Un mannequin établi au sein de l’Union européenne est en droit de facturer, au nom de sa propre société, ses prestations à une agence de mannequin. Dans cette hypothèse, la juridiction exclut la présomption de salariat de l’article L.7123-3 du code du travail selon laquelle « tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail. »
Sommaire
Présomption de salariat du mannequin
En effet, l’article L.7123-4-1 du code du travail énonce que « la présomption de salariat prévue aux articles L.7123-3 et L. 7123-4 du code de travail ne s’applique pas aux mannequins reconnus comme prestataires de services établis dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen où ils fournissent habituellement des services analogues et qui viennent exercer leur activité en France, par la voie de la prestation de services, à titre temporaire et indépendant. »
Pour lever cette présomption, le mannequin doit rapporter la preuve d’une part qu’il est reconnu comme prestataire de services établi dans un État membre de l’union européenne ou un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen et inscrit à un registre du commerce ou un registre équivalent et d’autre part qu’il exerce l’activité de mannequin en France de manière temporaire et indépendante.
Délivrance d’un certificat
Les règlements (CE) n° 883/04 et (CE) n° 987/09 prévoyant la délivrance de ce certificat sont applicables dans les relations entre la Suisse et les Etats membres depuis l’entrée en vigueur de la décision n°1/2012 du 31 mars 2012 du comité mixte institué par l’accord entre la Communauté européenne et ses états membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, remplaçant l’annexe II dudit accord sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.
Le fait que ces règlements soient applicables entre la France et la Suisse permet à un mannequin de bénéficier de ses effets au même titre qu’une personne résidant dans un pays de la communauté européenne.
L’article 12-2 paragraphe 2 du Règlement CE n° 883/2004 dispose que :« La personne qui exerce normalement une activité non salariée dans un État membre et qui part effectuer une activité semblable dans un autre État membre demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de cette activité n’excède pas vingt-quatre mois. »
L’article 14.4 de ce même règlement énonce que : « Aux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 2, du règlement de base, le critère pour déterminer si l’activité que part effectuer un travailleur non salarié dans un autre État membre est « semblable » à l’activité non salariée normalement exercée est celui du caractère réel de l’activité et non de la qualification d’activité salariée ou non salariée que cet autre État membre pourrait lui donner »
Établissement du mannequin en Suisse
En l’occurrence, le mannequin justifiait par la production d’un extrait RCS, être inscrite au registre de commerce du canton de Zug, en Suisse, son entreprise ayant notamment pour objet le marketing international et national, la coordination, le regroupement et activité de conseil en Suisse et à l’étranger dans le domaine du mannequinat, de la mode, du cinéma, du théâtre, de l’art….
Le mannequin versait également aux débats une attestation de l’ancienne Office Manager de la société Next Management, qui indiquait que le mannequin a manifesté le souhait de devenir mannequin indépendant auprès de l’agence et n’a jamais accepté de signer le contrat standard qui lui avait été transmis, en raison de son statut de travailleur indépendant. Le mannequin avait fourni les documents nécessaires (formulaire A1 de sécurité sociale et attestation de société) au traitement de son régime particulier.
Le mannequin justifiait qu’elle était affiliée à la caisse de sécurité sociale suisse et qu’elle a versé des cotisations en Suisse sur la rémunération qu’elle a perçue en France lorsqu’elle travaillait pour la société Next Management.
Les contrats de mise à disposition établis pour une ou plusieurs journées de mission ont été assimilés à des prestations de services.
Statut d’indépendant reconnu
Si la société Next Management a employé le mannequin dans le cadre habituel réservé aux mannequins, celle-ci remplissait les conditions pour être travailleur indépendant par rapport à son pays d’origine en ce qu’elle était inscrite au registre du commerce et payait ses cotisations sociales en Suisse. Elle a d’ailleurs pu bénéficier d’un contrat de prestations de services en France à compter du 1er juin 2015.
Le mannequin justifiant qu’elle remplissait les conditions de travailleur indépendant lorsqu’elle a été recrutée par la société Next Management pour remplir des missions de mannequinat qu’elle effectuait selon le mode de prestations de services.
En conséquence, le tribunal de commerce s’est à juste titre déclaré compétent pour examiner les demandes formées par le mannequin contre son agence.