Contrat de maintenance : la responsabilité contractuelle du prestataire

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Contrat de maintenance : la responsabilité contractuelle du prestataire

Le prestataire de maintenance ne peut obtenir le paiement de ses factures s’il ne justifie pas avoir correctement exécuté ses missions.

En l’espèce, la société BMO, qui est intervenue à plusieurs reprises sur la plieuse, présentant des dysfonctionnements, n’a pas été en mesure de remettre en fonctionnement de marche ladite machine, sans émettre pour autant la moindre réserve sur la réussite de son opération.

Elle ne démontre pas plus, après avoir posé un diagnostic, avoir proposé un conseil adapté aux besoins de la société MTM, notamment en prévoyant un plan d’ensemble et d’interventions permettant de remettre en fonctionnement correct la machine.

Enfin, elle ne peut s’emparer du fait que la société MTM se soit qualifiée de consommateur pour estimer que cette dernière n’avait pas les compétences pour utiliser la machine ou à utiliser cette dernière de manière incorrecte. Cette affirmation ne repose sur aucune preuve objective.

En vertu des dispositions de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;

– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;

– obtenir une réduction du prix ;

– provoquer la résolution du contrat ;

– demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

Résumé de l’affaire : La société Metal Technologies Manufacturing (MTM) a commandé trois interventions d’entretien sur une presse plieuse auprès de la société BMO machines outils, entraînant trois factures impayées. BMO a demandé une injonction de payer, qui a été accordée en décembre 2020 pour un montant total de 16 958,40 euros. MTM a formé opposition à cette injonction. En novembre 2022, le tribunal de commerce a débouté BMO de ses demandes et a condamné BMO à verser 1 200 euros à MTM. BMO a interjeté appel en avril 2023, demandant l’infirmation de la décision et le paiement des factures impayées. MTM, dans ses conclusions, a demandé la confirmation de la décision du tribunal tout en se considérant comme un consommateur, arguant que BMO n’avait pas respecté ses obligations de conseil et de maintenance. MTM a également demandé des dommages-intérêts pour les frais engagés en raison des dysfonctionnements de la machine.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Douai
RG
23/01629
République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 26/09/2024

N° de MINUTE :

N° RG 23/01629 – N° Portalis DBVT-V-B7H-U2ZL

Jugement (N° 2021001847) rendu le 22 novembre 2022 par le tribunal de commerce de Valenciennes

APPELANTE

Société BMO Machines Outils agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 1]

représentée par Me Jonathan Daré, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué

INTIMÉE

SA Metal Technologies Manifacturing (MTM) prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège de la société

ayant son siège social, [Adresse 2]

représentée par Me Gérald Vairon, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 21 mai 2024 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Anne Soreau, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 avril 2024

FAITS ET PROCEDURE

La société Metal Technologies Manufacturing (la société MTM) a passé trois commandes auprès de la société BMO machines outils (la société BMO) au titre de trois interventions d’entretien sur une presse plieuse « Boutillon PSE 60.400 ».

Ces trois interventions ont donné lieu à trois factures distinctes :

– Facture n° FA01281 1 du 12/09/2019 d’un montant de 3.764,50 euros HT, soit 4.517, 40 euros TTC (Réf commande 191379 du 01/08/201 9) ;

– Facture n° FA012826 du 27/09/2019 d’un montant de 7 129,50 euros HT, soit 8 555,40 euros TTC (Réf commande 191572 du 09/09/2019) ;

– Facture n° FA012871 du 28/11/2019 d’un montant de 3 238,00 euros HT, soit 3.885,60 euros TTC (Ref commande 192051 du 4/11/2019).

Ces trois factures n’ayant pas été réglées, la société BMO a sollicité une injonction de payer.

Par ordonnance en date du 2 décembre 2020, il a été fait droit notamment à sa demande à hauteur en principal de la somme de 16 958,40 euros avec intérêts au taux légal.

Le 29 décembre 2020, l’ordonnance a été signifiée à la société MTM par un acte délivré à étude par un commissaire de justice, l’ordonnance d’injonction de payer exécutoire ayant été signifiée quant à elle le 11 février 2021. Le 19 février 2021, un commandement aux fins de saisie-vente pour un montant de 17 617,45 euros a été remis à la société MTM.

Le 3 mars 2021, la société MTM a formé opposition.

Par jugement du 22 novembre 2022, le tribunal de commerce de Valenciennes a :

– dit que la présente décision se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer ;

– statuant à nouveau,

– débouté la société BMO de l’ensemble de ses demandes ;

– débouté la société MTM de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné la société BMO à payer à la société MTM la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société BMO aux entiers frais et dépens, en ceux compris les frais d’injonction de payer et d’opposition.

Par déclaration du 4 avril 2023, la société BMO a interjeté appel des chefs la condamnant et la déboutant de ses demandes.

PRETENTIONS

Par conclusions signifiées le 3 juillet 2023, la société BMO demande à la cour, de :

– infirmer la décision rendue

Statuant à nouveau des chefs de jugement réformés,

– condamner la société MTM à lui payer la somme de 17 012,40 euros correspondant aux trois factures impayées avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 juillet 2020,

– condamner la société MTM à payer la somme de 120 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement des trois factures impayées,

– condamner la société MTM à lui payer la somme de 3 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société MTM en tous les frais et dépens de première instance et d’appel.

La société BMO expose que les trois bons de commandes distincts ont fait l’objet de trois rapports d’intervention au sein desquels le client n’a formulé aucune observation. Les travaux ont ainsi été validés par la société MTM, qui n’a émis aucune observation lors de la mise en demeure.

Elle souligne qu’aucune exception d’inexécution ne saurait être fondée.

Elle revient sur l’existence d’une relation commerciale établie et conteste que la société MTM puisse être qualifiée de consommateur. Elle ajoute qu’elle ne saurait être tenue d’une obligation de conseil, d’information et de mise en garde, et ce à plus forte raison, que la société MTM n’est pas une profane.

Elle conteste être à l’origine des dysfonctionnements rencontrés par la plieuse, et ne saurait se voir imputer les « frais engagés ». En se qualifiant elle-même de consommateur, la société MTM reconnaît qu’elle ne disposait pas des compétences nécessaires pour la plieuse.

Par conclusions signifiées le 4 mai 2023, la société MTM demande à la cour, de :

– confirmer la décision en ce qu’elle a débouté la société BMO de ses demandes, fins et conclusions et en ce qu’elle a condamné la société BMO au paiement d’une somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

– infirmer la décision pour le surplus  ;

– et statuant à nouveau,

– juger qu’elle doit être considérée comme un consommateur dans ses rapports avec la société

demanderesse ;

– juger que même si elle n’était pas considérée comme ayant la qualité de consommateur il y aurait lieu de juger que la société BMO s’est rendue coupable à son égard d’un manquement à son devoir de conseil et a engagé sa responsabilité contractuelle ;

– juger que la société BMO n’a pas exécuté correctement sa mission et ses prestations et n’a pas respecté son obligation de délivrance ;

– juger que la société BMO a engagé sa responsabilité contractuelle en commettant des fautes dans l’exécution des missions qui lui ont été confiées ;

– juger à tout le moins qu’elle peut exciper de l’exception d’inexécution contractuelle ;

– prononcer la résolution judiciaire du contrat de maintenance existant entre les parties même si aucun contrat n’a été signé, le contrat étant démontré par la fréquence des interventions ;

– condamner reconventionnellement la société BMO à lui payer la somme de 138 511 euros ;

– pour le cas où la cour s’estimerait insuffisamment éclairée, lui donner acte qu’elle n’a aucune cause d’opposition à l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire ;

– condamner la société BMO à lui payer à la concluante une somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700, au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

La société MTM expose que la machine ne fonctionnait pas, ce qu’a constaté l’huissier, et ce qui ressort indirectement des rapports d’intervention des techniciens. Elle précise avoir commandé les travaux supplémentaires pour remédier aux dysfonctionnements qui n’étaient pas résolus.

Elle souligne que la société BMO est une professionnelle de la réparation et de la maintenance de ce type de machines, et qu’elle-même, en sa qualité de consommateur, était en droit d’attendre que la société BMO sache réparer la machine et assurer la maintenance. La société BMO, professionnelle, n’a pas diagnostiqué les causes du dysfonctionnement que ce soit à la première intervention ou à l’occasion des suivantes, cette société étant créancière d’une obligation d’information, de conseil et de mise en garde.

Elle estime que la faute contractuelle, tant en lien avec le défaut de conseil qu’avec son impossibilité à résoudre les dysfonctionnements, justifie que la société BMO soit condamnée à prendre en charge les factures des sous-traitants auxquels elle a eu besoin de recourir faute de machine en bon état de fonctionnement.

MOTIVATION

Aux termes des dispositions de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

A titre liminaire, il sera observé que la société MTM sollicite la résolution d’un contrat de maintenance, sans justifier qu’un tel contrat l’unisse à la société BMO, ce qu’avaient justement pointé d’ores et déjà les premiers juges dans le cadre du jugement entrepris.

En effet, s’il est sollicité le paiement par la société BMO de trois factures d’interventions, que la société MTM refuse d’honorer à raison de manquements dans l’exécution des prestations, aucun élément du dossier ne vient corroborer l’existence d’une prestation générale à la charge de la société BMO prévoyant suivant un prix convenu, souvent de manière forfaitaire, des interventions de réparation et d’entretien régulières, caractéristiques d’une convention de maintenance.

La décision est donc confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de la société MTM de résolution du contrat de prestation de maintenance.

En vertu des dispositions de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;

– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;

– obtenir une réduction du prix ;

– provoquer la résolution du contrat ;

– demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

En l’espèce, quand bien même il n’existerait pas de contrat de prestation de maintenance, il n’en demeure pas moins que la société BMO est intervenue à plusieurs reprises dans les locaux de la société MTM, et plus particulièrement sur la plieuse, sollicitant le paiement des prestations effectuées, ce que refuse la société MTM.

Il doit être observé que la société BMO est une société spécialisée dans la maintenance de machines-outils, et n’a jamais émis la moindre réserve, d’une part, sur ses capacités à remédier aux difficultés dénoncées par la société MTM, d’autre part, sur les caractéristiques du matériel, objet de l’intervention, susceptibles de nuire au succès de son intervention, notamment l’ancienneté du matériel ou son entretien non conforme par exemple.

La société MTM ne dispose d’aucune compétence en maintenance industrielle, ayant pour activité le développement, la fabrication et la commercialisation de tous produits liés à la tôlerie industrielle, la chaudronnerie et la mécanosoudure. Néanmoins, le débat sur la qualité de consommateur qu’elle introduit, est inopérant pour résoudre le présent litige, puisqu’il appartient au créancier de l’obligation de démontrer qu’il a rempli son obligation et ce correctement et de manière adaptée aux besoins du débiteur, ces parties fussent entre deux professionnels.

Or, comme l’ont justement noté les premiers juges, la plieuse, en dépit des interventions successives de la société BMO, ne fonctionnait pas correctement, ce qu’établit le rapport d’intervention de la société ACHP et le constat d’huissier versés aux débats.

La société BMO, qui est intervenue à plusieurs reprises sur la plieuse, présentant des dysfonctionnements, n’a pas été en mesure de remettre en fonctionnement de marche ladite machine, sans émettre pour autant la moindre réserve sur la réussite de son opération.

Elle ne démontre pas plus, après avoir posé un diagnostic, avoir proposé un conseil adapté aux besoins de la société MTM, notamment en prévoyant un plan d’ensemble et d’interventions permettant de remettre en fonctionnement correct la machine.

Enfin, elle ne peut s’emparer du fait que la société MTM se soit qualifiée de consommateur pour estimer que cette dernière n’avait pas les compétences pour utiliser la machine ou à utiliser cette dernière de manière incorrecte. Cette affirmation ne repose sur aucune preuve objective.

Par contre, chaque intervention a fait l’objet de nouvelles prescriptions, aboutissant à de nouvelles commandes, dont les facturations, quant à leur montant, diffèrent parfois des devis initialement réalisés.

Ainsi, pour obtenir le paiement de ses trois factures demeurées impayées, la société BMO, sur qui pèse la charge de la preuve, ne démontre pas avoir rempli ses obligations correctement. Contrairement à ce qu’affirme la société BMO, la société MTM lui oppose expressément une exception d’inexécution.

En conséquence, la décision du tribunal de commerce de Valenciennes, qui a rejeté la demande en paiement des trois factures présentées par la société BMO, est donc justifiée. La décision est également confirmée en ce qu’elle a débouté la société BMO de sa demande au titre des frais de recouvrement.

Reconventionnellement, la société MTM, qui estime que la société BMO a engagé sa responsabilité contractuelle pour ne pas avoir rempli correctement sa mission en assurant la maintenance et la réparation de la machine, sollicite une indemnisation à hauteur de 138 511 euros constituées par les frais engagés sur la machine.

Cependant, la production d’une série de factures, sans autre explication, ne permet aucunement de justifier que ces frais aient bien été engagés sur la machine litigieuse ou à raison des dysfonctionnements de cette machine.

Il n’est en outre donné aucune explication sur le rendement de cette machine, l’activité normale de l’entreprise et les répercussions engendrées par l’indisponibilité de ce matériel. Il n’est pas plus établi que la sous-traitance que la société MTM invoque ait été une conséquence directe de la panne de la plieuse.

Le lien entre ces frais et le manquement imputable à la société MTM n’est pas plus prouvé.

Enfin, les mesures d’instruction n’ayant pas à suppléer la carence des parties dans la charge de la preuve qui leur incombe, ou encore dans la démonstration des faits nécessaires au soutien de leur allégation, il n’y a pas lieu d’ordonner une mesure d’instruction sur ce point.

A juste titre les premiers juges ont donc rejeté la demande reconventionnelle de la société MTM. La décision est donc confirmée.

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société BMO succombant principalement en ses demandes, il convient de la condamner aux dépens.

Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont confirmés.

La société BMO, partie perdante, est condamnée à payer à la société MTM une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa propre demande.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes du 22 novembre 2022 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à ordonner une expertise à la demande de la société MTM ;

CONDAMNE la société BMO aux dépens d’appel ;

CONDAMNE la société BMO à payer à la société MTM la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

LA DEBOUTE de sa demande d’indemnité procédurale.

Le greffier

Marlène Tocco

La présidente

Stéphanie Barbot


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