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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize avril deux mille cinq, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LEMOINE, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT, de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– X… Fabrice,
contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 10ème chambre, en date du 30 juin 2004, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l’a condamné à 4 ans d’emprisonnement, dont 2 ans avec sursis et mise à l’épreuve, a prononcé une mesure d’interdiction professionnelle et a statué sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-29, 222-44, 222-45, 222-47 et 222-48-1 du Code pénal, 2, 3, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
“en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Fabrice X… coupable d’atteintes sexuelles avec contrainte, violence, menace ou surprise sur la personne de Stevens Y… avec cette circonstance que les faits ont été commis sur un mineur de quinze ans, comme étant né le 17 octobre 1984 ;
“aux motifs propres que la Cour estime que c’est par des motifs pertinents qu’elle fait siens et par une juste appréciation des faits exactement rapportés que les premiers juges ont retenu Fabrice X… dans les liens de la prévention ; en conséquence, elle confirmera le jugement déféré en ses qualification et déclaration de culpabilité (arrêt, page 5) ;
“et aux motifs, adoptés des premiers juges, que ” le 6 mars 1998, Mme Z… s’est présentée à la brigade de protection des mineurs en compagnie de son fils mineur Stevens Y…, né le 17 octobre 1984, pour y dénoncer les abus sexuels subis par celui-ci de la part de Fabrice X…, producteur du groupe de style ” boys band ” dont son fils faisait partie et intitulé KSM ; Stevens Y… a expliqué qu’il avait été recruté par l’agence Success comme mannequin, que l’agence lui a fait savoir qu’un producteur Fabrice X… recherchait des jeunes garçons dans sa tranche d’âge pour fonder un groupe ; qu’il a été contacté par Fabrice X… qui l’a engagé après accord de ses parents ; qu’un autre jeune de l’agence, Jonathan, dit Myke A…, a également été engagé ; que le troisième garçon a été recruté au Trocadéro ; il s’agit de Kevin B… ; après l’enregistrement d’une chanson et une séance de photos, ont commencé les répétitions de chorégraphie en janvier 1998, ainsi que d’autres séances de photos pour la pochette du disque ; les répétitions se passaient les mercredis et samedis dans un studio du 18ème arrondissement ;
Stevens Y… déclare que Fabrice X… lui a proposé certains samedis de rester dormir à son domicile pour éviter des trajets ; qu’il était le seul auquel Fabrice X… proposait de rester dormir chez lui, les autres habitant plus près ; qu’ils ont toutefois dormi exceptionnellement chez Fabrice X… ; il dit qu’il y a dormi presque tous les samedis de janvier et aussi certains jours de février durant les vacances scolaires ; il déclare que dès la deuxième nuit qu’il a passée chez Fabrice X… et alors que l’épouse de celui-ci était présente au domicile, Fabrice X… est venu s’asseoir près de lui sur le canapé où il était installé, et a commencé à le masturber ; il dit qu’il l’a repoussé ; qu’il n’a pas souhaité ensuite lui en parler, voulant essayer d’oublier ce qui s’était passé et pensant que Fabrice X… ne recommencerait pas ; le jeune Y… a continué à se rendre chez Fabrice X… le samedi ; il dit que ce dernier cherchait à lui parler de ce qui s’était passé mais que lui ne le souhaitait pas ; un soir, alors que les trois garçons se sont retrouvés au domicile de Fabrice X…, les deux autres ont décidé de dormir ensemble de sorte qu’il a dormi dans le même lit que Fabrice X…, sa femme étant absente ; Stevens Y… explique que Fabrice X… a éteint la TV, a commencé à l’embrasser, à lui lécher les oreilles, puis à l’embrasser sur la bouche avec la langue ;
qu’il a mis sa main dans le caleçon qu’il portait puis l’a caressé ; “il s’est déshabillé puis il m’a déshabillé ; il m’embrassait partout et me touchait partout et en même temps ; il me forçait à le toucher sur le dos, les fesses et le sexe ; il a commencé à m’embrasser le sexe et l’a pris dans sa bouche ; il m’a fait comprendre qu’il voulait que je lui fasse la même chose mais je ne l’ai pas fait” ; il déclare que toute la nuit, Fabrice X… est resté collé à lui, et que lendemain soir, il a recommencé alors qu’il était sur le canapé, occupé à regarder la TV, que Fabrice X… l’a à nouveau caressé, embrassé partout notamment sur le sexe ; Stevens Y… dit qu’au cours de séances de cinéma où il est allé en compagnie de Fabrice X…, celui-ci lui a mis la main sur le sexe, le forçant à mettre la sienne sur son sexe ;
il relate que parfois, il arrivait à Fabrice X… de mettre sa main sur son sexe dans la voiture lorsqu’il était passager avant, même en présence des deux autres garçons à l’arrière ; que souvent, après des séances de photos, Fabrice X… se mêlait au chahut des trois garçons et en profitait pour mettre sa main sur son sexe ; il dit que les autres samedis de janvier où il s’est rendu chez Fabrice X…, celui-ci a recommencé les mêmes gestes que sur le canapé, sa femme étant présente au domicile mais occupant la chambre du couple ; qu’il a dormi chez Fabrice X… durant les vacances de février mais que là, il ne s’est rien passé, sa femme étant présente ; qu’il avait d’ailleurs commencé à le repousser lors de séances de cinéma, ce qui avait entraîné une réaction de Fabrice X… auprès de sa famille, ce dernier s’étant plaint que Stevens n’était pas aimable ; il déclare qu’ensuite, lors d’un voyage à Londres, qui s’est déroulé fin février, début mars 1998, Fabrice X… est venu dans sa chambre vers 11 heures 30 et a commencé à le toucher, à l’embrasser ; Stevens dit qu’il a alors accepté ce que Fabrice X… lui demandait, “prendre son sexe dans ma bouche” ; au total, Stevens déclare que les faits ont eu lieu à 6 reprises environ ; Stevens s’étant fait disputer par sa mère et sa grand-mère auxquelles Fabrice X… avait fait savoir qu’il ne se montrait pas suffisamment aimable, et que s’il persistait dans son attitude, il serait contraint de s’en séparer, il dit qu’il a alors craqué et raconté ce qu’il subissait de la part de Fabrice X… ; la grand-mère de Stevens, ne mettant pas en doute la parole de son petit-fils, a accepté de rencontrer Fabrice X… qui ne cessait alors de lui téléphoner, lui demandant des nouvelles de Stevens ;
elle s’est alors rendu à un rendez-vous fixé par Fabrice X… qui lui a remis un mot pour Stevens et des cadeaux dont une montre ;
les deux autres garçons du groupe, Jonathan A… et Kevin B… ont été entendus à leur tour ; ils ont déclaré que pour ce qui les concerne, ils n’avaient été ni témoins ni victimes d’aucun geste déplacé de la part de Fabrice X… ; Jonathan a cependant confirmé que les deux fois où il avait dormi chez Fabrice X…, Stevens avait dormi avec Fabrice X… ; Stevens a admis au cours de la procédure qu’initialement, il avait parlé d’un enregistrement par le groupe en studio d’une chanson, enregistrement qui avait duré tard et admis ensuite qu’il n’avait pas dit la vérité sur ce point pour ne pas nuire aux membres du groupe, expliquant que deux des membres du groupe ne chantaient pas ; il est resté constant pour le reste de ses déclarations ; Fabrice X… a contesté les faits qui lui sont reprochés ; il a commencé par nier avoir dormi avec le jeune Stevens pour finalement admettre que celui-ci disait la vérité sur ce point ; il a ensuite déclaré aux policiers que s’il avait dit à la grand-mère de Stevens, avec laquelle il avait de nombreuses communications téléphoniques, qu’il comptait se séparer de Stevens, il ne l’aurait pas fait car il avait investi trop d’argent et pris trop d’engagements dans cette affaire de groupe en sorte qu’il ne pouvait s’en séparer ; que du reste, Stevens était celui qui recevait le plus de courriers de la part d’admiratrices ; or, au fil de la procédure, et à l’audience, il a affirmé au contraire qu’il comptait se séparer de Stevens, que Stevens le savait et avait donc inventé cette histoire d’attouchements pour se venger de lui ; il explique alors son désir de s’en séparer par le fait que Stevens avait pris la grosse tête, et ne s’entendait plus avec les deux autres ; les deux autres garçons, Jonathan dit Myke, et Kevin ont abondé dans ce sens, disant que parfois, Stevens faisait la tête ; selon eux, les déclarations de Stevens ne s’expliquent que par une possible vengeance de la part de Stevens à l’encontre de Fabrice X… ; la mère de Jonathan A… évoque pour sa part le comportement perturbé de Stevens qui, ayant invité son fils à son domicile, aurait visionné avec lui une cassette pornographique qu’il disait avoir été achetée par sa mère ; entendue sur ce point, Mme Y… contestait avoir acheté une cassette à son fils qui indiquait que c’est son beau-père qui la lui aurait donnée ; or, ces allégations selon lesquelles Stevens se serait montré désagréable au point de compromettre sa prestation au sein du groupe sont contredites tant par les premières déclarations de Fabrice X…, qui présente Stevens comme celui ayant le plus de succès que par l’ensemble des personnes ayant côtoyé le groupe et travaillé avec les jeunes garçons et décrivent Stevens comme un garçon bien élevé, courageux, s’investissant beaucoup dans le projet ;
ainsi, la chorégraphe embauchée par Fabrice X… pour s’occuper du groupe, décrit les trois jeunes comme adorables, très motivés ; elle dit que Stevens avait des problèmes au point de vue du rythme mais qu’il était néanmoins motivé, s’accrochant le mieux possible ; elle décrit l’ambiance entre les trois garçons comme bonne ; tous les autres témoignages vont dans le même sens ; les déclarations de Fabrice
X… sont également en contradiction avec le fait que le jeune Stevens avait le désir, sans doute dicté par son milieu familial, de réussir dans le milieu du show-business, de faire un disque à tout prix ; il explique que s’il a d’ailleurs tardé à révéler les faits et qu’il a supporté l’attitude de Fabrice X…, c’est parce qu’il ne voulait pas compromettre cette entreprise ; les perturbations engendrées chez le jeune garçon par sa situation familiale ne sont pas de nature à attenter à la crédibilité de ses propos et peuvent expliquer au contraire que Fabrice X…, au courant de ces difficultés et ayant perçu la forte demande affective du jeune garçon, ait pu s’autoriser à commettre les actes qui lui sont reprochés ; les deux lettres trouvées au domicile de Fabrice X… et qui sont de véritables lettres d’amour émanant du jeune garçon attestent du transfert que celui-ci avait fait sur Fabrice X…, en l’absence de son véritable père qu’il ne voyait pratiquement plus ; les infractions d’agressions sexuelles commises tant sur Stevens Y… que sur Noël C… apparaissent constituées ; Stevens a été caressé sur le corps, le sexe, a du subir une fellation ; il a du accomplir lui-même une fellation à la demande de Fabrice X… ; Noël a été caressé sur le sexe par dessus les vêtements et embrassé sur la bouche ; les jeunes garçons, âgés pour l’un de moins de quinze ans au moment des faits et pour l’autre d’à peine quinze ans n’ont pu donner aucun consentement à des gestes subis dans une attitude de sidération et d’incrédulité mais également d’impuissance et de crainte ; la contrainte est caractérisée par la toute puissance dans laquelle se trouvait alors Fabrice X… à l’égard des jeunes garçons fragilisés par leur milieu familial, de Stevens Y… notamment ; il a agi à l’égard de Noël C… par surprise, celui-ci étant venu à son domicile y essayer des vêtements et rien dans le comportement antérieur de Fabrice X… ne pouvant donner à penser qu’il se livrerait à de tels actes ” (arrêt, pages 4 à 9) ;
“alors qu’au sens des articles 222-22 et 222-27 du Code pénale, la contrainte morale consiste à menacer quelqu’un de lui faire du mal ou d’en faire à ses proches, voire de causer du tort à ses biens, mais ne résulte pas d’un abus d’autorité qui ne constitue qu’une circonstance aggravante de l’infraction ; qu’en l’espèce, pour déclarer Fabrice X… coupable d’agressions sexuelles sur la personne de Stevens Y…, la cour d’appel, par motifs adoptés des premiers juges, s’est bornée à énoncer que la contrainte est caractérisée par la toute puissance dans laquelle se trouvait le prévenu à l’égard de jeunes garçons fragilisés par leur milieu familial ; qu’en l’état de ces seuls motifs qui ne sont nullement de nature à caractériser une contrainte morale, et ne pourraient constituer que la circonstance aggravante d’abus d’autorité, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision” ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que la peine prononcée étant justifiée par la déclaration de culpabilité du chef du délit d’agression sexuelle commise sur Stevens Y… et les dispositions civiles de l’arrêt n’étant pas remises en cause par le pourvoi, il n’y a pas lieu d’examiner le second moyen proposé ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que Fabrice X… devra payer à Stevens Y… au titre de l’article 618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Lemoine conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;