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ARRÊT DU
17 Février 2023
N° 284/23
N° RG 20/01306 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TAP6
AM/CH
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE
en date du
12 Mars 2020
(RG F18/01019 -section )
GROSSE :
Aux avocats
le 17 Février 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
S.A.R.L. PERFECT MODELS SARL
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Grégory OLCZAK-GODEFERT, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Arnaud SAINT RAYMOND, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉ :
M. [S] [R]
[Adresse 1]
[Localité 4] / FRANCE
représenté par Me Anne MANNESSIER, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
GREFFIER lors des débats : Séverine STIEVENARD
DÉBATS : à l’audience publique du 13 Décembre 2022
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 12 avril 2022
FAITS ET PROCEDURE
M. [S] [R] a été employé entre 2006 et 2014 par la société PERFECT MODELS aux termes de plusieurs contrats à durée déterminée, étant précisé que cette relation de travail s’est également inscrite dans le cadre d’une autre relation tripartrite, puisque le salarié embauché par la société PERFECT MODELS a exécuté une prestation dédiée à la mode au profit d’un client de cette dernière société, en faveur duquel une mise à disposition a été effectuée.
Après avoir tenté en vain à deux reprises d’obtenir une modification de ses conditions de rémunération le salarié a saisi le 23 octobre 2014 le conseil de prud’hommes de Lille lequel par jugement en date du 12 mars 2020 a :
Dit et jugé que l’accord national du mannequinat du 15 février 1991 complété par la convention collective nationale du 22 juin 2004 des mannequins s’applique au cas du salarié pour déterminer son exacte rémunération,
Condamné la société à payer au salarié les sommes suivantes :
-30 922,14 euros euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période postérieure au 23 octobre 2009 outre la somme de 3092,21 euros bruts pour les congés payés afférents
-2500 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du non-paiement des salaires conventionnels,
-1750 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Ordonné la délivrance d’un bulletin de salaire rectificatif des rappels et sommes versés,
Rappelé les dispositions applicables en matière d’intérêts au taux légal,
Ordonné l’exécution provisoire
Débouté la société de ses demandes reconventionnelles,
Débouté les parties de toutes autres demandes différentes plus amples ou contraires à la présente décision,
Condamné la société aux dépens.
Le 9 juin 2020 la société a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 23 septembre 2021 par la société.
Vu les conclusions déposées le 17 juin 2021 par la salariée.
Vu la clôture de la procédure au 12 avril 2022
SUR CE
De l’applicabilité des dispositions légales et conventionnelles relatives aux mannequins et agences de mannequins concernant les activités d’essayage
Aux termes de l’article L. 7123-2 du code du travail, est considérée comme exerçant une activité de mannequins, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée :
1° soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire;
2° soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image.
La convention collective nationale des mannequins adultes et mannequins enfants de moins de 16 ans employés par des agences de mannequins en date du 22 juin 2004, telle que modifiée notamment par l’avenant du 22 juin 2005, stipule que compte tenu des spécificités propres à la profession de mannequin, les parties signataires adoptent six catégories générales de prestations définies comme suit :
Presse Rédactionnelle
Prises de vue réalisées à la demande des utilisateurs de la presse écrite exclusivement qu’elle soit quotidienne, hebdomadaire, mensuelle ou trimestrielle, régionale, nationale, internationale afin d’illustrer un ou plusieurs articles rédactionnels.
Publicité
Toutes prestations effectuées pour présenter, directement ou indirectement, avec ou sans exploitation de l’image, sur tout support visuel, un produit, un service ou un message publicitaire ou promotionnel, quel que soit l’utilisateur.
Films Publicitaires
Tournage de films réalisés pour présenter indirectement par l’exploitation de l’enregistrement audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire promotionnel, quel que soit utilisateur.
Catalogues
Prises de vue réalisées en vue de la promotion ou de la vente, via tous supports, de marchandises, vêtements ou services rendus par des entreprises.
Défilés
Toutes prestations effectuées pour présenter directement un produit avec ou sans exploitation de l’image.
Essayages-répétitions
Applicables à toutes les catégories de prestations, sans exception, dès lors que le mannequin est engagé.
Tous les essayages et répétitions exigés de la part d’un client utilisateur doivent être mentionnés dans le contrat de mise à disposition et le contrat de travail.
Défilés à l’occasion des collections du Prêt-à-porter et de la Haute couture à [Localité 5]
Les contrat de mise à disposition habituellement utilisés pour les défilés du Prêt-à-porter de la Haute couture à [Localité 5] comprennent 4 heures pour les défilés et 1 heure de répétition ou essayage, l’ensemble de ces heures de présence étant rémunéré. Si le mannequin doit effectuer des heures de présence dépassant l’horaire prévu au contrat de mise à disposition, ces heures sont rémunérées en sus de celles initialement prévues dans ledit contrat.
Il convient tout d’abord de rappeler que l’activité que la société exerce constitue une activité de prêt de main-d’oeuvre autorisée, et que cette dernière ne peut pas se livrer à des activités similaires ne s’inscrivant pas dans le cadre de celles légalement autorisées.
Par voie de conséquence le principe selon lequel la mention dans un contrat de travail ou sur un bulletin de paie d’une convention collective vaut présomption d’application de celle-ci à la relation de travail, ne peut s’appliquer que si cela n’a pas pour effet de faire entrer dans le champ d’application des exceptions de l’article L.8241-1 du code du travail une activité ne relevant pas de l’exploitation d’une agence de mannequin.
Le salarié ne peut donc pas à ce titre se prévaloir de ce seul argument pour justifier de l’application de la convention collective.
De son côté la société ne peut pas exclure les activités d’essayage au motif que celles-ci ne sont pas prévues explicitement par la convention collective, dans la mesure où la liste des activités visées par la convention collective n’est pas exhaustive.
En effet les dispositions de son article 12 intitulé “rémunération minima” font état de ce que ” les parties signataires ont envisagé la majorité des prestations et des classifications afin de défendre les intérêts des mannequins. Elles conviennent cependant de respecter la liberté de travail. Afin de tenir compte de prestations spécifiques qui ne seraient pas couvertes par les grilles annexées, les signataires ajoutent la définition d’un salaire minimum horaire garanti “.
Il existe donc des prestations spécifiques ne pouvant pas être rattachées à l’une des prestations mentionnées par la convention collective mais qui relèvent pour autant de cette dernière.
Par ailleurs les allégations de la société quant à la réalisation d’essayages de prototypes de vêtements participant de leur conception et ne relevant pas de la catégorie des essayages de produits déjà conçus ne reposent que sur les allégations d’un client.
Or ces dernières ne sont corroborées par aucun élément objectif, alors même que ce témoignage ne présente pas des garanties objectivité suffisantes puisque le client a intérêt à ce que la prestation soit la moins onéreuse possible.
Il y a lieu également d’observer que la notion d’essayages techniques, comme celle d’essayages de préparation sont définies par la convention collective même si cette dernière n’y fait référence qu’au regard de l’activité des enfants, et il apparait ainsi que de telles activités ne sont pas exclues, à tout le moins s’agissant de ce public, de celles relevant du mannequinat.
Il importe ensuite de constater que de telles activités ou celles reprises sous le vocable d’activités d’essayage correspondent à la définition légale des activités de mannequins qui mentionne le fait de poser comme modèle, étant rappelé qu’une utilisation ultérieure de l’image du modèle n’est pas à ce titre indispensable, et qu’à la différence de la première activité visée par la loi une présentation directe ou indirecte au public notamment d’un produit n’est pas nécessaire.
Il y a lieu au regard de ces éléments de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que l’accord national du mannequinat du 15 février 1991 complété par la convention collective nationale du 22 juin 2004 des mannequins s’applique à la relation de travail.
De la demande en rappel de salaire
La convention collective définit plusieurs salaires minima en fonction des différentes classifications et prestations fournies, y compris celles n’étant pas couvertes par ses propres grilles
Il est ainsi stipulé à l’article 5 de la convention collective que ” le salaire brut perçu par un mannequin, enfant de moins de 16 ans ou adulte, pour une prestation donnée, ne peut être inférieur à un pourcentage minimum des sommes versées à cette occasion par l’utilisateur à l’agence de mannequins. Ce pourcentage est établi pour les différents types d’utilisation par voie de convention ou d’accord collectif.
En application de ces dispositions réglementaires, les parties signataires sont convenues d’arrêter les pourcentages dans les différentes catégories de prestations aux taux tels que définies ci-dessous :
-Mannequins adultes :
Presse
pourcentage minimum : 33 %
Publicité
pourcentage minimum : 36 %
-Mannequins enfants :
Toute prestation
pourcentage minimum : 31 %
En aucun cas, l’application de ce pourcentage ne peut être retenue pour déterminer la rémunération brute du mannequin, dès lors qu’elle serait ainsi moins favorable que les salaires bruts minima conventionnels de chaque catégorie de prestations et de classification tels que prévus à l’article 9 de la présente convention pour les adultes, tels qu’ils ont été définis par des accords collectifs nationaux “.
L’article 9, outre l’énoncé de classifications allant de celle dénommée T7, concernant un mannequin débutant, à la classification T10 qui se rapporte à un mannequin de niveau supérieur ayant une expérience confirmée et pouvant faire état de ses références professionnelles, voire au mannequin dit ” hors catégorie “, prévoit que l’agence pourra proposer au mannequin une prestation correspondant à une classification inférieure ou supérieure à celle qu’il a atteint précédemment à la condition que la rémunération correspond à la rémunération brute minimum telle que définie par les 6 et 9 de la présente convention, ainsi que par l’annexe 1.
Le mannequin restera libre d’accepter. Toutefois, les agences de mannequins ne peuvent diffuser ou promouvoir auprès de la clientèle des tarifs de prestations qui ne font pas apparaître les classifications définies dans cet article.
L’article 10 de la convention collective édicte des dispositions spécifiques de prestations prévoyant notamment une majoration de 50 % du salaire brut du niveau appliqué s’agissant d’une prestation réalisée dans le domaine de la lingerie.
Il convient de rappeler que l’article 12 prévoit que ” quelle que soit la catégorie de la prestation et quelle que soit la durée minimale de celle-ci, le mannequin percevra toujours un salaire brut minimum de une heure dans la catégorie correspondante .
Les salaires minima correspondant aux classifications définies à l’article 9 de la présente convention sont annexés ainsi que prévu à l’article 6.
Les parties signataires ont envisagé la majorité des prestations et des classifications afin de défendre les intérêts des mannequins. Elles conviennent cependant de respecter la liberté de travail. Afin de tenir compte de prestations spécifiques qui ne seraient pas couvertes par les grilles annexées, les signataires ajoutent la définition d’un salaire minimum horaire garanti.
Les caractéristiques des prestations spécifiques, la réutilisation de ce salaire minimum et de ses conditions d’application seront définies de manière paritaire à une fréquence identique à celle prévue à l’article 3-3.
En tout état de cause, ce salaire devra respecter les pourcentages de l’article 5. Aucune agence de mannequins ne pourra se prévaloir individuellement d’appliquer ce salaire minimum garanti en dehors des conditions strictement définies par la commission paritaire.
En l’espèce, la société produit, à titre subsidiaire, un décompte de la somme due au salarié en se référant aux modalités de calcul mis en oeuvre dans de précédentes décisions de la présente cour, alors que le salarié remet en cause de telles modalités en faisant valoir que le salaire minimum horaire garanti prévu par l’article 12 de la convention collective n’est pas applicable à sa situation.
Il fait valoir à ce titre d’une part que les prestations spécifiques visées par cet article n’existent pas puisqu’elles consisteraient en des prestations qui ne relèvent pas de l’activité de mannequins et qui, en conséquence, ne pourraientt être appréhendées par la convention collective, et d’autre part que faute de définition des caractéristiques de cette prestation spécifique et des conditions strictes de recours au salaire minimum horaire garanti aucune agence de mannequins ne peut être autorisée à y recourir.
Le salarié considère par ailleurs que dans ses précédentes décisions la cour a fait une application erronée des textes réglementaires et conventionnels en considérant que c’est parce que l’activité des essayages relevaient des dispositions de l’article 12 de la convention collective que lesdits essayages échappaient à l’application des dispositions de cette même convention relative à la classification, inversant ainsi la logique du raisonnement juridique.
Il affirme, que dans le cas où le recours au salaire minimum horaire garanti n’aurait pas été interdit par les dispositions mêmes de l’article 12 de la convention collective, il aurait fallu que la juridiction motive sa décision quant à la cause pour laquelle les prestations d’essayage n’étaient pas soumises aux dispositions conventionnelles, mais aussi légales, relatives à la classification, car l’application du salaire minimum horaire garanti n’était que la conséquence possible de cette absence de soumission aux dites dispositions.
Il sollicite à ce titre la confirmation du jugement entrepris en ce que celui-ci a reconnu la classification T7 et a jugé bien-fondée sa demande de rappel de salaire sur la base de cette classification.
Même si l’appréciation de la situation d’un salarié ne doit pas s’effectuer par rapport à une décision d’une cour d’appel concernant un collègue de travail ou un autre salarié placé dans une situation présentant des éléments similaires, mais seulement au regard de la spécificité du litige, il n’en demeure pas moins qu’en l’espèce les deux parties s’y réfèrent, de sorte qu’il convient en tenant compte notamment de ces argumentations de fixer la rémunération due à M. [R].
Le raisonnement adopté par ce dernier consiste à dire que les prestations spécifiques n’existent pas, et qu’il n’est pas possible de se prévaloir des dispositions de l’article 12 pour dire que les essayages échappent à l’application des dispositions de cette même convention.
Toutefois les prestations spécifiques sont mentionnées par l’article 12 de la convention collective, de sorte que l’interprétation que fait le salarié de ladite convention aboutit à priver ledit article de toute portée, et repose sur le principe selon lequel toutes les activités exercées par un mannequin relèvent de la classification.
Or contrairement à ce que soutient le salarié l’activité d’essayages, telle qu’exercée par lui-même dans le cadre des contrats de travail, ne correspond pas à la notion d’essayages-répétition, qui constitue une seule et même activité, alors que le salarié ne justifie pas de l’existence de répétitions, notion qui fait référence à une préparation d’une prestation finale.
Par ces dispositions les parties signataires à la convention ont voulu protéger les mannequins en imposant aux agences et leur clients de les mentionner dans les deux types de contrats, et par là même d’éviter que ces derniers ne soient amenés à participer à des ” actes préparatoires ” à la prestation proprement dite sans que cela ne soit contractualisé.
S’agissant de la situation de M. [R] les essayages effectués constituent la prestation elle même et non des actes la précédant.
L’argument du salarié, selon lequel la seule présence d’un tiret entre les essayages et répétitions ne peut pas justifier l’absence d’assimilation des premiers aux cas visés par la convention collective, non seulement n’explique pas quel sens doit être donné à la présence de ce tiret, mais ne prend pas en compte le fait que la convention collective n’utilise pas la conjonction ou mais fait référence à ” tous les essayages et répétitions “.
Mais surtout, au-delà de ces remarques à caractère quasi sémantique, le salarié ne tient pas compte du fait que la convention collective a ” adopté ” six catégories générales de prestations dont elle donne la définition, alors que sept situations sont évoquées.
Il ne s’agit pas d’une erreur matérielle comme la lecture des dispositions de la convention le confirme, dans la mesure où il est stipulé pour les essayages-répétitions ” Applicables à toutes les catégories de prestations, sans exception, dès lors que le mannequin est engagé “.
De telles dispositions permettent de constater que les essayages-répétitions ne sont pas érigés en prestation mais concernent ce que la cour qualifie ” d’actes préparatoires ” à la réalisation d’une prestation, qui doivent être mentionnés dans les différents contrats, et permettrent ainsi aux mannequins de revendiquer leur inclusion dans la durée du travail.
Il est par ailleurs contradictoire de la part du salarié de reconnaître que l’énumération par la convention collective des différentes activités relevant du mannequinat n’est pas exhaustive, et de priver l’article 12 de la convention collective de toute incidence.
Il importe de préciser à ce titre que cet article a pour but de protéger les mannequins en leur permettant de bénéficier de la rémunération minimale garantie qu’il instaure quand ils réalisent des prestations ne correspondant pas à l’énumération des activités de la convention collective.
Par ailleurs il est inexact d’affirmer que l’application de l’article 12 aboutit à l’exclusion de celle de la convention collective, puisque ledit article fait partie de cette dernière.
Le recours aux dispositions de l’article pour évaluer la rémunération du salarié trouve donc son origine dans le fait que l’activité d’essayage relève de cet article car elle ne ressort pas des activités visées par la classification.
Il y a lieu d’observer à ce titre que l’interprétation toute personnelle du salarié des dispositions de la convention collective n’est que l’aboutissement d’une évolution légitime en cours de procédure au gré des changements de conseil, puisque celui-ci n’affirmait pas dans le cadre de la saisine du conseil de prud’hommes que les prestations spécifiques n’existaient pas.
En ce qui concerne le montant du rappel de salaire, il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud’hommes a appliqué à la relation de travail des dispositions de la convention collective ne correspondant pas aux prestations de services réalisés par ce dernier.
Si la société a fourni un décompte, dont elle affirme qu’il correspond aux modalités d’évaluation de la rémunération précédemment adoptées dans des décisions concernant d’autres salariés placés dans une situation identique, il apparaît néanmoins qu’elle affirme n’avoir retenu que les prestations réalisées et donc formalisées par un contrat de prestation de services.
S’il est exact que pour certaines prestations le salarié n’a pas été en mesure de fournir le contrat formalisant la relation entre la société et le client, il n’en demeure pas moins que dans la mesure où le salarié peut se prévaloir d’un contrat de travail conclu avec la société, il appartient à cette dernière de justifier de l’annulation de la prestation correspondante.
En revanche la société justifie d’une évaluation adéquate de la durée une demi-journée et une journée entière de prestations, comme du respect de l’application de l’article cinq lorsque celle-ci s’avère plus favorable relativement aux minima garantis par l’article 12 de la convention collective.
Il convient au regard de ces éléments de se référer à l’évaluation à laquelle le salarié a procédé à titre subsidiaire, au regard des mêmes règles, en ce qu’il n’a pas exclu les prestations pour laquelle un contrat entre la société et le client n’a pas été fourni.
En revanche il a pris en compte la réalisation dans le cadre de certaines prestations de
photographies en les rattachant à la classification opérée par la convention collective.
Toutefois, si le salarié n’a pas été utilement contredit quant à l’affirmation que les photos communiquées concernent une part limitée des prestations réalisées, il n’en demeure pas moins qu’aucun élément ne justifie de leur utilisation dans des conditions permettant de les relier à l’une des prestations visées par la convention collective et entrainant la mise en oeuvre la classification instaurée par cette même convention.
Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société à payer au salarié, sur la base d’un des décompte établi par le salarié, la somme de 15895,20 euros bruts outre la somme de 1589,52 euros bruts pour les congés payés afférents.
De la demande en dommages et intérêts
Le salarié demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il lui a alloué des dommages et intérêts au titre du préjudice moral et financier qu’il a subi du fait du non-paiement de la rémunération lui étant due, et de la violation par l’employeur de son obligation d’exécution de bonne foi de la relation de travail.
Toutefois si la société ne s’est pas acquittée de la rémunération à laquelle la salariée pouvait prétendre en fonction de la nature de chacune des prestations réalisées, il n’en demeure pas moins que la mauvaise foi de cette dernière ne peut pas résulter de ce seul retard, alors même que la preuve d’une telle mauvaise foi incombe au salarié qui s’en prévaut.
Certes la dénonciation par le salarié de la pratique de certaines agences de mannequinat et d’un syndicat en regroupant plusieurs en délivrant de manière générale des conseils relativement à l’application de la convention collective et les rémunérations devant être octroyées aux salariés, est fondée, étant précisé que ledit syndicat a été condamné par l’Autorité de la Concurrence.
Pour autant la présente société n’a pas été à la différence d’autres structures intervenant dans le domaine du mannequinat condamnée à titre personnel, alors que le salarié fait référence à d’autres condamnations par cette même autorité de certaines agences, dont les appels par devant la cour d’Appel de Paris ont été rejetés.
Il ne peut être exclu avec certitude que la société, confortée dans son positionnement par le SYNAM, syndicat regroupant des agences de mannequins, n’ait pas douté de la véracité des informations lui étant délivrées à cette occasion, et au contraire ait été persuadée de ce qu’elle procédait à une application idoine des dispositions légales et conventionnelles.
Quant au défaut de conclusion de contrats postérieurement à la formulation de revendications par le salarié, il convient de rappeler l’existence de la liberté de conclure ou pas notamment en présence d’un désaccord quant au prix, et de constater que le salarié ne démontre pas la réalité d’un abus dans l’exercice de ce droit.
En effet, alors que la société fait état d’un coût parfois supérieur au prix payé par le client du fait du rappel de salaire, le salarié se contente de se référer à la situation de certaines agences faisant auparavant une marge brute de 30%, sans qu’aucun élément ne permette d’établir un lien avec la société partie au litige.
Il existe à tout le moins un doute quant à la réalité de la mauvaise foi de la société, dont la preuve incombe au salarié, de sorte que la demande en dommages et intérêts doit être rejetée, et par là même le jugement entrepris infirmé de ce chef.
De la demande reconventionnelle en dommages et intérêts
Il convient de débouter la société de sa demande en dommages et intérêts dès lors qu’il a été fait partiellement droit aux demandes du salarié, et que la procédure qu’il a engagée était par là même fondée.
De la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
L’équité commande de condamner la société à payer à la salariée la somme de 1800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Des dépens
La société qui succombe au principal doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que l’accord national du mannequinat du 15 février 1991 complété par la convention collective nationale du 22 juin 2004 des mannequins s’applique à la relation de travail nouée entre la société PERFECT MODELS et M. [S] [R], et quant à l’octroi d’une indemnité au profit de ce dernier au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et l’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau, et ajoutant au jugement entrepris,
Condamne la société PERFECT MODELS à payer à M. [S] [R] les sommes suivantes :
-15 895,20 euros bruts à titre de rappel de salaire outre la somme de 1589,52 euros brut pour les congés payés afférents
-1 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Déboute M. [S] [R] de sa demande en dommages et intérêts,
Déboute la société PERFECT MODELS de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,
Condamne la société PERFECT MODELS aux dépens
LE GREFFIER
Nadine BERLY
LE PRESIDENT
Marie LE BRAS