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COUR D’APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 21 février 2023
N° RG 21/00766 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FSJY
-DA- Arrêt n° 89
[P] [O] / [I] [X]
Jugement au fond, origine Juge de l’exécution de CUSSET, décision attaquée en date du 18 Mars 2021, enregistrée sous le n° 20/00328
Arrêt rendu le MARDI VINGT ET UN FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
M. [P] [O]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Maître Francois FUZET de la SCP HUGUET-BARGE- CAISERMAN-FUZET, avocat au barreau de CUSSET/VICHY
Timbre fiscal acquitté
APPELANT
ET :
Mme [I] [X]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Maître François RAYNAUD de la SELARL BERNARDET- RAYNAUD, avocat au barreau de MOULINS
Timbre fiscal acquitté
INTIMEE
DÉBATS :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 janvier 2023, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. ACQUARONE, rapporteur.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 21 février 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
I . Procédure
Mme [I] [X] et M. [P] [O] sont voisins, respectivement aux [Adresse 3] et [Adresse 2] (Allier).
Se plaignant de ce que les poules et le chien de M. [P] [O] divaguaient sur sa propriété, Mme [I] [X] a entrepris des démarches auprès de son assureur de protection juridique, qui ont abouti à la signature d’un protocole d’accord transactionnel le 1er septembre 2016.
Le conflit entre voisins ayant persisté, par exploit du 17 mars 2018 Mme [I] [X] a fait assigner M. [P] [O] devant le tribunal d’instance de Vichy.
Par jugement du 8 janvier 2019 le tribunal d’instance de Vichy a :
– condamné M. [P] [O] à procéder ou à faire procéder, à la désolidarisation de la structure métallique du poulailler installé contre le mur de Mme [I] [X] dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir à peine d’une astreinte de 20 EUR par jour de retard,
– condamné M. [P] [O] à procéder ou à faire procéder, à la clôture de son terrain dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir à peine d’une astreinte de 20 EUR par jour de retard,
– débouté Mme [I] [X] de sa demande de dommages et intérêts,
– condamné M. [P] [O] à payer à Mme [I] [X] la somme de 500 EUR en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamné M. [P] [O] aux entiers dépens.
Ce jugement a été signifié à M. [P] [O] le 21 janvier 2019.
Sur autorisation du juge de l’exécution, Mme [I] [X] a fait réaliser un constat par huissier le 25 novembre 2019.
Sur la foi de ce document, par exploit du 23 avril 2020, Mme [I] [X] a fait assigner M. [P] [O] devant le juge de l’exécution au tribunal judiciaire de Cusset afin de voir constater l’absence d’exécution, par M. [P] [O], du jugement rendu par le tribunal d’instance de Vichy le 8 janvier 2019, dans le délai de deux mois à compter de la signification ; en conséquence, liquider l’astreinte provisoire et le condamner à lui payer et porter la somme de 13 760 EUR [(20 + 20) × 344 jours], arrêtée au 28 février 2020, sauf à parfaire au jour du jugement ; dire que la décision à intervenir sera assortie d’une astreinte définitive de 50 EUR par jour de retard pour la clôture du terrain, à compter du jour où la décision à intervenir deviendra exécutoire ; condamner M. [P] [O] à lui payer la somme de 1 500 EUR sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens.
En dernier lieu, Mme [I] [X] limitait sa demande de liquidation de l’astreinte provisoire à la somme de 11 460 EUR, arrêtée au 14 octobre 2020, sauf à parfaire au jour du jugement.
Par conclusions déposées au greffe de la juridiction et soutenues oralement à l’audience, M. [P] [O] demandait notamment au tribunal de débouter Mme [I] [X] ; constater le parfait respect des obligations mises à sa charge par le jugement rendu le 8 janvier 2019 ; condamner Mme [I] [X] à lui payer la somme de 2 000 EUR en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
À l’issue des débats, le juge de l’exécution a statué comme suit par jugement du 18 mars 2021 :
« Le Juge de l’exécution, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire en premier ressort,
CONDAMNE Monsieur [P] [O] à payer et porter à Madame [I] [X] la somme de HUIT MILLE (8.000,00) EUROS au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire prononcée par jugement du 8 janvier 2019 par le Tribunal d’instance de VICHY, pour la période allant du 21 mars 2019 au 18 mars 2021 ;
FIXE à l’encontre de Monsieur [P] [O] une astreinte définitive d’un montant de CINQUANTE (50,00) EUROS par jour de retard commençant à courir à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la date de signification du présent jugement ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE Monsieur [P] [O] aux dépens de l’instance ;
CONDAMNE Monsieur [P] [O] à payer et porter à Madame [I] [X] la somme de CINQ CENTS (500,00) EUROS au titre des frais exposés non compris dans les dépens, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit conformément aux dispositions de l’article R. 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution ;
Dit que la présente décision sera notifiée aux parties par les soins du greffe dans les conditions prévues à l’article R. 121-15 du code des procédures civiles d’exécution. »
Dans les motifs de sa décision, le juge de l’exécution a notamment écrit :
Sur l’inexécution des travaux ordonnés par le Tribunal d’instance par jugement du 8 janvier 2019 :
Attendu qu’il sera rappelé qu’aux termes de l’article 663 du Code civil, « Chacun peut contraindre son voisin, dans les villes et faubourgs, à contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins assis ès dites villes et faubourgs : la hauteur de la clôture sera fixée suivant les règlements particuliers ou les usages constants et reconnus et à défaut d’usages et de règlements, tout mur de séparation entre voisins, qui sera construit ou rétabli à l’avenir, doit avoir au moins trente-deux décimètres de hauteur, compris le chaperon, dans les villes de cinquante mille âmes et au-dessus, et vingt-six décimètres dans les autres » ;
Qu’en l’espèce, si Monsieur [P] [O] a effectivement réalisé les travaux de désolidarisation du poulailler du mur de Madame [I] M [X], il n’a pas pourvu aux travaux de clôture ordonnés par le Tribunal ; que d’une part, il a clôturé une partie seulement de son terrain mais en dépit des règles, et d’autre part, il persiste à refuser de clôturer le reste du même terrain qu’il occupe ;
Que la partie de clôture réalisée n’est pas conforme au plan local d’urbanisme de la commune selon lequel « tant en bordure des voies qu’entre les propriétés, les clôtures doivent être conçues de manière à s’harmoniser avec la rue, les constructions existantes sur la propriété et le voisinage immédiat » ; que, par courrier du 21 octobre 2019, le sous-préfet de l’arrondissement de [Localité 6] a indiqué à Madame [I] [X] avoir demandé à
Monsieur le Maire d’ordonner aux voisins d’enlever cette clôture ;
Que sur la partie sud de son terrain. Monsieur [P] [O] n’a élevé aucune clôture ; qu’il soutient avoir enterré une gaine électrique servant de clôture le long du terrain, et qui empêcherait le chien équipé d’un bottier d’alimentation de sortir, sous peine de recevoir une décharge électrique ; que le système mis en place pour pallier au défaut de clôture ne saurait, à juste titre, être assimilé à une clôture ; que Monsieur [P] [O] tente manifestement, et par tous moyens, d’échapper à l’exécution de ses obligations ; qu’il sera rappelé en outre que le Tribunal d’instance de VICHY a ainsi motivé sa décision : « il est constant que Monsieur [P] [O] a un chien et des poules et devra clôturer son terrain afin d’éviter leur divagation, et ce, également sous astreinte » ; qu’ainsi que le souligne la demanderesse, le système palliatif installé par Monsieur [P] [O] ne permet pas de limiter la divagation des animaux, les oies, jars et poules de Monsieur [P] [O] passant par la rue de Paray pour se retrouver dans le jardin de Madame [I] [X] ;
Que seule l’élévation d’une clôture sur le terrain, en délimitation de ce dernier, est à même de remplir la fonction de clôture ci-avant évoquée ;
Sur la liquidation de l’astreinte provisoire :
Attendu que l’astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n’ait précisé son caractère définitif ; [‘]
Attendu qu’il résulte de l’article 1353 du Code civil, ensemble l’article L. 131-4 du Code des procédures civiles d’exécution, que la charge de la preuve de l’exécution d’une obligation de faire assortie d’une astreinte pèse sur le débiteur de l’obligation ;
Qu’il se déduit de ces principes qu’il ne saurait être reproché à Madame [I] [X] de ne pas avoir sollicité plus tôt la liquidation de l’astreinte ; qu’il convient au surplus de relever, qu’alors même que la loi ne l’y contraint pas, Madame [I] [X] a mis en ‘uvre tous les moyens nécessaires pour tenter de parvenir à une issue amiable, en sollicitant l’établissement d’un constat d’huissier à deux reprises, en saisissant le juge de l’exécution par voie de requête afin d’y être autorisée, en demandant de l’aide auprès de la préfecture, etc. ;
Qu’en l’espèce. Monsieur [P] [O] ne rapporte pas la preuve qu’il a exécuté l’obligation de clôture ordonnée par le Tribunal d’instance de VICHY par jugement du 8 janvier 2019, signifié le 21 janvier 2019 ; que le point de départ de l’astreinte doit être fixé à l’expiration du délai de deux mois suivant la signification prévue par le jugement du Tribunal d’instance de VICHY du 8 janvier 2019, soit le 21 mars 2019 ;
Attendu qu’aux termes de l’article L. 131-4 du Code des procédures civiles d’exécution précise que la liquidation intervient « en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter » ;
Que la liquidation de l’astreinte, c’est-à-dire l’évaluation du montant dû par le débiteur récalcitrant ne consiste pas à simplement procéder à un calcul mathématique en multipliant son taux par le nombre d’infractions constatées ou de jours sans exécution mais à apprécier les circonstances qui ont entouré l’inexécution, notamment la bonne ou la mauvaise volonté du débiteur ;
Qu’en l’espèce, il ressort de l’ensemble des éléments produits aux débats, et notamment des constats de la SCP RAY-LANGEVIN attestant des difficultés dans l’exercice de leur mission par le fait du comportement de Monsieur [P] [O], ou encore de l’exhibition d’un mannequin pendu à l’arbre face à la chambre des enfants de Madame [I] [X] lequel ne saurait s’apparenter à un épouvantail, que le défendeur fait preuve d’une particulière mauvaise foi ;
Qu’au regard du comportement du débiteur et des difficultés ainsi caractérisées dans l’exécution du jugement, le Juge de l’exécution estime que la somme globale de 8.000 euros est de nature à sanctionner le retard dans l’exécution commis par le débiteur depuis le 21 mars 2019 ;
***
M. [P] [O] a fait appel de ce jugement le 2 avril 2021, précisant :
« Objet/Portée de l’appel : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués en ce qu’il a : – Débouté Monsieur [P] [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions notamment de constater le parfait respect des obligations mises à sa charge ensuite du jugement rendu le 8 janvier 2019 par le Tribunal d’instance de Vichy ; – Fait droit à la demande de liquidation d’astreinte présentée par Madame [I] [X] ; – Jugé que seule l’élévation d’une clôture sur le terrain, en délimitation de ce dernier, est à même de remplir la fonction de clôture ci-avant évoquée ; – Condamné Monsieur [P] [O] à payer et porter à Madame [I] [X] la somme de 8000 €au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire prononcée suivant jugement en date du 8 janvier 2019 rendu par le Tribunal d’instance de Vichy pour la période allant du 21 mars 2019 au 18 mars 2021 ; – Fixé à l’encontre de Monsieur [P] [O] une astreinte définitive de 50 € par jour de retard commençant à courir à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la date de signification du présent jugement ; – Condamné Monsieur [P] [O] à payer et porter la somme de 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code des Procédures Civiles d’Exécution ; – Condamné Monsieur [P] [O] aux entiers dépens de l’instance. »
Dans ses « conclusions II » ensuite du 19 octobre 2022, l’appelant demande à la cour de :
« Vu ce qui précède,
Vu les pièces versées aux débats,
Juger parfaitement recevable et fondé l’Appel interjeté par Monsieur [P] [O] ;
Y faisant droit,
Infirmer le Jugement rendu par le Juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de CUSSET le 18 Mars 2021 en ce qu’il a :
Débouté Monsieur [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, notamment de constater le parfait respect des obligations mises à sa charge ensuite du jugement rendu le 8 Janvier 2019 par le Tribunal d’instance de VICHY ;
Fait droit à la demande de liquidation d’astreinte présentée par Madame [X] ;
Jugé que seule l’élévation d’une clôture sur le terrain, en délimitation de ce dernier, est à même de remplir la fonction de clôture ci-avant évoquée ;
Condamné Monsieur [O] à payer et porter à Madame [X] la somme de 8.000 € au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire prononcée suivant jugement en date du 8 Janvier 2019 rendu par le Tribunal d’instance de VICHY pour la période allant du 21 Mars 2019 au 18 Mars 2021 ;
Fixé à l’encontre de Monsieur [O] une astreinte définitive de 50 € par jour de retard commençant à courir à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la date de signification du jugement ;
Condamné Monsieur [O] à payer et porter à Madame [X] la somme de
500,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Statuant à nouveau et réformant le Jugement dont Appel :
Débouter Madame [I] [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions en qu’irrecevables et mal fondées ;
Constater le parfait respect par Monsieur [O] des obligations mises à sa charge par le Jugement rendu le 8 janvier 2019 par le Tribunal d’instance de VICHY ;
Ordonner le remboursement des sommes versées en exécution du Jugement dont Appel ;
Condamner Madame [I] [X] à payer et porter à Monsieur [O] la somme de 2.000,00 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner Madame [I] [X] aux entiers dépens de la procédure par devant le Juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de CUSSET ;
En tout état de cause :
Condamner Madame [I] [X] à porter et payer à Monsieur [P] [O] la somme de 2.000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Condamner Madame [I] [X] en tous les dépens. »
***
Mme [I] [X] a conclu le 1er octobre 2021 pour demander à la cour de :
« Vu les articles 514 et suivants du code civil,
Vu les articles 663 et suivants du code civil,
Confirmer purement et simplement le jugement du Tribunal judiciaire de CUSSET du 18 mars 2021.
Condamner Monsieur [O] à payer et porter à Madame [I] [X] la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner Monsieur [O] aux dépens. »
***
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu’en première instance.
Une ordonnance du 17 novembre 2022 clôture la procédure.
II. Motifs
L’accord signé le 1er septembre 2016 entre M. [P] [O] et Mme [I] [X], sous l’égide de l’expert diligenté par l’assureur de celle-ci, prévoit exactement ceci :
« Monsieur [O] [P] s’engage à :
1 – faire le nécessaire sans délais pour éviter la divagation d’animaux (poules et chiens) sur la propriété de Mme [X] [I].
2 – désolidariser la structure métallique de son poulailler installée sur le mur en aggloméré de Mme [X], au plus tard le 31/10/ 2016.
Mme [X] [I] s’engage à ne pas engager de poursuites à l’encontre de M. [O] [P] si le présent protocole est respecté. »
Mécontente de la mise en ‘uvre de cet accord par son voisin, Mme [X] a donc saisi le juge d’instance de [Localité 6] qui par jugement au fond du 8 janvier 2019 a statué comme suit :
« Le tribunal d’instance, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en dernier ressort,
CONDAMNE Monsieur [P] [O] à procéder, ou à faire procéder, à la désolidarisation de la structure métallique du poulailler installé contre le mur de Madame [I] [X] dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement à peine d’une astreinte de VINGT EUROS (20 €) par jour de retard ;
CONDAMNE Monsieur [P] [O] à procéder, ou à faire procéder, à la clôture de son terrain dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement à peine d’une astreinte de VINGT EUROS (20 €) par jour de retard ;
DÉBOUTE Madame [I] [X] de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE Monsieur [P] [O] à payer à Madame [I] [X] la somme de CINQ CENTS EUROS (500 €) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [P] [O] aux entiers dépens. »
Dans les motifs de sa décision, concernant la désolidarisation du poulailler et la clôture du terrain de M. [O] pour éviter la divagation de sa basse-cour, le tribunal d’instance a notamment écrit :
« En l’espèce, il n’est pas contesté par Monsieur [P] [O] que suite à la signature du protocole d’accord le 1er septembre 2016, il n’a pas procédé à la désolidarisation du grillage du mur de Madame [I] [X].
« Il ne saurait se retrancher derrière le fait qu’il ne serait pas propriétaire des lieux alors d’une part, qu’il ne justifie pas de sa qualité de locataire, et d’autre part, qu’au terme tant du rapport d’expertise de PACIFICA que du protocole d’accord il est mentionné qu’il est ‘propriétaire occupant’ et qu’il n’a, en toute hypothèse, pas soulevé de difficulté lors leur rédaction.
« Si Madame [I] [X] n’explique pas en quoi la solidarisation du grillage avec son mur lui cause un préjudice, elle est en droit, en tant que propriétaire, d’en demander la désolidarisation.
« Il sera fait droit à sa demande sous astreinte dans les conditions prévues au dispositif du jugement.
« Il est constant que Monsieur [P] [O] a un chien et des poules et devra clôturer son terrain afin d’éviter leur divagation, et ce, également sous astreinte.
« Madame [I] [X] ne justifie d’aucun préjudice et sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts. »
Dans les motifs de la décision dont appel du 18 mars 2021, le juge de l’exécution au tribunal de Cusset constate que « M. [P] [O] a effectivement réalisé les travaux de désolidarisation du poulailler du mur de Mme [I] [X] », ce qui n’est pas contesté par les parties devant la cour, de sorte que cette question est maintenant réglée.
Seule demeure en litige par conséquent la clôture du terrain de M. [O]. Le juge de l’exécution considère qu’il n’a pas été pourvu aux travaux de clôture ordonnés par le tribunal d’instance car M. [O] « a clôturé une partie seulement de son terrain mais en dépit des règles » puisque « la partie de clôture réalisée n’est pas conforme au plan local d’urbanisme de la commune », en outre « il persiste à refuser de clôturer le reste du même terrain qu’il occupe », et (motifs page 4).
La première partie de la motivation du juge de l’exécution concernant la clôture du terrain est erronée. En effet, dans sa décision du 8 janvier 2019 le juge d’instance de [Localité 6] demandait à M. [O] de clôturer son terrain sans plus de précisions et sans lui imposer des modalités particulières. La lecture des motifs montre qu’il s’agissait simplement d’éviter la divagation du chien et des poules de l’intéressé, moyennant quoi M. [O] demeurait libre des moyens de clôture propres à faire cesser ce trouble. La question du respect du plan local d’urbanisme n’intéresse pas ce litige et relève uniquement d’une démarche administrative dont l’ordre judiciaire n’a pas à connaître ici.
Il reste à savoir si le terrain a été entièrement clôturé, comme demandé par le juge d’instance de Vichy dont il convient de rappeler que la décision du 8 janvier 2019 est définitive.
Pour prouver qu’il a bien rempli son obligation de clôture, M. [O] verse au dossier deux procès-verbaux qu’il a fait établir les 28 janvier et 22 mai 2019.
Le procès-verbal du 28 janvier 2019, qui intéresse directement le litige, tend à démontrer que « la quasi-totalité » de la propriété de M. [O] « est ceinturée par une clôture électrique enterrée » destinée à retenir le chien en deçà de cette limite, au moyen d’un boîtier électronique qui signale sa fuite en cas de fugue. Cependant, à supposer que ce système fonctionne normalement, il n’empêche pas le chien de fuguer puisque son activité se limite à signaler la situation lorsqu’elle se produit. Il n’est pas démontré non plus que ce dispositif prévient la divagation des volailles. En toute hypothèse, il ne s’agit pas d’une clôture physique au sens où cela était entendu dans la décision du 8 janvier 2019, seul dispositif à même de contenir réellement les animaux.
Le procès-verbal du 22 mai 2019 n’éclaire guère mieux la cour dans la mesure où il était demandé à l’huissier de constater que sur la parcelle nº [Cadastre 5] de son voisin Mme [X] avait installé un jeu de boules, et entreposé divers matériaux hétéroclites. M. [O] se plaignait également d’une plantation de bambous sur la parcelle nº [Cadastre 4] de Mme [X], trop près de la limite séparative des fonds respectifs. Quoi qu’il en soit, ce constat n’est pas de nature à démontrer que l’obligation de clôture imposée à M. [O] a été parfaitement respectée.
De son côté, Mme [X] produit un procès-verbal daté du 25 novembre 2019 d’où il résulte, sans discussion possible au vu des constatations de l’huissier et des photographies qu’il a prises sur les lieux, que la partie sud du terrain de M. [O], donnant sur la voie publique, n’est toujours pas clôturée.
Mme [X] verse également à son dossier des attestations. En ne retenant que les trois témoignages n’émanant pas de membres de sa famille, datés des 21, 22 et 23 septembre 2020, il est établi que le chien et les volailles de M. [O], passant par la partie de son terrain au sud ouverte sur la route, viennent librement divaguer sur la parcelle nº [Cadastre 4] de Mme [X] où se trouve sa maison d’habitation.
En l’état du dossier par conséquent il apparaît que M. [O] ne peut pas sérieusement soutenir qu’il a « parfaitement déféré aux obligations mises à sa charge » (conclusion page 9), alors que d’évidence il a manqué à l’obligation de clôture totale qui lui était imposée par le tribunal d’instance de Vichy dans son jugement du 8 janvier 2019.
Le tribunal d’instance accordait à M. [O] un délai de deux mois à compter de la signification du jugement pour clôturer son terrain. Le jugement a été signifié le 21 janvier 2019, ainsi qu’il en est justifié, dès lors M. [O] disposait d’un délai jusqu’au 21 mars 2019 pour exécuter la décision dont il n’a pas fait appel. Or presque quatre années plus tard à la date du présent délibéré, il n’a toujours pas satisfait à la demande de la juridiction qu’il a pourtant acceptée en ne formant contre elle aucun recours. Ce faisant, M. [O] témoigne d’une mauvaise volonté manifeste et en outre difficilement compréhensible dans la mesure où il a par ailleurs engagé des frais importants pour établir une clôture électrique signalant la fuite de son chien.
Dans ces conditions, le jugement dont appel ne peut qu’être confirmé, sauf concernant l’astreinte. Il n’y a pas lieu en effet à astreinte définitive, les faits de la cause ne nécessitant pas une mesure aussi radicale, et le montant de l’astreinte provisoire sera fixé à 40 EUR par jour de retard pendant six mois, commençant à courir deux mois après la signification à M. [O] du présent arrêt, après quoi il sera fait droit de nouveau par la cour, si nécessaire. La cour précisera également que la somme de 8000 EUR décidée par le premier juge vaut pour la période du 21 mars 2019 au 21 février 2023 date du présent arrêt.
2500 EUR sont justes pour l’article 700 du code de procédure civile.
M. [O] supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement sauf concernant l’astreinte ;
Statuant à nouveau :
Dit que la liquidation de l’astreinte par le premier juge à la somme de 8000 EUR vaut pour la période du 21 mars 2019 au 21 février 2023 date du présent arrêt ;
Ordonne une nouvelle astreinte provisoire de 40 EUR par jour durant six mois, commençant à courir deux mois après la signification à M. [O] du présent arrêt, après quoi si nécessaire il sera fait droit de nouveau par la cour ;
Condamne M. [O] à payer à Mme [X] la somme de 2500 EUR en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [O] aux dépens d’appel.
Le greffier Le président