Contrat de Mannequin : 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/06469

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Contrat de Mannequin : 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/06469
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 15 FÉVRIER 2023

(n° 2023/ , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/06469 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCOIF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Septembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° F 18/01015

APPELANTE

Madame [R] [K]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Lucie FRANCO, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE

INTIMÉES

Société MonCDI venant aux droits de la S.A.S. PRO SERVICES CONSULTING

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

S.A.S JTEKT EUROPE venant aux droits et obligations de la société JTEKT HPI

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Denis PELLETIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R006

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 03 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Mme [R] [K] a été embauchée par la société Pro Services Consulting (PSC) en qualité de comptable selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partagé le 22 juin 2012.

La relation de travail est régie par un accord d’entreprise le 23 janvier 2015 relatif au statut du personnel des entreprises du groupe PSC.

Mme [K] a été mise à disposition par la société PSC auprès de la société JTEKT HPI, entreprise utilisatrice, à compter de son embauche et jusqu’au 30 novembre 2017.

La société JTEKT HPI a pour objet la conception et la production de composants hydrauliques.

Elle applique la convention collective de la métallurgie de la région parisienne.

À l’issue de sa mission au sein de la société JTEKT HPI, Mme [K] s’est retrouvée dans une situation d’intermissions.

Par lettre recommandée du 12 décembre 2017, la société PSC a convoqué Mme [K] à un entretien préalable prévu le 22 décembre 2017.

Par lettre recommandée du 29 décembre 2017, la société PSC a notifié à Mme [K] son licenciement pour fin de mission et impossibilité de poursuivre la relation contractuelle.

Le 7 février 2018, Mme [K] a adressé un courrier recommandé à la société PSC en contestation de son licenciement.

Le 14 mars 2018, la société PSC a établi les documents de fin de contrat.

Le 4 juillet 2018, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil afin de voir requalifier son contrat de travail à temps partagé en contrat de travail à durée indéterminée et voir condamner solidairement les sociétés Pro Services Consulting et JTEKT HPI.

Par jugement en date du 7 septembre 2020, le conseil de prud’hommes a :

– jugé irrecevables les demandes de Mme [R] [K] dirigées à l’encontre de la société JTEKT HPI ;

– prononcé la mise hors de cause de la société JTEKT HPI ;

– fixé la moyenne des salaires de Mme [R] [K] à la somme de 2 517,41 € ;

– dit et jugé que l’indemnité de licenciement versée à Mme [K] est inférieure à l’indemnité légale ;

– fixé l’indemnité légale due à Mme [K] à la somme de 3 583 € ;

– condamné la société PSC à verser à Mme [K] la somme de 169,92 € nets au titre du reliquat de l’indemnité de licenciement non-versé ;

– condamné la société PSC à verser à Mme [R] [K] la somme de 1200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné la remise des documents de fin de contrat rectificatifs sous astreinte de 10 € par jour de retard ;

– débouté Mme [R] [K] du surplus de ses demandes ;

– rejeté toutes autres demandes ;

– mis les dépens à la charge de la société PSC.

Par fusion en date du 1er avril 2022, la société JTEKT Europe est venue aux droits et obligations de la société JTEKT HPI.

Le 30 octobre 2022, la société JTEKT Europe est intervenue volontairement aux droits et obligations de la société JTEKT HPI dans la présente procédure.

Par suite d’une transmission universelle de patrimoine intervenue le 30 septembre 2021, la société MonCDI est venue aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting.

Le 5 décembre 2022, la société MonCDI est intervenue volontairement aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting dans la présente procédure.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 11 décembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, Mme [K] demande à la cour de :

Sur l’appel principal :

In limine litis :

– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Créteil du 07 septembre 2020 en ce qu’il a :

‘ jugé irrecevables les demandes de Mme [R] [K] dirigées à l’encontre de la société JTEKT HPI [reprise par la société JTEKT Europe] ;

‘ prononcé la mise hors de cause de la société JTEKT HPI [reprise par la société JTEKT Europe] ;

En conséquence et statuant à nouveau :

o Dire et juger que Mme [K] dispose d’un droit d’agir à l’encontre de la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, et de la société JTEKT Europe, venant aux droits et obligations de la société JTEKT HPI ;

o Dire et Juger que Mme [K] est recevable et bien-fondée en son action à l’égard de la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, et de la société JTEKT Europe, venant aux droits et obligations de la société JTEKT HPI ;

o Débouter la société JTEKT Europe, venant aux droits de la société JTEKT HPI, de sa demande de fin de non-recevoir et d’irrecevabilité ;

À titre principal :

– Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Créteil du 07 septembre 2020 en ce qu’il a :

‘ dit et jugé que l’indemnité de licenciement versée à Mme [K] est inférieure à l’indemnité légale ;

‘ fixé l’indemnité de licenciement due à Mme [K] à la somme de 3 583,00 euros ;

‘ condamné la société Pro Services Consulting à verser à Mme [K] la somme de 169,92 euros nets au titre du reliquat de l’indemnité de licenciement non-versé ;

– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Créteil du 07 septembre 2020 en ce qu’il a :

‘ débouté Mme [R] [K] du surplus de ses demandes ;

‘ limité l’astreinte de remise des documents de fin de contrat rectificatifs sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;

‘ prononcé la mise hors de cause de la société JTEKT HPI [reprise par la société JTEKT Europe] ;

En conséquence et statuant à nouveau :

o Dire et juger que la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, et la société JTEKT Europe, venant aux droits et obligations de la société JTEKT HPI, ont méconnu les dispositions légales relatives au temps de travail partagé dans le cadre de l’embauche de Mme [K] ;

o Dire et Juger que la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, et la société JTEKT Europe, venant aux droits et obligations de la société JTEKT HPI, ont réalisé comme employeurs conjoints une opération de prêt de main-d”uvre illicite ;

o Requalifier le contrat de travail liant Mme [K] à la société Pro Services Consulting [reprise par la société MonCDI] en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun ;

o Condamner solidairement la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, et la société JTEKT EUROPE, venant aux droits et obligations de la société JTEKT HPI, à verser à Mme [K] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour prêt de main-d”uvre illicite ;

o Dire et juger que le licenciement de Mme [K] est sans cause réelle et sérieuse ;

o Condamner solidairement la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, et la société JTEKT Europe, venant aux droits et obligations de la société JTEKT HPI, à verser à Mme [K] la somme de 15 104,48 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

o Condamner solidairement la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, et la société JTEKT Europe, venant aux droits et obligations de la société JTEKT HPI, à verser à Mme [K] la somme de 169,92 € nets au titre du reliquat de l’indemnité de licenciement non-versé ;

o Ordonner solidairement la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, et la société JTEKT Europe, venant aux droits et obligations de la société JTEKT HPI, à la remise des documents de fin de contrat rectificatifs sous astreinte de 50 € par jour de retard ;

À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d’appel de Paris ne reconnaissait pas l’existence d’un prêt de main-d”uvre illicite et la qualité de co-employeurs des sociétés Pro Services Consulting [reprise par la société MonCDI] et JTEKT HPI [reprise par la société JTEKT EUROPE] :

– Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Créteil du 07 septembre 2020 en ce qu’il a :

‘ dit et jugé que l’indemnité de licenciement versée à Mme [K] est inférieure à l’indemnité légale ;

– Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Créteil du 07 septembre 2020 en ce qu’il a :

‘ débouté Mme [R] [K] du surplus de ses demandes ;

‘ limité l’astreinte de remise des documents de fin de contrat rectificatifs sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;

En conséquence et statuant à nouveau :

o Dire et Juger que la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, n’a pas respecté les termes de l’accord d’entreprise du 23 janvier 2015 ;

o Dire et Juger que le licenciement de Mme [K] est sans cause réelle et sérieuse ;

o Condamner la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, à verser à Mme [K] la somme de 15 104,48 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

o Dire et Juger que la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, n’a pas respecté les termes de l’accord d’entreprise du 23 janvier 2015 relatives au calcul de l’indemnité de licenciement ;

o Fixer l’indemnité de licenciement due à Mme [K] à la somme de 13 137,68 euros ;

o Condamner la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, à verser à Mme [K] la somme de 9 724,60 euros nets au titre du reliquat de l’indemnité de licenciement non-versé ;

o Ordonner à la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, la remise des documents de fin de contrat rectificatifs sous astreinte de 50 € par jour de retard ;

o Dire et juger que la durée de la mise à disposition de Mme [K] au sein de la société JTEKT HPI [reprise par la société JTEKT EUROPE], entreprise utilisatrice, est supérieure à la durée maximale prévue par l’accord d’entreprise du 23 janvier 2015 ;

o Dire et Juger que la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, n’a pas préservé l’employabilité de Mme [K];

o Condamner la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, à verser à Mme [K] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’accord d’entreprise du 23 janvier 2015 sur la durée maximale de la mission ;

À titre infiniment subsidiaire, et uniquement sur le calcul de l’indemnité de licenciement conventionnelle si par extraordinaire l’avenant du 14 mars 2016 était opposable à Mme [K] :

– Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Créteil du 07 septembre 2020 en ce qu’il a :

‘ Dit et jugé que l’indemnité de licenciement versée à Mme [K] est inférieure à l’indemnité légale ;

– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Créteil du 07 septembre 2020 en ce qu’il a :

‘ débouté Mme [R] [K] du surplus de ses demandes ;

‘ limité l’astreinte de remise des documents de fin de contrat rectificatifs sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;

En conséquence et statuant à nouveau :

o Dire et Juger que la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, n’a pas respecté les termes de l’avenant à l’accord d’entreprise du 14 mars 2016 relatives au calcul de l’indemnité de licenciement ;

o Fixer l’indemnité de licenciement due à Mme [K] à la somme de 3 815,60 euros ;

o Condamner la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, à verser à Mme [K] la somme de 403,52 euros nets au titre du reliquat de l’indemnité de licenciement non-versé ;

o Ordonner à la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, la remise des documents de fin de contrat conformes sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

En tout état de cause :

– Prendre acte que la société MonCDI vient volontairement aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting,

– Prendre acte que la société JTEKT Europe vient volontairement aux droits et obligations de la société JTEKT HPI ;

– Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Créteil du 07 septembre 2020 en ce qu’il a :

‘ condamné la société Pro Services Consulting [reprise par la société MonCDI] à verser à Mme [R] [K] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance ;

‘ Mis les dépens à la charge de la société Pro Services Consulting [reprise par la société MonCDI] ;

Au surplus :

– Condamner la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, et la société JTEKT Europe, venant aux droits et obligations de la société JTEKT HPI, aux intérêts légaux à toutes les condamnations prononcées ;

– Débouter la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, et la société JTEKT Europe, venant aux droits et obligations de la société JTEKT HPI, de l’intégralité de leurs demandes respectives ;

– Condamner solidairement la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, et la société JTEKT Europe, venant aux droits et obligations de la société JTEKT HPI, à verser à Mme [K] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, et la société JTEKT Europe, venant aux droits et obligations de la société JTEKT HPI, aux entiers dépens ;

Sur l’appel incident de la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, il est demandé il est demandé à la cour d’appel de Paris de :

– Débouter la société MonCDI, venant aux droits et obligations de la société Pro Services Consulting, de ses demandes incidentes.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 5 décembre 2022, la société MonCDI demande à la cour de :

– juger recevable et bien-fondée l’intervention volontaire de la société MonCDI venant aux droits de la société PSC ;

– confirmer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Créteil en ce qu’il a :

– jugé que le contrat de travail de Mme [K] était conforme aux dispositions légales ;

– jugé que les sociétés MonCDI venant aux droits de la société PSC et JTEKT HPI n’étaient pas co-employeurs de Mme [K] ;

– jugé que le prêt de main d”uvre illicite n’est pas constitué ;

– jugé que le licenciement de Mme [K] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– débouté Mme [K] du surplus de ses demandes ;

Sur appel incident, il est demandé à la Cour d’appel de Paris d’infirmer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Créteil en ce qu’il a :

– jugé que l’indemnité de licenciement versé à Mme [K] est inférieure à l’indemnité légale et a fixé l’indemnité légale due à Mme [K] à la somme de 3.583 €

– condamné la société MonCDI venant aux droits de la société PSC à verser à Mme [K] la somme de 169,92 € nets au titre du reliquat de l’indemnité de licenciement non-versé ;

– condamné la société MonCDI venant aux droits de la société PSC à verser à Mme [K] la somme de 1.200 € à titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– ordonné la remise des documents de fin de contrat rectificatifs sous astreinte de 10 € par jour de retard ;

– Mis les dépens à la charge de la société MonCDI venant aux droits de la société PSC.

En conséquence, il est demandé à la cour d’appel de Paris de :

– Juger que l’indemnité de licenciement a été calculée conformément aux dispositions

applicables ;

– Condamner Mme [K] à verser à la société MonCDI venant aux droits de la société PSC la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Selon ses dernières conclusions, remises au greffe, notifiées le 12 décembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société JTEKT HPI demande à la cour de :

A titre principal

– confirmer le jugement entrepris en tant qu’il a jugé les demandes de Mme [K] irrecevables en ce que dirigées contre la société JTEKT HPI et prononcé, en conséquence, la mise hors de cause de cette dernière ;

A titre subsidiaire

– débouter Mme [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause

– la condamner aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture été prononcée le 13 décembre 2022.

MOTIFS :

Sur la recevabilité des demandes à l’égard de la société utilisatrice JTEKT HPI :

En vertu de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Mme [K] formule des demandes à l’encontre de la société JTEKT HPI, entreprise utilisatrice, sur le fondement, d’une part, du prêt de main d’oeuvre illicite, d’autre part sur celui du co-emploi.

Elle a à ce titre, intérêt et qualité à agir de sorte que ses demandes formées à l’encontre de la société JTEKT HPI sont recevables.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a mis la société JTEKT HPI hors de cause considérant que Mme [K] n’avait pas qualité à agir à son encontre.

Sur la requalification du contrat de travail:

En vertu de l’article L. 1252-1 du code du travail, « Le recours au travail à temps partagé a pour objet la mise à disposition d’un salarié par une entreprise de travail à temps partagé au bénéfice d’un client utilisateur pour l’exécution d’une mission.

Chaque mission donne lieu à la conclusion :

1° D’un contrat de mise à disposition entre l’entreprise de travail à temps partagé et le client utilisateur dit ” entreprise utilisatrice ” ;

2° D’un contrat de travail, dit “contrat de travail à temps partagé “, entre le salarié et son employeur, l’entreprise de travail à temps partagé. »

L’article L. 1252-2 alinéa 1 de ce même code précise qu’est « un entrepreneur de travail à temps partagé toute personne physique ou morale dont l’activité exclusive, nonobstant les dispositions de l’article L. 8241-1, est de mettre à disposition d’entreprises utilisatrices du personnel qualifié qu’elles ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens ».

L’article L. 1252-10 dispose que le contrat de mise à disposition établi pour chaque salarié comporte :

1° Le contenu de la mission ;

2° La durée estimée de la mission ;

3° La qualification professionnelle du salarié ;

4° Les caractéristiques particulières du poste de travail ou des fonctions occupées ;

5° Le montant de la rémunération et ses différentes composantes.

Mme [K] fait valoir que les dispositions relatives au contrat de travail à temps partagé n’ont pas été respectées en ce que le contrat de mission ne mentionne ni le contenu de la mission ni la durée estimée de la mission.

Elle souligne que sa mission a duré 5,5 ans soit plus que la durée maximale prévue par l’accord d’entreprise applicable au sein de la société PSC.

Elle soutient que la société JTEKT HPI a eu recours de manière illicite au contrat de travail à temps partagé pour pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente.

Elle considère que son poste ne nécessitait pas de qualification spéciale et souligne que la société JTEKT HPI, qui emploie entre 500 et 599 salariés, a la taille et les moyens de procéder elle-même au recrutement d’une comptable.

Mme [K] fait valoir que les deux sociétés se sont concertées et qu’elles ont eu recours au contrat de travail à temps partagé pour pourvoir un poste de comptable que Mme [K] avait déjà occupé dans le cadre de missions d’intérim successives entre le 22 novembre 2010 et le 20 juin 2012.

Elle souligne que l’offre d’emploi mise en ligne par la société JTEKT HPI sur son site internet après son licenciement est identique en tous points au poste occupé par elle lequel, en ce qu’il consiste en la tenue et du suivi de la comptabilité, relève d’un besoin quotidien et continu de l’entreprise utilisatrice.

La société JTEKT HPI répond qu’elle était confrontée à une pénurie de main d’oeuvre en matière comptable et que Mme [K] disposait d’une expertise en matière comptable au regard de son expérience de 18 années qui selon elle répondait aux conditions de recours au contrat de travail à temps partagé. La société JTEKT HPI souligne que le poste occupé par Mme [K] n’a pas été pourvu après la fin de sa mise à disposition et en conclut que c’est à tort que cette dernière soutient que l’entreprise aurait pourvu durablement un emploi lié à son activité normale et permanente.

La société MonCDI fait valoir que peut être considéré comme emploi qualifié au sens de l’article L. 1252-2 du code du travail tout salarié disposant d’une formation, d’une expérience ou d’un savoir faire.

Elle souligne que si la société JTEKT HPI a défini les tâches de Mme [K] et l’organisation de son travail, assuré son encadrement, a fourni le matériel de travail et a fixé ses horaires, c’est dans le cadre des dispositions de l’article L. 1252-7 du code du travail.

Elle considère également que la loi n’interdit pas qu’une filiale d’une groupe international ait recours au contrat de travail à temps partagé.

La société MonCDI fait observer que le contenu de sa mission au sein de la société JTEKT HPI était indiqué dans les fiches de missions qui lui ont été remises qui décrivaient la mission de la façon suivante : « caractéristique du poste et des fonctions occupées : comptable : comptabiliser et régler les factures, traiter la TVA, justifier les comptes, comptabiliser les opérations de clôture».

Il résulte du contrat de travail que le poste de Mme [K] était précisément défini. Elle ne peut par ailleurs pas exciper d’une mention insuffisante dans le contrat de mise à disposition lequel est conclu entre la société de travail partagé et la société utilisatrice auquel la salariée n’est pas directement partie. Au surplus, cette convention n’est pas versée aux débats.

Si Mme [K] établit par la production de ses contrats de mission qu’elle avait effectué des missions d’intérim en qualité de comptable au sein de la société JTEKT HPI, entreprise utilisatrice, de novembre 2010 à juin 2012 soit immédiatement avant la conclusion du contrat de travail à temps partagé, outre qu’elle ne justifie pas avoir sollicité la requalification de ces contrats de mission, elle ne peut reprocher à la société JTEKT HPI d’avoir pourvu un emploi nécessaire à son activité normale et permanente pour solliciter la requalification du contrat de temps partagé en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun dans la mesure où un tel motif de requalification n’est pas prévu par la loi.

Les dispositions du code du travail définissent en revanche les conditions de recours au contrat de travail à temps partagé en précisant qu’il concerne la mise à disposition d’entreprises utilisatrices du personnel qualifié qu’elles ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens.

L’expérience de comptable de Mme [K] de plus de 18 ans lors de son embauche répond à la définition d’emploi qualifié.

En revanche, il n’est démontré ni par la société PSC ni par la société JTEKT HPI que la taille de cette dernière, filiale d’un groupe employant plus de 500 salariés, ne lui permettait

pas de recruter une comptable, ni que des difficultés de recrutement à ce type de poste soit récurrentes et affectent les sociétés de la taille de JTEKT HPI.

La condition de recours au contrat de travail à temps partagé consistant dans l’impossibilité pour l’entreprise utilisatrice de recruter elle-même à un emploi qualifié en raison de sa taille ou de ses moyens n’est donc pas satisfaite. Le contrat de travail à temps partagé litigieux conclu entre Mme [K] et la société PSC étant illicite pour non respect de son cadre légal doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun avec la société PSC.

Sur le co-emploi :

Mme [K] soutient avoir été soumise à un lien de subordination avec la société JTEKT HPI et demande à la voir juger comme étant son co-employeur.

La reconnaissance d’une relation salariée suppose la réalisation d’une prestation de travail en contre partie d’une rémunération et dans le cadre d’un lien de subordination.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Le contrat de travail conclu entre Mme [K] et la société PSC définissait la nature des tâches qu’elle était amenée à réaliser dans le cadre de son emploi de comptable. Mme [K] n’allègue pas s’être vue confier d’autres tâches par la société JTEKT HPI.

S’il n’est pas contesté que la société JTEKT HPI a organisé le travail de Mme [K] dans le cadre de sa mise à disposition laquelle a duré plus de cinq années et fixait ses horaires de travail, il n’est pas démontré que cette entreprise ait disposé d’un pouvoir de sanction à son égard lequel est indispensable à la caractérisation d’un lien de subordination.

Il n’est par ailleurs pas soutenu par Mme [K] qu’il existerait entre les deux sociétés une confusion d’intérêts, d’activités et de direction.

Aucune situation de co-emploi n’est donc caractérisée. La demande subsidiaire de condamnation solidaire de la société JTEKT Europe est en conséquence rejetée. Il sera ajouté au jugement de ce chef.

Sur le prêt de main d’oeuvre illicite :

Aux termes de l’article L. 8241-1 du code du travail, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite.

Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :

1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequin ; (..)

C’est vainement que les sociétés PSC et JTEKT Europe entendent se prévaloir de la dérogation légale au prêt illicite de main d’oeuvre prévue pour le contrat de travail à temps partagé dans la mesure où la présente décision a jugé que le contrat litigieux ne répondait pas aux conditions légales du contrat de travail à temps partagé et devait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun.

Pour autant la caractérisation d’un prêt illicite de main d’oeuvre suppose, outre une opération lucrative, la soumission du salarié à un lien de subordination à l’égard de l’entreprise utilisatrice pour exercer une tâche ou une activité qui ne soit pas distincte de celle de l’entreprise utilisatrice.

En l’espèce, la société JTEKT HPI a pour objet la conception et la production de composants hydrauliques, de sorte que la comptabilité n’est pas sa spécialité peu important que l’encadrement non contestée de Mme [K] dans son activité comptable laisse supposer que la société JTEKT Europe disposait d’un service comptable.

Au surplus, aucun lien de subordination n’a été caractérisée entre Mme [K] et la société JTEKT HPI.

Dès lors, bien qu’irrégulier, le contrat de travail de Mme [K] ne constitue pas un prêt de main d’oeuvre illicite. Sa demande indemnitaire est en conséquence rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur le licenciement :

L’article L1232-1 du code du travail exige que tout licenciement soit justifié par une cause réelle et sérieuse.

En procédant au licenciement de Mme [K] au motif de la fin de la mission et d’une impossibilité de poursuivre la relation contractuelle, l’employeur a visé un cas de rupture du contrat de travail conventionnellement défini par l’article 10-3 de l’accord d’entreprise de la société PSC stipule que :

« Les dispositions rappelées aux alinéas 10-1 et 10-2 ci-dessus définissent les droits et devoirs respectifs de PSC et de ses salariés en matière de succession de mission. D’une part, PSC doit s’efforcer de respecter son objectif en matière de nouvelles propositions, d’autre part, les salariés ont le droit de refuser les propositions qui leur sont présentées.

En l’absence de nouvelle mission dans les conditions ci-dessus, le contrat à durée indéterminée est rompu dans le cadre d’un licenciement pour fin de mission et impossibilité de poursuivre la relation contractuelle, la rupture dans ce cas ne relevant pas de la législation sur le licenciement pour motif économique par application de l’article L. 1252-9 du code du travail. Le licenciement s’accompagne alors du paiement du préavis fonction de la rémunération de base et du versement de l’indemnité de licenciement après un an d’ancienneté.

En outre, dans l’hypothèse où l’absence d’une nouvelle mission résulte du non-respect par PSC de l’objectif fixé à l’article 9 du présent accord, les salariés concernés bénéficient d’un mois supplémentaire de maintien de salaire, avant l’éventuel licenciement pour fin de mission si une nouvelle mission n’était pas trouvée durant ce mois supplémentaire, portant ainsi la période de maintien du contrat et de la rémunération à 4 mois. ».

Si Mme [K] ne remet pas en cause la conformité de cette disposition conventionnelle avec les prescriptions de l’article L1252-9 du code du travail selon lesquelles ‘la rupture du contrat de travail à temps partagé est réalisée selon les dispositions prévues au titre III relative aux règles de rupture du contrat de travail’, elle fait valoir que l’illicéité du contrat de travail à temps partagé exclut l’application des dispositions visées par la lettre de licenciement et en conclut que le motif invoqué ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le contrat de travail à temps partagé ayant été requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, la fin de mission et l’impossibilité de poursuivre la relation contractuelle ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif personnel. Le licenciement de Mme [K] est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En vertu de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés compris pour une ancienneté de cinq années entre 3 et 6 mois de salaire bruts.

Au regard de sa qualification, de son âge, de son salaire des six derniers mois de 2 313 euros et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi le préjudice subi par Mme [K] du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse sera réparé par l’allocation de la somme de 13 000 euros.

Sur la demande de reliquat d’indemnité de licenciement :

Selon l’article L1234-9 du code du travail , en vigueur depuis le 27 septembre 2017, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

L’article R1234-2 dans sa rédaction en vigueur depuis le 27 septembre 2017 dispose que l”indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.

La société MonCDI sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a fixé l’indemnité légale due à Mme [K] à la somme de 3 583 euros et mis à sa charge un reliquat de 169,92 euros.

C’est à tort que la société soutient que le salaire à prendre en compte est celui antérieur à la fin de la relation contractuelle en ce compris le préavis.

C’est à juste titre que le jugement a retenu le salaire antérieur à la date de licenciement et fixé l’indemnité légale à 3 583 euros et le reliquat dû à 169,92 euros. Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

Sur la remise des documents de fin de rupture :

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a ordonné la remise des documents de fin de contrats rectificatifs mais sera infirmé en ce qu’il a prononcé une astreinte.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il a condamné la société Pro Services Consulting aux dépens et au paiement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

La société MonCDI venant aux droits de la société Pro Services Consulting est condamnée aux dépens d’appel et au paiement de la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’instance d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a mis la société JTEKT Europe hors de cause, a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, a rejeté la demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et a prononcé une astreinte,

L’INFIRME de ces chefs,

statuant à nouveau,

DÉCLARE recevables les demandes formées par Mme [R] [K] à l’encontre de la société JTEKT Europe venant aux droits de JTEKT HPI,

REJETTE les demandes de condamnation solidaire formées à l’encontre de la société JTEKT Europe,

JUGE le licenciement de Mme [R] [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société MonCDI venant aux droits de la société Pro Services Consulting à payer à Mme [R] [K] la somme de 13 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

REJETTE la demande d’astreinte,

CONDAMNE la société MonCDI venant aux droits de la société Pro Services Consulting à payer à Mme [R] [K] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société MonCDI venant aux droits de la société Pro Services Consulting aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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