Contrat de mise à disposition d’API : le droit de résolution contractuelle 
Contrat de mise à disposition d’API : le droit de résolution contractuelle 
Ce point juridique est utile ?

Résiliation d’un contrat dans les formes convenues

Attention à procéder à la résiliation d’un contrat dans les formes convenues entre les Parties, à savoir, une notification par lettre recommandée par l’une des parties de l’inexécution par l’autre partie de ses obligations et l’expiration d’un délai de 30 jours à l’issue duquel il n’a pas été remédié à cette inexécution.

Manquements réciproques des parties 

Dans le cadre de la mise à disposition d’une API, les manquements contractuels d’un client,   caractérisés par le non-respect des plannings successifs de livraison et un nombre de données insuffisantes dans l’application mobile, emporte résiliation contractuelle. 

Toutefois, le manquement contractuel du prestataire qui a tardé dans la mise à disposition d’une API, emporte également résiliation à ses torts.  

Au regard de ces manquements, en application des dispositions des articles 1227 et 1228 du code civil, la juridiction prononcé la résolution du contrat aux torts partagés des sociétés (Smartpush et Amarris), sans qu’il y ait lieu à restitution et à indemnisation des parties.

Mise en demeure et résolution contractuelle 

Pour rappel, l’article 1226 du code civil indique que :

« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution.”

L’article 1227 du même code précise que :

« La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice. »

L’article 1228 du même code complète :

« Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts. »

Contexte de l’affaire 

Il ressort du contrat conclu par les parties le 5 décembre 2018 que la société Smartpush s’est engagée à « mettre sa plateforme technologique en marque blanche » à la disposition de la société Amarris et de fournir à cette dernière :

« - Un portail web

—  2 applications mobiles (iOS et Android)

— Un accès API

—  1 back office de gestion Admin (gestion des clients)

—  1 back office par client Entreprise (offrir un accès salariés / créer des offres)

—  2 évolutions du back office (évolutions à venir dans le courant de la vie du contrat, en fonction de spécifications à définir par l’équipe marketing Amarris et à valider avec Smartpush).”

Dans le cadre de l’organisation technique du projet, la société Amarris devait mettre à la disposition de l’appelante un API.

Le 5 décembre 2018, les sociétés Smartpush et Amarris ont signé un contrat commercial aux termes duquel la société Smartpush s’est engagée à mettre sa plateforme technologique en marque blanche à la disposition de la société Amarris, ainsi qu’à lui fournir les prestations informatiques associées afin de permettre à cette dernière de faire bénéficier ses salariés et ses clients d’un comité d’entreprise externalisé. La société Amarris a, en contrepartie, versé la somme de 52.200 € HT, soit 62.640 € TTC.

En janvier 2019, la société Smartpush a annoncé un report de la date de livraison du service à mars 2019, finalement différée à septembre 2019.

Le 9 décembre 2019, la société Smartpush a renoncé à facturer « la fin de setup » à la société Amarris.

En janvier 2020, la société Smartpush a proposé une reprise du projet, ce que la société Amarris a accepté en vue d’un lancement du service envisagé en avril 2020. Le délai n’a toutefois pas été respecté.

Le 25 juin 2020, la société Smartpush a proposé de poursuivre le projet initial mais la société Amarris, par mail du 26 juin 2020, n’a pas souhaité poursuivre le contrat.

Le 26 juillet 2020, la société Smartpush a mis en demeure la société Amarris de reprendre l’exécution du contrat.

Le 31 août 2020, la société Amarris a notifié la résolution du contrat à la société Smartpush et a sollicité la restitution des sommes versées


COUR D’APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 56B

12e chambre

ARRET DU 26 JANVIER 2023

N° RG 21/03804 – N° Portalis DBV3-V-B7F-USIP

AFFAIRE :

S.A.S. SMARTPUSH

C/

S.A.S. AMARRIS FINANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Mai 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 4

N° RG : 2020F01498

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. SMARTPUSH

RCS Marseille n° 837 499 102

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Benjamin LEMOINE de la SELARL RIQUIER – LEMOINE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 179 et Me Pierre Alain TOUCHARD et Me Laurent-Haim BENOUAICH de la SCP BBO, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R057

APPELANTE

****************

S.A.S. AMARRIS FINANCE

RCS Nantes n° 501 518 260

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Kazim KAYA, Postulant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 574 et Me Elise PRIGENT de la SELARL AVODIRE, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Décembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

La SAS Amarris Finance, ci-après dénommée la société Amarris, a pour activité le domaine de la comptabilité et les services associés à destination des entreprises.

La SAS Smartpush est spécialisée dans le développement d’applications digitales relationnelles pour les entreprises.

Le 5 décembre 2018, les sociétés Smartpush et Amarris ont signé un contrat commercial aux termes duquel la société Smartpush s’est engagée à mettre sa plateforme technologique en marque blanche à la disposition de la société Amarris, ainsi qu’à lui fournir les prestations informatiques associées afin de permettre à cette dernière de faire bénéficier ses salariés et ses clients d’un comité d’entreprise externalisé. La société Amarris a, en contrepartie, versé la somme de 52.200 € HT, soit 62.640 € TTC.

En janvier 2019, la société Smartpush a annoncé un report de la date de livraison du service à mars 2019, finalement différée à septembre 2019.

Le 9 décembre 2019, la société Smartpush a renoncé à facturer « la fin de setup » à la société Amarris.

En janvier 2020, la société Smartpush a proposé une reprise du projet, ce que la société Amarris a accepté en vue d’un lancement du service envisagé en avril 2020. Le délai n’a toutefois pas été respecté.

Le 25 juin 2020, la société Smartpush a proposé de poursuivre le projet initial mais la société Amarris, par mail du 26 juin 2020, n’a pas souhaité poursuivre le contrat.

Le 26 juillet 2020, la société Smartpush a mis en demeure la société Amarris de reprendre l’exécution du contrat.

Le 31 août 2020, la société Amarris a notifié la résolution du contrat à la société Smartpush et a sollicité la restitution des sommes versées.

Le 10 septembre 2020, la société Smartpush a réitéré sa demande.

Par acte du 19 octobre 2020, la société Smartpush a fait assigner la société Amarris devant le tribunal de commerce de Nanterre afin de la voir condamner à exécuter le contrat commercial du 5 décembre 2018, à titre principal.

Par acte du 20 octobre 2020, la société Amarris a fait assigner la société Smartpush devant le même tribunal afin de voir constater la résolution du contrat.

Par jugement du 21 mai 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :

— Joint les affaires ;

— Prononcé la résolution judiciaire du contrat conclu le 5 décembre 2018 ;

— Condamné la société Smartpush à payer à la société Amarris la somme de 62.640 € avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2020 ;

— Débouté la société Amarris de sa demande de dommage et intérêts ;

— Débouté la société Smartpush de l’intégralité de ses demandes ;

— Condamné la société Smartpush à payer à la société Amarris la somme de 4.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamné la société Smartpush aux entiers dépens ;

— Rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

Par déclaration du 15 juin 2021, la société Smartpush a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 9 mars 2022, la société Smartpush demande à la cour de :

— Dire et juger la société Smartpush recevable et bien fondée en son appel ;

Y faisant droit,

— Infirmer le jugement entreprise en ce qu’il a :

— Prononcé la résolution du contrat conclu le 5 décembre 2018 ;

— Condamné la société Smartpush au paiement des sommes de :

—  62.640 € avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2020 ;

—  4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamné la société Smartpush aux entiers dépens ;

— Débouté la société Smartpush de l’intégralité de ses demandes ;

Emendant et statuant à nouveau,

— Ordonner à la société Amarris d’exécuter le contrat commercial du 5 décembre 2018 sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;

Subsidiairement,

— Condamner la société Amarris au paiement de la somme de 142.800 € à titre de dommages et intérêts ;

— Débouter la société Amarris de son appel incident ;

— Condamner la société Amarris au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamner la société Amarris aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par dernières conclusions notifiées le 10 décembre 2021, la société Amarris demande à la cour de :

— Confirmer le jugement en ce qu’il a constaté la résolution du contrat, aux torts exclusifs de la société Smartpush ;

— Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Smartpush à restituer à la société Amarris, l’intégralité des sommes versées, soit 62.640 € TTC ;

— Constater que l’inexécution du contrat aux torts exclusifs de la société Smartpush a causé des préjudices à la société Amarris ;

— Infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires formulées par la société Amarris ;

— Condamner en conséquence la société Smartpush à verser à la société Amarris la somme de 5.000 € en indemnisation de son préjudice d’image ;

— Condamner en conséquence la société Smartpush à verser à la société Amarris la somme de 1.787,10 € en indemnisation du temps perdu pour le suivi du projet ;

— Condamner la société Smartpush à verser à la société Amarris la somme de 11.208,81€ dûment justifiée, en indemnisation des dépenses engagées pour régler les prestataires qui sont intervenus dans le cadre du contrat ;

— Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Smartpush de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

— Condamner la société Smartpush à verser à la société Amarris la somme de 6.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de l’indemnité déjà accordée en première instance ;

— Condamner la société Smartpush aux entiers dépens d’appel, dont ceux de première instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2022.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La société Smartpush estime qu’il n’existe aucune justification à la rupture du contrat et que sa résolution est irrégulière en l’absence de mise en demeure préalable par lettre recommandée. Elle sollicite, en l’absence de tout manquement contractuel, son exécution forcée.

Elle conclut à l’irrecevabilité de la demande de résolution judiciaire du contrat formée par la société Amarris, rappelant que cette dernière a rompu le contrat à trois reprises les 26, 30 juin et 31 août 2020.

Elle fait valoir que :

— la société Amarris avait la charge du développement d’une interface de programmation applicative, ci-après dénommée API, permettant de mettre automatiquement à jour la base de données des utilisateurs et qu’elle a tardé dans l’exécution de cette prestation ;

— la société Amarris ne peut plus se prévaloir de potentiels griefs datant de 2019, compte tenu de sa volonté affichée de poursuivre l’exécution du contrat en 2020 ;

— elle-même ne s’est jamais engagée en janvier 2020 à livrer l’application en avril 2020 ;

— la société Amarris ne justifie pas de manquements suffisamment graves justifiant la résolution du contrat.

Subsidiairement, la société Smartpush sollicite le paiement des prestations jusqu’à l’achèvement du contrat conclu pour 3 ans, soit la somme de 142.800 €, à titre de dommages et intérêts.

La société Amarris répond que le contrat conclu avec la société Smartpush ne mettait aucune obligation technique, ni mise à disposition à sa charge. Elle explique avoir insisté sur l’importance de respecter les délais contractuellement convenus, mais que la société Smartpush s’est révélée incapable de livrer la prestation. Elle ajoute que le nombre d’offres proposées par la société Smartpush était insuffisant pour permettre aux salariés de bénéficier réellement du service. Rappelant que son activité concerne l’expertise comptable, la société Amarris considère que la société Smartpush a manqué à son obligation de conseil concernant la conception de l’API et la gestion des mouvements de personnels bénéficiaires du comité d’entreprise externalisé. Elle soutient que ces manquements justifient la résolution du contrat et la restitution des sommes versées à la société Smartpush. Elle réclame en outre l’indemnisation de son préjudice d’image à concurrence de la somme de 5.000 €, celle de 1.787,10 € au titre des 70 heures consacrées au suivi de ce projet et celle de 11.208,81 € au titre du coût des prestataires auxquels elle a eu recours.

La société Amarris estime que l’exécution forcée du contrat n’est pas possible, puisqu’il ne met aucune obligation à sa charge, hormis le paiement du prix qui a été réglé. Elle rappelle que ce sont les manquements de la société Smartpush qui n’ont pas permis la livraison du service. Elle soutient que l’appelante ne justifie pas de son préjudice à concurrence de sa demande indemnitaire.

*****

Sur la demande de résolution du contrat aux torts exclusifs de la société Smartpush

L’article 1226 du code civil indique que :

« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution.”

L’article 1227 du même code précise que :

« La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice. »

L’article 1228 du même code complète :

« Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts. »

Il ressort du contrat conclu par les parties le 5 décembre 2018 que la société Smartpush s’est engagée à « mettre sa plateforme technologique en marque blanche » à la disposition de la société Amarris et de fournir à cette dernière :

« - Un portail web

—  2 applications mobiles (iOS et Android)

— Un accès API

—  1 back office de gestion Admin (gestion des clients)

—  1 back office par client Entreprise (offrir un accès salariés / créer des offres)

—  2 évolutions du back office (évolutions à venir dans le courant de la vie du contrat, en fonction de spécifications à définir par l’équipe marketing Amarris et à valider avec Smartpush).”

Comme le soutient la société Amarris, aucune obligation technique ou mise à disposition ne lui est imposée aux termes de ce contrat.

Néanmoins, il ressort des courriels versés aux débats par la société Smartpush que dans le cadre de l’organisation technique du projet, la société Amarris devait mettre à la disposition de l’appelante un API.

Le mail non contesté de M. [Z], co-fondateur de la société Smartpush, du 26 septembre 2019 est explicite sur ce point : « ’ la date de lancement au public pourrait être amenée à être décalée si l’API d’Amarris ne peut pas gérer la montée en charge d’ici le 1er octobre ‘ ».

De même, par courriel du 3 octobre 2019, M. [Z] écrit à M. [I], salarié de la société Amarris : « ’ Tu avais un ID 41 (qui nous avait été envoyé par votre API ‘)’ », ce à quoi M. [I] répond : « nous avons identifié la cause des lenteurs de l’API et travaillons à une solution de contournement ‘ ».

Le 30 septembre 2019, M. [P], salarié de la société Amarris, indique encore à M. [Z]: « J’ai eu des gros soucis de santé la semaine dernière (‘) je prends la journée pour m’occuper de l’API ‘ ».

Au regard de ces échanges, la société Amarris ne peut sérieusement prétendre qu’aucune obligation technique ne lui incombait.

Par ailleurs, il ne ressort d’aucune pièce que la société Amarris ait découvert cette contrainte technique à la suite de la signature du contrat. La teneur des échanges de mails entre M. [Z], M. [I], M. [P] établit que la société Amarris bénéficie d’un service informatique disposant manifestement des compétences nécessaires pour apprécier le pré-requis induit par l’organisation technique choisie par les parties pour la livraison du service commandé à la société Smartpush. La société Amarris ne justifie pas avoir formulé le moindre reproche à cet égard et n’a jamais sollicité l’aide de son cocontractant. Par ailleurs, la cour constate que la société Amarris ne se prévaut d’aucune pièce probante au soutien de l’affirmation suivant laquelle la société Smartpush n’avait pas envisagé la problématique relative à la gestion des mouvements de personnels des bénéficiaires du comité d’entreprise externalisé et il n’est pas démontré que l’intimée a pris en charge le développement d’une API afin d’y pallier. Dans ces conditions, aucun manquement au devoir de conseil de la société Smartpush n’apparaît caractérisé.

L’annexe 2 du contrat fixe les délais de mise à disposition des prestations comme suit :

« - API offres promotionnelles géolocalisées : à la signature du contrat ;

— portail web : entre 30 et 40 jours à compter de la réception des éléments (nom de domaine, logos, 2 couleurs dominantes en RVB, base line et spécifications des 2 évolutions) ;

— applications mobiles (iOS et ANDROID) : entre 75 et 90 jours à compter de la réception des éléments (nom de domaine, logos, 2 couleurs dominantes en RVB, base line et spécifications des 2 évolutions)”.

Par mail du 20 janvier 2019, M. [H], co-fondateur de la société Smartpush, annonçait une livraison de la prestation, dénommée programme A-vantages au sein de la société Amarris, en mars 2019 : “FOCUS du moment jusqu’à fin février : 2 applications mobiles en développement et customisation

1ère semaine de Mars : Déclinaison web avec SSO

Trois 1ères semaines de Mars : Développement des 2 fonctionnalités additionnelles demandées avec sortie de la 1ère indispensable à la sortie pour la semaine du 11 mars.”

Or, par mail du 1er juillet 2019, M. [H] reconnaissait la part de responsabilité de la société Smartpush dans le retard de livraison : “Ma préconisation est donc la suivante :

Soft launch fin juillet sur les internes Amarris.

Official launch en septembre après intégration de toutes nos offres et notamment celles de rentrée [‘] Enfin, et pour assumer notre part de responsabilité dans le décalage de la sortie et de la densité d’offres à date, je vous propose de vous offrir le mois d’août de licence. La facturation côté licence commencera donc au 1er septembre”.

Par courriel du 10 septembre 2019, alors que le lancement du programme A-vantages était fixé au 12 septembre 2019, M. [O], salarié de la société Amarris, interpelait M. [H] sur le nombre d’offres insuffisant en ces termes : “Je viens à l’instant de télécharger l’application sur Apple Store. Certes celle-ci semble fonctionnelle mais, contrairement à ce que tu avais indiqué, il y a une énorme pénurie d’offres. Pour le moment j’accède à deux offres de proximité ! et encore, celle de Planète Sauvage est en erreur. En faisant des tris sur d’autres agglomérations, le problème est le même. Même les offres web sont pour ainsi dire absentes.”

Par courriel en réponse du 11 septembre 2019, veille du lancement, M. [H] admettait un nombre d’offres insuffisant dans l’application et une difficulté à les afficher sur les mobiles : “Maintenant, nous avons détecté plusieurs autres points :

— Nous n’affichons pas toutes les offres cinémas (l’équipe est dessus)

— Nous avons un différentiel entre l’affichage Mobile en mode liste et Mobile en mode Géolocalisé (l’équipe est dessus)

— Nous n’affichons pas les offres Parcs / Musées / Loisirs (l’équipe est dessus)

Nous avons donc encore, d’ici la fin de journée, un vrai gap de progression à résoudre potentiellement rapidement.

[‘]

Pour anticiper un peu les choses, 2 scenarii se dessinent :

— Soit on arrive à faire apparaître toutes les offres de notre base en web, en mobile, en liste, en géoloc.

— Soit on n’y arrive pas complètement.

Si on y arrive, il faudra voir si c’est acceptable pour votre présentation de demain.

Si on n’y arrive pas totalement, il faudra vraisemblablement leur dire que l’App est ok techniquement, que sur les Web nous avons bien toutes les offres mais que nous travaillons pour que dans les jours qui viennent, toutes soient sur le mobile”.

La société Amarris communique par ailleurs le résultat d’une enquête de satisfaction de ses salariés dont il ressort que si 95% des participants ont installé l’application sur leur smartphone et 80% se sont inscrits sur l’application, 100 % de ces personnes déclarent ne pas avoir acheté ou essayé une offre promotionnelle, et ce pour les raisons suivantes:

— « Dès que l’application s’ouvre, j’arrive sur une page qui me demande de renseigner ma date de naissance et d’autres informations. Mais je ne peux rien faire et l’application se ferme immédiatement après, à peine 5 secondes après la connexion »,

— « Oops une erreur technique »,

— « Je ne pouvais pas me connecter du tout à l’application »,

— « Impossible de regénérer le mdp ».

Le seul fait que les participants à l’enquête soient des salariés de la société Amarris ne suffit pas à discréditer les résultats précités en l’absence d’élément probant permettant de remettre sérieusement en cause la sincérité des réponses.

Le courriel de M. [H] du 9 décembre 2019 confirme également la part de responsabilité de la société Smartpush dans le retard de livraison puisqu’il indique : « Je vous confirme que nous vous offrons la fin du SetUp en guise de dédommagement », soit la somme de 34.800 € HT.

Si le 24 janvier 2020, après avoir été sollicitée par la société Smartpush, la société Amarris a accepté de reprendre le projet en vue d’une livraison envisagée en avril 2020, le courriel de M. [I] du 26 juin 2020 établit qu’à cette date, la prestation n’avait toujours pas pu être livrée. La France a certes connu une période de confinement à partir du 17 mars 2020 ; néanmoins, il doit être rappelé qu’il y a été mis fin le 11 mai, de sorte qu’au regard du décalage induit par cette mesure de restriction, le projet aurait dû être livré à la date du 26 juin 2020. M. [H] admettait par mail du 25 juin 2020 que la société Amarris avait « essuyé les platebandes avec nous ».

La société Smartpush ne saurait prétendre que la société Amarris ne peut plus se prévaloir des manquements lui étant imputables avant le 24 janvier 2020 dès lors qu’à cette date, elle a accepté de reprendre le projet après une période de réflexion fin 2019. En effet, cette renonciation ne peut résulter du seul fait que la société Amarris a souhaité poursuivre les relations contractuelles. Elle ne ressort en outre nullement du courriel de M. [I].

Les manquements contractuels de la société Smartpush, caractérisés par le non-respect des plannings successifs de livraison et un nombre d’offres insuffisant dans l’application, sont ainsi démontrés.

Toutefois, il ressort des pièces produites par la société Smartpush que la société Amarris porte également une part de responsabilité dans l’échec du projet.

En effet, la société Smartpush produit différents mails qui établissent que la société Amarris a tardé à mettre son API à la disposition de son cocontractant. Ainsi, en juillet 2019, M. [P] était relancé à propos des correctifs à apporter à l’API d’Amarris. Il indiquait ne pas pouvoir répondre « avant la fin de la semaine voire la semaine prochaine ». Il écrivait encore le 5 juillet suivant « Malheureusement j’ai une grosse livraison pour mercredi et je n’aurai pas le temps de m’occuper de l’API avant ».

Le 16 juillet 2019, M. [R], directeur marketing au sein de la société Smartpush, relançait M. [P] en ces termes : “Pourrais-tu nous dire quand tu penses travailler sur le sujet soulevé par [V] pour faire en sorte que nos plans test ne dérangent pas ton action et vice versa ‘”, ce à quoi M. [P] a répondu : « Je n’ai pas de date à te donner. Nous sommes à temps plein sur un gros projet de migration prioritaire depuis mi-juin et ça va continuer jusqu’à la semaine prochaine ‘ ».

Le 6 septembre 2019, M. [C], prestataire de la société Smartpush, interpelait M. [P] à propos d’un problème technique et le 26 septembre suivant, M. [Z] recensait différents points « bloquants dans la mesure où l’API semble instable » ; il ajoutait comme rappelé supra, « la date de lancement au public pourrait être amenée à être décalée si l’API d’Amarris ne peut pas gérer la montée en charge d’ici le 1er octobre ».

Comme indiqué précédemment, le 30 septembre 2019, M. [P] écrivait à M. [Z] qui lui indiquait être sans nouvelle de sa part : « J’ai eu des gros soucis de santé la semaine dernière (‘) je prends la journée pour m’occuper de l’API ‘ ».

Par mail du 2 octobre 2019, M. [I] confirmait l’existence de « lenteurs de l’API » et informait la société Smartpush que son équipe travaillait « à une solution de contournement ».

Le 7 octobre 2019, M. [P] indiquait à M. [Z] : « Concernant les modifications de l’API cela attendra mon retour de vacances jeudi 17 octobre car je suis booké jusqu’à mon départ ce jeudi 10 octobre. J’ai réservé la journée complète pour tout mettre en prod le 17 au soir. Concernant les lenteurs nous avons eu des réponses de l’éditeur du web service qui pose problème et nous sommes toujours en discussion avec eux’. ».

Le 18 octobre 2019, M. [P], répondant à un mail de M. [I] demandant un point de situation, écrivait ceci : « Avec la mise en prod du CRM Amarrim prévue pour le 28 octobre je n’aurais malheureusement pas le temps de finir ce que j’avais à faire pour A-Vantage et je vais devoir reporter ça à début novembre ».

Le manquement contractuel de la société Amarris, qui a tardé dans la mise à disposition d’une API, est ainsi démontré.

Comme le soutient la société Smartpush, la société Amarris n’a pas procédé à la résiliation du contrat dans les formes prescrites par l’article II-5 du contrat imposant une notification par lettre recommandée par l’une des parties de l’inexécution par l’autre partie de ses obligations et l’expiration d’un délai de 30 jours à l’issue duquel il n’a pas été remédié à cette inexécution.

En conséquence et au regard des manquements caractérisés supra, il convient, en application des dispositions susvisées des articles 1227 et 1228 du code civil, de prononcer la résolution du contrat du 5 décembre 2018 aux torts partagés des sociétés Smartpush et Amarris, sans qu’il y ait lieu à restitution et à indemnisation des parties. Le jugement déféré sera par conséquent infirmé sur ce point et les parties seront déboutées de leurs demandes financières.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la solution du litige, le jugement sera infirmé des chefs des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 696 du code de procédure civile, les parties conserveront la charge de leurs dépens et seront déboutées de leur demande au titre de l’article 700 du code précité.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris sauf en celles de ses dispositions relatives aux demandes indemnitaires des sociétés Smartpush et Amarris ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Prononce la résolution du contrat du 5 décembre 2018 aux torts partagés des sociétés Smartpush et Amarris ;

Déboute les sociétés Smartpush et Amarris de l’ensemble de leurs demandes ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Déboute les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


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