Contrat de Mannequin : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/01572

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Contrat de Mannequin : 24 novembre 2022 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 21/01572
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AFFAIRE : N° RG N° RG 21/01572 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FTPV

 Code Aff. :

ARRÊT N° AP

ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT-DENIS en date du 24 Août 2021, rg n° F 20/00150

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022

APPELANTE :

S.A.S. SOCIETE DES MAGASINS DE BRICOLAGE (SOMABRIC)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Rodolphe MENEUX, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE et

Me Christine CHANE-KANE de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION et

INTIMÉE :

Madame [V] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Christine MILLIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Clôture : 4 juillet 2022

DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 septembre 2022 en audience publique, devant Aurélie POLICE, conseillère chargée d’instruire l’affaire, assistée de Delphine GRONDIN, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 24 NOVEMBRE 2022 ;

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Alain LACOUR

Conseiller : Laurent CALBO

Conseiller : Aurélie POLICE

Qui en ont délibéré

Greffier du prononcé par mise à disposition au greffe : Nadia HANAFI

ARRÊT : mis à disposition des parties le 24 NOVEMBRE 2022

* *

*

LA COUR :

Exposé du litige :

Mme [X] a été engagée par la société des magasins de bricolage (SOMABRIC), selon contrat à durée indéterminée du 10 août 2018 à effet du 1er septembre 2018, en qualité de chef de secteur service client, statut cadre, auprès de l’établissement Leroy Merlin situé au [Localité 5].

Par avenant du 31 août 2018, Mme [X] a été détachée temporairement au sein de la société RSL Le Gol, pour y accomplir les missions inhérentes à ses fonctions, à compter du 1er septembre 2018 jusqu’au 31 mars 2019

Mme [X] a été licenciée le 9 décembre 2019 pour faute grave, suite à la remise d’une convocation à l’entretien préalable en date du 26 novembre 2019, avec mise à pied conservatoire.

Contestant son licenciement et sollicitant le versement de l’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, une somme au titre du congé-payé prévu par la convention collective nationale du bricolage outre les congés payés afférents, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le paiement des salaires pour la période du 27 novembre au 12 décembre 2019 outre les congés payés afférents, une indemnité pour réparation du préjudice subi pour financer son retour en métropole, le remboursement des frais professionnels exposés, des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du prêt de main d”uvre illicite et de marchandage, avec capitalisation, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Denis-de-la-Réunion qui a, par jugement du 24 août 2021, condamné la société SOMABRIC au paiement des sommes suivantes :

– 7 800 euros au titre de l’indemnité de préavis,

– 780 euros au titre des congés payés sur préavis,

– 2 600 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 714,13 euros au titre des salaires du 27 novembre au 12 décembre 2019, assorti de 10 % de congés payés, soit 71,41 euros,

– 6 923,27 euros en remboursement des frais professionnels exposés,

– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

le tout assorti de l’intérêt au taux légal. Le conseil de prud’hommes a en outre ordonné l’exécution provisoire de la décision, débouté Mme [X] du surplus de ses demandes et condamné la société aux dépens.

La SOMABRIC a interjeté appel du jugement par déclaration du 7 septembre 2021.

Vu les conclusions notifiées le 1er décembre 2021 par la SOMABRIC ;

Vu les conclusions notifiées le 25 février 2022 par Mme [X] ;

La clôture a été prononcée par ordonnance du 4 juillet 2022.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.

Sur ce :

Sur le licenciement

Vu les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

La lettre de licenciement du 9 décembre 2019, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée : «[…] Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave et aux motifs suivants :

Comportement grossier et injurieux envers vos collègues, en présence de clients de l’hôtel AKOYA*****

Insuffisance de résultats relative à votre incapacité à atteindre des objectifs préalablement fixés, insubordination, réponses tronquées.

En effet, en tant que Chef de Secteur Service client, statut CADRE, et membre du comité de direction du magasin, vous avez été conviée le mardi 29 octobre 2019, à l’Hôtel Akoya à l’occasion de notre séminaire objectif. Lors du dîner d’équipe, vous n’avez pas souhaité manger, parmi je cite, ‘ ce CD [comité de direction] de faux-culs ‘. Votre collègue, Madame [I], vous a demandé ce que vous entendiez par-là, ce à quoi vous avez répondu en présence de l’ensemble de vos collègues et des clients de l’hôtel qui se trouvaient là : ‘ un CD de merde, une bande d’hypocrites ‘.

Plusieurs de vos collègues affirment vous avoir entendu tenir ces propos injurieux, en présence de clients de l’hôtel. De plus, en vous rendant sur la terrasse de l’hôtel, vous avez continué d’insulter une de vos collègues en lui disant : ‘ toi tu fermes ta gueule ! ‘ [à plusieurs reprises] ‘ De toutes façons, moi, avec mon CV je trouve du boulot quand je veux ‘. Un client a dû intervenir pour vous demander de vous taire.

Lors de notre entretien du 4 décembre, vous avez en partie reconnue les faits, en précisant que ‘vous étiez très énervés et que vous étiez sortis de vos gonds’.

L’entreprise ne saurait tolérer de tels propos à l’égard de quiconque.

En effet, nous attendons d’un cadre une attitude correcte et exemplaire en toutes circonstances, en particulier, lors de représentations de l’entreprise à l’extérieur. De plus, en tant que responsable de la relation client, vous vous devez d’incarner dans vos pratiques et comportements une excellence relationnelle envers vos clients internes, externes; et envers vos collègues.

De par votre attitude, vous avez nui à l’image de notre entreprise.

De par votre attitude, vous avez saboté l’objectif de cohésion du séminaire, cohésion si importante dans le cadre d’une ouverture de magasin à grands enjeux.

De par votre attitude, vous avez insulté l’ensemble de vos collègues et l’organisation.

Ces éléments comportementaux constituent plusieurs fautes graves.

D’autre part, nous avons relevé votre incapacité à atteindre des objectifs fixés, à savoir :

– Non remise du fichier comprenant la liste des numéros de téléphones magasin, et des besoins exhaustifs en nombre de téléphones. Les rendez-vous avec les chefs de secteurs, prérequis nécessaire à cette tâche, n’ayant même pas été programmés.

– Non démarrage et non remise, de tout ou partie du document de communication portant sur les types de post Facebook souhaités semaine par semaine, de janvier 2020 à juin 2020 ; alors que vous aviez dit vous en occuper, rien n’a été débuté, vous dîtes avoir demandé RDV à notre prestataire ce qui n’a rien à voir avec notre sujet, vous deviez préalablement préparer ce dossier et rencontrer vos collègues, qui n’a pas été fait. Ceci constitue un mensonge envers votre direction. Cette mission non effectuée, ayant entraînée un décalage du lancement de notre campagne de communication d’ouverture magasin.

– Non remise en temps et en heure, de vos commandes d’agencement sur le serveur (P) du magasin. Pourtant vous avez reconnu avoir certains devis définitifs. Ces derniers auraient dû être immédiatement enregistrés, comme convenu avec l’ensemble du comité de direction depuis juillet 2000.

– Enfin, après vous avoir relancé au sujet de la numérotation des caisses le 25 novembre 2019, vous avez répondu par mail être en attente des disponibilités de votre interlocuteur, or il s’avère que cette tâche n’avait même pas été entamée, et qu’aucun rendez-vous n’avait été fixé avant le 26 novembre. Ceci constitue donc un mensonge envers votre direction. Pour rappel, cette numérotation des caisses devait nous permettre de lancer la programmation des caisses en métropole afin de garantir la livraison de ces produits dans les délais liés à notre ouverture magasin.

L’ensemble de ces éléments porte un préjudice non négligeable à l’entreprise, en termes de délais de paramétrage, de budget à finaliser, de commandes à passer dans les délais impartis, et de sécurisation informatique des données liées à l’ouverture du magasin.

Par ailleurs, malgré les relances, ces missions n’ont pas été effectuées, alors même que vous n’êtes absolument pas en surcharge de travail sur votre poste. Cela confine donc à de l’insubordination.

Enfin, vous n’avez pas hésité à me répondre sur certaines missions que c’était en cours alors même que ce n’était pas lancé. Cela constitue un mensonge envers votre direction..

En conséquence, nous vous notifions votre licenciement pour plusieurs fautes qui indépendamment les unes des autres constituent des fautes graves. ».

S’agissant d’un licenciement pour faute grave, il incombe à la société de prouver les faits qu’elle impute à Mme [X].

Concernant le premier grief relatif au comportement de la salariée lors d’un séminaire organisé le mardi 29 octobre 2019, au sein de l’hôtel Akoya, la société verse aux débats les attestations de Mme [I] et de M. [K], personnes avec lesquelles l’altercation a eu lieu, mais également les attestations de M. [R] et de Mme [L].

Ces pièces correspondent aux pièces n°12, 13, 14, 15 et 19 dont il est demandé le retrait du dossier par Mme [X], aux motifs que ces attestations se contredisent ou rapportent des propos que leurs auteurs n’ont pu entendre et qu’elles ne répondent pas aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile, la mention prévue à l’article 441-7 du code pénal n’étant pas reproduite.

Il apparaît toutefois que les attestations litigieuses font état des seuls propos entendus par chacun de leurs auteurs, relatent toutes un même déroulement des faits et sont corroborées par l’attestation de M. [Y], versée aux débats par Mme [X].

Il est exact que la mention de l’article 441-7 du code pénal n’a été reproduite ni par M. [K] ni par M. [R]. Toutefois, Mme [X] n’explique pas en quoi cette irrégularité lui ferait grief, d’autant que ces attestations présentent des garanties suffisantes par ailleurs pour emporter la conviction de la cour.

Mme [X] sera déboutée de sa demande de voir écarter des débats les pièces adverses n°12, 13, 14, 15 et 19.

Mme [I] explique que : « Le 29/10/2020, nous étions avec le comité de direction pour les objectifs qualitatifs, de l’année à venir, réunis à l’hôtel Akoya.

Alors que nous sommes tous à table, [V] [X] arrive la dernière avec une mine déconfite. Je lui demande alors si ça va. Elle me répond que oui, j’insiste un peu en lui disant que ça n’a pas l’air. Elle répond alors qu’elle est éc’urée d’être à la même table que nous. Elle dit que nous sommes un comité de ‘faux-cul’ [‘]. Je lui dis alors de maîtriser son langage car elle est désormais cadre. Elle continue en me disant je suis moi-même hypocrite et commence à me dire ‘tu fermes ta gueule’ par trois fois. Je prends sur moi pour ne pas être grossière comme elle et lui demande de se tenir. Alors qu’elle s’énerve de plus belle quand certains cadres se lèvent pour nous demander de nous mettre à l’écart car nous ne sommes pas seuls dans le restaurant.

À l’écart, elle m’accuse d’être responsable de rumeur, ce que je nie. Elle recommence les mêmes insultes ‘tu fermes ta gueule’, elle ajoute ‘je fais ce que je veux de mon cul’. Alors que je commence à lui répondre que cela m’est complètement égal mais qu’elle doit apprendre à maîtriser son comportement car elle est devenue cadre, un client arrive et se plaint des termes vulgaires qu’il vient d’entendre, étant avec son enfant non loin à ce moment. Je lui demande de nous excuser, et quitte [V], lui disant qu’elle me mettait dans une situation gênante et que cela n’était absolument pas professionnel. Je lui donne aussi mon souhait de couper cette conversation et de ne pas reproduire ce genre d’échange. Je retourne alors à table. Elle finit en disant que de toute façon elle ne souhaite plus travailler avec nous et qu’elle peut retrouver un emploi comme elle veut. ».

Cette attestation circonstanciée est corroborée par celle des autres salariés présents à la soirée qui précisent, pour M. [K], avoir : « entendu [V] [X] prononcer la phrase ‘ferme ta gueule !’ en direction de [C] [I]. [C] s’est mise en colère suite à cette phrase prononcée par [V]. S’en est suivi une dispute entre elles dans le restaurant devant d’autres clients. Nous leur avons demandé de sortir sur la terrasse. Ce qu’elles ont fait. », pour M. [R], que : « il y a eu une altercation entre [V] [X] et [C] [I]. [V] a prononcé les mots suivant : notre CD est un ‘CD de merde’ et a insulter [C] en lui disant ‘ferme ta gueule. Elles sont partie toute les 2 discuté plus loint. » et pour Mme [L], avoir : « assisté à une violente dispute entre [V][X] et [C] [I], dont [V] en est l’initiatrice. Cette dernière a insulté le comité de direction [‘] devant les clients qui se trouvaient à proximité. ».

Il résulte de ces éléments que Mme [X], qui ne conteste pas avoir eu un échange vif avec sa collègue, a dépassé les limites de la bienséance, contrairement à ce qu’elle affirme.

Mme [X] indique avoir réagi en raison de commérages nauséabonds sur sa vie privée. Il ressort toutefois de l’attestation de M. [Y], pièce n° 26 versée aux débats par la salariée, que : « je suis arrivé en compagnie de [V] [X], à peine arrivés à table, [O] [K] a fait un sous-entendu sur le fait que nous étions souvent ensemble. Cela faisait quelques mois que nous subissions ses remarques sur notre vie privée. Touchée par cet énième sous-entendu, [V] n’était pas très bien. C’est alors que [C] [I] a insisté plusieurs fois en lui demandant si tout allait bien et [V] s’est emportée.

Le ton est monté sur l’ensemble de la table, demandant à [V] et [C] de sortir de table et de s’éloigner pour finir de s’expliquer, ce qu’elles ont fait en allant sur la terrasse.

À partir de là, nous entendions pas leur conversation.

[‘] Le lendemain matin, l’ensemble du comité de direction a donné son ressenti sur la soirée. [V] et [C] se sont excusées pour leur comportement de la veille, et [O] a reconnu avoir été peut-être maladroit sur ses paroles quelques fois. ».

Ainsi, il apparaît que le contexte et les propos tenus par M. [K] et Mme [I] ne justifient nullement les insultes réitérées proférées en public à l’encontre de ses collègues. Contrairement à ce qu’a retenu le conseil de prud’hommes, la responsabilité des protagonistes ne saurait être partagée, dès lors que le comportement de Mme [X] apparaît disproportionné.

Mme [X] se prévaut également de la liberté d’expression prévue par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par l’article L. 1121-1 du code du travail.

Les propos tenus en l’espèce ne peuvent toutefois qu’être qualifiés d’abusifs pour avoir excéder la liberté d’expression dont chaque salarié jouit au sein d’une communauté de travail.

Mme [X] soutient en outre que les faits tirés de la vie personnelle, pour avoir été commis en dehors du travail, ne sauraient justifier un licenciement disciplinaire.

S’il est établi que les propos injurieux reprochés à Mme [X] ont été tenus en-dehors de l’établissement, à l’occasion d’un séminaire organisé en soirée, et sans que les personnes ne soient porteurs des uniformes de la société, il apparaît que ces faits se rattachent nécessairement à la vie de l’entreprise ou à la vie professionnelle dès lors que le dîner avait été organisé pour réunir l’ensemble des cadres constituant le comité de direction de la société.

Les premiers faits reprochés dans la lettre de licenciement, relatifs aux propos tenus le 29 octobre 2019, constituent donc une faute disciplinaire.

En conséquence, il est démontré que Mme [X] a adopté un comportement inapproprié à l’égard de ses collègues.

Concernant l’absence d’atteinte des objectifs, l’insubordination et les mensonges tenus à l’égard de la direction dans les réponses apportées quant à l’état d’avancement de ses missions, la société communique les attestations de M. [G] et de M. [K], une synthèse des reproches formulés et des échanges de mails et de messages téléphoniques.

La salariée conteste toutefois avoir reçu des objectifs précis ou des délais à respecter. Il apparaît en effet que si M. [G] indique, dans son attestation, que : « nous avions tout d’abord notre brief d’ouverture à concevoir dans lequel nous nous mettions des objectifs clairs à réaliser.

En parallèle à ce brief, nous avions également une feuille de route à suivre pour valider nos différentes étapes de construction du magasin [‘]

Cette feuille de route comprenait plusieurs items comme la validation des plans des rayons, l’agencement, le rétro-planning d’implantation, matrice à commander. », la feuille de route établie pour Mme [X] n’est pas produite.

Il n’est pas davantage démontré que la synthèse des reproches versée aux débats serait la reproduction fidèle d’échanges de courriels ni que la salariée aurait été informée de ceux-ci préalablement à la rupture du contrat.

La société affirme plus précisément avoir demandé à Mme [X] de procéder à la numérotation des caisses dès le mois de juillet 2019 et que celle-ci a commencé à traiter cette demande uniquement au mois de novembre 2019, ce que conteste Mme [X]. M. [K] atteste avoir été consulté à ce sujet et pour la première fois le 26 novembre 2019. À défaut de démontrer toutefois que des délais avaient été fixés à la salariée, peu importe la date exacte à laquelle cette mission a été effectuée, aucun manquement de la salariée ne pouvant être caractérisé.

De même, la société ne démontre pas avoir fixé des objectifs concernant l’établissement d’un plan de communication, d’autant que les échanges de courriels produits sont discontinus et non exhaustifs, de sorte que leur interprétation ne peut qu’en être biaisée.

La société ne verse aucun élement afin de caractériser les autres griefs formulés dans la lettre de licenciement.

En conséquence, il y a lieu de relever que seul le grief relatif à la tenue de propos injurieux à l’égard de collègues est établi, ce qui suffit à caractériser une faute de la part de la salariée, notamment eu égard à son statut et à son ancienneté dans la société. Pour autant, la société ne démontre pas en quoi cette faute aurait empêché toute poursuite du contrat pendant la période d’exécution du préavis, dès lors que la salariée a présenté ses excuses le lendemain des faits et qu’aucun autre comportement inapproprié n’a été relevé jusqu’à la date de remise de la lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement, soit presque un mois après les faits.

Le licenciement pour faute grave sera donc requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Sur le rappel de salaire et les congés payés afférents

Mme [X] a été mise à pied à titre conservatoire dès le 27 novembre 2019 et jusqu’au 9 décembre 2019, date du licenciement. La faute grave n’étant pas établie, la mise à pied conservatoire apparaît injustifiée et ouvre droit à rémunération pour cette période de 13 jours.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a alloué la somme sollicitée de 714,13 euros à Mme [X] à ce titre, outre la somme de 71,41 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les demandes d’indemnité de préavis, de délai-congé et les congés payés afférents

Vu l’article L. 1234-5 du code du travail et l’annexe cadres à la convention collective nationale du bricolage du 30 septembre 1991 ;

Mme [X] sollicite le versement de la somme de 7 800 euros d’une part au titre de l’indemnité de préavis et d’autre part au titre du délai-congé prévu par la convention collective nationale du bricolage. Ces deux notions étant toutefois identiques et se référant à l’absence d’accomplissement du préavis, Mme [X] ne pourra qu’être déboutée de sa demande surabondante au titre de l’indemnité de préavis ou de délai-congé.

L’article 9 de l’annexe cadres à la convention collective applicable prévoit que : « La durée du délai-congé est, à l’issue de la période d’essai et hormis le cas de faute grave ou lourde, réglé de la façon suivante pour le personnel cadre :

– 1 mois pour une ancienneté comprise entre 3 mois et 6 mois ;

– 3 mois pour une ancienneté supérieure à 6 mois. »

En l’espèce, Mme [X], qui a été mise à pied à titre conservatoire, n’a pas exécuté son préavis. La faute grave n’étant pas retenue, Mme [X] a droit à une indemnité compensatrice de délai-congé ou de préavis.

Ayant une ancienneté de un an et trois mois et percevant un salaire mensuel brut de 2 600 euros, Mme [X] peut prétendre à une indemnité compensatrice de délai-congé de 7 800 euros, outre 780 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le licenciement a été ci-dessus reconnu fondé. La demande au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera nécessairement rejetée. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de remboursement des frais professionnels

Vu les articles 1194 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

Les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l’employeur.

A ce titre, Mme [X] demande le remboursement de la somme de 6 923,27 euros au titre des indemnités kilométriques, calculées sur la base du barême fiscal en vigueur en 2018 et 2019.

La société s’y oppose en raison de l’importance des kilomètres retenus par la salariée dans son décompte et en l’absence de production de justificatifs et notes de frais.

La contrat de travail et la convention collective nationale du bricolage ne prévoient pas de disposition spécifique au titre des indemnités kilométriques accomplies, seul l’article 6 de l’annexe cadres à la convention collective indiquant que les frais de voyage et de séjour professionnels sont à la charge de l’entreprise, les frais de séjour étant remboursés, soit sur justifications, soit sous forme du versement d’une indemnité forfaitaire.

Il n’est pourtant pas contesté que Mme [X] a été mise à disposition de la société RSL Le Gol, ayant son établissement à [Localité 7], puis au sein d’établissements situés à [Localité 8] et à [Localité 6], qu’elle devait également effectuer des visites dans le cadre de ses missions, et qu’elle a accompli ces déplacements à l’aide de son véhicule personnel, de sorte qu’elle a nécessairement engagé des frais professionnels.

La société, qui ne conteste pas le principe du remboursement de ces frais professionnels, ne démontre pas avoir donné de directives à ses salariés quant aux modalités de remboursement des frais, de sorte qu’il ne peut être fait grief à Mme [X] de ne pas produire les justificatifs requis.

Mme [X] qui présente la liste de ses trajets professionnels, son planning, et les modalités de calcul retenues sur la base du bareme fiscal de référence des années 2018 et 2019, justifie des frais engagés.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de remboursement des frais professionnels présentée par Mme [X] à hauteur de 6 923,27 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice pour financement d’un retour en métropole

Mme [X] demande à être indemnisée du coût de son déménagement vers la métropole, indiquant avoir été contrainte au départ en raison des conditions infamantes et vexatoires de son licenciement et de l’absence d’avenir professionel à la Réunion.

Il convient toutefois de relever que Mme [X] échoue à démontrer que son départ serait en lien avec son licenciement, qui a été effectué dans des conditions normales.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [X] de sa demande à ce titre.

Sur la demande d’indemnisation pour le prêt de main d’oeuvre illicite et le délit de marchandage

Aux termes de l’article L. 8241-1 du code du travail, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d”uvre est interdite.

Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :

1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequin ;

2° Des dispositions de l’article L. 222-3 du code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives ;

3° Des dispositions des articles L. 2135-7 et L. 2135-8 du présent code relatives à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs mentionnées à l’article L. 2231-1.

Une opération de prêt de main-d”uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.

Aux termes de l’article L. 8231-1 du code du travail, le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d”uvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit.

En l’espèce, il est constant que Mme [X] a été mise à la disposition de la société RSL Le Gol à compter de son embauche jusqu’au 31 mars 2019, par avenant du 31 août 2018.

Cette mise à disposition apparaît toutefois licite pour répondre aux conditions de l’article L. 8241-2 du code du travail, l’accord de la salariée ayant été recueilli, une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice ayant été conclue et l’avenant au contrat de travail ayant été établi.

Il convient en outre de relever que Mme [X] échoue à démontrer que cette mise à disposition ou ses interventions ponctuelles dans d’autres établissements auraient eu un caractère lucratif, celles-ci ayant pour objectif la formation de la salariée, ainsi qu’en atteste Mme [L]. Mme [X] relève elle-même que les établissements disposaient déjà de chefs de secteur service clients expérimentés. De même, l’augmentation du chiffre au niveau des services vendus ne permet pas d’établir que cette augmentation serait due à une facturation de la mise à disposition.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Infirme le jugement rendu le 24 août 2021rendu par le conseil de prud’hommes de Saint-Denis-de-la-Réunion en ce qu’il a condamné la société des magasins de bricolage (SOMABRIC) au paiement de la somme de 2 600 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Déboute Mme [X] de sa demande au titre de l”indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Y ajoutant,

Déclare le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société des magasins de bricolage (SOMABRIC) aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par M. Lacour, président, et par Mme Hanafi, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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