Contrat de Mannequin : 6 novembre 2012 Cour d’appel de Paris RG n° 12/05076

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Contrat de Mannequin : 6 novembre 2012 Cour d’appel de Paris RG n° 12/05076
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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 06 NOVEMBRE 2012

(n° 574 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/05076

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Février 2012 -Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 11/59614

APPELANTS

Madame [J] [Y] veuve [R]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Madame [K] [R]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Monsieur [I] [R]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Rep/assistant : la ASS WATRIN BRAULT ASSOCIES (Me Nicolas BRAULT) (avocats au barreau de PARIS, toque : J046)

INTIMEES

SARL DOLCE GABBANA FRANCE Prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 3]

Société DOLCE & GABBANA S.R.L Prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 7]

[Localité 1]

Rep : la SCP MONIN – D’AURIAC (Me Patrice MONIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J071)

assistées de : Me Stéphane GUERLAIN de la SEP J ARMENGAUD ET S GUERLAIN (avocat au barreau de PARIS, toque : W07)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 Septembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Joëlle BOURQUARD, Présidente de chambre

Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.

[F] [R] a réalisé en 1971 une série de photos en noir et blanc de Yves SAINT LAURENT posant nu, dont est tirée la photographie de la publicité de la première eau de toilette d’Yves SAINT LAURENT, YSL pour homme.

Depuis le début du mois de septembre 2011, la société DOLCE & GABBANA a lancé une compagne de publicité mondiale sous la forme d’exploitations par voie d’affichage, d’annonces de presse, de sites internet, d’une photographie en noir et blanc du mannequin [Z] [G] posant nu ne portant qu’une paire de lunettes.

Mme [J] [R] dite [B] [Y] épouse [R], Mme [K] [R] et M. [I] [R], ayants-droit de M. [F] [R] ont fait assigner la SARL DOLCE & GABBANA France et la SRL DOLCE & GABBANA pour voir dire que leurs exploitations non autorisées de la photographie de [Z] [G] posant nu avec des lunettes constituent un trouble manifestement illicite et ouvrent droit à réparation sur le fondement des articles L122-4, L 335-2, L 335-3 et L 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle, 145 et 809 du code de procédure civile devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris qui, par ordonnance du 16 février 2012, a débouté la société DOLCE & GABBANA FRANCE de sa demande de mise hors de cause, rejeté les demandes des consorts [R], dit n’y avoir lieu à référé et à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [R], appelants, par conclusions du 15 mai 2012, demandent d’annuler ou à défaut de réformer l’ordonnance et de condamner in solidum les deux sociétés DOLCE & GABBANA à verser à Mme [Y], à Mme [K] [R] et à M. [I] [R] à titre provisionnel respectivement à chacun la somme de 50.000 euros, 25.000 euros et 25.000 euros à valoir sur l’indemnisation au fond due en réparation des préjudices subis à raison des atteintes non contestables à leurs droits patrimoniaux et à leur droit moral sur l’oeuvre de M. [R] au titre des économies et profits réalisés par les sociétés intimées grâce à leurs agissements parasitaires et leur ordonner de communiquer dans les 48 heures de la signification de l’arrêt à intervenir à la société DOLCE & GABBANA SARL, sous astreinte provisoire de 10.000 euros par jour de retard passé ce délai, tous documents et informations relatifs aux investissements et exploitations de la photographie litigieuse (montants des droits versés au photographe, au modèle, aux agences de création et d’achat d’espace, montant des investissements publicitaires tous médias, nombre de supports fabriqués reproduisant l’image publicitaire litigieuse à savoir affiches, affichettes, PLV, coûts de fabrication, valorisation des investissements et de l’audience de chacune des opérations publicitaires réalisées à partir de ladite photographie) , se réserver la liquidation de l’astreinte et condamner in solidum les intimées à leur verser à chacun la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Les sociétés DOLCE & GABBANA, par écritures déposées le 26 juin 2012, souhaitent voir mettre hors de la cause la société DOLCE & GABBANA FRANCE, débouter les consorts [R] et condamner ceux-ci au versement de la somme de 5.000 euros à chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 septembre 2012.

Les consorts [R] ont sollicité, par conclusions déposées le 25 septembre 2012 le rabat de la clôture exposant avoir notifié celles-ci électroniquement le 8 août 2012 et demandé à la cour de confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté la demande de mise hors de cause de la société DOLCE & GABBANA FRANCE, de l’annuler ou la réformer et de faire droit à leurs demandes tendant à condamner in solidum les deux sociétés DOLCE & GABBANA à verser à Mme [Y], à Mme [K] [R] et à M. [I] [R] à titre provisionnel respectivement à chacun la somme de 50.000 euros, 25.000 euros et 25.000 euros à valoir sur l’indemnisation au fond due en réparation des préjudices subis à raison des atteintes non contestables à leurs droits patrimoniaux et à leur droit moral sur l’oeuvre de M. [R] au titre des économies et profits réalisés par les sociétés intimées grâce à leurs agissements parasitaires et leur ordonner de communiquer dans les 48 heures de la signification de l’arrêt à intervenir à la société DOLCE & GABBANA SARL, sous astreinte provisoire de 10.000 euros par jour de retard passé ce délai, tous documents et informations relatifs aux investissements et exploitations de la photographie litigieuse (ont été rajoutés par rapport aux premières conclusions le montant de la contribution financière prise en charge par la société DOLCE & GABBANA directement achats d’espace ou indirectement participation publicitaire, redevance et dans les supports, les pages presse et les pages internet ), se réserver la liquidation de l’astreinte et condamner in solidum les intimées à leur verser à chacun la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture :

Considérant que l’article 783 du code de procédure civile dispose qu’après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office ;

Considérant que l’article 784 du même code énonce que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ;

Considérant que la cause grave invoquée est le fait que ces conclusions auraient été signifiées électroniquement le 8 août 2012 ; qu’il sera observé que la cause grave invoquée par les consorts [R] n’est pas survenue postérieurement au prononcé de l’ordonnance de clôture, que, dès lors, elle ne saurait en aucun cas justifier le rabat de celle-ci ;

Considérant qu’il sera relevé de plus, d’une part que les appelants ne justifient pas en l’état de leur signification électronique ; que, d’autre part, les dispositions relatives à la signification des actes de procédure (article 930-1 du code de procédure civile) par voie électronique ne sont pas encore applicables actuellement et leur entrée en vigueur est reportée au 1er janvier 2013 ; que, dès lors, les conclusions doivent être signifiées par huissier de façon à respecter le principe essentiel de la contradiction que, dans ces conditions, les consorts [R] ne sauraient utilement se prévaloir de leur méconnaissance des dispositions du code de procédure civile pour obtenir le rabat de l’ordonnance de clôture afin de voir admettre d’autres conclusions que celles régulièrement signifiées le 15 mai 2012 ; que leur demande est donc rejetée ;

Sur la demande de mise hors de cause de la société DOLCE & GABBANA FRANCE:

Considérant que les intimées exposent que cette société française est étrangère à la campagne litigieuse, qu’aucun élément du dossier ne permet de faire le lien avec elle et que c’est à tort que le premier juge a retenu que la société française exploitait la marque éponyme et que la campagne lui profitait ;

Considérant que les consorts [R] estiment le rejet de la demande de mise hors de cause de la société française bien fondé dès lors que c’est elle qui exploite la marque en FRANCE ainsi que les boutiques dans lesquelles sont vendues les lunettes dont la publicité assurait la promotion, que c’est pour son compte que la campagne a été réalisée en FRANCE et à laquelle elle a dû contribuer financièrement ;

Considérant qu’il ressort du procès-verbal de constat dressé à la demande des ayants-droit de M.[R] le 14 octobre 2011 que les affiches reproduisant la photographie litigieuse ont été exposées notamment dans [Localité 3] sur des kiosques à journaux ; que cette photographie a été diffusée à titre de publicité dans une revue dénommée OPTIMUM commercialisée en France ainsi que sur le site de dolce et gabbana.com accessible en France ;

Considérant que la société DOLCE & GABBANA France exploite la marque éponyme sur le territoire français ; que la mise en place et la diffusion de la campagne publicitaire ont nécessairement pour but de lui amener de la clientèle et de lui profiter ; qu’il importe peut dès lors que cette campagne publicitaire ait été conçue et financée par la société mère italienne ; qu’elle ne peut prétendre y avoir été étrangère alors qu’elle est réalisée sur le territoire français à son bénéfice ;

Considérant qu’il convient de confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a maintenu la société DOLCE & GABBANA France dans la cause ;

Sur la nullité de l’ordonnance pour violation du principe du contradictoire :

Considérant que les consorts [R] relèvent que le juge a motivé sa décision en invoquant d’office l’existence d’un pastiche en forme d’hommage alors que cette exception n’a été ni soulevée ni soumise à la contradiction ;

Considérant que les sociétés intimées contestent dans leurs écritures (page 7) que le juge ait excipé d’une exception de pastiche qui n’aurait pas été discutée contradictoirement ;

Considérant que les consorts [R] n’ont pas communiqué à la cour, les conclusions de première instance qu’ils auraient développées oralement à l’audience, permettant d’apprécier si celle-ci avait été soulevée ; qu’au surplus, la procédure étant orale devant le juge des référés, il n’est pas démontré que cette exception n’ait pas été examinée à l’audience et discutée contradictoirement ;

Considérant dès lors que la demande de nullité de l’ordonnance est rejetée ;

Sur les demandes au principal :

Considérant que les consorts [R] motivent leurs demandes à l’encontre des intimées en relevant le caractère non sérieusement contestable des ressemblances d’ensemble existant entre les deux photos (nudité du modèle homme jeune et beau vêtu d’une paire de lunettes, la pose du modèle assis, l’éclairage, l’expression du modèle) ; qu’ils ajoutent que la combinaison de ces éléments crée une composition originale révélatrice de l’empreinte de la personnalité de M. [R] et à ce titre, protégeable au titre du droit d’auteur et que les sociétés adverses ont exploité une image publicitaire reprenant les caractéristiques essentielles de la photographie de [F] [R] ; qu’ils estiment que l’adaptation dénature l’oeuvre originale et que les différences constatées sont mineures ;

Considérant que les consorts [R] soutiennent que leurs adversaires se sont clairement placés dans le sillage de la célèbre photographie de [F] [R] afin de bénéficier sans bourse déliée, de sa valeur, de sa notoriété et de son actualité et ont commis ainsi des agissements parasitaires engageant leur responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du code civil ;

Considérant qu’ils indiquent que la photographie de [F] [R] est encore exploitée ; qu’ils ajoutent que la compétence des tribunaux peut être retenue même au niveau mondial en ce qui concerne l’atteinte au droit moral et que leur demande de communication de pièces a pour but de déterminer l’étendue de leur préjudice et les atteintes portées à leur droit d’auteur ; qu’ils considèrent que rien ne fait obstacle à l’application du texte général qu’est l’article 145 du code de procédure civile ;

Considérant que les sociétés intimées estiment que le trouble manifestement illicite n’est pas démontré, la contrefaçon alléguée n’apparaissant nullement évidente ; qu’elles ajoutent que les griefs de parasitisme désormais invoqués ne peuvent pas prospérer faute d’être distincts de ceux allégués pour la contrefaçon; qu’elles soulignent qu’il n’existe pas de concurrence entre les parties ;

Considérant qu’elles relèvent que la cour ne saurait être compétente pour apprécier un préjudice subi à l’échelle mondiale selon les appelants et que la demande d’information présentée ne saurait prospérer dès lors que l’article L 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle vise à permettre le démantèlement des réseaux de contrefaçon et que la mesure doit être proportionnée à l’atteinte ;

Considérant qu’elles ajoutent que les appelants ne sauraient se prévaloir à défaut de l’article 145 du code de procédure civile dès lors que l’article L 331-1-2 du code de procédure civile constitue un texte spécial et qu’il prime donc sur le texte général que constitue l’article précité ;

Considérant que les consorts [R] agissent sur le fondement du trouble manifestement illicite ;

Considérant qu’aux termes de l’article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Considérant que le dommage imminent s’entend du « dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer » et le trouble manifestement illicite résulte de « toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit » ;

Considérant qu’il s’ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue et avec l’évidence qui s’impose à la juridiction des référés, l’imminence d’un dommage, d’un préjudice ou la méconnaissance d’un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines, qu’un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l’intervention du juge des référés ; que la constatation de l’imminence du dommage suffit à caractériser l’urgence afin d’en éviter les effets ;

Considérant que les consorts [R] établissent que leur auteur a réalisé en 1971 la photographie d’Yves Saint Laurent présentant les caractéristiques suivantes :

– un modèle nu, un homme jeune vêtu seulement d’une paire de lunettes,

– la pose du modèle assis, visage droit face au photographe et le corps légèrement de côté qui s’appuie sur son bras droit ce qui relève l’épaule droite et abaisse son épaule gauche, le bras gauche posé sur les jambes et le genou droit relevé pour masquer l’entre-jambes ;

– l’éclairage sur fond uni blanc créant un halo lumineux derrière le modèle, le reste du décor plongé dans l’ombre par un usage du noir et blanc fortement contrasté,

– l’expression du modèle fixant l’objectif, le visage impassible ;

Considérant que la combinaison de ces éléments crée une composition originale révélatrice de l’empreinte de son auteur, M. [F] [R] et donc protégeable au titre du droit d’auteur ;

Considérant qu’il est établi que cette photographie a notamment été exploitée comme image publicitaire pour le parfum YSL et a une notoriété incontestable ;

Considérant que l’examen de la photographie, objet de la campagne des intimées, reproduit un homme nu revêtu de ses seules lunettes, que la pose du modèle montre un visage droit face au photographe, un corps légèrement de côté qui s’appuie sur son bras droit ce qui relève l’épaule droite et abaisse l’épaule gauche, que le bras gauche est posé entre les deux jambes et le genou droit est relevé pour masquer l’entrejambes, qu’il apparaît un éclairage sur fond uni blanc lumineux derrière le modèle, le reste du décor dans le clair obscur, que le modèle montre une expression avec un visage impassible ;

Considérant que les caractéristiques essentielles de la photographie de M. [R] sont ainsi reproduites par la photographie utilisée par la société DOLCE & GABBANA dans le cadre de sa campagne publicitaire ;

Considérant que les différences entre les deux photos liées à la couleur et à la coupe de cheveux ainsi qu’à l’allure athlétique du second modèle et au cadrage un peu plus serré ne suffisent pas pour donner une impression d’ensemble différente ; que la seconde photographie fait immédiatement penser à la première sans qu’elle puisse apparaître comme se bornant à s’en être inspirée ; qu’elle ne constitue pas une simple réminiscence mais bien une reproduction quasi à l’identique ;

Considérant qu’il ne peut, par ailleurs, en aucun cas, être considéré qu’il s’agissait d’un hommage en forme de pastiche alors que cette exception suppose un caractère humoristique que n’a absolument pas la campagne publicitaire en question qui était à seule fin commerciale ;

Considérant qu’en agissant ainsi sans avoir obtenu l’autorisation préalable des ayants-droit de M. [R], titulaires des droits sur la photographie de Yves Saint Laurent, pour la diffusion de cette photographie dans le cadre de la campagne publicitaire, les intimées leur ont causé un trouble manifestement illicite ;

Considérant qu’aux termes de l’article 809 du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance, statuant en référé, peut dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ; que la hauteur de la provision susceptible d’être ainsi allouée n’a d’autre limite que celui du montant de la dette alléguée ;

Considérant qu’aux termes de l’article 1315 du code civil, c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ;

Considérant que les consorts [R] entendent obtenir une provision à valoir sur la réparation des préjudices subis du fait de la reproduction illicite de la photographie sur laquelle ils détiennent des droits sur le fondement de l’article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle et des agissements parasitaires de leurs adversaires se fondant sur l’article 1382 du code civil ;

Considérant que la juridiction française est compétente pour connaître de la demande de provision relative à l’indemnisation intégrale des préjudices subis par les consorts [R] ;

Considérant qu’ils peuvent obtenir réparation du dommage subi sur le territoire français du fait des affichages et parutions de presse constatés en France ;

Considérant que, relativement aux publicités mises en ligne sur Internet, la cour de Justice de l’Union européenne dans un arrêt du 25 octobre 2011, a dit que l’article 5 point 3 du règlement CE n°44/2001 du conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale doit être interprété en ce sens qu’en cas d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet, la personne qui s’estime lésée a la faculté de saisir d’une action en responsabilité au titre de l’intégralité du dommage causé soit les juridictions de l’Etat membre du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus soit les juridictions de l’Etat membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts et que cette personne peut également, en lieu et place d’une action en responsabilité au titre de l’intégralité du dommage causé , introduire son action devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été et que celles-ci son compétentes pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’Etat membre de la juridiction saisie ;

Considérant que les consorts [R] ont leur domicile, leur famille et leur travail en France ;

Considérant dès lors que la demande de provision au titre de l’intégralité des préjudices patrimoniaux doit être examinée par la cour ;

Considérant que l’exploitation sans autorisation de l’oeuvre, la banalisation en résultant ont nécessairement porté atteinte au droit moral attaché à celle-ci ; que le préjudice subi de ce chef n’est pas contestable et justifie l’allocation d’une provision à valoir sur les dommages intérêts qui pourront être alloués de ce chef aux consorts [R] à concurrence de la somme de 5.000 euros chacun ;

Considérant que les appelants se plaignent, en outre, de la campagne publicitaire réalisée au moyen d’affiches, de PLV et autres portant atteinte à leurs droits patrimoniaux les privant de bénéficies liés à une utilisation licite de celle-ci et souhaitent obtenir réparation de la reproduction de l’image publicitaire du fait de toutes les exploitations ;

Considérant que la cour apprécie la provision à allouer de ce chef à chacun des consorts [R] à la somme de 5.000 euros ;

Considérant que le parasitisme ne nécessite pas que les parties soient en situation de concurrence ; qu’il suffit de caractériser que le parasite ait profité gratuitement et sans risque du fruit des efforts et des investissements de toute nature d’autrui ;

Considérant que les sociétés intimées se sont placées dans le sillage de la photographie de M. [R] qui bénéficiait d’une grande notoriété pour leur propre campagne de publicité et faire parler de celle-ci grâce au rapprochement qui pourrait être fait justement avec ladite photographie de M. [R] ; que les appelants le démontrent en versant aux débats divers articles parus dans la presse ou sur le net évoquant cette proximité des photos ;

Considérant que cette utilisation parasitaire a permis aux sociétés DOLCE & GABBANA de réaliser une campagne publicitaire à moindre frais en limitant donc le budget de création ;

Considérant que de ce chef, la cour apprécie à la somme de 5.000 euros la provision à laquelle peut prétendre chacun des consorts [R] au titre des préjudices patrimoniaux résultant des agissements parasitaires;

Considérant que l’article L 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que ‘ si la demande lui est faite, la juridiction saisie d’une procédure civile prévue aux livres 1er, II et III de la première partie peut ordonner, au besoin, sous astreinte, afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des marchandises et services qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenues par le défendeur ;

Considérant que cette disposition n’attribue ce pouvoir d’ordonner ces communications qu’à la seule juridiction civile saisie au fond de l’action en contrefaçon à l’exclusion du juge des référés ;

Considérant dès lors que la demande est irrecevable de ce chef ;

Considérant qu’à défaut la même demande est présentée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ;

Considérant qu’aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;

Que lorsqu’il statue en référé sur le fondement de ce texte, le juge n’est pas soumis aux conditions imposées par l’article 808 du code de procédure civile, qu’il n’a notamment pas à rechercher s’il y a urgence, que l’existence de contestations sérieuses ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre de la mesure sollicitée, l’application de cet article n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé ;

Que l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu’il existe un procès « en germe »  possible, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui ;

Considérant que les dispositions de l’article 146 du code de procédure civile ne s’appliquent pas lorsque le juge est saisi d’une demande fondée sur l’article 145 du code de procédure civile ; que le moyen invoqué de ce chef par les intimées ne saurait prospérer ;

Considérant que relativement au moyen tiré de la compétence de la juridiction française repris pour cette demande par les sociétés DOLCE & GABBANA, la motivation antérieure reste applicable ;

Considérant enfin que les intimées estiment que dès lors que l’article L 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle est une disposition spéciale, il prime sur l’article général ; que, toutefois, ce texte du code de la propriété intellectuelle n’a vocation à s’appliquer que devant le juge du fond, le juge des référés retrouve ses pouvoirs pour apprécier une demande de mesure d’instruction in futurum et avant tout procès;

Considérant qu’en l’état, les consorts [R] ont un motif légitime de voir déterminer l’étendue des agissements illicites et parasitaires afin d’apprécier les atteintes commises et le préjudice subi ce, en vue de l’action en responsabilité engagée à l’encontre des sociétés DOLCE & GABBANA au fond ;

Considérant qu’il est donc fait droit à la demande de communication de pièces dans les termes visés au dispositif de la présente décision , cette mesure étant assortie d’une astreinte dont la cour ne se réserve pas la liquidation ;

Considérant que l’équité commande de faire droit à la demande des consorts [R] présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; que les sociétés DOLCE & GABBANA sont condamnées in solidum à leur verser la somme visée de ce chef au dispositif du présent arrêt ;

Considérant que, succombant, les intimées ne sauraient prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et doivent supporter les entiers dépens de l’instance ;

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de révocation de l’ordonnance de clôture ;

Déclare les conclusions déposées le 25 septembre 2012 par les consorts [R] irrecevables ;

Rejette la demande de nullité de l’ordonnance présentée par les consorts [R] ;

Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Dit que l’exploitation non autorisée de la photographie de la campagne publicitaire DOLCE & GABBANA ayant pour modèle [Z] [G] constitue un trouble manifestement illicite à l’égard des consorts [R] ( Mmes[J] et [K] [R] et M [I] [R]) ;

Condamne in solidum les sociétés DOLCE & GABBANA France et DOLCE & GABBANA SRL à payer à Mme [J] [R], Mme [K] [R] et M. [I] [R] chacun la somme provisionnelle de 5.000 au titre de l’atteinte au droit moral, celle provisionnelle de 5.000 euros au titre de l’atteinte aux droits patrimoniaux, outre celle provisionnelle de 5.000 euros au titre de la réparation des agissements parasitaires ;

Déclare irrecevable la demande de communication de pièces fondée sur l’article L 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Ordonne aux sociétés DOLCE ET GABBANA de communiquer aux consorts [R] dans le mois de la signification de l’arrêt sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard pendant une durée de deux mois, les documents relatifs aux investissements et exploitation de la photographie publicitaire litigieuse notamment le montant des droits versés au photographe, au modèle et aux agences de création et d’achat d’espace, le montant des investissements publicitaires tous médias, le nombre de supports fabriqués reproduisant l’image publicitaire litigieuse, le coût des fabrications, valorisation des investissements et de l’audience de chacune des opérations publicitaires réalisées à partir de ladite photographie ;

Condamne in solidum les sociétés DOLCE & GABBANA France et DOLCE & GABBANA SRL à payer à Mme [J] [R], Mme [N] [R] et M. [I] [R] chacun la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum les sociétés DOLCE & GABBANA France et DOLCE & GABBANA SRL aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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