres demandes
Compte tenu des créances salariales reconnues à la salariée, il convient d’ordonner à la société France Médias Monde de lui remettre les bulletins de paie conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
L’issue du litige conduit à condamner la société France Médias Monde qui succombe en partie de ses prétentions à payer à Madame [T] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance ; en revanche, aucune demande ni moyen n’ayant été articulé par le SNJ CGT, la société France Médias Monde est fondée à demander l’infirmation du jugement qui l’a condamnée à payer à ce syndicat la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens sont mis à la charge de la société France Médias Monde qui succombe en ses demandes.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en ce qu’il a requalifié la relation de travail entre la société France Médias Monde et Madame [T] en un unique contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er mars 1991 et condamné la société France Médias Monde à payer à Madame [T] la somme de 4500 € à titre d’indemnité de requalification et 1000 € et au SNJ CGT au titre de l’article 700 du code de procédure civile
L’infirmant sur les autres dispositions,
Statuant à nouveau
Condamne la société France Médias Monde à payer à Madame [T] les sommes suivantes :
– 6000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice pour discrimination syndicale
– 18 741, 45 euros à titre de rappel de salaire;
– 1 561,78 euros euros au titre de rappel de 13ème mois;
– 2030,32 euros au titre des congés payés afférents
– 3748,29 euros au titre de rappel de prime d’ancienneté
– 1067, 09 euros à titre de rappel de salaire NIS
– 106,70 euros à titre de congé payé afférent.
Ordonne à la société France Médias Monde de remettre à Madame [T] des bulletins de salaires conformes aux termes du arrêt dans le délai de deux mois suivant sa notification
Condamne la société France Médias Monde à payer à Madame [T] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la société France Médias Monde aux dépens d’appel
Déboute les parties de toutes autres demandes.
LE GREFFIERP/LA PRESIDENTE EMPECHEE