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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022
(n° 168/2022, 21 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/01480 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC7EK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2020 -Tribunal judiciaire de PARIS RG n° 18/09530
APPELANTES
S.A.S. IM PRODUCTION
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro 403 243 058
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Audrey HINOUX de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Corinne VALLERY MASSON de l’ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0460
Assistée de Me Dorothée BARTHELEMY DELAHAYE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0126
S.A.S. [O] [W] DIFFUSION
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro 419 882 311
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Audrey HINOUX de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Corinne VALLERY MASSON de l’ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0460
Assistée de Me Dorothée BARTHELEMY DELAHAYE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0126
INTIMEES
Société ADIDAS A.G.
Société de droit allemand
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1],
[Localité 7],
ALLEMAGNE
Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
Assistée de Me Emmanuel LARERE de l’AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
S.A.R.L. ADIDAS FRANCE
Société au capital de 6 176 619,60 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de STRASBOURG sous le numéro 085 480 069
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
Assistée de Me Emmanuel LARERE de l’AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre
Mme Françoise BARUTEL, Conseillère
Mme Deborah BOHEE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience par dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Arrêt IM PRODUCTION, [O] [W] DIFFUSION
EXPOSE DU LITIGE
Le groupe ADIDAS crée et commercialise dans le monde entier des articles de sport et notamment des vêtements.
La société ADIDAS FRANCE en assure la commercialisation et la distribution en France.
La société de droit allemand ADIDAS AG est titulaire :
– de la marque figurative de l’Union européenne n°003517588 (ci-après, la marque 588) déposée le 3 novembre 2003 régulièrement renouvelée pour désigner des vêtements en classe 25 et constituée de trois bandes parallèles de même longueur et de même largeur appliquées sur un haut de vêtement :
– de la marque figurative de l’Union européenne n°003517661 (ci-après, la marque 661) déposée le 3 novembre 2003 régulièrement renouvelée pour désigner des vêtements en classe 25 et constituée de trois bandes parallèles de même longueur et de même largeur appliquées sur un bas de vêtement :
– de la marque française figurative n°1 280 280 (ci-après, la marque 280), déposée le 25 juillet 1984 et renouvelée pour désigner des survêtements en classe 25 :
Ces trois marques, appelées les « marques aux trois bandes », sont exploitées en France et dans le monde entier et sont apposées sur des vêtements commercialisés par le groupe ADIDAS.
La société IM PRODUCTION crée les modèles de la marque ‘[O] [W]’ et la société [O] [W] DIFFUSION en assure la commercialisation.
Les sociétés ADIDAS AG et ADIDAS FRANCE (ci-après, les sociétés ADIDAS) ont constaté la commercialisation, sur le site www.[08].com, ainsi que dans les magasins [O] [W], des produits de la collection printemps-été 2018 qu’elles considèrent être des contrefaçons des « marques aux trois bandes », à savoir :
– une veste de type haut de survêtement de sport portant la référence « Veste zippée Darcy », comportant, le long de chaque manche, deux bandes parallèles :
– un pantalon de type bas de survêtement de sport portant la référence « Pantalon Doriann », comportant, le long de chaque jambe, deux bandes parallèles :
– un pantalon portant la référence « Jean imprimé Fliff », comportant deux bandes parallèles le long de chaque jambe :
Par courrier du 16 février 2018, les sociétés ADIDAS ont mis la société IM PRODUCTION en demeure de cesser toute commercialisation de ces produits, ce que cette dernière a refusé par courrier du 9 mars 2018.
Les sociétés ADIDAS ont fait constater le 16 mars 2018 par procès-verbal d’huissier l’offre à la vente des produits litigieux sur le site Internet www.[08].com et ont, le 28 mars 2018, procédé à l’achat des produits litigieux sur ledit site.
Les sociétés ADIDAS indiquent avoir ensuite découvert que d’autres modèles litigieux étaient commercialisés par les sociétés IM PRODUCTION et [O] [W] DIFFUSION dans les collections automne 2018 et printemps 2019 :
Pantalon
Dobbs
Pantalon
Dario
Pantalon
Docia
Short Dorset
Veste zippée
Darcey
Cardigan
Darcey
Pantalon
Derring
Veste zipppée
Danily
Considérant que ces modèles portaient atteinte à leurs droits de propriété intellectuelle, les sociétés ADIDAS ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, par actes du 30 juillet 2018, les sociétés IM PRODUCTION et [O] [W] DIFFUSION (ci-après, les sociétés [O] [W]) en contrefaçon de marque et concurrence déloyale, et à titre subsidiaire, atteinte aux marques renommées.
Dans un jugement rendu le 4 septembre 2020, le tribunal, devenu tribunal judiciaire de Paris, a :
– débouté la société ADIDAS AG de ses demandes au titre de la contrefaçon par imitation des marques de l’Union européenne n° 588 et n° 661 et française n° 280 dont elle est titulaire,
– dit que la production, l’offre à la vente et la vente par les sociétés IM PRODUCTION et [O] [W] DIFFUSION des vestes référencées « Darcy », « Darcey » et « Danily », des pantalons référencés « Doriann », « Docia », « Dario », « Dobbs » et « Derring » et du short référencé « Dorset », à l’exclusion du pantalon référencé « Jean imprimé Fliff », portent atteinte aux marques renommées (marques de l’Union européenne n° 588 et n° 661 et marque française n° 280) dont est titulaire la société ADIDAS AG,
– fait interdiction aux sociétés IM PRODUCTION et [O] [W] DIFFUSION, en France et dans quelque Etat de l’Union européenne, de poursuivre la fabrication ou l’importation, la détention, l’offre à la vente et la commercialisation des produits litigieux à l’exclusion du pantalon référencé « Jean imprimé Fliff », et ce sous astreinte de 200 euros par infraction constatée, passé le délai d’un mois après la signification du jugement,
– ordonné le rappel des circuits commerciaux de l’ensemble des produits litigieux vendus sur le territoire de l’Union européenne, à l’exclusion du pantalon référencé « Jean imprimé Fliff », sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement,
– dit que le tribunal se réservait la liquidation des astreintes,
– ordonné la destruction, sous contrôle d’huissier de justice et aux frais des sociétés IM PRODUCTION et [O] [W] DIFFUSION, de l’ensemble des produits litigieux, à l’exclusion du pantalon référencé « Jean imprimé Fliff », une fois sa décision passée en force de chose jugée,
– dit n’y avoir lieu à droit d’information,
– condamné in solidum les sociétés IM PRODUCTION et [O] [W] DIFFUSION à payer à la société ADIDAS AG la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice résultant de l’atteinte portée aux marques de renommée précitées,
– débouté la société ADIDAS FRANCE de sa demande au titre de la concurrence déloyale,
– condamné in solidum les sociétés IM PRODUCTION et [O] [W] DIFFUSION à payer aux sociétés ADIDAS la somme globale de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné les sociétés IM PRODUCTION et [O] [W] DIFFUSION aux dépens,
– ordonné l’exécution provisoire, sauf en ce qui concerne les mesures de destruction.
Les sociétés IM PRODUCTION et [O] [W] DIFFUSION ont interjeté appel du jugement selon une déclaration d’appel du 19 janvier 2021.
Dans leurs dernières conclusions numérotées 4 transmises le 4 juillet 2022, les sociétés IM PRODUCTION et [O] [W] DIFFUSION, appelantes et intimées incidentes, demandent à la cour :
– de juger les sociétés IM PRODUCTION ET IM DIFFUSION recevables et bien fondées en leur appel du jugement ;
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– débouté la société ADIDAS AG de ses demandes au titre de contrefaçon par imitation des marques de l’Union n° 588 et n°661 et française n° 280 dont elle est titulaire ;
– débouté la société ADIDAS FRANCE de sa demande au titre de la concurrence déloyale ;
– et en conséquence, de rejeter l’appel incident interjeté par les sociétés ADIDAS ;
– d’infirmer le jugement pour le surplus et statuant de nouveau :
– de juger que les sociétés IM PRODUCTION et IM DIFFUSION n’ont pas porté atteinte aux marques renommées de l’Union européenne n°588 et n°661 et française n° 280 et n’ont pas, en commercialisant les vêtements incriminés, exploité de façon injustifiée les marques précitées ;
– de débouter les sociétés ADIDAS de l’ensemble de leurs prétentions et de toutes fins qu’elles comportent ;
– de les condamner solidairement à verser à chacune des sociétés IM PRODUCTION ET IM DIFFUSION la somme de 45.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de les condamner aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par Me Audrey HINOUX conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions numérotées 4 transmises le 22 juillet 2022, les sociétés ADIDAS, intimées au principal et appelantes incidentes, demandent à la cour :
– de juger les sociétés ADIDAS recevables et bien fondées en leur appel incident ;
– de réformer le jugement en ce qu’il a :
– débouté la société ADIDAS AG de ses demandes au titre de la contrefaçon par imitation de ses marques de l’Union européenne n° 588 et n° 661 et française n° 280 ;
– débouté ADIDAS FRANCE de sa demande au titre de la concurrence déloyale ;
– statuant à nouveau sur ces points :
– de juger que la fabrication, détention, l’offre à la vente et la vente de vêtements reproduisant illicitement les marques de l’Union européenne n° 588 et n° 661 et française n° 280 de la société ADIDAS AG, constituent des actes de contrefaçon au sens des dispositions légales précitées ;
– de juger qu’en fabriquant, détenant, offrant à la vente et en vendant des vêtements contrefaisant les marques de la société ADIDAS AG, les sociétés IM PRODUCTION ET [O] [W] DIFFUSION ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société ADIDAS FRANCE ;
– en conséquence,
– de condamner solidairement les sociétés IM PRODUCTION ET [O] [W] DIFFUSION à payer à la société ADIDAS AG la somme forfaitaire, sauf à parfaire, de 120.000 € en réparation du préjudice patrimonial subi du fait de la contrefaçon des marques de l’Union européenne n° 588 et n° 661 et française n° 280 ;
– de condamner solidairement les sociétés IM PRODUCTION ET [O] [W] DIFFUSION à payer à la société ADIDAS AG la somme de 50.000 € en réparation de son préjudice moral du fait de la contrefaçon des marques de l’Union européenne n° 588 et n° 661 et française n° 280 ;
– de condamner solidairement les sociétés IM PRODUCTION ET [O] [W] DIFFUSION à payer à la société ADIDAS FRANCE la somme, sauf à parfaire, de 150.000 € en réparation du préjudice économique qu’elle a subi, du fait du manque à gagner commercial et du détournement de sa clientèle en raison de la commercialisation des produits litigieux ;
– pour le reste, de débouter les sociétés IM PRODUCTION ET [O] [W] DIFFUSION de leur appel principal ;
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– condamné les sociétés IM PRODUCTION ET [O] [W] DIFFUSION pour avoir utilisé des signes portant atteinte aux marques renommées de l’Union européenne n° 588 et n° 661 et française n° 280, de façon injustifiée, leur portant préjudice, de sorte qu’elles ont engagé leur responsabilité au regard des articles L.713-3 et L.717-1 du code de la propriété intellectuelle et de l’article 9 du Règlement sur la marque de l’Union européenne n° 2017/1001 du 14 juin 2017 tel qu’ils doivent être appliqués conformément à la jurisprudence de la CJUE ;
– condamné in solidum les sociétés IM PRODUCTION ET [O] [W] DIFFUSION à payer à la société ADIDAS AG la somme de 100.000 € en réparation du préjudice résultant de l’atteinte portée à ses marques renommées ;
– en toute hypothèse,
– de faire interdiction aux sociétés IM PRODUCTION ET [O] [W] DIFFUSION, sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne, d’une part, de continuer à fabriquer, détenir et distribuer les pantalons, vestes et shorts litigieux revêtus de deux bandes le long des jambes et des manches, en tous coloris, d’autre part d’apposer ou de faire apposer sur des vêtements des signes imitant ou reproduisant les marques de l’Union européenne n° 588 et n° 661 et française n° 280 de la société ADIDAS AG, sous quelque forme que ce soit, de fabriquer, d’importer, de détenir, de promouvoir, d’offrir à la vente et de vendre des produits reproduisant ou imitant ces marques, chacune de ces interdictions étant assortie d’une astreinte définitive de 300 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;
– d’ordonner le rappel des circuits commerciaux, pour l’ensemble du territoire de l’Union européenne, aux frais des appelantes et sous astreinte de 500 € par jour de retard, à compter du quinzième jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir, de tous les produits litigieux, dans tous coloris, publicités et autres matériels de vente imitant ou reproduisant les marques précitées de la société ADIDAS AG, en la possession des sociétés IM PRODUCTION ET [O] [W] DIFFUSION ou de tout tiers ;
– d’ordonner la destruction, aux frais des sociétés IM PRODUCTION ET [O] [W] DIFFUSION, sous contrôle d’un huissier de justice, et sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du vingtième jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir, de l’ensemble des produits contrefaisants, dans tous coloris, et, le cas échéant, des publicités et autres matériels de vente reproduisant ou imitant les marques de l’Union européenne n° 588 et n° 661et française n° 280 de la société ADIDAS AG ;
– d’ordonner la publication, aux frais des sociétés IM PRODUCTION ET [O] [W] DIFFUSION, de l’arrêt à intervenir dans trois journaux ou magazines au choix d’ADIDAS AG et d’ADIDAS FRANCE, dans la limite de 5.000 € H.T. par insertion ;
– de condamner solidairement les sociétés IM PRODUCTION ET [O] [W] DIFFUSION à rembourser aux sociétés ADIDAS AG et ADIDAS FRANCE la somme de 4.900 € correspondant au sondage réalisé par l’institut GfK, et à leur verser la somme de 45.000 € chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de condamner les sociétés IM PRODUCTION ET [O] [W] DIFFUSION aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur la contrefaçon par imitation des marques de l’Union européenne n° 588 et n° 661 et française n° 280 de la société ADIDAS AG
Les sociétés ADIDAS soutiennent que les signes à deux bandes apposés sur les modèles litigieux des sociétés [O] [W] constituent l’imitation illicite des marques de la société ADIDAS AG en raison du risque de confusion, lequel comprend le risque d’association, entre ces signes et ces marques.
Elles font valoir que l’usage des signes litigieux est réalisé dans la vie des affaires, que les produits sur lesquels ils sont apposés sont strictement identiques aux ‘vêtements’ désignés par les marques, que le public pertinent est le consommateur de vêtements d’attention moyenne qui n’a pas simultanément les deux signes sous les yeux, qui garde un souvenir imparfait de leur impression d’ensemble et qui ne se livre pas à un examen des différents détails de ces signes, et non pas un consommateur particulièrement attentif aux sigles comme retenu par le tribunal.
Elles arguent que les signes sont fortement similaires, l’ensemble des vêtements litigieux comportant deux bandes reprenant, sans aucune nécessité, la géométrie, les proportions et le contraste propre aux marque ADIDAS puisque ces bandes ont été apposées et alignées de la même manière que les trois bandes caractéristiques des marques de la société ADIDAS AG, s’agissant de bandes verticales, parallèles, contrastantes, de même longueur, ou de longueur à peine différente pour le pantalon “Fliff”, de même largeur et apposées latéralement sur le côté du vêtement, le long de la manche ou de la jambe ; que la bande en moins sur les vêtements litigieux, comme les légères différences, non perceptibles par le consommateur, de largeur, de longueur et d’espacement des bandes, ne sont pas de nature à remettre en cause la grande similitude entre les signes, dès lors que le consommateur de référence ne se livre pas à une analyse de détail des signes, n’a pas ces derniers en même temps sous les yeux et ne garde en mémoire qu’un souvenir imparfait de l’impression d’ensemble dégagée par ces signes, et que le nombre de bandes apposées sur le coût des vêtements n’est pas toujours aisément perceptible lorsque le produit est offert à la vente (internet) ou lorsque le produit est porté ; que de même, la différence de la matière des bandes ou du tissu sur les vêtements litigieux, notamment sur le jean’Fliff’, ou les détails d’exécution, sont indifférents, seule important la similitude visuelle avec les marques ADIDAS ; que la distinctivité renforcée des marques ADIDAS, conséquence de leur immense renommée, est un facteur déterminant du risque de confusion et d’association, la notoriété des trois bandes leur conférant un champ de protection élargi et non l’inverse comme l’a retenu le tribunal. Elles précisent que, contrairement à ce que plaident les sociétés [O] [W], l’appréciation du degré de similitude entre les signes doit s’opérer de signe à signe, entre celui protégé par la marque invoquée et celui utilisé sur les produits argués de contrefaçon, et qu’il ne s’agit en aucune manière de comparer les marques ADIDAS aux produits litigieux pris dans leur ensemble, et ce conformément à la lettre de l’article 9 § 2 b) du règlement sur la marque de l’union européenne ; que l’enregistrement des marques ADIDAS, en noir et blanc, ne désignant aucune couleur, les sociétés appelantes ne peuvent en tirer argument quant à de prétendues différences de couleur.
Elles en déduisent que le risque de confusion s’appréciant de façon globale, le consommateur d’attention moyenne, qui aperçoit les vêtements litigieux avec des motifs à deux bandes à ce point similaires à des marques aussi renommées et distinctives que celles d’ADIDAS, risque de les associer aux marques ADIDAS et de penser que ces vêtements proviennent de la société ADIDAS ou d’une entreprise économiquement liée à celle-ci qui commercialise ces vêtements avec son accord, et ce d’autant que les plus grandes marques de mode concluent depuis plus de 20 ans de nombreux partenariats avec ADIDAS. Elles ajoutent que l’appréciation du risque de confusion entre les signes doit s’apprécier in abstracto, par rapport aux marques antérieures telles qu’enregistrées, au regard du consommateur des produits couverts par ces marques, et indépendamment des conditions de commercialisation des produits litigieux ou des produits vendus sous les marques par leur titulaire ; que les sociétés [O] [W] ne peuvent se prévaloir de la mode des pantalons à bandes et de leur origine prétendument militaire dès lors que le fait qu’un signe imitant une marque puisse avoir un caractère décoratif ne fait pas obstacle à la protection de cette marque (CJCE 10 avril 2008, Adidas c Marca Mode II), que les marques opposées bénéficient ici d’une exceptionnelle renommée et distinctivité et qu’ADIDAS est bien plus source d’inspiration de cette mode que le galon militaire, bien moins connu des consommateurs en 2018 que les marques ADIDAS.
Pour contester toute contrefaçon des marques de la société ADIDAS AG et demander la confirmation du jugement de ce chef, les sociétés [O] [W] font valoir, de première part, que les signes en litige sont différents dès lors que l’élément essentiel et caractéristique commun aux trois marques opposées, est constitué d’un ensemble composé de trois bandes parallèles de même largeur, dont l’espacement est égal à leur largeur respective et de l’alternance des couleurs blanche et noire à l’origine d’un contraste spécifique, l’égale et faible largeur de chacune des trois bandes et de leur espacement créant l’impression d’une ligne verticale tracée avec trois pinceaux, alors que les signes litigieux, qui doivent être appréhendés dans leur globalité, i.e. en prenant en considération les détails des vêtements sur lesquels ils sont apposés, produisent des impressions visuelles nettement distinctes ; que compte-tenu de la multitude de vêtements à bandes présents sur le marché au moment de la commercialisation des modèles litigieux, le public concerné sera particulièrement sensible aux détails présents sur lesdits modèles, notamment ceux d'[O] [W], aucun élément ne permettant de rattacher la représentation des deux bandes y figurant, à un usage à titre de marque renvoyant à l’origine commerciale desdits modèles. Les appelantes relèvent, de deuxième part, que le public pertinent est, comme retenu par les premiers juges, un public large d’attention moyenne mais attentif aux sigles, qui ne saurait être trompé au vu de la notoriété des ‘marques aux trois bandes’ et qui portera une attention spécifique aux conditions de commercialisation des produits, à l’environnement dans lequel ils sont proposés ainsi qu’à leurs détails ; qu’en l’espèce, les modèles litigieux sont tous revêtus de la marque et du logo identifiant [T] [W], figure d’une nouvelle génération de créateurs français, qui a fait de la marque qui porte son nom une valeur emblématique de la mode française ‘et du style parisien’, les vêtements litigieux n’ayant ni les mêmes points de vente, ni les mêmes prix, ni le même positionnement que les produits ADIDAS.
Les appelantes en déduisent que le risque de confusion est inexistant. Elles font valoir qu’à la date des faits, en 2018, le grand public auquel s’adresse les pantalons, short et vestes dits ‘à bandes’ est largement habitué à l’apposition de bandes latérales contrastantes sur tous types de vêtements, est familiarisé avec le recours à un nombre de bandes de largeur et de couleur variables que ce soit dans le secteur du luxe ou celui de la ‘fast fashion’, perçoit l’usage de ces bandes comme exclusivement décoratif et non comme garantissant une origine commerciale et a appris à distinguer tous ces modèles ‘à bande’ de ceux de la société ADIDAS, aisément repérables par la figure géométrique composée de trois bandes, et ce, quel que soit son emplacement sur le modèle ; que la notoriété d’une marque ne fait pas naître une présomption de risque de confusion mais constitue seulement un facteur d’aggravation du risque de confusion, à supposer que ce risque soit constitué ; que de l’ancienneté des marques invoquées et de leur usage publicitaire intensif découle une représentation mentale claire et déterminée qui est celle de trois bandes parallèles de même largeur, disposées à équidistance les unes des autres, de sorte qu’en conservant la mémoire visuelle de ce nombre, le public distingue très facilement des marques invoquées, un signe qui se compose non pas de trois mais de deux bandes dont les proportions sont de surcroît différentes ; que le risque d’association est également exclu dès lors que dans le cadre de ses collaborations, ADIDAS signe ses modèles en apposant alternativement ou cumulativement les trois bandes et son logo ou un logo spécifiquement conçu.
Ceci étant exposé, selon l’article 9 §1 et 2 du règlement (UE) n° 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne, se substituant au règlement (CE) 207/2009, «1. L’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque : (…)
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque »
L’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 décembre 2019 applicable aux procédures en cours, « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : (…)
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque ».
Sur la comparaison des produits
Afin de déterminer si les produits et/ou les services sont similaires, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire.
Les marques de l’Union européenne n° 558 et n° 661 ont été enregistrées en classe 25 pour désigner des ‘vêtements’ et la marque française n° 280 pour désigner dans la même classe des ‘survêtements en particulier survêtement de sport et de loisir’. Les signes litigieux sont apposés sur des vêtements de sport ou de détente s’agissant des vestes référencées ‘Darcy’, ‘Darcey’ et ‘Danily’, des pantalons ‘Doriann’, ‘Dobbs’, ‘Dario’, ‘Docia’et ‘Derring’ et du short ‘Dorset’, et sur un jean imprimé s’agissant du modèle référencé ‘Fliff’. Comme l’a justement retenu le tribunal, tous ces vêtements sont donc identiques aux ‘vêtements’ couverts par les deux marques de l’Union européenne n° 558 et n° 661 et, à l’exception du jean ‘Fliff’, aux ‘survêtements en particulier survêtement de sport et de loisir’ couverts par la marque française n° 280, le jean ‘Fliff’ étant seulement similaire aux produits visés par cette dernière marque.
Sur le public pertinent
Le public pertinent est le consommateur de vêtements et de vêtements de détente ou de sport, notamment de survêtements, dont le niveau d’attention est moyen, et qui est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
Sur la comparaison des signes
Les signes litigieux ne constituant pas la reproduction à l’identique des marques antérieures opposées, il convient de rechercher s’il n’existe pas entre les signes en litige un risque de confusion, lequel comprend le risque d’association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, le risque étant d’autant plus élevé que les marques antérieures possèdent un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de leur connaissance par une partie significative du public concerné par les produits en cause. Le caractère distinctif et la renommée des marques antérieures constituent des facteurs pertinents pour l’appréciation, non pas de la similitude des marques et des signes en conflit, mais de l’existence d’un lien entre eux dans l’esprit du public.
Il convient donc tout d’abord de comparer les signes en litige avant de procéder à l’appréciation du risque de confusion pouvant exister entre eux pour le consommateur.
Les sociétés [O] [W] ne peuvent être suivies quand elles procèdent à une comparaison des marques antérieures avec les modèles de vêtements litigieux, arguant notamment qu’aucune des marques revendiquées ne reproduit un short. La comparaison des signes doit s’opérer en effet entre les signes eux-mêmes, les marques opposées étant des marques de position désignant des ‘vêtements’ et ‘survêtements’, ce qui comprend les shorts, la prise en compte des conditions d’exploitation des signes litigieux – qui ne sont pas des marques – devant néanmoins intervenir au stade de l’appréciation du risque de confusion.
S’agissant de signes exclusivement figuratifs sans signification particulière, les parties, tout comme les premiers juges, doivent être approuvés en ce qu’ils n’ont procédé qu’à une comparaison visuelle.
Les ressemblances visuelles entre les signes en présence tiennent au fait que comme les marques antérieures, les signes litigieux sont constitués de bandes verticales, parallèles, contrastantes, apposées sur les côtés extérieurs des jambes des pantalons et du short, et des manches des vestes, de même longueur, du haut jusqu’en bas, les bandes sur le jean’Fliff’ étant toutefois de longueur différente et ne remontant pas complètement jusqu’à la ceinture du pantalon.
Les signes en cause se différencient cependant en ce que les bandes apposées sur les vêtements [O] [W] sont au nombre de deux – alors qu’elles sont trois dans les marques revendiquées – et que ces deux bandes sont larges et d’une largeur nettement plus grande que l’espacement qui les sépare – alors que les marques revendiquées comportent trois bandes fines séparées par deux espaces de même largeur que les bandes elles-mêmes. Ces différences tant dans le nombre que dans la largeur et l’espacement des bandes créent entre les signes une impression visuelle très sensiblement différente, perceptible au premier regard pour le consommateur concerné, sans qu’il ait à se livrer à un examen des différents détails des signes en litige ni qu’il ait besoin de les avoir simultanément sous les yeux. Ces différences sont encore plus importantes en ce qui concerne le jean’Fliff’.
Les similitudes visuelles entre les marques ADIDAS et les signes incriminés sont donc plutôt faibles.
Les sociétés ADIDAS mettent en avant, pour l’appréciation du risque de confusion, la forte distinctivité des marques résultant de leur très grande renommée. Il est acquis que plus la notoriété d’une marque est grande, plus le risque de confusion avec un signe imitant apposé sur des produits identiques ou similaires est important (notamment, CJCE, 18 juillet 2013, C-252/12 Specsavers) et les sociétés ADIDAS critiquent à juste raison le jugement pour avoir retenu, au contraire, que la grande notoriété des ‘marques aux trois bandes’ réduisait le risque de confusion avec des vêtements comportant seulement deux bandes.
En l’occurrence, les sociétés ADIDAS démontrent par la production de nombreux articles de presse (pièces 3.2.1 à 3.2.53) et d’un sondage de notoriété réalisé en janvier/février 2019 par l’institut GfK (pièce 8) établissant que 64 % des répondants à qui la marque figurative n°661 est présentée l’associent spontanément à ADIDAS (76 % en réponse assistée), que cette marque, comme les deux autres n° 588 et n° 230 qui reproduisent les mêmes trois bandes apposées latéralement sur les manches ou jambes de vêtements, les trois marques étant connues sous l’appellation ‘marques à trois bandes’, bénéficient d’une distinctivité et d’une notoriété élevées, ce qui n’est pas contesté par les sociétés [O] [W].
Cette distinctivité et cette renommée élevées des marques invoquées doivent être prises en compte dans l’appréciation du risque de confusion.
Les sociétés [O] [W] invoquent cependant le caractère purement décoratif du motif à deux bandes apposé sur les vêtements litigieux, exclusif, selon elles, d’un usage à titre de marque, et donc de tout risque de confusion.
La cour rappelle que dans son arrêt Adidas / Marca II du 10 avril 2008 (C102-07) la CJUE a dit (points 34 et 35) que la perception par le public d’un signe comme constituant un ornement ne saurait faire obstacle à la protection conférée par la marque lorsque, malgré son caractère décoratif, ledit signe présente une similitude avec la marque enregistrée telle que le public concerné est susceptible de croire que les produits proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement ; qu’il convient d’apprécier si le consommateur moyen peut se méprendre sur l’origine de ce produit, en croyant que celui-ci est commercialisé par le titulaire de la marque ou une entreprise liée économiquement à celui-ci.
En l’espèce, les sociétés [O] [W] démontrent que l’apposition de deux bandes larges sur les vêtements litigieux est faite à titre de motif décoratif, la présence de bandes latérales parallèles contrastantes sur des pantalons et autres types de vêtements (jupes, shorts, vestes, sweatshirts…) étant une tendance forte du marché au cours des années 2016/2018 ainsi qu’il est justifié par la production de nombreux articles sur internet (extraits notamment du site jactiv.ouest-france.fr (15 avril 2016) ‘Mode – La nouvelle vie des pantalons à bandes (…) les pantalons à bandes ont la cote depuis quelques années…’ ; du site tendances-de-mode.com (12 avril 2016) ‘Le jogging à bande, mode d’emploi – La mode a le don pour faire ressurgir des pièces insolites – voire légèrement rédhibitoires – du patrimoine vestimentaire des décennies passées. Cette saison, il s’agit du jogging à bandes, tant prisé dans les années 80/90…’ ; du site leseclaireuse.com (7 août 2017) ‘Le pantalon à bandes : le meilleur allié mode pour des jambes de mannequin !’; du site lexpress.fr (11 octobre 2017) ‘Comment adopter la tendance survêtement sans entraînement… Affreux ‘ Même pas. Leur longue silhouette… suffisent à faire basculer l’archétype beauf en pièce pointue’ ; du site elle.fr ()11 janvier 2017) ‘Le pantalon à bandes, nouvel objet de désir ” ; du site le-blog-de-talie.fr (13 avril 2018) ‘Le pantalon à bandes latérales – Sortir en bande – Peut être que le pantalon avec une bande sur le côté vous rappelle trop vos ‘années collège’ (…) Ce n’est pourtant pas une raison de passer à côté d’un détail qui donnera du dynamisme à votre tenue ce printemps… Choisissez, Le pantalon à bande latérales – Sur un jean slim (…) Sur un pantalon classique (…) Sur un pantalon de jogging (…) Sur un pantalon fluide…’ ; du site glamourparis.com (14 mars 2016) ‘Le pantalon de jogging à bandes est-il devenu chic ”), et de la pièce 18 des appelantes (‘Pige d’un état du marché des vêtements à bandes’) montrant un recours massif des opérateurs du prêt-à-porter aux bandes latérales parallèles aussi bien sur les pantalons que sur des vestes (AMIRI, NORMA KAMILI, PORTS V, MOTHER, SANDRO, ZADIG & VOLTAIRE, ASOS, NEW LOOK, RAG & BONE, ZARA, PAROSH, SHIRT XY…).
Le caractère ornemental du motif incriminé placé sur les vêtements litigieux conformément à une tendance de la mode des années 2016/2018, allié à la similitude plutôt faible entre les signes en présence, créant pour le consommateur visé une perception distincte de celle que le public associe aux marques à trois bandes revendiquées, caractérisées par trois bandes fines équidistantes, exclut tout risque de confusion ou même d’association, nonobstant la distinctivité et la notoriété élevée des marques ADIDAS, le public concerné ne pouvant percevoir le signe décoratif incriminé, formé de deux larges bandes, comme provenant du titulaire des marques à trois fines bandes équidistantes, ni d’une entreprise économiquement liée, le consommateur ne pouvant dès lors se méprendre sur l’origine des produits concernés.
L’existence d’un risque de confusion entre les signes en cause n’est pas démontrée par le sondage produit par les sociétés ADIDAS, lesquelles arguent que 93 % des personnes (en réponses spontanées et assistées) ayant associé ADIDAS au visuel qui leur est présenté (correspondant à la marque n° 661) l’ont fait en raison de la présence de ‘bandes’. Les sociétés appelantes soulignent toutefois avec pertinence qu’à la question ‘Pour quelle raison associez-vous ce visuel à Adidas ”, 65 % des personnes ayant cité ADIDAS en réponse assistée mentionnent ‘3 bandes’, 19 % et 17 % citant des bandes /des rayures / des barres / des traits (sans précision) ou des bandes latérales /sur le côté et seulement 1 % ‘2 bandes’, ce qui montre que ce qui détermine les personnes interrogées à associer ADIDAS au visuel, c’est essentiellement la présence de trois bandes, dans une bien moindre proportion celle de bandes ou de bandes latérales et quasiment pas la présence de deux bandes (1%). Cette analyse est d’ailleurs corroborée par les articles de presse communiqués par les sociétés ADIDAS qui font très couramment état du nombre 3 pour désigner leurs marques (‘trois bandes évolutives’, ‘la marque aux trois bandes’, ‘l’assise de la marque aux trois bandes sur son territoire historique’, ‘3 pour les trois bandes’, ‘les produits trois bandes d’Adidas’, ‘fameux jogging trois bandes’, ‘les célèbres trois bandes’, ‘l’emblématique survêtement 3 bandes’, ‘fameuses trois bandes rouges’, ‘les célèbres trois bandes latérales’, ‘fameux jogging à trois bandes d’Adidas’,’combine les trois bandes cultes’,’les formes aux trois bandes emblématiques’…), un article WIKIPEDIA étant par ailleurs consacré aux ‘trois bandes’, ‘la marque aux trois bandes’ étant présentée comme une périphrase courante utilisée dans les médias pour désigner la marque ADIDAS.
En outre, pour l’appréciation du risque de confusion, et contrairement à ce que prétendent les sociétés ADIDAS, le signe litigieux incriminé au titre de la contrefaçon de marques doit être pris en compte tel qu’il est exploité. En effet la CJUE, dans un arrêt du 12 juin 2008 C-533/06 O2 Holdings (point 64), a dit que ‘c’est à bon droit que, aux fins d’apprécier l’existence d’un risque de confusion, la juridiction de renvoi a limité son analyse au contexte dans lequel le signe similaire aux marques a été utilisé’. De même, dans son arrêt du18 juillet 2013 C-252/12 Specsavers (point 45), la CJUE a rappelé que le risque de confusion doit être apprécié globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, et précisé : ‘Il découle en outre de la jurisprudence de la Cour que ces appréciations doivent tenir compte du contexte précis dans lequel le signe prétendument similaire à la marque enregistrée a été utilisé’.
Le risque de confusion doit en conséquence être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce entre les marques revendiquées, telle qu’enregistrées, et les vêtements litigieux, tel qu’exploités.
Or, en l’espèce, les vestes litigieuses ‘Darcy’, ‘Darcey’ et ‘Danily’ comportent, outre des bandes se différenciant de celles des marques ADIDAS comme il a été vu, un logo associé à la marque ‘[O] [W]’, composé d’un rond blanc surmontant un motif ‘figurant une mouette’ apposé sur la poitrine de façon très visible, et des liserés de couleur blanche sur les poignets et le bord du col, éléments qui n’apparaissent pas sur les marques figuratives ADIDAS n° 588 et n° 280 représentant des vestes. Sur le jean ‘Fliff’, réalisé dans un tissu fleuri très éloigné des tissus dans lesquels sont réalisés les vêtements ADIDAS, les deux bandes sont d’inégale longueur, confectionnées dans du tissu gros grain et cousues sur le pantalon à la manière de pièces rapportées. Les appelantes relèvent en outre à juste raison qu’aucune des marques figuratives revendiquées ne reproduit un short. En outre, il n’est pas contesté que l’ensemble des vêtements litigieux est commercialisé sous la marque ‘[O] [W]’, avec des étiquettes portant cette marque, dans des boutiques ou espaces de vente vendant exclusivement des produits de la marque ou sur le site [08].com. Les appelantes justifient encore que la marque ‘[O] [W]’, la créatrice ayant ouvert sa première boutique à Paris en 1998, bénéficie d’une réelle notoriété dans le secteur du prêt-à-porter haut de gamme (interview d'[T] [W] dans Madame Figaro, article du Figaro de juillet 2013 ‘[O] [W], le lézard des jardins du palais-royal’, article de Elle ‘La fille du 11e’, [O] [W] au ‘Fashion group international 34th annual night of stars gala’).
Il résulte des développements qui précèdent que, malgré l’identité ou la similarité des produits en cause, et nonobstant la distinctivité et la notoriété élevée des marques revendiquées, le consommateur concerné, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ne pourra attribuer aux signes en cause la même origine, et ne sera pas conduit, au vu du caractère décoratif des motifs incriminés et des différences relevées entre les signes, à penser que ces signes proviennent d’une même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.
Les demandes formées par la société ADIDAS AG au titre de la contrefaçon de marques par imitation seront rejetées et le jugement entrepris confirmé de ce chef.
Sur l’atteinte aux marques de renommée de la société ADIDAS AG
Les sociétés [O] [W] contestent toute atteinte à la renommée des marques de la société ADIDAS AG, demandant l’infirmation du jugement sur ce point. Elles font valoir qu’il n’existe aucun lien dans l’esprit du public entre les motif figurant sur les vêtements litigieux et les marques de renommée opposées lorsque l’on prend en compte les circonstances concrètes de l’espèce montrant que les signes contestés sont apposés sur des vêtements relevant d’un univers distinct de celui des vêtements de sport ADIDAS et à des fins purement décoratives ; qu’aucun préjudice n’a été porté au caractère distinctif ou à la renommée des marques ADIDAS, les sociétés ADIDAS ne démontrant pas de modification du comportement économique du consommateur moyen des produits désignés par les marques antérieures consécutivement à l’usage du signe incriminé sur les vêtements litigieux ni un risque sérieux qu’une telle modification se produise dans le futur ; et qu’aucune exploitation injustifiée n’a été faite des marques aux trois bandes, dès lors que le consommateur n’éprouvera pas d’attirance particulière pour les produits incriminés, qui ne relèvent pas de l’univers sportif, du fait de la présence purement ornementale de bandes latérales sur le coté des jambes ou des manches des vêtements, et que n’est pas rapportée la preuve qu'[O] [W] aurait créé ou entretenu une confusion sur l’origine de ses produits ou cherché à s’inscrire dans le sillage d’ADIDAS plutôt que dans celui de sa marque et de son style, le risque de dégradation ou de ternissement allégué étant exclu compte tenu du positionnement haut de gamme des produits litigieux.
Les sociétés ADIDAS, qui demandent la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu l’atteinte aux marques de renommée, répondent que le public établit nécessairement un lien entre les deux bandes apposées sur les articles litigieux et les marques, d’autant qu'[O] [W] utilise elle-même la qualification de ‘jogging’ pour désigner la plupart de ses produits et que les frontières entre sport et mode se sont progressivement effacées ces vingt dernières années ; que les marques d’ADIDAS sont un symbole de ce mouvement, notamment au travers de nombreuses collaborations avec des célébrités, designers et maisons de couture ; que l’argumentation adverse selon laquelle les produits [O] [W] ne relèveraient pas de l’univers sportswear pour la seule raison qu’ils ne seraient pas destinés à la pratique du sport mais seraient des vêtements haut de gamme, ou encore que la renommée des marques invoquées serait cantonnée aux vêtements et accessoires sportifs, est vaine ; que le risque de préjudice causé au caractère distinctif ou à la renommée des marques est réel compte tenu de l’identité des produits, de la très grande similarité des signes et de l’aura exceptionnelle des marques antérieures, la coexistence sur le marché de produits sur lesquels sont apposés des bandes parallèles, verticales, contrastantes, de mêmes largeur et longueur et des produits ADIDAS étant de nature à faire perdre de leur singularité aux marques en entraînant une forme de banalisation de celles-ci dont l’identité se dispersera et dont la valeur distinctive et l’emprise sur le public subira une dilution, diminuant d’autant leur attrait pour le consommateur ; qu’enfin, les appelantes tirent indûment profit du caractère distinctif, de la renommée et du pouvoir d’attraction des marques, dès lors que la promotion des produits ADIDAS prend la forme de partenariats, donnant lieu à une publicité intense, avec de grands noms de la mode qui revisitent les classiques ADIDAS, que l’évocation des marques d’ADIDAS par les signes litigieux aura pour effet d’attirer l’attention du consommateur, consciemment ou non, parmi les divers articles qui lui sont proposés, sur ceux revêtus des deux bandes litigieuses apposées latéralement et qu'[O] [W] a surfé sur un courant de mode ‘sportswear’ directement inspiré du jogging revêtu de la marque ADIDAS.
Ceci étant exposé, l’article 9 §2 du règlement (UE) n° 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne dispose que « (…) le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque : (…)
c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’Union et que l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l’Union européenne ou leur porte préjudice ».
L’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l’ordonnance précitée du 13 décembre 2019, prévoit par ailleurs : « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d’un signe identique ou similaire à la marque jouissant d’une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice ».
Sur la renommée des marques n° 588, n° 661 et n° 230
La cour rappelle, ainsi que l’a jugé la CJCE dans un arrêt Pago International C301/07 du 6 octobre 2009, qu’une marque est considérée comme renommée lorsqu’elle est connue d’une fraction significative du public pertinent et qu’elle exerce un pouvoir d’attraction propre indépendant des produits ou services désignés, ces conditions devant être réunies au moment des atteintes alléguées. Sont notamment pris en compte l’ancienneté de la marque, son succès commercial, l’étendue géographique de son usage et l’importance du budget publicitaire qui lui est consacré, son référencement dans la presse et sur internet, l’existence de sondages ou enquêtes de notoriété attestant de sa connaissance par le consommateur, des opérations de partenariat ou de mécénat, ou encore éventuellement, de précédentes décisions de justice.
S’agissant de marques de l’Union européenne, cette condition est remplie lorsque la marque bénéficie d’une renommée dans une partie substantielle du territoire de l’Union qui, eu égard aux circonstances de l’espèce, peut être la totalité d’un Etat membre (CJCE, arrêt Pago du 6 octobre 2009, points 27 et 29).
En l’espèce, sont établis à la fois la très grande connaissance de la marque n° 661 par une partie significative du public français – qui s’étend nécessairement aux deux autres marques n° 588 et n° 230 reproduisant les mêmes trois bandes apposées latéralement sur les manches ou jambes de vêtements -, telle qu’elle ressort du sondage de notoriété GfK précité, et le fort pouvoir d’attraction de ces marques qui résulte amplement des pièces au dossier relatives notamment à la couverture médiatique des produits qui en sont recouverts et aux partenariats noués avec des personnalités ou des marques de luxe. Les trois marques invoquées sont donc des marques de renommée, ce qui n’est pas contesté par les sociétés [O] [W].
Sur le lien entre les marques de renommée et les signes litigieux utilisés par les sociétés [O] [W]
Les atteintes à la marque renommée, lorsqu’elles sont constituées, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque et le signe, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre le signe et la marque, c’est-à-dire établit un lien entre ceux-ci, alors même qu’il ne les confond pas. Il suffit donc que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établisse ce lien entre le signe et la marque, sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’un risque de confusion, étant précisé que l’intensité de la renommée de la marque peut être prise en compte pour apprécier l’existence d’un tel lien (CJUE, 23 octobre 2003, C-408/01, Adidas-Salomon AG et Adidas Benelux BV c/ Fitnessworld Trading ; CJUE, 27 novembre 2008, C-252-07, Intel Corporation c/ CPM United Kingdom).
Par ailleurs, la circonstance qu’un signe est perçu par le public concerné comme une décoration ne fait pas, en soi, obstacle à la protection de la marque renommée lorsque le degré de similitude est néanmoins tel que ce public établit un lien entre le signe et la marque. En revanche, lorsque ledit public perçoit le signe exclusivement comme une décoration, il n’établit aucun lien avec la marque enregistrée. (CJCE 10 juillet 2003. C-408/01 – Adidas-Salomon AG et Adidas Benelux BV contre Fitnessworld Trading Ltd.)
En l’espèce, ainsi qu’il a été dit, les produits en cause, à savoir les ‘vêtements’ et ‘survêtements en particulier survêtement de sport et de loisir’pour lesquels les trois marques sont enregistrées
et les vêtements des sociétés [O] [W] (vestes, pantalons, short de sport ou de détente), sont identiques ou similaires (pour le pantalon jean fleuri), le public pertinent étant le consommateur de vêtements dont le niveau d’attention est moyen, et qui est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
Comme il a été dit, les signes en cause ont une similitude visuelle plutôt faible.
Dès lors que les signes en conflit présentent une certaine similitude, même faible, il y a lieu de procéder à une appréciation globale afin de déterminer si, nonobstant ce faible degré de similitude, il existe en raison de la présence d’autres facteurs pertinents tels que l’importante renommée de la marque antérieure, sa forte distinctivité ou l’identité ou la forte similarité des produits en cause, un lien entre ces signes dans l’esprit du public concerné.
L’émergence au milieu des années 2010 d’une tendance ‘sportswear’ faisant du jogging un vêtement de mode à part entière en le sortant de son seul contexte sportif, la société ADIDAS participant pleinement à cette tendance, alliée à une certaine similitude, fût-elle faible, entre les signes (hormis pour le jean fleuri ‘Fliff’) et à une identité ou une forte similarité entre les produits, conduit à retenir qu’un lien sera nécessairement établi par le public pertinent, nonobstant le caractère décoratif des signes incriminés apposés sur les vêtements de sociétés [O] [W], entre ces vêtements et les marques de renommée de la société ADIDAS AG. Il en est différemment du pantalon en jean référencé ‘Fliff’qui n’appartient pas au genre ‘sportswear’ et dont la ressemblance visuelle avec les marques en cause est faible.
Sur l’existence d’un profit indu tiré du caractère distinctif ou de la renommée des marques ADIDAS du fait de l’usage des signes incriminés
Dans son arrêt du 18 juin 2009 L’Oréal C-487-07, la CJUE a dit que la notion de profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, également désigné sous les termes de « parasitisme » et de « free-riding », s’attache non pas au préjudice subi par la marque, mais à l’avantage tiré par le tiers de l’usage du signe identique ou similaire.
Ce profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque est tiré indûment par un tiers lorsque celui-ci tente par cet usage de se placer dans le sillage de la marque renommée afin de bénéficier du pouvoir d’attraction, de la réputation et du prestige de cette dernière, et d’exploiter, sans compensation financière, l’effort commercial déployé par le titulaire de la marque pour créer et entretenir l’image de celle-ci.
Afin de déterminer si l’usage du signe tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent, notamment, l’intensité de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés.
La société ADIDAS AG, qui doit rapporter la preuve que l’usage du signe incriminé tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de ses marques, prétend que les sociétés [O] [W] ont surfé sur la mode ‘sportswear’ directement et exclusivement inspirée par le jogging à bandes iconique d’ADIDAS et qui donne lieu à de nombreux partenariats entre ADIDAS et le secteur de la mode et du luxe à l’occasion desquels les classiques ADIDAS sont ‘revisités’, et qu’elles ont ainsi indûment bénéficié d’un courant de mode créé par les produits vendus sous marques ADIDAS.
Cependant, comme il a été dit, il est amplement établi qu’au cours des années 2016/2018, il existait un courant de la mode consistant en l’apposition de bandes latérales parallèles contrastantes sur des pantalons et d’autres types de vêtements (jupes, shorts, vestes, sweatshirts…). Si les sociétés ADIDAS ont incontestablement participé activement à cette tendance, ainsi qu’il résulte de la page Wikipédia du créateur [M] [U] faisant état d’une collaboration avec ADIDAS en 2001 présentée comme ‘une première collaboration notable entre une marque de sport et un créateur de mode, prélude à l’expansion du sportswear et au mélange entre les stylistes et les équipementiers’, des collaborations entre ADIDAS et d’autres acteurs de la mode et du luxe ([C] [N], [Y], [X], [L]…) pour des collections de ‘sportswear’, et de la revue de presse fournie par les sociétés ADIDAS (pièces 3.2.42, 3.2.29 à 3.2.31, 3.2.33, 3.2.36, 3.2.43, 3.2.46), il n’est pas établi que le jogging à trois bandes des sociétés ADIDAS soit à lui seul à l’origine de ce courant.
Un article de Capital du 2 novembre 2018 produit par les intimées indique en effet que ‘[la mode des] leggings, survêtements, tee-shirts et autres – dans la vie de tous les jours, y compris au travail, est en plein boom observe-t-on chez Sporting Goods Intelligence, la lettre spécialisée. Adidas a su en profiter à merveille’ et les sociétés [O] [W] produisent de leur côté des articles de presse citant d’autres équipementiers sportifs comme acteurs de cette tendance (PUMA, NEW BALANCE, REEBOK – leur pièce 60).
En outre, les sociétés [O] [W] justifient qu’avant les ‘marques aux trois bandes’ qui sont devenues la signature d’ADIDAS, la bande verticale soulignant la jambe, autrement dénommée ‘galon’, était employée sur les tenues militaires des siècles passés (leur pièce 58), des bandes parallèles étant encore apposées sur des vêtements militaires contemporains (pièce 3 et 59 montrant l’offre à la vente des survêtements (pantalons et vestes) de l’armée de l’air d’occasion sur les sites Ebay et Vinted), ces éléments montrant que les bandes parallèles, en particulier de deux bandes parallèles sur des pantalons, trouvent leur source dans le vestiaire militaire. L’emprunt par le monde de la mode de ces éléments décoratifs appartenant au registre militaire est d’ailleurs commenté dans un article du 15 avril 2016 extrait du site jactiv.ouest-france.fr (‘Mode – La nouvelle vie des pantalons à bandes. Inspirés par les uniformes militaires ou les smokings, les pantalons à bandes reprennent du galon. Il y a longtemps que le vestiaire militaire inspire autant les créateurs que l’homme de la rue. Epaulettes, pattes d’épaule, ceintures de commandement, aiguillettes, étaient et sont encore, des indications hiérarchiques. A côté des reproductions de vestes de hussard, les pantalons à bandes ont la côte depuis quelques années. Ces bandes changeaient selon les époques et le choix des teintures. Le galon or apparaît en 1837 sur les pantalons des officiers de la Marine. Le port en sera suspendu entre 1915 et 1926. Désormais, il agrémente uniquement les tenues de soirée. Les Anglais de The Kooples ont tiré de nouveaux classiques des vêtement militaires. On sort en veste à revers de satin sur son jean dès le matin et avec un blouson de cuir sur son pantalon à bandes le soir. [L] s’en était amusé, en 2013, en posant les bandes à l’intérieur des jambes. La bande allonge la jambe et le pas, donnant une silhouette dynamique, pour ne pas dire martiale. Le doigt ou pas sur la couture ”).
Il apparaît ainsi que les vêtements litigieux des sociétés [O] [W] s’inscrivent dans ce courant de la mode ‘sportswear’ marqué notamment par des vêtements de détente décorés de bandes parallèles contrastantes, très prégnant au moment des faits litigieux (2016/2018), auquel les sociétés ADIDAS ont concouru aux côtés d’autres acteurs du secteur des articles de sport et du monde du prêt-à-porter ou du luxe, ce courant s’étant lui-même inspiré des uniformes militaires. Il sera donc retenu qu’il n’est pas démontré que la société IM PRODUCTION en concevant ces vêtements et la société [O] [W] DIFFUSION en les commercialisant sous la marque [O] [W], qui bénéficie de son propre pouvoir d’attraction, dans des boutiques ou espaces de vente [O] [W] ou sur le site internet [08].com, se sont placées dans le sillage des marques de renommée de la société ADIDAS AG afin de bénéficier indûment de leur pouvoir d’attraction et de leur prestige.
Sur l’existence d’un préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée des marques ADIDAS du fait de l’usage des signes incriminés
S’agissant du préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure, la CJUE, dans son arrêt du 27 novembre 2008 Intel C-252-07 (point 29), a dit que ce préjudice, également désigné sous les termes de ‘dilution’, de ‘grignotage’ ou de ‘brouillage’, est constitué dès lors que se trouve affaiblie l’aptitude de cette marque à identifier les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et utilisée comme provenant du titulaire de ladite marque, l’usage de la marque postérieure entraînant une dispersion de l’identité de la marque antérieure et de son emprise sur l’esprit du public. Tel est notamment le cas lorsque la marque antérieure, qui suscitait une association immédiate avec les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, n’est plus en mesure de le faire. La Cour a rajouté (point 77) que la preuve que l’usage de la marque postérieure (ou du signe postérieur) porte ou porterait préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure suppose que soient démontrés une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée consécutive à l’usage de la marque postérieure ou un risque sérieux qu’une telle modification se produise dans le futur.
En ce qui concerne le préjudice porté à la renommée de la marque, dans son arrêt du 18 juin 2009 L’Oréal C-487/07 (point 40), la CJUE a dit que ce préjudice, également désigné sous les termes de ‘ternissement’ ou de ‘dégradation’, intervient lorsque les produits ou les services pour lesquels le signe identique ou similaire est utilisé par le tiers peuvent être ressentis par le public d’une manière telle que la force d’attraction de la marque en est diminuée. Le risque d’un tel préjudice peut résulter notamment du fait que les produits ou les services offerts par le tiers possèdent une caractéristique ou une qualité susceptibles d’exercer une influence négative sur l’image de la marque.
En l’espèce, alors que les vêtements litigieux s’inscrivent dans un courant de la mode, par essence passager, puisant son inspiration notamment dans le vestiaire militaire, et que les signes en litige présentent une similitude faible, les sociétés ADIDAS, sur lesquelles pèse la charge de la preuve, ne démontrent pas une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits désignés par les trois marques antérieures provoquée par l’usage du signe incriminé sur les vêtements ‘[O] [W]’, ni même le risque ‘sérieux’ qu’une telle modification survienne, se traduisant par le fait que les ‘marques aux trois bandes’ auraient perdu ou vu s’amoindrir leur capacité de susciter une association immédiate avec les produits qu’elles désignent. La cour observe que les sociétés ADIDAS ne produisent sur ce point aucun élément probant (articles de presse, perte de chiffre d’affaires…) procédant seulement par affirmations.
Enfin, le préjudice porté à la renommée des marques qui conduirait le consommateur à s’en détourner n’est pas davantage démontré, les sociétés [O] [W] faisant valoir à juste titre qu’aucun préjudice ou risque de préjudice n’est susceptible de résulter de l’utilisation des signes litigieux sur des vêtements sous marque ‘[O] [W]’, le risque de dégradation ou de ternissement allégué pour des produits commercialisés sous les trois marques de renommée ADIDAS étant exclu compte tenu du positionnement haut de gamme de la marque ‘[O] [W]’ et des produits qui en sont revêtus.
Pour l’ensemble de ces motifs, le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit que la production, l’offre
à la vente et la vente par les sociétés [O] [W] des vêtements litigieux (le pantalon référencé ‘Jean imprimé Fliff’ étant exclu) portent atteinte aux marques renommées de la société ADIDAS AG, prononcé sous astreinte des mesures d’interdiction, de rappel et de destruction de produits à l’encontre des sociétés [O] [W], et condamné ces dernières à payer des dommages et intérêts à la société ADIDAS AG. La société ADIDAS AG sera déboutée de ses demandes fondée sur l’atteinte à ses marques renommées.
Sur les demandes de la société ADIDAS FRANCE en concurrence déloyale
Compte tenu du rejet des demandes de la société ADIDAS AG fondées sur la contrefaçon de ses marques et sur l’atteinte à la renommée desdites marques , le jugement sera également confirmé, pour les justes motifs qu’il contient, en ce qu’il a rejeté la demande en concurrence déloyale de la société ADIDAS FRANCE, laquelle, en sa qualité de distributrice en France des produits ADIDAS, sollicitait la réparation d’un préjudice propre découlant du caractère déloyal à son égard des actes de contrefaçon.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les sociétés ADIDAS, parties perdantes, seront condamnées aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me HINOUX, avocate, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile, et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu’elles ont exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant infirmées.
La somme globale qui doit être mise à la charge des sociétés ADIDAS au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les sociétés [O] [W] peut être équitablement fixée à 40 000 €.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a :
– dit que la production, l’offre à la vente et la vente par les sociétés IM PRODUCTION et [O] [W] DIFFUSION des vestes référencées « Darcy », « Darcey » et « Danily», des pantalons référencés « Doriann », « Docia », « Dario », « Dobbs » et «Derring» et du short référencé « Dorset », portent atteinte aux marques renommées (marques de l’Union européenne n° 588 et n° 661 et marque française n° 280) dont est titulaire la société ADIDAS AG,
– fait interdiction aux sociétés IM PRODUCTION et [O] [W] DIFFUSION, en France et dans quelque Etat de l’Union européenne, de poursuivre la fabrication ou l’importation, la détention, l’offre à la vente et la commercialisation des produits litigieux, sous astreinte,
– ordonné le rappel des circuits commerciaux de l’ensemble des produits litigieux vendus sur le territoire de l’Union européenne, sous astreinte,
– ordonné la destruction de l’ensemble des produits litigieux, une fois sa décision passée en force de chose jugée,
– condamné in solidum les sociétés [O] [W] à payer à la société ADIDAS AG la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice résultant de l’atteinte portée aux marques de renommée précitées,
– condamné les sociétés [O] [W] aux dépens et in solidum au paiement aux sociétés ADIDAS de la somme globale de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Infirme le jugement de ces chefs,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la société ADIDAS AG de ses demandes au titre de l’atteinte à la renommée des marques de l’Union européenne n° 588 et n° 661 et de la marque française n° 280 dont elle est titulaire,
Condamne in solidum les sociétés ADIDAS aux dépens, dont distraction au profit de Me HINOUX, avocate, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile, et au paiement aux sociétés [O] [W] de la somme globale de 40 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE