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Sur le moyen unique, pris en ses six branches, tel qu’énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :
Attendu que dans un numéro paru le 28 avril 2000, le magazine Entrevue a publié sur plusieurs pages, dont celles de couverture et de sommaire, diverses photographies représentant Mme Isabelle X…, épouse Y…, largement ou totalement dénudée ;
qu’un autre cliché, où elle figure avec son mari, se rapporte à leur très récente union ; que l’ensemble s’accompagne de commentaires égrillards relatifs aux dix-neuf ans de l’intéressée et à l’impact de ses charmes sur son époux ; que la promotion du périodique était assurée par une affiche reproduite dans tous ses points de vente, annonçant: “Entrevue-Exclusif- Mme Pascal Y… nue”, et montrant la jeune femme dans ce simple appareil, visage tourné vers l’objectif et corps de profil ; que, saisi par elle au nom d’une violation de ses droits à son image et à sa vie privée, le juge des référés a accueilli ses demandes, ordonnant à la société éditrice Conception de presse (la société), dans les 48 heures de la signification et sous astreinte, le retrait des placards promotionnels ainsi que l’insertion, dans les numéros à paraître en mai 2000, d’un encart intitulé “publication judiciaire”et résumant la teneur de l’ordonnance ; qu’il a prononcé par ailleurs une condamnation à acquitter une provision de 50 000 francs, et dit sa décision opposable à la société Nouvelles messageries de la presse parisienne, habilitée à transmettre sur le réseau de distribution les mesures arrêtées ;
Attendu que la société fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué (Paris, 12 mai 2000), d’abord, de retenir à tort un trouble manifestement illicite insusceptible de réparation au fond et une atteinte à la vie privée, la procédure de référé ne se trouvant ainsi aucunement justifiée, ensuite, de ne pas rechercher si le retrait des affiches promotionnelles ne se ramenait pas à une interdiction du magazine, ou à une entrave à sa diffusion, ou à une restriction à la liberté d’expression non nécessaire en démocratie à la protection des droits d’autrui, et enfin d’avoir identifié l’atteinte au droit à l’image et l’existence d’un préjudice, le tout en méconnaissance des articles 809 du nouveau Code de procédure civile, 9 et 1382 du Code civil, et 10 alinéa 2, de la Convention européenne des droits de l’homme ;
Mais attendu que reproduire sans autorisation adéquate la photographie d’une personne nue ou suggestivement déshabillée porte atteinte tant à son image qu’à sa vie privée et constitue un trouble manifestement illicite ; que la juridiction des référés en tire le pouvoir de prendre toutes mesures propres à prévenir, faire cesser, cantonner ou réparer le fait dénoncé, sans que l’activité de modèle exercée par le sujet, ni la publication antérieure des mêmes clichés, ni le caractère posé de ceux-ci soient par eux-mêmes des faits justificatifs ; qu’en conformité ou référence à ces principes, l’arrêt relève, à propos des photographies représentant la plaignante seule, que si elles avaient déjà été publiées en avril 2000 par un magazine canadien, rien n’établissait qu’elle-même ou un tiers agissant en son nom en ait autorisé la parution initiale ou la présente reprise, la circonstance qu’elle ait accepté par le passé et dans l’exercice de sa profession de mannequin certaines diffusions de son image étant inopérante, et, en ce qui concerne le cliché d’elle et de son mari, que les époux Y… avaient, le 10 avril 2000, mis en demeure la société de s’abstenir de toute publication les concernant; que par ces motifs, la cour d’appel a caractérisé les violations de l’article 9 du Code civil et la compétence du juge des référés ;
Et attendu que la décision expose également que le retrait ordonné des affiches promotionnelles visait à neutraliser la volonté de la société d’attirer spectaculairement l’attention du public par l’utilisation de l’image de Mme Y…, que l’insertion du communiqué permettrait aux lecteurs de connaître l’absence de consentement de celle-ci au reportage consacré à sa personne, que l’astreinte assortissant ces deux mesures était révisable selon la bonne volonté à s’exécuter manifestée par la société condamnée, et encore, que la créance reconnue de dommages-intérêts prévisionnels n’était pas sérieusement contestable eu égard à la violation intervenue des droits de la personnalité ; que ces motifs, qui traduisent la recherche d’un équilibre entre ces derniers et la liberté d’expression, par le prononcé de sanctions adaptées aux faits relevés et évitant le retrait pur et simple de la vente du magazine, justifient là encore la décision, étant enfin ajouté que la seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à une réparation pécuniaire dont le juge détermine souverainement le montant ; d’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Conception de presse aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Conception de presse à payer à Mme Y… la somme de 2 000 euros
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille trois.