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La présentation directe au public d’un produit par un athlète à l’occasion de diverses manifestations et notamment, d’exhibitions sportives, avec ou sans compétition, entre dans le champ d’application de la présomption de salariat du mannequin.
Un contrat de parrainage conclu avec un sportif professionnel peut être requalifié en contrat de mannequin et donc donner lieu à un redressement URSSAF.
Pour confirmer le redressement URSSAF prononcé (application de la présomption de contrat de travail), la juridiction a retenu les critères suivants :
— le versement de sommes à des sportifs comptabilisées dans le compte n°623100 portant le libellé « Publicité »,
— sept « conventions et contrats » de parrainage passés avec des joueurs du stade montois, conclus pour une durée déterminée allant de 9 à 36 mois, prévoyant « le versement de rémunérations aux sportifs en contrepartie de leurs participations à la promotion de l’entreprise »,
— l’existence d’obligations pour les joueurs, détaillées dans la lettre d’observations, analysées par l’Urssaf comme des prestations, en terme:
— d’exclusivité,
— de droit de préférence,
— de disponibilité,
— d’obligations et de prestations à accomplir,
— d’exploitation des droits relatifs à l’image du sportif,
— d’obligation comportementale.
— une faculté de résiliation de ces contrats par la société, notamment en cas de manquement des sportifs à l’une des obligations mises à leur charge par ces conventions.
Pour rappel, l’article L.7123-2 du code du travail dispose : ” Est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée : 1° Soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ; 2° Soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image.”
L’article L.7123-3 du code du travail précise que : « Tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail. »
L’article L.7123-4 du code du travail rajoute que : « La présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Elle n’est pas non plus détruite par la preuve que le mannequin conserve une entière liberté d’action pour l’exécution de son travail de présentation. »
Il résulte de la combinaison de ces textes que la présentation directe au public d’un produit par un athlète à l’occasion de diverses manifestations et notamment, d’exhibitions sportives, avec ou sans compétition, entre dans le champ d’application de cette présomption de salariat.
Les conventions qui emportent pour les athlètes concernés l’obligation, moyennant rémunération, de porter les équipements de la marque en vue d’en assurer la promotion à l’occasion de diverses manifestations doivent être présumées être des contrats de travail de mannequin. Il appartient dès lors à la société se prévalant d’un contrat de parrainage de renverser cette présomption en apportant la preuve de l’absence de lien de subordination.
L’ensemble des conventions conclues ont en commun de prévoir outre les modalités de rémunération des parrainés, une exclusivité au profit du parrain, l’obligation d’un comportement exemplaire du joueur, la cession par le joueur de son droit à l’image au profit de la société, ainsi qu’une faculté de résiliation unilatérale au profit du parrain en cas d’inexécution par le joueur de l’une des obligations mises à sa charge :
— Le sportif « devra » participer à toute action de relations publiques (actions commerciales, publicitaires ou promotionnelles) concernant la société, réalisée au profit de celle-ci, et valoriser celle-ci à l’occasion de toutes manifestations relatives à l’évènement sportif.
— Il s’engage à assurer une action promotionnelle de la société par ses déclarations orales ou écrites, et ce de manière exclusive par rapport à sa concurrence.
— Le parrainé s’engage sur la base d’une simple « obligation de moyens » à participer aux évènements, opérations de relations publiques et/ou promotionnelles organisées par la société au cours desquelles le parrainé « tentera » d’établir par sa notoriété « tous contacts commerciaux avec tout client potentiel » de la société.
— Lors de ces évènement, le parrainé « devra » arborer la marque du parrain, à l’exclusion de toute autre, et utiliser exclusivement du matériel de la marque à l’occasion des manifestations.
— Le parrainé s’engage à citer le parrain et à promouvoir sa marque dans toute opération de relation publique et de contact avec les médias, de façon à promouvoir la marque.
Le contrat prévoyait aussi une liste d’actions mises à la charge du sportif (apparitions publiques, conférences de presse, tournage de film publicitaire, interviews, rendez-vous avec des clients, séminaire ou réunions d’entreprise, évènement organisés par le partenaire (tournoi sportif, …).
L’ensemble des conventions répond à la condition posée par l’article L.7123-2 du code du travail, en ce que doit être considérée comme correspondant à une activité de mannequin le fait de présenter au public un service ou un message publicitaire, directement ou indirectement.
L’ensemble des conventions qui ont été portées à la connaissance de la cour témoignent de ce que les joueurs sollicités par la société avaient une obligation de la promouvoir à l’occasion d’évènements contractuellement définis, quand bien même cette obligation n’était que de moyens.
Ainsi, il est établi que ces contrats ont permis à la société d’obtenir, moyennant rémunération, le concours des joueurs pour représenter sa marque, laissant ainsi présumer l’existence pour chacun d’eux d’un contrat de travail, en application de l’article L.7123-3 du code du travail.
Aussi, pour faire échec à cette présomption, il appartenait à l’employeur de démontrer l’absence de lien de subordination avec ces différents joueurs (preuve non rapportée).
La qualification donnée par les parties à leurs relations contractuelles n’a aucune incidence sur la nature du contrat car l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
En vertu de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations soumises aux cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion d’un travail accompli dans un lien de subordination, caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En l’espèce, la société était en mesure d’exercer un véritable pouvoir de direction et de contrôle sur l’activité contractuellement convenue avec les joueurs, et d’éventuellement sanctionner des manquements.
Dans sa lettre d’observations, l’Urssaf s’est prévalu de la circulaire interministérielle DSS/AAF/A1/94-60 du 28 juillet 1994, entrée en vigueur à compter du 1er septembre 1994, laquelle précise en son point II A 1 :
« (…) En ce qui concerne le parrainage, il s’agit d’une relation purement commerciale lorsque le contrat a pour seul objet de permettre à la société ou organisme parrain d’exploiter le nom ou la renommée du joueur.
En revanche, lorsque le contrat conduit à créer des obligations pour le joueur vis-à-vis de l’organisme parrain -participation obligatoire à des manifestations, démonstrations…- ou quand, par ce contrat, le sportif est chargé de présenter directement ou indirectement un produit, un service, un message publicitaire, ou de poser comme modèle, les sommes versées à cette occasion doivent être assujetties aux cotisations du régime général de sécurité sociale dont relève l’intéressé en application soit de l’article L.311-2 précité, soit au titre de l’article L.311-3-15° du code de la sécurité sociale, lequel renvoie notamment aux dispositions de l’article L.763-1 du code du travail définissant l’activité de mannequin.(…) »
Les rugbymen étaient tenus lors de ces évènements d’arborer la marque du parrain, à l’exclusion de toute autre, et d’utiliser exclusivement du matériel de la marque à l’occasion « des manifestations ».
Par ailleurs, le parrainé s’était engagé à « citer le parrain et à promouvoir sa marque autant que nécessaire » dans toute opération de relation publique et de contact avec les médias, de façon à promouvoir la marque, le contrat visant de manière expresse une « obligation de loyauté » du joueur.
La parrainé s’engageait également à observer un « comportement exemplaire », et à « éviter toute infraction pénale », ce contrat prévoyant en cas de condamnation pénale la faculté pour le parrain de rompre unilatéralement le contrat aux torts exclusifs du parrainé, sans mise en demeure préalable, sans que celui-ci ne puisse prétendre à une quelconque indemnisation.
En dehors de l’hypothèse d’infractions pénales, il était prévu que tout manquement de l’une des parties à leurs obligations entraînerait la résiliation de la convention, un mois après l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception mettant en demeure l’autre partie de les exécuter.
Il résulte de ces éléments contractuels que le sportif n’a pas fait que céder, comme le prévoyait également le contrat, son droit à l’image à la société pour une durée momentanée. Il était également tenu d’exécuter des prestations, même si aucun résultat précisément convenu n’a été fixé par la convention. Il était néanmoins tenu par des directives liées à un objectif de promotion de la société, laquelle, par le contrôle exercé sur leur exécution, pouvait décider de rompre à titre de sanction la convention en cas d’inexécution.
Ce cadre contractuel est celui d’une relation de travail, caractérisé par un lien de subordination du joueur à la société, quand bien même celui-ci conservait, comme l’envisage l’article L.7123-4 du code du travail, une entière liberté d’action pour l’exécution de son travail de présentation.
Les termes contractuels soumettaient les joueurs à l’obligation de participer activement aux actions de promotion de la société, sans qu’il ne leur soit laissé une marge d’appréciation pour éventuellement choisir de ne pas se présenter à ces évènements. Il en résulte un pouvoir de direction et de contrôle avéré de la société sur ces sportifs.
Au demeurant, la liste d’actions mises à la charge du sportif (apparitions publiques, conférences de presse, tournage de film publicitaire, interviews, rendez-vous avec des clients, séminaire ou réunions d’entreprise, évènement organisés par le partenaire (tournoi sportif, …), visaient autant de prestations qui dépassent la simple cession temporaire du droit à l’image du sportif, également prévue dans ce contrat.
Par ailleurs, l’article IV.1.4 du contrat de parrainage intitulé « Discipline » prévoit que le joueur s’engage à ne faire aucune déclaration de nature à préjudicier à l’image, la notoriété et/ou la réputation du « partenaire ».
Outre une interdiction d’utiliser des produits de la concurrence, cet article obligeait également le sportif à fournir un calendrier de ses obligations sportives au début de chaque saison, caractérisant ainsi un peu plus le pouvoir de direction de la société sur le joueur.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 29/07/2021
Dossier : N° RG 18/02750 – N° Portalis DBVV-V-B7C-HABO
Nature affaire :
Demande d’annulation d’une mise en demeure ou d’une contrainte
Affaire :
URSSAF AQUITAINE
C/
SASU ETS Z A
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 29 Juillet 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 14 Juin 2021, devant :
Monsieur X, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Monsieur X, en application de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Monsieur LAJOURNADE, Conseiller
Monsieur X, Vice-Président placé désigné par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel de Pau en date du 10 mars 2021,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
URSSAF AQUITAINE
[…]
[…]
représentée par Maître PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMEE :
SASU ETS Z A
[…]
[…]
représentée par Maître OBOEUF de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de DAX
sur appel de la décision
en date du 25 JUIN 2018
rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE DES LANDES
RG numéro : 2016.0241
FAITS ET PROCÉDURE
La société dénommée « Etablissements Z A » (la société), spécialisée dans le secteur d’activité du commerce de négoces de pneumatiques et de services en matière de pneumatiques pour tous véhicules, a fait l’objet d’un contrôle de l’Urssaf d’Aquitaine concernant la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014.
A l’issue de ce contrôle, un redressement au titre des cotisations et contributions sociales lui a été notifié par lettre d’observations en date du 04 novembre 2015, portant en principal sur la somme globale de 101.714 euros, au titre des points suivants :
1. allocations complémentaires aux indemnités journalières de la sécurité sociale,
2. CSG CRDS sur financement du maintien de salaire obligatoire,
3. forfait social et participation patronale aux régimes de prévoyance au 01/01/2012,
4. régime social des sommes versées en vue de rémunérer les droits d’image individuelle de sportifs, en l’occurrence des joueurs de rugby du club de Mont-de-Marsan,
5. prévoyance complémentaire : non-respect du caractère obligatoire.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 26 novembre 2015, la société a contesté les termes de cette lettre d’observations auprès de l’inspecteur en charge du dossier, lequel, après lui avoir répondu par un courrier du 07 décembre 2015, a maintenu le montant du redressement fixé à la somme totale de 101.714 euros.
Une mise en demeure en date du 14 janvier 2016 a été adressée à la société qui en a accusé réception le 18 janvier 2016, pour un montant de 101.714 euros en principal et 12.351 euros en majorations de retard, soit un montant total de 114.065 euros.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 05 février 2016, notifiée le 09 février 2016, la société a saisi la commission de recours amiable de l’Urssaf d’Aquitaine d’une contestation portant sur le point n°4 du redressement, fixé par la lettre d’observations à la somme de 103.425 ‘, contestant l’existence d’un lien de surbordination sur les sportifs du club montois. Par courrier du 19 juillet 2016, la commission de recours amiable a notifié à la cotisante une décision de rejet en date du 22 juin 2016.
Par un courrier reçu au greffe le 23 mars 2016, la société avait d’ores et déjà saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable, puis, par courrier reçu au greffe le 02 août 2016, la société a saisi la même juridiction d’un recours à l’encontre de la décision explicite de rejet du 22 juin 2016.
Par jugement contradictoire du 25 juin 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes, siégeant au palais de justice de Mont-de-Marsan a:
— prononcé la jonction des instances numéros 20160241 et 20160655,
— réformé la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable de l’Urssaf d’Aquitaine en date du 22 juin 2016,
— annulé la créance présentée par l’Urssaf d’Aquitaine à la société Etablisssements Z A d’un montant de 101.714 euros, outre majorations de retard, pour un montant total de 114.065 euros,
— débouté l’Urssaf d’Aquitaine de l’ensemble de ses demandes,
— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette décision a été notifiée le 13 juillet 2018 par le greffe aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue par la société le 16 juillet 2018, l’avis de réception de la notification à l’URSSAF d’Aquitaine ne figurant pas au dossier.
Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 13 août 2018, reçue au greffe de la cour d’appel de Pau le 16 août 2018, l’URSSAF d’Aquitaine a formé un appel à l’encontre de ce jugement.
Selon avis de convocation en date du 09 mars 2021, les parties ont été convoquées à l’audience du 14 juin 2021.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 02 juin 2021, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l’Urssaf d’Aquitaine demande à la cour de :
— la recevoir en son appel et ses demandes, et l’en déclarer bien fondée,
— infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes,
— débouter la société de l’ensemble de ses demandes comme non fondées, ni justifiées,
— valider la mise en demeure,
— à titre reconventionnel, condamner la société Etablissements Z A au paiement de la somme de 114.065 euros au titre de la mise en demeure,
— condamner la société Etablissements Z A à verser à l’Urssaf Aquitaine la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Selon ses conclusions notifiées par RPVA le 31 mai 2021, reprises oralement à l’audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la société Etablissements Z A demande à la cour de :
A titre principal :
— déclarer irrecevable l’appel interjeté par l’Urssaf d’Aquitaine en l’absence de justificatif de la date d’envoi de la déclaration d’appel, datée du 13 août 2018, réceptionnée par le greffe le 16 août 2018, du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Mont de Marsan du 25 juin 2018, dont la notification a été réceptionnée par l’Urssaf d’Aquitaine le 13 juillet 2018,
A titre subsidiaire :
— dire et juger que les conditions d’assujettissement ne sont pas remplies, faute de caractériser un lien de subordination entre la société société Etablissements Z A et les joueurs du stade Montois ayant conclu un contrat de parrainage,
En conséquence,
— confirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes du 25 juin 2018 en ce qu’il a :
— réformé la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable de l’Urssaf d’Aquitaine en date du 22 juin 2016,
— annulé la créance présentée par l’URSSAF Aquitaine à la société d’un montant de 101.714 euros, outre les majorations de retard pour un montant de 114.065 euros,
— débouté l’Urssaf d’Aquitaine de l’ensemble de ses demandes,
Statuant à nouveau,
— condamner l’Urssaf d’Aquitaine à verser à la société Etablissements Z A la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI LA COUR
Sur la recevabilité de l’appel
L’article 538 du code de procédure civile dispose : ” Le délai de recours par une voie ordinaire est d’un mois en matière contentieuse ; il est de quinze jours en matière gracieuse.”
Il résulte de l’article 641 du même code que : « Lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. »
Lors des débats, la société a admis, sur la base des justificatifs produits par l’URSSAF Aquitaine, contrairement à ce qu’elle soutenait initialement dans ses écritures, que son questionnement relatif au respect du délai d’appel dans le mois de la notification du jugement querellé n’était pas fondé, et a conclu oralement, tel que repris sur la note d’audience, que le délai d’appel a été respecté par l’Urssaf.
Effectivement, la décision querellée a été expédiée le 13 juillet 2018 à l’Urssaf par lettre recommandée avec avis de réception, sans que la preuve de sa date effective de réception ne soit rapportée, cette pièce étant également absente du dossier de première instance.
Au demeurant, la lettre recommandée avec avis de réception par laquelle l’Urssaf a formé sa déclaration d’appel est datée du 13 août 2018 et a ensuite été expédiée le 14 août 2018, comme en justifie l’Urssaf par le récépissé produit.
Ainsi, même admettant que l’Urssaf se soit vu notifier le jugement le 14 juillet 2018, au lendemain de son expédition par le greffe, son appel expédié le 14 août 2018 n’en demeure pas moins efficient au regard de la règle de computation applicable aux délais exprimés en mois.
L’appel formé par l’Urssaf doit pas conséquent être déclaré recevable.
Sur la mise en cause des salariés
Se référant à l’article 14 du code de procédure civile, l’Urssaf demande à la cour d’ordonner, sur la base des adresses que devrait fournir l’intimée, la mise en cause de l’ensemble des sportifs concernés, au regard des incidences sur leur statut social que pourrait avoir pour ceux-ci la requalification de la relation contractuelle de parrainage en une relation de travail.
Cette demande, absente des débats en première instance, est présente dans les motifs des écritures de l’appelante mais absente de son dispositif.
La société indique ne disposer que des adresses figurant sur les contrats conclus avec chacun des joueurs et dont l’appelante dispose déjà. L’intimée précise ne plus entretenir de liens avec la plupart d’entre eux, certains ayant au surplus quitté le club montois.
En application de l’article 446-2 du code de procédure civile, s’agissant des dispositions propres à la procédure orale, le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, lorsque, comme au cas particulier, toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions et moyens par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat.
Ainsi, il importe peu que l’appelante, dans les motifs de ses conclusions, se prévale de l’article 14 du code de procédure civile pour solliciter la mise en cause des sportifs concernés par les contrats litigieux, puisque l’Urssaf ne reprend pas, au dispositif de ses conclusions, cette prétentions développée dans les motifs.
Il s’en déduit que la cour n’est pas saisie de cette demande de mise en cause.
Sur le redressement
1- Sur la présomption d’existence d’un contrat de travail
Les sommes mensuellement versées par la société à des joueurs de rugby du stade montois n’ont pas été soumises à cotisations sociales. Elles ne pourraient être justifiées, selon l’Urssaf, par des contrats de parainage conclus avec ces sportifs pour l’utilisation de leur image personnelle. Au regard des obligations contractuelles pesant sur ces sportifs, l’Urssaf soutient qu’ils étaient liés à la cotisante par une relation salariale et les rémunérations perçues devaient dès lors être réintégrées dans l’assiette de calcul des cotisations et contributions. Parce qu’elles relèveraient du statut social du mannequinat, les prestations fournies par ces joueurs feraient présumer l’existence d’un contrat de travail avec la société pour chacun d’eux.
La société soutient que ces joueurs n’ont accompli pour son compte aucune prestation positive comparable à celles résultant de la définition du mannequinat, l’objet des conventions de parainage se limitant à l’utilisation sur des supports publicitaires de l’image et/ou du nom de chacun de ces sportifs. Les autres actions de représentation effectuées par ces joueurs au profit de la marque de la société relèveraient du sponsoring, lequel ne saurait être confondu avec le mannequinat.
La lettre d’observations du 04 novembre 2015 relève en substance :
— le versement de sommes à des sportifs comptabilisées dans le compte n°623100 portant le libellé « Publicité »,
— sept « conventions et contrats » de parrainage passés avec des joueurs du stade montois, conclus pour une durée déterminée allant de 9 à 36 mois, prévoyant « le versement de rémunérations aux sportifs en contrepartie de leurs participations à la promotion de l’entreprise »,
— l’existence d’obligations pour les joueurs, détaillées dans la lettre d’observations, analysées par l’Urssaf comme des prestations, en terme:
— d’exclusivité,
— de droit de préférence (pour un seul des sept joueurs, M. B C),
— de disponibilité,
— d’obligations et de prestations à accomplir,
— d’exploitation des droits relatifs à l’image du sportif,
— d’obligation comportementale.
— une faculté de résiliation de ces contrats par la société, notamment en cas de manquement des sportifs à l’une des obligations mises à leur charge par ces conventions.
L’article L.7123-2 du code du travail dispose : ” Est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée :
1° Soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ;
2° Soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image.”
L’article L.7123-3 du code du travail précise que : « Tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail. »
L’article L.7123-4 du code du travail rajoute que : « La présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Elle n’est pas non plus détruite par la preuve que le mannequin conserve une entière liberté d’action pour l’exécution de son travail de présentation. »
Il résulte de la combinaison de ces textes que la présentation directe au public d’un produit par un athlète à l’occasion de diverses manifestations et notamment, d’exhibitions sportives, avec ou sans compétition, entre dans le champ d’application de cette présomption de salariat.
Les conventions qui emportent pour les athlètes concernés l’obligation, moyennant rémunération, de porter les équipements de la marque en vue d’en assurer la promotion à l’occasion de diverses manifestations doivent être présumées être des contrats de travail de mannequin. Il appartient dès lors à la société se prévalant d’un contrat de parrainage de renverser cette présomption en apportant la preuve de l’absence de lien de subordination.
Au cas particulier, il sera préalablement observé que ni l’Urssaf, ni la société ne distingue les sept contrats conclus avec différents joueurs, alors que ceux-ci n’ont pas été établis sur des modèles similaires.
La cour ne peut toutefois faire l’économie d’une étude comparative au regard des dissemblances apparues à la lecture de certaines de ces conventions.
L’ensemble de ces conventions ont en commun de prévoir outre les modalités de rémunération des parrainés, une exclusivité au profit du parrain, l’obligation d’un comportement exemplaire du joueur, la cession par le joueur de son droit à l’image au profit de la société, ainsi qu’une faculté de résiliation unilatérale au profit du parrain en cas d’inexécution par le joueur de l’une des obligations mises à sa charge.
‘ contrat du 08 avril 2011 conclu avec M. K L-M,
‘ contrat du 1er juillet 2015 conclu avec M. D E,
‘ contrat du 04 juillet 2011 conclu avec M. F G,
‘ contrat du 19 juin 2014 conclu avec M. N-O P :
Ces quatre contrats ont en commun, outre leur forme, les obligations suivantes:
— Le sportif « devra » participer à toute action de relations publiques (actions commerciales, publicitaires ou promotionnelles) concernant la société, réalisée au profit de celle-ci, et valoriser celle-ci à l’occasion de toutes manifestations relatives à l’évènement sportif.
— Il s’engage à assurer une action promotionnelle de la société par ses déclarations orales ou écrites, et ce de manière exclusive par rapport à sa concurrence.
‘ contrat non-daté conclu avec M. H Y :
— Le parrainé s’engage sur la base d’une simple « obligation de moyens » à participer aux évènements, opérations de relations publiques et/ou promotionnelles organisées par la société au cours desquelles le parrainé « tentera » d’établir par sa notoriété « tous contacts commerciaux avec tout client potentiel » de la société.
— Lors de ces évènement, le parrainé « devra » arborer la marque du parrain, à l’exclusion de toute autre, et utiliser exclusivement du matériel de la marque à l’occasion des manifestations.
— Le parrainé s’engage à citer le parrain et à promouvoir sa marque dans toute opération de relation publique et de contact avec les médias, de façon à promouvoir la marque.
‘ contrat du 08 avril 2011 conclu avec M. B C :
Il est regrettable que l’intimée ait produit une version incomplète de ce contrat et que les pages manquantes concernent spécialement les obligations du parrainé.
Dans la copie produite, dans la partie de l’article IV.1.3 afférent aux obligations du parrainé, il est toutefois possible de lire une liste d’actions mises à la charge du sportif (apparitions publiques, conférences de presse, tournage de film publicitaire, interviews, rendez-vous avec des clients, séminaire ou réunions d’entreprise, évènement organisés par le partenaire (tournoi sportif, …).
Le caractère tronqué de cette copie ne permet pas de savoir s’il s’agit pour le sportif d’une simple faculté ou d’une obligation d’exécution de ces actions.
Par ailleurs, ce contrat précise que le sportif « pourra » porter lors des opérations du partenaire, et s’il le souhaite hors compétition, les éléments d’habillement portant les couleurs de la société.
‘ Le contrat conclu avec M. I J, également qualifié de contrat de travail par la lettre d’observations de l’Urssaf, n’est pas versé aux débats.
Au demeurant, l’ensemble des conventions répond à la condition posée par l’article L.7123-2 du code du travail, en ce que doit être considérée comme correspondant à une activité de mannequin le fait de présenter au public un service ou un message publicitaire, directement ou indirectement.
L’ensemble des conventions qui ont été portées à la connaissance de la cour témoignent de ce que les joueurs sollicités par la société avaient une obligation de la promouvoir à l’occasion d’évènements contractuellement définis, quand bien même cette obligation n’était que de moyens pour Monsieur H Y.
Ainsi, il est établi que ces contrats ont permis à la société Etablissements Z A d’obtenir, moyennant rémunération, le concours des joueurs pour représenter sa marque, laissant ainsi présumer l’existence pour chacun d’eux d’un contrat de travail, en application de l’article L.7123-3 du code du travail.
Aussi, pour faire échec à cette présomption, il appartient à la société Etablissements Z A de démontrer l’absence de lien de subordination avec ces différents joueurs.
2- Sur le lien de subordination et le pouvoir disciplinaire de l’employeur
La société estime pourvoir combattre la présomption de salariat par la preuve de l’absence d’un lien de subordination et d’un pouvoir disciplinaire. Elle invite ainsi à distinguer le parrainage (« sponsoring ») relevant d’une pure relation commerciale entre un parrain et un sportif, du contrat de travail induisant un nécessaire lien de subordination. Elle soutient qu’aucune véritable obligation impérative n’était imposée aux joueurs dont l’inexécution aurait pu donner lieu à une sanction de la part du parrain. Les joueurs ont continué à conserver leur indépendance quant aux choix des compétitions et modalités d’entraînement, la société se limitant à donner les grandes orientations et objectifs des opérations commerciales constituant la matière du contrat de parrainage.
L’Urssaf estime que cette présomption de salariat ne peut être utilement combattue, ses constatations ayant permis de mettre en lumière l’existence d’un lien de subordination. L’Urssaf considère que ce lien de subordination résulte de la présence de clauses d’exclusivité avec la société, d’obligations de disponibilité des joueurs au profit de la société pour des actions de communication, d’obligations comportementales et d’un pouvoir de sanction se traduisant par la faculté pour la société de résilier le contrat en cas de manquement du sportif à ses obligations.
L’ensemble des contrats produits par la société sont qualifiés de contrats ou conventions de parrainage.
Toutefois, la qualification donnée par les parties à leurs relations contractuelles n’a aucune incidence sur la nature du contrat car l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
En vertu de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations soumises aux cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion d’un travail accompli dans un lien de subordination, caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En l’espèce, les pièces utiles à la solution du litige se résument à la lettre d’observations et aux contrats litigieux, produits de manière incomplète par la société. Aucune pièce complémentaire ou attestation n’est versée.
En conséquence, il convient d’examiner si, sur la base des conventions de parrainage litigieuses, la société était ou non en mesure d’exercer un véritable pouvoir de direction et de contrôle sur l’activité contractuellement convenue avec les joueurs, et d’éventuellement sanctionner des manquements.
Dans sa lettre d’observations, l’Urssaf se prévaut de la circulaire interministérielle DSS/AAF/A1/94-60 du 28 juillet 1994, entrée en vigueur à compter du 1er septembre 1994, laquelle précise en son point II A 1 :
« (…) En ce qui concerne le parrainage, il s’agit d’une relation purement commerciale lorsque le contrat a pour seul objet de permettre à la société ou organisme parrain d’exploiter le nom ou la renommée du joueur. En revanche, lorsque le contrat conduit à créer des obligations pour le joueur vis-à-vis de l’organisme parrain -participation obligatoire à des manifestations, démonstrations…- ou quand, par ce contrat, le sportif est chargé de présenter directement ou indirectement un produit, un service, un message publicitaire, ou de poser comme modèle, les sommes versées à cette occasion doivent être assujetties aux cotisations du régime général de sécurité sociale dont relève l’intéressé en application soit de l’article L.311-2 précité, soit au titre de l’article L.311-3-15° du code de la sécurité sociale, lequel renvoie notamment aux dispositions de l’article L.763-1 du code du travail définissant l’activité de mannequin.(…) »
La lettre d’observations de l’Urssaf n’ayant pas jugé utile d’opérer une analyse distincte des obligations contractuelles pour chacun des contrats litigieux, il convient, sur la base de chacun des groupes de contrats produits et précédemment examinés, de relever les éléments suivants :
‘ contrat non-daté conclu avec M. H Y :
Contre le versement de la somme de 144.000 ‘ payable en douze termes mensuels égaux, le sportif concerné a souscrit une simple obligation de moyens concernant son engagement à participer aux « évènements, manifestations, opérations de relations publiques et/ou promotionnelles organisées par la société A sur la région Aquitaine ».
Au cours de celles-ci, Monsieur Y n’était tenu que de « tenter » d’établir par sa notoriété « tous contacts commerciaux avec tout client potentiel » de la société.
En dehors du cadre défini pour cette obligation de moyens, le rugbyman était tenu lors de ces évènements d’arborer la marque du parrain, à l’exclusion de toute autre, et d’utiliser exclusivement du matériel de la marque à l’occasion « des manifestations ».
Par ailleurs, le parrainé s’était engagé à « citer le parrain et à promouvoir sa marque autant que nécessaire » dans toute opération de relation publique et de contact avec les médias, de façon à promouvoir la marque, le contrat visant de manière expresse une « obligation de loyauté » du joueur.
La parrainé s’engageait également à observer un « comportement exemplaire », et à « éviter toute infraction pénale », ce contrat prévoyant en cas de condamnation pénale la faculté pour le parrain de rompre unilatéralement le contrat aux torts exclusifs du parrainé, sans mise en demeure préalable, sans que celui-ci ne puisse prétendre à une quelconque indemnisation.
En dehors de l’hypothèse d’infractions pénales, il était prévu que tout manquement de l’une des parties à leurs obligations entraînerait la résiliation de la convention, un mois après l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception mettant en demeure l’autre partie de les exécuter.
Il résulte de ces éléments contractuels que Monsieur Y n’a pas fait que céder, comme le prévoyait également le contrat, son droit à l’image à la société pour une durée momentanée. Il était également tenu d’exécuter des prestations, même si aucun résultat précisément convenu n’a été fixé par la convention. Il était néanmoins tenu par des directives liées à un objectif de promotion de la société, laquelle, par le contrôle exercé sur leur exécution, pouvait décider de rompre à titre de sanction la convention en cas d’inexécution.
Ce cadre contractuel est celui d’une relation de travail, caractérisé par un lien de subordination du joueur à la société, quand bien même celui-ci conservait, comme l’envisage l’article L.7123-4 du code du travail, une entière liberté d’action pour l’exécution de son travail de présentation.
Ainsi, les revenus versés au joueur sur la base de cette convention devaient donner lieu à cotisations de la part de la société Etablissements Z A.
‘ Pour les contrats du 08 avril 2011, du 1er juillet 2015, du 04 juillet 2011 et du 19 juin 2014 :
Ces quatre contrats sont bien moins détaillés que le précédent. Similaires entre eux dans les obligations imposées au joueur, ils ne diffèrent que sur le montant de la rémunération mensuelle allouée à chacun d’eux (entre 750 ‘ et 1.500 ‘ selon les joueurs).
Ces contrats soumettaient Messieurs K L-M, D E, F G, et N-O P à l’obligation de participer à « toute action de relations publiques » (actions commerciales, publicitaires ou promotionnelles) concernant la société, réalisée au profit de celle-ci, et « valoriser celle-ci » à l’occasion de toutes manifestations relatives à « l’évènement sportif ».
Les joueurs se sont également engagés à assurer une action promotionnelle de la société par des déclarations orales ou écrites, et ce de manière exclusive, interdiction leur étant faite de participer directement ou indirectement à toute action promotionnelle relative à un produit concurrent.
Ainsi, outre la cession à la société du droit d’utiliser leur nom et leur image durant l’exécution du contrat, les joueurs se sont engagés à accomplir personnellement des prestations positives au profit de leur cocontractant.
Contrairement au premier contrat, même s’il n’est pas fait référence expressément à une obligation de moyens ou de résultat, les termes contractuels soumettaient les joueurs à l’obligation de participer activement aux actions de promotion de la société, sans qu’il ne leur soit laissé une marge d’appréciation pour éventuellement choisir de ne pas se présenter à ces évènements. Il en résulte un pouvoir de direction et de contrôle avéré de la société sur ces sportifs.
Conclus à durée déterminée (entre 12 et 24 mois), ces contrats ne prévoyaient une faculté de « résiliation automatique » qu’au bénéfice de la société, notamment si le joueur venait à manquer « à une des obligations mises à sa charge au titre du présent contrat », cette résiliation étant ainsi fondée sur un pouvoir de sanction contractuellement défini. Les joueurs ne disposaient pas d’une faculté de résiliation unilatérale en cours d’exécution du contrat.
Ces contrats dépassaient ainsi le cadre d’un contrat de parrainage, lequel appartient à la classification des contrats d’entreprise, leurs prévisions permettant à la société d’exiger des joueurs l’exécution d’une prestation de communication publicitaire, sous son autorité, par l’entremise de ses ordres et directives, dont l’inexécution pouvait être unilatéralement sanctionnée par la résiliation du contrat.
‘ contrat du 08 avril 2011 conclu avec M. B C :
Alors que la lettre d’observations de l’Urssaf a retenu que cette convention permet également de caractériser l’existence d’un lien de subordination entre la société et le joueur, et qu’il appartenait dès lors à l’intimée, pour contredire la présomption légale, de rapporter la preuve contraire, la copie incomplète de ce contrat ne peut permettre à la société d’y parvenir.
Effectivement, seule une partie de l’article IV.1.3 relatif aux obligations du joueur figure sur la pièce produite devant la cour.
Au demeurant, présente sur la pièce versée, la liste d’actions mises à la charge du sportif (apparitions publiques, conférences de presse, tournage de film publicitaire, interviews, rendez-vous avec des clients, séminaire ou réunions d’entreprise, évènement organisés par le partenaire (tournoi sportif, …), visent autant de prestations qui dépassent la simple cession temporaire du droit à l’image du sportif, également prévue dans ce contrat.
Le caractère tronqué de cette copie ne permet de savoir s’il s’agit pour le sportif d’une simple faculté ou d’une obligation contractuelle d’exécution de ces actions.
Ainsi, le caractère incomplet de cette pièce ne permet pas à la société de démontrer qu’il existait au profit du joueur une sphère décisionnelle lui permettant de ne pas se plier à l’exécution d’au moins une partie essentielle de ces obligations. Or, pour contredire l’existence d’un lien de subordination, cette preuve devait être rapportée par la société A.
En l’état de la pièce communiquée, la seule marge d’appréciation laissée au joueur concernait la possibilité de porter durant les opérations commerciales des éléments d’habillement aux couleurs de la société.
Par ailleurs, l’article IV.1.4 intitulé « Discipline » prévoit que le joueur s’engage à ne faire aucune déclaration de nature à préjudicier à l’image, la notoriété et/ou la réputation du « partenaire ». Outre une interdiction d’utiliser des produits de la concurrence, cet article obligeait également le sportif à fournir un calendrier de ses obligations sportives au début de chaque saison, caractérisant ainsi un peu plus le pouvoir de direction de la société sur le joueur.
Ce contrat prévoyait aussi une faculté de « résiliation automatique » au seul bénéfice de la société, notamment si le joueur venait à manquer « à une des obligations mises à sa charge au titre du présent contrat (…) ». Son pouvoir de contrôle sur le joueur est ainsi avéré.
Se trouvent ainsi caractérisés le lien de subordination du joueur à la société, ainsi que le pouvoir de sanction dont la société pouvait user en cas de constat d’inexécution des obligations du joueur.
Au surplus, contrairement aux autres contrats, celui-ci prévoyait en son article VIII, pendant une période de 90 jours précédant l’expiration du contrat, un droit de préférence que la société pouvait exercer sur toute proposition offerte au sportif par des sociétés concurrentes, le sportif devant « en toute bonne foi » lui communiquer les dites propositions.
‘ contrat conclu avec M. I J :
Non-communiqué à la cour, ce contrat est mentionné dans la lettre d’observations de l’Urssaf, laquelle a estimé, par des observations identiques pour l’ensemble des contrats, qu’il permettait également de retenir l’existence d’un lien de subordination.
A défaut de produire ce contrat, l’intimée ne rapporte aucune preuve contraire pour démontrer qu’il ne soumettait pas ce joueur au même lien de subordination que les autres membres du club ayant contracté avec la société Etablissements Z A.
Le premier juge sera dès lors infirmé et la mise en demeure validée, avec pour conséquence la condamnation de la société Etablissements Z A à payer à l’URSSAF d’Aquitaine la somme de 114.065 euros, ses modalités de calcul conformes aux règles applicables, présentées en page 13 de la lettre d’observations au détail de laquelle il est renvoyé, n’éveillant aucune contestation de l’intimée.
Sur les demandes accessoires
L’équité commande d’allouer à l’URSSAF d’Aquitaine, la somme de 1.000 ‘ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’intimée, qui succombe, supportera les dépens exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
• Déclare l’Urssaf d’Aquitaine recevable en son appel,
• Confirme le jugement du 25 juin 2018 du tribunal des affaires de sécurité sociale des Landes, mais seulement en ce qu’il a prononcé la jonction des instances numéros 20160241 et 20160655,
• L’infirme pour le surplus,
• Et statuant à nouveau des chefs infirmés,
• Valide la mise en demeure établie par l’Urssaf d’Aquitaine le 14 janvier 2016 a l’attention de la société Etablissements Z A,
• Condamne la société Etablissements Z A à payer à l’Urssaf d’Aquitaine la somme de 114.065 euros au titre de la mise en demeure,
• Y ajoutant,
• Condamne la société Etablissements Z A à payer à l’Urssaf d’Aquitaine la somme de 1.000 EUROS en application de l’article 700 du code de procédure civile,
• Condamne la société Etablissements Z A aux entiers dépens d’appel.
Arrêt signé par Monsieur X, Vice président placé, par suite de l’empêchement de Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, Pour LA PRÉSIDENTE empêchée,